RDC: le calvaire des éternels déplacés de la guerre

Rfi – le 21 octobre 2012

 

Dans l’est de la RDC, le camp de Kanyarucinya accueille des déplacés qui, avant de fuir le Mouvement du 23-Mars (M23), avaient déjà échappé en 2008 à une autre rébellion. Aujourd’hui comme hier, ils connaissent le quotidien des déplacés : pénuries, anxiété, inconfort.

L’histoire se répète à Kanyarucinya. En 2008, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) menaçait de prendre Goma, la capitale de la province instable du Nord-Kivu, dans l’est de la RDC. Face à son avancée, des déplacés avaient alors improvisé un camp à Kanyarucinya, à une dizaine de kilomètres de Goma. « On a vu les rebelles venir, nous avons eu peur et nous sommes venus ici », se souvient Christophe, 17 ans, chemise saumon et jeans turquoise.

Aujourd’hui, le lycéen est revenu dans le camp avec près de 60 000 personnes, en majorité des femmes et des enfants. Tous ont fui depuis juillet les combats opposant l’armée et le M23, créé en mai par des ex-CNDP intégrés en 2009 dans les forces loyalistes. La rébellion opère dans une partie du Rutshuru, territoire frontalier du Rwanda et de l’Ouganda, accusés par l’ONU de soutenir les mutins – ce que démentent Kigali et Kampala.

Avant d’échapper à la progression du M23 et du CNDP, Mburano, 55 ans, avait fui le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). « En 2008, j’étais déjà à Kanyarucinya. Je vis ici avec ma femme et mes sept enfants. L’un d’eux, je l’ai adopté quand le CNDP est arrivé dans mon village. Il était seul et, dans ces cas-là, tous les enfants sont nos enfants », raconte avec une apparente sérénité le cultivateur de légumes.

En tongs sous la pluie

Mburano vit sous l’une des 11 100 tentes montées sur des arceaux de bois, prévues pour cinq personnes mais où les ménages sont souvent plus nombreux. En cette saison des pluies, diluviennes, les bâches du Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) ne sont pas assez étanches. « Quand on dort, on est mouillés », explique en riant Mungu, 25 ans, mimant l’eau qui tombe dans les oreilles.

Les pluies détrempent la terre noirâtre du camp, d’où l’on voit se dresser le volcan Nyiragongo. Mais si Mburano porte des bottes en plastique, bien d’autres, comme Christophe, sont simplement en tongs. Malgré tout, on s’attèle à survivre. Des femmes vendent des légumes, des hommes travaillent dans des champs voisins. C’est le cas de Mungu, qui a perdu son emploi de chauffeur de moto-taxi.

Pour chaque journée de travail, il gagne « 800 francs » congolais – à peine un dollar. Un salaire journalier qui semble la norme. Mais pas le choix. Faute de moyens, le Programme alimentaire mondial (PAM) peine à distribuer plus de rations (farine, haricots, huile, sel), de biscuits énergétiques et de bons d’achat. Mi-septembre, les bons, d’un montant de 65 dollars par famille, avaient connu un certain succès.

« Le M23 peut venir jusqu’ici »

« Le PAM a organisé une foire et avec les coupons, on allait sur les étalages et on pouvait prendre ce qu’on voulait : du riz, des légumes… On préfère choisir ce qu’on va manger », commente Jeanine, 26 ans, qui fait vivre ses quatre enfants et son mari en vendant, difficilement, des tomates et des petits poissons. Annuarite, 25 ans, se réjouit également de ce système, bien qu’elle n’aurait pas boudé quelques dollars en plus.

En outre, regrette cette mère de trois enfants, « si on a reçu la nourriture, il n’y a pas de bois de braise pour préparer, pas de brasero… Et la nourriture doit durer un mois mais ce qu’on nous donne reste insuffisant ». D’autres déplorent que les bons d’achat aient provoqué une inflation. Ils citent pour exemple que le sac de 25 kg de riz, qui vaut 22 dollars sur le marché local, en coûtait 30 à la foire. Une anomalie sur laquelle le PAM compte enquêter.

