Rwanda Actualité – Edition Juin 2012

SOMMAIRE

INTRODUCTION

1. PRISON A VIE REQUISE POUR VICTOIRE INGABIRE

2. LE CALVAIRE DE JOURNALISTES ET OPPOSANTS CONTINUE

3. ATTENTAT DU 6/4/1994: LES LOBBIES PRO-KAGAME FONT TOUT POUR LE

DISCULPER

4. PÉTITION POUR LA LIBÉRATION DE VICTOIRE INGABIRE

INTRODUCTION

Malgré une longue série d’arrestations, de procès et de condamnations, le peuple rwandais continue à lutter pour la liberté, la vérité, la justice et la démocratie, quatre valeurs fondamentales qui rendent la réconciliation et la paix possibles. Victoire Ingabire Umuhoza en prison depuis octobre 2010 au Rwanda, n’a pas été oubliée par ses amis et partisans. De plus en plus, elle est assimilée à une autre femme courageuse, Aung San Suu Kyi, mondialement connue pour sa lutte pacifique contre une impitoyable dictature. Victoire Ingabire Umuhoza fait montre de la même détermination pour rétablir l’état de droit et la démocratie dans son Pays. Comme Aung San Suu Kyi à Rangoon, elle aussi est convaincue qu’un jour le peuple rwandais pourra mettre un terme à l’arbitraire et à la dictature.

1. PRISON A VIE REQUISE POUR VICTOIRE INGABIRE

Le 16 avril, Victoire Ingabire Umuhoza a annoncé à la Haute Cour de Kigali qu’elle «boycotterait toutes les prochaines audiences à venir», car elle avait «irrévocablement perdu confiance dans la possibilité d’un bon déroulement de son procès». Cette décision a été prise en raison «du manque d’équité persistant depuis le début de son procès», notamment les intimidations (interrogatoires, perquisitions et menaces) continues que subissent régulièrement les témoins ou avocats de la défense. Elle a demandé à ses avocats d’entériner sa décision et de rester loin de «ce cirque malheureux».

Le procureur, a estimé que «les supposées intimidations de témoins de la défense» n’étaient pas une raison suffisante de se retirer, et qu’elle serait contrainte de se présenter à la Cour quand bien même elle persisterait à vouloir boycotter les audiences, annonçant qu’au besoin, un nouvel avocat pourrait être désigné pour la représenter en son absence.

La goutte d’eau qui a fait déborder un vase déjà rempli est le refus par la Cour, le lundi 16 avril 2012, d’entendre Michel Habimana, ancien porte-parole des FDLR que la défense avait appelé comme témoin au sujet des intimidations dont font l’objet les témoins de la défense. La Cour a refusé de l’entendre sur ce sujet et lui a ordonné de quitter la salle d’audience.

Le 11 avril, ce témoin avait déjà été appelé à la barre et avait déjà comparu devant la Cour. Il avait complètement remis en cause la crédibilité du principal témoin de l’accusation le «Major»Vital Uwumuremyi. Selon le témoignage de Michel Habimana, qui a côtoyé Vital Uwumuremyi en détention, ce dernier travaille pour les renseignements rwandais et avait même tenté en 2009 de le recruter, afin qu’ensemble ils montent un dossier de fausses accusations conte Victoire Ingabire pour le compte du régime rwandais.

Dans sa déclaration devant la Cour, Victoire Ingabire a affirmé ce qui suit :

«Les crimes dont je suis reprochée sont très lourds, ce sont des crimes qui comprennent le crime d’incitation au génocide, de renversement du pouvoir par le terrorisme et la guerre. Et si en plus les témoins sont intimidés alors que les autorités m’accusent de crimes aussi lourds, quel magistrat osera prononcer un jugement qui va à l’encontre des charges portées contre moi par le pouvoir? Est-ce que le verdict sera accepté par le même pouvoir? Surtout si ces magistrats subissent la même intimidation que celle exercée contre les témoins.

Dans un entretien avec le Procureur le 8 avril 2011, il m’a expressément dit que la raison de mon incarcération, c’est parce que j’avais l’intention de mettre en place un pouvoir hutu, ce dont les Tutsi avaient peur. Et que cela était inacceptable. C’est aussi parce qu’ils avaient l’impression que j’allais soulever la population contre le pouvoir.

