Congo Actualité n. 142

SOMMAIRE

ÉDITORIAL

1. POLITIQUE INTERNE

a. L’activité du gouvernement et du parlement

b. Mwando Nsimba a commencé les consultations pour identifier une majorité parlementaire

c. Le conclave des Forces politiques «acquises au changement»

d. L’Udps persiste dans sa conduite de boycotter les Institutions, mais pas tout le monde est d’accord

2. LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO

3. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

4. UN DIALOGUE NÉCESSAIRE

5. UNE LETTRE ENVOYÉE DU SUD KIVU

ÉDITORIAL : UN DIALOGUE DESORMAIS NECESSAIRE

 

1. POLITIQUE INTERNE

a. L’activité du gouvernement et du parlement

Le 6 mars, le Premier ministre Adolphe Muzito a déposé sa démission auprès du Président Joseph Kabila. Sa démission entraîne donc celle de tout son gouvernement.

Le porte-parole du gouvernement sortant, Lambert Mende, qui a confirmé la démission d’Adolphe Muzito indique que cette démarche est constitutionnelle et que tous les ministres actuels, élus députés nationaux ou pas, sont aussi déclarés démissionnaires: «Le Gouvernement est en fin de législature. Il y a une nouvelle Assemblée nationale qui vient d’être mise en place. Il est important que le Gouvernement sortant libère le Président de la République pour lui permettre de créer le nouveau Gouvernement».

Elu député national, Adolphe Muzito était frappé d’incompatibilité avec sa fonction de Premier ministre, au regard des articles 77 et 78 de la loi électorale. L’article 78 stipule que tous les élus nationaux, provinciaux, municipaux ou urbains ont huit jours pour faire le choix entre leurs nouveaux mandats et l’exercice de leurs fonctions précédentes.

Outre le premier ministre, vingt-deux membres du gouvernement Muzito élus députés nationaux ont aussi opté pour siéger à l’Assemblée Nationale, et devront donc céder leurs fauteuils ministériels. La délégation de ces 22 ministres est allée ce même mardi déposer leurs lettres d’option pour le mandat de député au bureau provisoire de l’Assemblée Nationale.

Le 6 mars, le président Joseph Kabila a désigné Louis Koyagialo Premier ministre intérimaire. Ancien vice-premier ministre et ministre des Postes, Téléphones et Télécommunications (PTT), Louis Koyagialo va gérer les affaires courantes en attendant la nomination du prochain Premier ministre.

Le 8 mars, le président Joseph Kabila a désigné Charles Mwando Nsimba informateur pour identifier une coalition majoritaire à l’Assemblée Nationale, en vue de la formation du gouvernement. Au regard de l’article 78 de la constitution, il dispose de trente jours renouvelable une fois pour déposer son rapport de mission auprès du Chef de l’Etat qui va alors désigner le formateur du gouvernement. Président national de l’Union nationale des démocrates fédéralistes, l’UNADEF, parti membre de la Mouvance présidentielle et député élu de Kalemie, dans le Katanga, Charles Mwando Nsimba occupait les fonctions de ministre de la Défense dans le gouvernement Muzito.

Le 9 mars, Louis-Alphonse Koyagialo, Premier ministre intérimaire, a publié les nouvelles fonctions attribuées aux différents ministres membres du gouvernement démissionnaire de l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito.

L’objectif poursuivi par cette réorganisation du fonctionnement du gouvernement intérimaire consiste à réattribuer les ministères restés vacants, après le départ des membres du gouvernement élus à l’Assemblée nationale, qui ne peuvent plus assumer leurs fonctions pour cause d’incompatibilité. Selon le tableau dressé par le Premier ministre intérimaire, chaque ministre prend la charge d’au moins deux ministères.

Le gouvernement de Louis Koyagialo est chargé d’expédier les affaires courantes en attendant la formation d’un nouveau gouvernement.

Le 15 mars, le vice-président du Sénat, Mokolo wa Pombo, qui a présidé l’ouverture de la session ordinaire de cette institution, a déclaré que le pays ne peut plus se permettre une crise de légitimité. Seule l’organisation des élections provinciales permettra le renouvellement de la chambre haute. Mokolo wa Pombo a demandé à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) de fournir un effort pour corriger les erreurs du passé et parachever l’ensemble du processus électoral «dans un climat réel de transparence». Pour éviter les erreurs et irrégularités dans l’organisation des scrutins à venir, le sénat a proposé l’inclusion de la société civile au sein de la Ceni. Selon Moloko wa Pombo, le Sénat reste convaincu que la présence de la société civile ainsi que l’institution d’un organe collégiale plus élargi de décision et de contrôle amélioreront le travail de la Ceni en assurant notamment: son indépendance, son efficacité et sa neutralité. Cette proposition avait été rejetée à l’Assemblée nationale.