Alors que les combats entre armée et M23 ont fait plus de 300 000 déplacés et réfugiés, l’ONU et des ONG se demandent s’il faut délocaliser le camp de Kanyarucinya ou le rendre « viable ». Actuellement, si des bornes-fontaines ont été installées, l’accès à l’eau est très difficile. Aussi, les déplacés sont à 17 km de la ligne de front. « Nous avons peur ! Nous pensons que le M23 peut arriver ici, ils ont assez de force », estime Christophe.

« Recommencer à zéro »

Le M23 est accusé par l’ONU et plusieurs ONG de viols, exécutions sommaires et recrutements forcés de civils, dont des mineurs. Les rebelles ont réfuté les allégations et annoncé que si le regain d’insécurité se poursuivait à Goma, ils iraient « sauver » la population. Un scenario impossible, selon la Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (Monusco).

« La Monusco est suspecte ! La Monusco, ce sont des vauriens ! », rétorque Elias, 22 ans. « La Monusco, renchérit Christophe, se déplace sans problème dans la région du M23 mais les FARDC ne peuvent pas arriver là-bas sans qu’il y ait des affrontements… » Mburano, lui, garde espoir. « S’il y a la paix, je rentre chez moi. En même temps, chez nous, les maisons et les champs sont détruits. Il va falloir recommencer la vie à zéro. »

Après le sommet de la Francophonie

Congo Actualité n. 163 – Editorial par la Réseau « Paix pour le Congo »

Le sommet de la Francophonie.

Le sommet de la Francophonie qui s’est tenu à Kinshasa, en République Démocratique du Congo (RDCongo), les 13 et 14 octobre 2012, n’a fait rien d’autre que rappeler certaines valeurs qui construisent un peuple, une nation et un Etat: le respect de la démocratie, des droits de l’homme , de la liberté d’expression, de la justice, du dialogue, de la participation, du pluralisme, … Ce sont ces valeurs qui doivent imprégner la vie du peuple et orienter les décisions politiques du gouvernement. Il appartient maintenant au peuple congolais de prendre en main son propre destin. C’est le moment où les dirigeants du pays doivent démontrer qu’ils sont à l’hauteur de leur mission. Souvent, le gouvernement a pris des décisions ou a procédé à des accords internationaux sans consulter d’abord le Parlement et cela l’a rendu faible et objet de soupçons et de critiques. D’autres fois, le Parlement a été réduit à une caisse de résonance du même gouvernement. Souvent, la majorité rejette trop facilement les propositions avancées par l’opposition. Dans certains cas, on a convoqué des sessions parlementaires à huis clos, prétextant des secrets d’Etat ou des secrets d’ordre militaire, au détriment de l’information due aux citoyens, ce qui a conduit à des rumeurs sur des accords plus ou moins secrets.

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Congo Actualité n. 163

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: Après le sommet de la Francophonie

1. LE XIV° SOMMET DE LA FRANCOPHONIE À KINSHASA

a. Avant le sommet

b. Pendant le sommet

c. Les conclusions du sommet

d. Premières évaluations

e. L’UDPS et le sommet

2. UN PROJET DE LOI SUR LA REFORME DE LA COMMISSION ELECTORALE

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Kisangani : 24 détenus blessés dans une bagarre à la prison centrale

Radio Okapi – le 14 octobre 2012

 

Vingt quatre détenus de la prison centrale de Kisangani ont été blessés par des projectiles dont une dizaine grièvement dans une bagarre qui a opposé, dimanche 14 octobre, un détenu civil et un prisonnier militaire dans cet établissement de détention de la Province Orientale.

 

Selon les responsables de la prison centrale de Kisangani, tout a commencé dimanche en fin d’après-midi lorsqu’un détenu civil réputé dans le milieu de l’escroquerie a confié un faux diamant à une femme en échange de 400 dollars américains. Après expertise, il s’est avéré qu’il s’agissait d’un caillou sans valeur. La femme est revenue à la prison pour récupérer son argent. Mais le détenu n’a pas voulu le lui rendre, encouragé par d’autres prisonniers.