Je voudrais répéter que je ne suis pas revenue dans mon pays pour aliéner qui que ce soit de ses droits, je ne suis pas revenue dans mon pays pour y créer des troubles, je ne suis pas revenue dans mon pays avec un objectif d’y faire du terrorisme ou la guerre. Nous n’avons jamais prôné dans notre programme l’utilisation des armes pour changer le pouvoir actuel. Tout cela ne faisait pas partie de notre programme. Je suis revenue dans mon pays parce que je l’aime et j’avais l’intention de travailler avec d’autres Rwandais pour soutenir un développement basé sur la démocratie. C’est la voie que nous nous sommes fixés avec mon parti le FDU. Je sais que c’est un long processus qui demande du courage et de l’abnégation, je demande aux militants du FDU de suivre ce chemin.

J’ai pris la décision de ne pas continuer ce procès et je demande à mes avocats de ne plus me représenter, parce que je constate que je n’obtiendrai pas justice. Je ne me présenterai plus devant la Cour, je demande à mes avocats de ne plus continuer les plaidoiries, car j’ai constaté que le pouvoir a peur que je ne soulève la population contre lui, que même si je trouvais des preuves à décharge cela ne servirait à rien, si le pouvoir n’est pas convaincu que moi Ingabire, je ne veux pas soulever la population contre lui. Tout ce que je ferais ne servirait à rien».

Depuis le début du procès, de nombreuses irrégularités ont été soulevées par la défense. Mais en vain. On peut relever entre autres que le Procureur a eu recours aux lois non rétroactives pour réprimer des faits ayant eu lieu avant leur promulgation, qu’il a procédé une modification intempestive de l’acte d’accusation en cours de procédure sans parler du non-respect des délais de remise à la défense de documents judiciaires. Le procureur a en outre procédé à la fabrication de pièces à conviction, telles que des e-mails échangés entre l’accusée et des témoins.

Tout au long du procès, la collusion entre l’accusation, les témoins et les juges a été une constante.

La défense n’a pas eu droit de contre-interroger les témoins de l’accusation, sans oublier que l’Exécutif n’a cessé de s’ingérer dans le procès et s’est systématiquement livré à la violation de la présomption d’innocence, etc.

Devant le silence de la cour face à ces faits non isolés, Victoire Ingabire Umuhoza n’a eu d’autre choix que de constater l’impossibilité de continuer à cautionner cette parodie de justice.

Elle attendra courageusement le verdict dans sa cellule et continuera à clamer son innocence.

Le 25 avril, le parquet rwandais a requis une peine d’emprisonnement à vie pour Victoire Ingabire.

Le verdict devrait être rendu le 29 juin. Présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU), formation d’opposition non reconnue par le régime de Kigali, Victoire Ingabire était rentrée au Rwanda en janvier 2010, après 17 ans d’exil aux Pays-Bas. Complicité de terrorisme et propagation de l’idéologie du génocide, sectarisme et divisionnisme, atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat, création d’un groupe armé avec l’intention de provoquer la guerre: telles sont les charges requises contre Mme Ingabire incarcérée depuis octobre 2010.

Victoire Ingabire, qui depuis le début réfute ces accusations portées contre elle et qui avait annoncé le 16 avril à la Haute Cour de Kigali qu’elle avait «irrévocablement perdu confiance dans la possibilité d’un bon déroulement de son procès» et que par conséquent, «elle boycotterait toutes les prochaines audiences à venir», était volontairement absente à la lecture du réquisitoire, décidée à montrer son entière désapprobation quant au déroulement de son procès.

Le Secrétaire général des FDU, Boniface Twagirimana a déclaré ne pas être surpris par ce réquisitoire car «l’objectif du gouvernement du Rwanda est de mettre un terme aux efforts de Victoire Ingabire en faveur de la démocratie». Il estime que l’issue du procès en première instance fait peu de doute car, selon lui, «il n’y a aucune différence entre l’accusation et les juges au Rwanda» et a estimé que le réquisitoire du parquet n’était ni plus ni moins qu’un ordre de l’exécutif».

L’avocat de Mme Ingabire, Iain Edwards, a pour sa part déclaré qu’il suivrait «avec intérêt» le verdict, en ajoutant qu’il se préparait déjà à «démarrer une inévitable procédure d’appel». Iain Edwards n’était pas présent au tribunal lors de la lecture du réquisitoire.

