Une solution ?
Un commando des Etat Unis a enlevé la vie à Bin Laden et, ce qui est encore grave, on ne l’a pas enterré avec dignité. C’est un règlement de comptes, qui ne met pas fin au terrorisme, car la violence engendre la violence : plutôt, cela va provoquer d’autres problèmes, une haine qu’on ne saura gérer. Mort le maitre, les élèves restent. Ils peuvent même chercher à améliorer son système et provoquer d’autres faits terrifiants.
Il y avait des alternatives : la négociation ou l’arrestation. Si depuis longtemps on connaissait son emplacement et qu’au moment de l’attaque il était désarmé, pourquoi ne pas l’arrêter pour le soumettre à un tribunal international ? Face à ce meurtre, le monde est divisé, même les pays arabes : certains se sont réjouis, d’autres se sont endurcis.
Objectif d’Al Qaida
Par ses attentats, Al Qaida voulait briser l’orgueil des grandes puissances, surtout des Etats Unis à cause de leur ingérence dans les pays arabes. Il fallait un homme comme Osama Bin Laden pour secouer les Etats Unis dans leur arrogance.
Sa férocité s’est rencontrée avec l’attitude va-t-en-guerre des Etats-Unis. Il est vrai qu’ils avaient le droit de protéger leur population, mais les guerres qu’ils ont menées sont-elles de défense ? Ne sommes-nous pas dans la logique de Lamek, qui se vantait de sa vengeance sans limites (cf. Gn 4,23s)?
Nous nous demandons : quand les Américains se sont vus attaqués, se sont-ils posé la question d’en savoir la cause? Ont-ils demandé à Bin Laden les raisons de son comportement ? Les effets ce ne sont que des feuilles, les causes sont les racines. Les Américains d’habitude ne dialoguent pas avec l’ennemi : ils sont plutôt dans l’optique de la loi du talion.
Objectif des Etats Unis
Nous pensons que ce qui a poussé les Etats-Unis aux initiatives de guerre d’après 2001 c’est leur intérêt. Lorsque Saddam Hussein fut pendu, est-ce que ce fut vraiment une décision de la justice irakienne ? Les Etats Unis comptent maintenant sur l’effet de découragement que le meurtre de Bin Laden aura sur ses partisans. Ils ont aussi essayé de soulever la population dans le monde arabe. Nous constatons que les guerres que la coalition internationale, eux en tête, sont en train de mener se passent dans des zones riches en ressources naturelles. Notre province aussi ne cesse d’être troublée à cause de cela. Nous les accusons : eux aussi doivent être jugés.
En Afrique, de même
Le meurtre de Bin Laden a été précédé en Afrique par quelque chose de similaire: le fils cadet de Kadhafi avec ses enfants ont été assassinés par l’OTAN. Cette coalition internationale est en train d’armer les rebelles dans un pays souverain et nous pensons que son intervention est une violation du droit des peuples. La Lybie a le droit de gérer elle-même ses problèmes. Dans toutes ces opérations, ce sont des musulmans qui sont victimes.
Notre problème à nous, les Africains, c’est de nous limiter au niveau de la parole. Tout de suite après la mort de Laurent-Désiré Kabila, une main dans l’ombre a cherché Joseph Kabila à Lubumbashi et l’a placé au pouvoir. Si nos présidents faisaient quelque chose contre cette main, on viendrait susciter une rébellion. Ce sont des pouvoirs-marionnette. La corruption dans nos pays aggrave la situation.
C’est une vie humaine
Celle de Bin Laden est aussi une vie humaine, qui méritait d’être sauvegardée, même s’il a commis des actes ignobles. Tant que le monde dansera pour la mort d’un homme, si mauvais qu’il ait été, le monde ne sera pas meilleur.
Bukavu, le 3 mai 2011.
Des jeunes de la ville de Bukavu. Propos recueillis par Teresina Caffi.