Un détenu militaire, qui fut colonel au sein des Force armées de la RDC (FARDC), a voulu persuader le prisonnier accusé d’escroquerie de rendre l’argent à sa victime. Mais le responsable des détenus ainsi que d’autres prisonniers ont pris sa défense. Les détenus en sont venus aux mains. Des jets de pierres s’en sont suivis.

La situation est revenue à la normale après l’intervention de la police qui a tiré en l’air des coups de feu dissuasifs. Le bilan de cette bagarre fait état de 18 blessés parmi les détenus militaires et 6 parmi les détenus civils.

Selon le médecin traitant des prisonniers, une dizaine de détenus blessés présentent des cas de traumatisme crânien. Ceux-ci nécessitent un transfert dans un hôpital de référence car l’infirmerie de la prison ne réunit pas les conditions pour des soins appropriés, a-t-il ajouté.

Lambert Mende : « Le sommet de la Francophonie a été un vrai succès »

Radio Okapi – le 14 octobre 2012

 

Le sommet de la Francophonie a été un vrai succès, estime le ministre congolais de la Communication, Lambert Mende, à l’issue de cette rencontre de l’espace francophone. Dans une interview à Radio Okapi, il pense qu’il était nécessaire que le président français François Hollande vienne à Kinshasa pour se faire une idée sur les questions des droits de l’homme et de la démocratie.

 

Radio Okapi : le XIVe sommet de la Francophonie, succès ou autre chose ?

C’est un vari succès à notre avis, un succès de participation, des objectifs même de ce sommet au plan de la dynamique interne à l’OIF et au plan des attentes du peuple congolais vis-à-vis de ce grand regroupement de  l’espace francophone. Succès également en ce qu’on n’a pas enregistré des couacs. Il n’y a pas eu de problèmes de circulation pour les participants et même pas d’insécurité. Kinshasa a pu prouver sa capacité à organiser des réunions d’une telle envergure.

Le communiqué final demande de condamner des personnes qui soutiennent les groupes armés. Comment réagissez-vous ?

C’est notre première attente de ce sommet de Kinshasa. Nous saluons l’expression de solidarité de l’espace francophone avec le peuple congolais victime d’une agression dans l’Est du pays, une agression extérieure. Que cela soit dit en des termes clairs, en présence des Rwandais qui ont émis des réserves, cela nous va tout droit au cœur. Ces réserves n’ont même pas été prises en compte par la grande majorité de participants. Nous pensons que nous avons élargi le cercle des gens qui travailleront avec nous dans des organisations où des décisions se prennent à la CIRGL, l’Union africaine ou au conseil de sécurité des Nations unies. C’est important que cela ait été dit dans l’ensemble de discours qui ont été donnés à l’ouverture. Nous avons constaté une convergence vers la priorisation de cette préoccupation à l’égard de la situation sécuritaire à l’Est.

Avez-vous eu l’impression que la RDC a été un peu harcelée par rapport à la démocratie et les droits de l’homme ?

Non. J’ai plutôt constaté une évolution parce qu’il y avait ce type de situation avec le président de la France qui avait fait un discours qui nous avait tous étonné 4 jours avant de venir à Kinshasa. Nous avons eu le temps de redresser la situation. Et à Kinshasa, son discours au palais du peuple a démontré un recadrage total par rapport notamment à l’agencement des priorités. Il amis la guerre de l’est en tête de préoccupation et il a plus ou moins refusé d’élaborer longuement sur les questions de démocratie et des droits de l’homme parce qu’il a compris qu’il avait à faire à un pays où ces problèmes étaient abordés de la meilleure façon. Je crois que nous avions eu raison d’inviter le président français à venir d’abord au pays, prendre la température, écouter, se faire un idée, avant de se prononcer de manière aussi définitive qu’il avait faite sur la situation de chez nous.