2. LE CALVAIRE DE JOURNALISTES ET OPPOSANTS CONTINUE

Le 5 avril, deux journalistes rwandaises, Agnès Uwimana Nkusi et Saidath Mukakibibi, qui comparaissent depuis le 30 janvier 2012 devant la Cour suprême de Kigali pour leur procès en appel, viennent d’être recondamnées en appel à 4 ans et 3 ans de prison ferme pour «atteinte à la sureté de l’Etat» et «diffamation à l’encontre du Président Paul Kagame». Elles avaient été condamnées en février 2011 à, respectivement, dix-sept et sept ans de prison, essentiellement pour «négation du génocide, divisionnisme, diffamation du président Kagame, menace à la sécurité de l’Etat et incitation à la désobéissance civile». Les procureurs avaient requis une peine de 33 ans pour Nkusi et de 12 ans pour Mukakibibi. Leur condamnation avait créé des vives protestations des organisations de défense des droits de l’Homme et de la presse. Les deux femmes injustement malmenées sont devenues le symbole de l’escalade de la répression qui s’abat sur les journalistes indépendants au Rwanda.

Il faut néanmoins souligner, qu’aussi lourde que peut apparaitre cette condamnation, elle n’est rien par rapport à la barbarie qu’ont subid’autres journalistes rwandais notamment Jean Leonard Rugambage, le rédacteur en chef d’Umuvugizi, qui a été abattu par balles le 24 juin 2010, vers 23h00, devant son domicile, alors qu’il enquêtait sur la tentative d’assassinat du Général Kayumba Nyamwasa, qui avait eu lieu quelques jours plus tôt en Afrique du Sud et pour lequel, le régime était soupçonné d’être le commanditaire. Charles Ingabire, aussi, fut sauvagement abattu par balles dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 2011 dans une banlieue de Kampala où il avait trouvé refuge suites à de nombreuses menaces.

Le 27 avril, la Cour suprême du Rwanda a confirmé la peine de 4 ans d’emprisonnement prononcée à l’encontre de Bernard Ntaganda, un des principaux leaders de l’opposition rwandaise.

Bernard Ntaganda, Président Fondateur du PS-Imberakuri, seul véritable parti d’opposition actuellement reconnu par le régime du FPR actuellement au pouvoir au Rwanda, purge une peine de 4 ans de prison pour «atteinte à la sureté de l’Etat» et «divisionnisme».

Daniel Bekele, le directeur de la Division Afrique de Human Rights Watch a déclaré que «L’arrestation de Bernard Ntaganda et les poursuites engagées contre lui ont eu, dès le départ, un caractère politique» et a estimé que «L’emprisonnement d’un homme politique de l’opposition uniquement pour avoir critiqué les politiques de l’État n’a pas de place dans une société démocratique».

Bernard Ntaganda a été arrêté le 24 juin 2010, après une manifestation organisée par l’ancienne plateforme de l’opposition rwandaise composée par son parti, le Democratic Green Party et les FDU Inkingi et qui fût réprimée dans la violence. Cette manifestation qui avait eu lieu à quelques semaines de l’élection présidentielle visait à dénoncer les nombreux obstacles que le régime dressait sur la route des partis d’opposition qui souhaitaient présenter un candidat aux élections présidentielles.

Dans un communiqué daté du 27 avril, l’association de défense des Droits de l’Homme Human Rights Watch rappelle, qu’à côté des journalistes ou des membres des partis d’opposition dont les arrestations ou condamnations sont plus ou moins médiatisées, «des personnes moins en vue ont également été réprimées pour avoir critiqué les politiques de l’État». L’association cite l’exemple de l’Abbé Émile Nsengiyumva, un prêtre de Rwamagana, dans l’est du Rwanda «qui purge une peine de 18 mois de prison après avoir été reconnu coupable d’atteinte à la sûreté de l’État et d’incitation à la désobéissance civile». Ce prêtre avait été arrêté en décembre 2010 après s’être élevé contre certaines politiques gouvernementales, notamment le projet «Bye Bye Nyakatsi», un projet prévoyant de détruire des maisons à toit de chaume au profit de logements plus durables. Dans son homélie, qui lui a valu la prison, l’Homme d’Eglise avait dénoncé la destruction des « Nyakatsi», avant qu’une solution d’hébergement ne soit proposée. Il s’était également prononcé contre le projet de vasectomie, une campagne de planning familial lancée par le gouvernement et visant à stériliser «700.000 hommes dans les trois ans» dans l’objectif de ralentir la croissance de la population.