Pas moins de 15 chefs d’Etats ont pris part au sommet de la Francophonie. Pensez-vous qu’il aura permis de réhabiliter l’image de l’absence des chefs d’Etat lors de la prestation de serment de serment de Kabila ?

Je ne considère pas comme un vide de quelque nature que ce soit l’absence des chefs d’Etat à la prestation de serment de Kabila. Il n’y aucune obligation constitutionnelle pour la légitimation de notre président élu à la présence des chefs d’Etats étrangers. Certains l’ont cru. Quand vous regardez en France ou aux Etats-Unis, on n’a pas l’habitude d’inviter des chefs d’Etats étrangers. Je pense que nous devons nous en inspirer pour éviter d’être des jouets de certains de nos partenaires pour que l’inauguration des chefs d’Etats se passe  entre les institutions congolaises. Je crois que c’est une leçon que nous devons retenir pour l’avenir. Ici, il s’agit d’un sommet où le chef de l’Etat congolais a invité se pairs. Ils ont répondu à l’appel et nous ne pouvons que nous en féliciter.

Quel est selon vous l’attente ou les attentes que ce sommet a permis de combler ?

L’attente de la solidarité qui s’est exprimée envers le au peuple congolais par rapport à l’agression dont il est victime de la part du Rwanda qui a été comblé. Il y a aussi la reconnaissance de normalisation des instituions d’un pays qui a vécu pendant des années dans une situation de crise récurrente. Tous les opérateurs sociaux et économiques ont eu l’occasion de recevoir plus de 6 000 visiteurs qui ont dépensé leur argent.

Un commentaire sur le choix du Sénégal qui va abriter le prochain sommet ?

Il est normal que le XVe sommet de la Francophonie revienne en Afrique qui est le contient contenant le plus de francophones parlant français. Je pense qu’on devait aussi au Sénégal de reconnaitre l’action de Léopold Sédar Senghor, son premier président, dans la création de l’Organisation internationale de la Francophonie, de même que son deuxième président Abdou Diouf qui est le secrétaire général de cette organisation. C’est un choix tout à fait mérité.

RDC : le chef milicien Cobra Matata veut être amnistié avant d’intégrer l’armée

Radio Okapi – le 14 octobre 2012

 

Le chef de la milice de la Force de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI), Cobra Matata, a exigé la semaine dernière à l’Etat-major général des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) de lui accorder l’amnistie avant son intégration et celle de ses troupes au sein de l’armée. Des experts militaires venus de Kinshasa qualifient cette condition de « non fondée ».

 

Le chef milicien Matata Banaloki alias Cobra a aussi demandé aux six officiers délégués de l’Etat-major général des FARDC de lui brandir une décision écrite d’amnistie dûment signée par l’autorité compétente en sa faveur. Il voudrait s’assurer qu’il ne fera pas l’objet de poursuites judiciaires dans le pays après son intégration dans l’armée avec ses hommes.

Les officiers militaires congolais lui ont dit de ne pas perdre espoir mais jugent à ce stade sa demande non fondée. Selon eux, l’amnistie doit se conformer à la procédure légale avant sa signature par l’autorité compétente qui est le chef de l’Etat.

De son côté, Cobra Matata qui persiste sur sa demande, indique aussi qu’il n’est pas pressé. La durée du processus peut prendre le temps qu’il prendra.

Environ huit cents combattants de son groupe, armes aux bretelles, regroupés dans trois sites et nourris depuis un mois par la hiérarchie des FARDC, continuent d’attendre leur intégration.

Des sources militaires ayant requis l’anonymat indiquent que tous les moyens logistiques et financiers pour supporter le voyage de ces miliciens à Kisangani pour le brassage sont déjà réunis.

Indice de la faim dans le monde 2012 – Fiche d’information: l’Afrique

Ifpri – 

 

De tous les pays faisant partie du classement de l’Indice de la faim dans le monde (GHI) 2012, le Burundi enregistre le placement le plus élevé ; c’est le pays le plus touché par la faim.

Au Burundi, la proportion des personnes souffrant de malnutrition est en augmentation. La prévalence d’insuffisance pondérale chez les enfants a chuté depuis 2000, mais elle reste néanmoins une des plus élevées de l’Afrique subsaharienne.

L’augmentation de la faim au Burundi, aux Comores et en Côte d’Ivoire depuis 1990 peut être attribuée à des conflits prolongés et à l’instabilité politique.

Le score du GHI 2012 régional pour l’Afrique subsaharienne est 16 % plus faible que celui de 1990.

Etant donné l’insuffisance de données disponibles pour le calcul du score GHI pour la République démocratique du Congo, la situation de ce pays n’a pas été listée comme étant « extrêmement alarmante ». Cependant, il est peu probable que la situation se soit radicalement améliorée.

L’insuffisance pondérale affecte 23 % des enfants d’Afrique subsaharienne.

Depuis 2001, les taux de mortalité infantile ont chuté en Afrique subsaharienne. Plusieurs facteurs ont contribué à cette chute : la diminution de la prévalence du paludisme ; les taux de vaccination plus élevés ; un meilleur accès à une eau propre et à l’assainissement, et le relèvement du niveau des revenus. Ces différents facteurs ont permis une amélioration de la nutrition et de l’accès aux soins médicaux.

Un pays d’Afrique subsaharienne, le Ghana, figure parmi les 10 pays ayant les mieux réussis à améliorer leur score GHI depuis 1990.

Le Burkina Faso, le Mali, la République démocratique du Congo, la Sierra Leone, la Somalie et le Tchad ont enregistré des taux de mortalité infantile pour les enfants de moins de cinq ans les plus élevés au monde

A Kinshasa, François Hollande rend hommage à Floribert Chebeya

20minutes – le 14 octobre 2012

DIPLOMATIE – Lors de son déplacement en République Démocratique du Congo, le chef de l’Etat a profité de l’inauguration d’une médiathèque pour évoquer longuement la question des droits de l’Homme…

De notre envoyé spécial à Kinshasa

Coincé au milieu d’une journée surchargée, entre un déjeuner au sommet et une séance plénière, l’inauguration de la médiathèque de l’Institut français ne devait durer que quelques minutes. Mais François Hollande est resté près d’une heure, au milieu des élèves, des Français venus le rencontrer mais surtout aux côtés de la famille de Floribert Chebeya, militants des Droits de l’homme tué dans des circonstances plus qu’obscures en 2010. «La bataille des droits de l’Homme  demeure. Nous sommes ici dans une démocratie où le processus n’a pas été encore été complet, c’est le moins que l’on puisse dire. Il y a encore des réalités inacceptables», a –t-il déclaré quelques minutes après avoir inauguré une plaque en l’honneur de Chebeya.

En RDC, pays où Joseph Kabila s’est fait réélire dans des conditions critiquables, cette visite n’a  rien d’anecdotique. Entre deux poignées de main et l’écoute attentive d’un poème écrit par une jeune fille, Hollande a peu à peu transformé ce moment en hommage aux Droits de l’homme. Comme un pied de nez au régime dans ce coin de France. «Les autorités congolaises savent très bien que je suis ici», a glissé le chef de l’Etat, suivi à son arrivée par des motos de la police congolaise. «Le nouveau procès a, me semble-t-il, été repoussé. Il doit avoir lieu», a-t-il lâché devant les avocats de Floribert  Chebeya. Le corps du leader de l’ONG «La voix des sans voix» avait été retrouvé le 2 juillet 2010 dans sa voiture à la sortie de Kinshasa. Quelques heures avant sa mort, Chebeya avait rendez-vous avec le général John Numbi, le redouté inspecteur général de la police, à l’époque. Le chauffeur et protecteur de Chebeya, Fidèle Bazan, est toujours porté disparu.