Le 9 mai, le Pacte de Défense du Peuple (PDP -Imanzi), un parti de l’opposition rwandaise en exil, a accusé les autorités pénitentiaires rwandaises de maintenir dans l’isolement et d’interdire les visites à Déogratias Mushayidi, président du parti, condamné à la perpétuité pour atteinte à la sûreté de l’Etat. «Sans qu’il ait commis une quelconque faute disciplinaire, M. Mushayidi a été mis à l’isolement dès son arrivée, le 26 avril, à la prison de Mpanga, où il est privé de contacts avec d’autres détenus, d’activités et de visites», accuse le PDP, affirmant que sa vie est « en danger ».

Paul Rwarakabije, ancien chef des FDLR, désormais chef des services des prisons rwandaises, a contesté cette information et a affirmé sur les ondes de Radio Rwanda que Déo Mushyayidi continuait à recevoir des visites les jours prévus.

Déogratias Mushayidi, Président du parti PDP-IMANZI, est incarcéré depuis mars 2010, date à la quelle, il a été kidnappé au Burundi et rapatrié au Rwanda.

Il avait été condamné par la Haute cour de justice rwandaise le 17 septembre 2010 à la prison à perpétuité, après l’avoir reconnu coupable notamment de «recrutement d’une rébellion contre le régime du président Paul Kagame», des accusations qu’il a toujours catégoriquement réfutées, affirmant que les poursuites engagées contre lui, étaient politiquement motivées. Ce rwandais d’ethnie Tutsi qui a perdu beaucoup de membres de sa famille pendant le génocide était un ancien cadre du Front Patriotique Rwandais du Président Kagame. Il avait travaillé dans le secrétariat général de ce mouvement avant de devenir journaliste. De 1996 à l’an 2000, il a été président de l’association rwandaise des journalistes. Il est devenu peu à peu critique contre le régime. Menacé, il part en exil en Belgique où il a n’a cessé de dénoncer les dérives autoritaires du FPR conduit par Paul Kagame. Il fut arrêté en Tanzanie, déporté au Burundi, puis kidnappé à Bujumbura par les services de renseignements rwandais en mars 2010 qui l’ont ramené au Rwanda.

3. ATTENTAT DU 6/4/1994 : LES LOBBIES PRO-KAGAME FONT TOUT POUR LE DISCULPER

 

Le 31 mai, le quotidien français «Libération» affirme qu’un document de l’ONU, rédigé le matin du 6 avril 1994, indique que des missiles d’origine russe et surtout quinze missiles Mistral de fabrication française, alors interdits à la vente, figuraient au sein de l’arsenal de l’armée rwandaise, à la veille du génocide. La liste révélant la présence de ces missiles sol-air de fabrication française a été remise aux juges Marc Trévidic et Nathalie Poux, chargés de l’instruction sur l’attentat contre le président Juvénal Habyarimana, le soir de ce même 6 avril 1994.

Selon Libération, ce document pourrait relancer le débat sur les auteurs de l’attentat du 6 avril 1994. Car si l’attentat contre l’avion présidentiel est le déclencheur du génocide, comme désormais reconnu par tous, l’identité des commanditaires pèse forcément sur la lecture des événements.

C’est presque par hasard, dans le cadre d’une recherche historique, que Linda Melvern, journaliste britannique, tombe sur la fameuse liste évoquant la présence de missiles Mistral, dans les archives de l’ONU. Le document avait été adjoint au milieu d’un autre rapport. Pourquoi est-ce si important? Parce que, depuis 1994, les anciens officiers rwandais inculpés par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda n’ont cessé d’affirmer qu’aucun des leurs ne pouvait être mêlé à cet attentat, car ils ne possédaient pas de missiles. Les autorités françaises, qui les ont longtemps soutenus, formés et équipés, ont suivi le même raisonnement: sans arme, pas de crime possible. Mais alors, que viennent faire ces Mistral dans les stocks de l’armée rwandaise?

Selon Bernard Lugan, il s’agit là d’une nouvelle manipulation orchestrée par les soutiens européens du régime de Kigali. En effet :

1) Ce document est connu de tous les spécialistes depuis des années. Il a même été longuement étudié, analysé et critiqué avant d’être finalement écarté par le TPIR en raison de son inconsistance.

2) L’information qui est à la base de ce document émane de l’association humanitaire Human Rights Watch qui, à l’époque, était une des caisses de résonance des thèses du FPR.

3) C’est à partir de cette information de HRW que le capitaine Sean Moorhouse, officier G2 (renseignement) de la Minuar, rédigea cette note qui ne fait que reprendre l’une des multiples rumeurs qui circulaient à l’époque à Kigali. L’information concernant ces missiles était d’ailleurs considérée par lui comme improbable.

4) Depuis, ce même officier a longuement expliqué le sens de sa note, notamment aux «enquêteurs» rwandais qui rédigèrent le «rapport Mutsinzi».

5) En 2011, dans une correspondance adressée à l’expert belge Filip Reyntjens, le capitaine Sean Moorhouse expliqua la genèse de ce document, mettant en évidence son caractère totalement artificiel.

6) Toutes les armes des FAR, en dehors de l’équipement individuel, avaient été placées sous séquestre par les forces de l’ONU et elles étaient entreposées dans un hangar situé à Kanombe sous la responsabilité du colonel belge Luc Marchal, adjoint du général canadien Roméo Dallaire. Nous avons la liste détaillée de ces armements. Il n’y figurait pas de missiles. Le lendemain de l’attentat, le FPR ayant repris unilatéralement les hostilités, les FAR reprirent par la force leurs armes afin de pouvoir résister au FPR.

L’affaire est donc claire, il s’agit d’un nouvel enfumage. En mettant la pression sur Paris, le régime Kagamé se livre donc à un nouveau chantage, en vue de l’abandon de l’instruction du juge Trévidic contre la fin de la campagne anti-française.

Suite au document « révélé » par Maria Malagardis du journal Libération selon lequel les Forces armées rwandaises défaites en 1994 disposaient entre autres des missiles MISTRAL de fabrication française, le Colonel belge Luc Marchal, qui était commandant des Casques Bleus de la MINUAR, dans le secteur Kigali, est formel: les FAR ne disposaient pas de missiles de type MISTRAL. Ci-après sa réaction :

«Je voudrais préciser trois choses :

1. Le Capt Sean MOORHOUSE qui a rédigé le rapport en question ne faisait pas partie de la MINUAR au moment de l’attentat, ce n’est que bien plus tard qu’il est arrivé sur place.

En effet, il faisait partie de la MINUAR 2, mise sur pied le 8 juin 1994, deux mois après le début du génocide.

2. Le document a été rédigé après le génocide sur base d’informations «non vérifiées» provenant de Human Rights Watch et qui se sont révélées non fondées.

3. Il est évident que si les FAR disposaient de SAM type MISTRAL je n’aurais pas pu ne pas le savoir; en outre posséder simplement des missiles sol-air est une ineptie car cela implique toute une chaîne logistique et une infrastructure d’entraînement adaptées, ce qui n’était pas le cas; il faut savoir que l’aptitude au tir exige un entraînement très, très régulier sur simulateur à défaut de pouvoir procéder à des tirs réels, or ce genre d’infrastructure n’existait pas!

A ceux qui avanceraient l’argument que les missiles auraient été cachés en dehors de la zone de consignation des armes, je réponds que pareil argument ne tient pas la route étant donné que tous les organes de décision se trouvaient à Kigali ( + le bataillon du FPR ) et donc que si la présence de missiles sol-air se justifiait quelque part c’était bien dans la capitale et non ailleurs. Du reste, je rappelle que les FAR tenaient en position 6 canons anti-aériens de type chinois à l’aérodrome de Kanombe pour défendre leur espace aérien (mais sans munitions). Ce déploiement avait été négocié et autorisé par la MINUAR. Il est évident que si les FAR avaient disposé d’un système d’arme plus moderne, c’est celui-là qu’elles auraient demandé de pouvoir déployer et non de vieux tubes obsolètes».