Les lampistes condamnés à mort

Après deux procès devant la justice militaire qui ont abouti à la condamnation à mort de quatre personnes dont le Colonel Mukalay de la Police nationale congolaise (PNC), les avocats de Chebeya accusent la justice de condamner des lampistes de l’affaire. Le général John Numbi, mis en cause par le documentaire de Thierry Michel «L’affaire Chebeya, un crime d’Etat?», a lui été seulement entendu en tant que témoin. «Nous espérons que vous allez intervenir auprès de la justice congolaise pour que nous accédions à la vérité. Nous comptons sur vous», a lancé à Hollande la sœur de Chebeya, avant d’évoquer des menaces dont elle serait victime. «Je demande aux services consulaires de s’assurer de votre protection», a déclaré François Hollande.

Prévu avant le sommet de la francophonie, le procès en appel a été repoussé à la fin octobre. Les pressions sur les défenseurs de la famille de Chebeya sont nombreuses. «Lors du premier procès en juillet 2012, un homme est venu me voir et m’a dit: «Si tu reviens au Congo, le comité d’accueil ne sera pas le même», explique à 20 minutes François Cantier, avocat et président d’honneur d’avocats sans frontières. Lors de cette visite, Hollande a rendu hommage aux avocats mais aussi à la presse. «Les pouvoirs quels qu’ils soient ont toujours peur de la presse», a-t-il expliqué devant quelques journalistes congolais présents. «La question de ma venue ici [en RDC] était controversée. Fallait-il venir? Oui et je le devais aussi pour les Congolais», a conclu le président de la République.

 De notre envoyé spécial en RDC, Matthieu Goar

Les 5 résolutions de la Déclaration de Kinshasa

Vitrine de la Francophonie – 

 

Les chefs d’Etat et de gouvernement de la Francophonie ont adopté, à l’issue de leur sommet tenu du 12 au 14 octobre dans la capitale congolaise, cinq résolutions et la Déclaration de Kinshasa.

Dans « la résolution sur la situation en RDC », les participants condamnent, notamment, les violations massives des droits de l’Homme et du droit humanitaire dans l’Est de la RDC et tiennent les dirigeants des FDLR, du M23 et de tous les groupes armés pour responsables de ces violations.

Ils exigent de ces mouvements de déposer les armes et de mettre fin immédiatement à ces exactions et à toute forme de violence. Les quatre autres résolutions adoptées par le sommet portent sur « les situations de crise, de sortie de crise et consolidation de la paix dans l’espace francophone », « la situation au Mali », « la bonne gouvernance dans les industries extractive et pétrolière » et « la résolution pour appeler la communauté internationale au renforcement de la lutte contre la piraterie maritime dans le golfe de Guinée ».

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François Hollande en Afrique : chapeau, l’équilibriste !

Jolpress – le 13 octobre 2012

 

Le séjour africain du président de la République française s’est basé surl’équilibrisme, atout maître d’un certain François Mitterrand, contrebalançant les acquis démocratiques et les abus aristocratiques, bonne et mauvaise gouvernances, poignées de main chaleureuse à Dakar et froide à Kinshasa. François Hollande a-t-il su négocier la rupture avec ses prédécesseurs, s’agissant de laFrançafrique, d’autant plus qu’il a déjà été critiqué pour avoir reçu à l’Élysée les partisans du statu quo[1] et prévu d’être reçu par un Joseph Kabila dont la réélection est en proie à l’illégitimité ?

L’autre discours de Dakar

 

François Hollande et Macky Sall, président de la République du Sénégal – Photo présidence de la République française.

 

« Je vais en Afrique pour porter un message, celui de la France, aux Africains. Un message de confiance en leur avenir, de solidarité en faveur de leur développement, un message de d’amitié car nous avons besoin d’une Afrique dynamique », a déclaréFrançois Hollande lors d’une conférence avec Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, au palais de l’Élysée. Le président français a précisé sa vision de futures relations entre la France et l’Afrique : « Je ne viens pas faire un discours pour effacer un précédent, je viens […] pour écrire avec l’Afrique une nouvelle page »[2]. Ainsi, le ton était-il donné. Contrairement au discours de Dakar ayant été prononcé cinq années plutôt à l’université Cheikh Anta Diop par son prédécesseur Nicolas SarkozyFrançois Hollande a orienté le débat sur le plan politique. La nouvelle page des relations franco-africaines serait axée sur la transparence, le respect mutuel et les valeurs humanistes.

La solidarité française tiendra compte de la bonne gouvernance. Dans cette optique, la France consacrera 10 % des taxes financières perçues en Europe au développement de l’environnement et à la lutte contre les pandémies qui sévissent en Afrique. Les futures relations se feront dans l’égalité et la franchise, les relations économiques deviendront davantage équitables et les clauses secrètes dans les accords militaires seront supprimées. Enfin, dans le cadre de la Francophonie, l’octroi des visas sera simplifié pour les étudiants et les artistes. Le temps de la Françafrique est donc révolu, d’autant plus qu’« aucun enjeu planétaire ne pourra se faire sans l’Afrique ». Fini donc « le temps des émissaires, des intermédiaires [emmenés dans les] bagages ou des passe-droits », a rappelé le président français au Parlement sénégalais. Mais l’avenir commun nécessite que l’on puisse « tout [se] dire sans ingérence, mais avec exigence ». À cet effet, Kinshasa servirait de plate-forme idéale.

Le sommet de la Francophonie

Pays francophone le plus important au monde après la France, laRépublique Démocratique du Congo a été, du 13 au 14 octobre 2012, le quatorzième hôte du Sommet de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

 

François Hollande et Joseph Kabila, président de la République Démocratique du Congo.

 

« Je dirai à Kinshasa ce que je dis partout et ici, en France. Je n’ai pas plusieurs langages. Je n’ai pas plusieurs manières de parler, selon mes interlocuteurs. »[3] Ainsi François Hollande a-t-il non seulement prévenu les autorités congolaises, mais surtout assumé ses déclarations faites à Paris en présence de Ban Ki-moon, selon lesquelles « la situation est tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie, et de la reconnaissance de l’opposition en République Démocratique du Congo ». Et, comme par hasard, un député de l’opposition ayant soi-disant disparu, Eugène Diomi Ndongala, a réapparu en piteux état vingt-quatre heures avant l’arrivée du président français à Kinshasa.

« J’aurais l’occasion de m’en entretenir avec le président Kabila. Les temps ont changé, la France est maintenant désireuse à la fois de respecter tous ses interlocuteurs, mais aussi de leur dire la vérité […]. J’ai souhaité aussi avoir un entretien avec l’opposition, le principal parti, j’allais dire le principal opposant historique [Étienne Tshisekedi, ndlr]. Je le verrai, j’en verrai d’autres, lesorganisations non gouvernementales, non pas pour m’ingérer, je ne suis pas là pour être l’arbitre, le juge, ce n’est pas ce que l’on demande à la France et ce n’est pas ce que la France veut faire. »[4]

Au-delà du fait de dire sa reconnaissance « aux Africains qui parlent le français »François Hollande a vivement dénoncé l’agression de la République Démocratique du Congo par quelques-uns de ses voisins, notamment ceux de l’Est. Il a affirmé, de facto,l’intangibilité des frontières héritées de la décolonisation. L’opposition congolaise – qui pourtant était réticente, dans sa grande majorité, à la participation du président de la République française au Sommet de Kinshasa – a apprécié la préoccupation de la France à propos des questions liées aux droits de l’Homme, à la démocratie et à la situation sécuritaire dans la partie orientale.

 

Gaspard-Hubert Lonsi Koko, Robert Kongo et Dario Maleme, lors d’une séance de travail avec la cellule diplomatique de l’Élysée.