Le professeur Filip Reyntjens eu une correspondance avec le concerné. Cet officier est lui aussi formel. Il a écrit au professeur Reyntjens ce qui suit: «Je n’ai pas rédigé la liste d’armes soupçonnées d’être en possession des FAR. Je l’ai hérité». Clair, non? Et il explique par la suite qu’il n’accorde pas beaucoup de foi à la fiabilité de cette liste. Il suggère d’ailleurs que les Mistral y ont été ajoutés plus tard».

Ci-après l’intégralité du message posté par le professeur Filip Reyntjens sur le net dans des groupes de discussions sur la région des Grands Lacs le 01/06/2012 :

« Le document « révélé » par Maria Malagardis est en réalité ancien, connu depuis longtemps et -surtout- dépouvu de toute pertinence. Il s’agit d’une information donnée par Human Rights Watch.

Je copie ci-après un extrait d’un mail m’envoyé il y a un an par le Capitaine Sean Moorhouse, officier G2 (renseignements) de la MINUAR II, source de ces « informations »:

«En ce qui concerne la question de la possession de missiles SA par les FAR: Je n’ai pas écrit une liste des armes soupçonnées d’être en possession des FAR. Je l’ai héritée. La MINUAR était une entité tellement dysfonctionnelle que je ne sais pas d’où cette liste provenait. Il n’y avait pas les moyens disponibles pour vérifier l’exactitude (ou moins) de cette liste d’armes. Cela a été dit clairement à Human Rights Watch à ce moment-là. Même si je suis sûr que Alison Des Forges avait réalisé combien de rumeurs circulaient à ce moment-là, ses assistants, cependant, ont pu être facilement influencés. Je ne peux pas penser à aucune autre raison pour laquelle les missiles Mistral ont fait leur apparition sur la liste des armes.

Le Rwanda a été (et souvent l’est encore) la terre de mille voix, le plus souvent infondées et impossible à justifier. Tous mes observations faites aux enquêteurs étaient toujours précédées de l’avertissement qu’il n’était pas possible de dire avec certitude qui avait abattu l’avion, ni de quelle position.

À la fin de 1994, à Kigali, il y avait un réseau informel d’agents de renseignement. Moi aussi j’y participais, avec d’autres officiers militaires et des fonctionnaires diplomatiques. Ce réseau ne faisait pas partie de la MINUAR. C’est ce réseau informel qui avait conclu que, selon les rumeurs prédominantes, le scénario le plus probable était que l’avion avait été abattu par des missiles tirés à partir de la zone du camp de Kanombe.

Il faut remarquer qu’il est tout simplement sur cela qu’on est parvenu à penser à ce scénario «le plus probable», sur la base de simples rumeurs et spéculations. En l’absence de toute preuve, aucun au sein du réseau n’aurait jamais osé dire qu’il s’agissait d’une hypothèse qui pourrait être, en quelque sorte, certaine. Je l’ai aussi expliqué aux enquêteurs du rapport Mutsinzi.

Le rôle du renseignement militaire au sein de la MINUAR 2 était tout simplement ridicule. Je n’avais pas d’équipe, rarement un véhicule, et je n’étais pas autorisé à recruter d’autres personnels. Ces facteurs, combinés à l’absence de moyens techniques, ont facilité la diffusion de rumeurs et spéculations».

La journaliste qui a fait la fameuse «découverte» signale que le document était joint à une étude datant du 1 septembre 1994 et intitulée: «Ancienne Armée rwandaise: capacité et intentions». A cette époque les FAR avaient été défaites et leurs débris dispersés au Zaïre.

D’après Emmanuel Neretse, la «journaliste chercheuse» britannique Linda Melvern, dans son souci de charger les FAR et d’embarrasser la France, semble oublier que, dans le cadre de la mise en pratique des accords de paix d’Arusha, une zone dite «Kigali Weapons Secure Area» (KWSA) avait été instaurée à Kigali. Dans cette zone, toutes les armes lourdes devaient être consignées et gardées par les éléments de la MINUAR. De même, les magasins d’armes de toute la garnison Kigali-Kanombe étaient gardés par la MINUAR et les militaires ou gendarmes des FAR qui devaient prendre des armes dans le cadre de leurs missions quotidiennes devaient les prendre sous le contrôle des éléments de la MINUAR. Le Commandant du Secteur Kigali, donc responsable de la KWSA était le Colonel belge Luc Marchal. Autrement dit, c’est à lui qu’incombait la responsabilité de faire les inventaires des armes se trouvant dans le KWSA, de prendre des mesures pour faire appliquer les directives relatives à la KWSA, de faire rapport à l’échelon supérieur c’est-à-dire au Commandant de la Force, le Général canadien Roméo Dallaire. Or, dans tous ses rapports notamment ceux donnant l’inventaire de l’armement dont disposaient les FAR, le colonel Marchal n’a jamais fait état de missiles et encore moins de missiles français Mistral ni dans quel camp ils étaient stockés. De deux chose l’une: ou bien le général Dallaire a envoyé un inventaire inventé ex-nihilo (non établi par ses hommes sur le terrain) à New York, ou alors cet inventaire n’a jamais existé.