 

En marge du sommet de la Francophonie, répondant aux questions des journalistes en présence du président Joseph KabilaFrançois Hollande a souligné que « parler le français, c’est aussi parler les droits de l’Homme ». Au palais du Peuple[5], devant ses paires francophones, et après avoir témoigné du soutien de la France au peuple congolais, le président de la République française a mis l’accent sur ladémocratie, les droits de l’Homme, le pluralisme, le respect de la liberté d’expression et l’affirmation que tout être humain doit pouvoir choisir ses dirigeants. Ainsi la démocratie est-elle « un droit et, pour ceux qui sont à la tête des États, un devoir ». C’est parce que le peuple congolais aspire « à la paix, à la sécurité, à la démocratie », que François Hollande a de nouveau condamné « lesagressions extérieures » déstabilisant le Nord-Kivu et affirmé que les frontières de ce pays étaient « intangibles ». Il a aussi plaidé en faveur de l’élargissement du mandat de la Monusco[6] afin que la force onusienne puisse contribuer à la pacification de la région du Kivu, aux côtés des FARDC[7], écartant de factol’hypothèse de la mise en place d’une force neutre voulue par les pays des Grands Lacs. Ainsi la France socialiste s’est-elle démarquée des positions de Nicolas Sarkozy relatives au partage des richesses congolaises avec le Rwanda.

L’entretien du président français avec son homologue congolais a porté, entre autres, sur la situation des libertés et la précarité des défenseurs des droits de l’Homme, victimes de harcèlement policier, judiciaire. Quant aux cinq personnalités issues de quatre groupes parlementaires de l’opposition siégeant à l’Assemblée nationale congolaise, elles ont demandé à François Hollande « un renforcement de la démocratie et des libertés en République Démocratique du Congo ».

En tout cas, l’équilibrisme mitterrandien a été habilement mis à profit par le septième président de la Ve République française pour concilier à la fois la sauvegarde des intérêts français ainsi que la défense des droits fondamentaux, des libertés essentielles et de la démocratie. Il a également été le porte-parole des Congolais de l’étranger, dont les préoccupations ont été judicieusement relayées par les Congolais de France.

L’innovation au profit de l’immobilisme[8]

« Néanmoins, chaque fois que je reçois un chef d’État africain, d’une autre origine, ou d’un autre continent, chaque fois je leur parle de la situation dans leurs pays, non pas pour m’immiscer, non pas pour m’ingérer, mais parce que je leur dois cette franchise. »[9] Les différentes prestations montrent, par le biais de son président, la détermination[10] de la France à envisager autrement les futurs rapports avec ses partenaires d’Afrique. De plus, le souhait des peuples africains, c’est que l’innovation supplante l’immobilisme dans les rapports entre la France et l’Afrique.

Mais les temps changeront-ils réellement ? La France sera-t-elle désormais « désireuse à la fois de respecter tous ses interlocuteurs, mais aussi de leur dire la vérité des droits fondamentaux, des libertés essentielles et de la démocratie » ? Les relations franco-africaines prendront-elles véritablement un autre tournant ? Décomposera-t-on le vocableFrançafrique en France et Afrique ? Les différents protagonistes respecteront-ils les nouvelles règles ? Laissons le temps au temps, aurait cyniquement répondu à juste titre François Mitterrand. Mais pour l’instant, s’agissant du voyage officiel de François Hollande en Afrique subsaharienne, on ne pourra pas s’empêcher de dire « chapeau, l’équilibriste » !

Notes

[1] Pour plus d’informations, lire également Françafrique : François Hollande et les partisans du statu quo.

[2] Propos tenus lors d’une interview accordée le 11 octobre 2012, depuis l’Élysée, à RFI, TV5 Monde et France 24.

[3] Ibidem.

[4] Ibidem.

[5] Le Parlement congolais.

[6] Mission des Nations Unies pour la République Démocratique du Congo.

[7] Force armées de la République Démocratique du Congo.

[8] À lire aussi Sommet de la Francophonie : qu’attendre de François Hollande ?

[9] Cf. interview accordée à RFI, TV5 Monde et France 24.

[10] Aussi bien à Dakar qu’à Kinshasa, au-delà de la sempiternelle bataille inavouée, à fleuret moucheté, entre Molière et Shakespeare à travers la Francophonie et le Commonwealth, indépendamment de la défense de sa position et de ses intérêts – menacée par la présence économique et parfois culturelle de la Chine, du Brésil ou de l’Inde.