L’ancien ministre rwandais de la Défense, James Gasana, auteur du livre «Rwanda: du Parti-Etat à l’Etat-garnison», éd. de L’Harmattan, 2002, a envoyé un courrier aux juges d’instruction français, Marc Trévidic et Nathalie Poux, dans lequel il réfute la présence de missiles sol-air Mistral aux mains des Forces de l’armée gouvernementale en 1994.

Dans une lettre envoyée aux juges, M. Gasana affirme que:

«Les Forces armées rwandaises (FAR) n’avaient ni les missiles sol-air ni les personnes formées pour l’utilisation de ces missiles. A ma connaissance, aucun militaire des FAR n’avait été formé à l’utilisation des missiles anti-aériens sol-air avant le 16 avril 1992, date à laquelle j’ai été nommé ministre de la Défense. Aucun militaire des FAR n’a été formé pendant que j’étais titulaire de ce Ministère (16 avril 1992 – 20 juillet 1993). Durant cette période je n’ai jamais pensé un seul instant que les FAR avaient besoin d’acquérir les missiles anti-aériens sol-air, et d’ailleurs aucune demande ne me fut introduite par l’état-major à cet effet. La défense antiaérienne sophistiquée ne fut jamais une préoccupation du Rwanda depuis le début de la guerre en octobre 1990 car la rébellion du FPR ne menait pas de combats aériens. Dans une situation d’énormes contraintes budgétaires que le gouvernement connaissait en cette période de guerre, les FAR ne pouvaient pas se doter d’un armement anti-aérien qu’elles n’allaient pas utiliser contre une guérilla qui n’avait ni avions ni hélicoptères.

Depuis octobre 1990 le FPR avait les missiles sol-air et disposait des gens formés pour les utiliser. La preuve irréfutable que le FPR disposait des missiles antiaériens sol-air est qu’il les a utilisés trois fois avec succès pour abattre un avion et des hélicoptères des FAR: le 07/10/1990, le FPR a abattu avec un missile sol-air SAM-7 un avion de reconnaissance de type Islander au Mutara, près de la frontière avec l’Ouganda. Sont morts calcinés dans l’avion, le commandant Augustin Ruterana et le lieutenant Anatole Havugimana, respectivement pilote et co-pilote. Le 23/10/1990, le FPR a abattu avec un missile sol-air SAM-7 un hélicoptère à Nyakayaga, commune Murambi. L’hélicoptère était piloté par le commandant Jacques Kanyamibwa (survivant). Le co-pilote, le capitaine Javan Tuyiringire est mort calciné dans l’épave. Le 13/02/1993, le FPR a abattu avec un missile SAM-7 un hélicoptère Ecureuil en commune Cyeru, tuant le pilote, le capitaine Silas Hategikimana qui effectuait une mission de ravitaillement.

Je ferais noter aussi qu’en août 1992, deux officiers supérieurs égyptiens, un Américain et un Ougandais, ont été arrêtés à l’aéroport d’Orlando, en Floride aux USA, au moment où ils s’apprêtaient à embarquer pour l’Ouganda de façon illicite une cargaison d’ armes, dont des lance-missiles. Le capitaine ougandais arrêté dans le coup est Innocent Bisangwa, adjoint du secrétaire particulier du président Yoweri Museveni et beau-frère de feu major Bayingana du FPR. A l’époque j’ai rapporté cette arrestation au gouvernement rwandais».

 4. DEUX PÉTITIONS POUR LA LIBÉRATION DE VICTOIRE INGABIRE