Présent à cette cérémonie le président de la Ceni, Daniel Ngoy Mulunda a affirmé que son institution est en pleine évaluation. C’est seulement à la fin de ce travail que le bureau pourra se prononcer quant à l’organisation des élections provinciales, urbaines, municipales et locales.

Le 16 mars, au cours de la plénière, les députés nationaux ont voté le Règlement intérieur devant régir leur Chambre. Sur 392 élus qui ont pris part au vote, 311 se sont prononcés en faveur de ce projet de texte présenté par la Commission spéciale. 18 députés l’ont désapprouvé tandis que 63 se sont abstenus. Le texte voté sera envoyé à la Cour suprême de justice faisant office de la Cour constitutionnelle. Celle-ci devra se prononcer sur sa conformité à la Constitution de la République dans un délai de quinze jours.

 

b. Mwando Nsimba a commencé les consultations pour identifier une majorité parlementaire

Le 13 mars, Charles Mwando Nsimba, désigné informateur par le Président Kabila, s’est mis au travail pour identifier la majorité parlementaire devant présider à la formation du Gouvernement.

Certains observateurs se demandent pourquoi avoir choisi de passer par un informateur là où plusieurs milieux proches de la Majorité présidentielle se sont déjà prononcés à propos des différentes forces qui constituent la partie politiquement majoritaire au sein de l’Assemblée nationale? Dans ce contexte, Charles Mwando Nsimba a déjà annoncé que ses consultations allaient s’étendre à l’Opposition politique congolaise.

En fait, il s’agirait, pour le Président de la République, de ne pas réduire le champ à sa famille politique seulement, mais de constituer une coalition élargie même aux partis ou regroupements politiques appartenant à une famille politique différente de la sienne. Les consultations politiques initiées par l’informateur, visent l’implication de l’Opposition aussi, afin d’arriver, probablement, à la formation d’un cabinet inclusif, souhaité tant par Joseph Kabila dans son discours d’investiture, où il prônait une politique d’ouverture, que par la communauté internationale, dont les ambassadeurs accrédités en Rd Congo, l’Américain en dernier, n’ont cessé de mettre l’accent sur un Gouvernement inclusif comprenant aussi des membres de l’Opposition, afin de juguler la crise politique qui sévit depuis les résultats des scrutins du 28 novembre 2011.

C’est cette question qui intéresse, au plus haut point, l’opinion tant nationale qu’internationale. Car, dans sa démarche exprimée à travers des consultations confiées à Mwando Nsimba, Joseph Kabila donne vraiment l’impression de ne pas limiter l’option simplement au PPRD et alliés ou à la Majorité présidentielle. Bien au contraire, le Président semble étendre son champ d’action à la classe politique congolaise dans son ensemble.

Jean-Claude Katende, président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho), pense qu’il faut un gouvernement qui inclurait aussi bien des membres de la MP, de l’opposition que de la société civile afin de recréer la concorde et la cohésion nationales. «Je pense que la démocratie a été tuée depuis le déroulement des élections dans la mesure où elles étaient caractérisées par la fraude, la corruption et beaucoup d’irrégularités qui ne permettent pas d’établir qui a gagné», a déclaré Me Katende. Pour lui, il est important dans ces conditions que le gouvernement d’union nationale soit formé.

Réagissant à la main tendue de Joseph Kabila, par l’entremise de l’Informateur qui tient à parler avec les opposants, Valentin Mubake, le conseiller politique d’Etienne Tshisekedi a clairement indiqué que son parti ne participera pas aux consultations initiées par l’émissaire du pouvoir. Au niveau de l’UDPS, l’on affirme que cette démarche est une pure distraction dans la mesure où la majorité que cherche Joseph Kabila est clairement identifiable et qu’elle a pour but de procéder au débauchage de quelques députés de son parti. Ces élus sont, par ailleurs, déjà exclus de l’UDPS, pour avoir pris part aux travaux de l’Assemblée nationale alors qu’Etienne Tshisekedi, Président de la République autoproclamé, avait annulé les élections législatives du 28 novembre 2011.

A Limete, l’on affirme que l’UDPS se dit prête à participer à toute démarche amenant à la résolution de la crise politique issue des scrutins du 28 novembre dernier à la seule condition qu’Etienne Tshisekedi soit reconnu comme le vainqueur de la dernière élection présidentielle. Il y a lieu de rappeler que cette condition avait déjà été évoquée par certains cadres de l’UDPS lors de la visite des Evêques catholiques à Limete.

Pour le député Basile Olongo aussi, en élargissant ses consultations au niveau de l’Opposition, l’Informateur nommé par le chef de l’Etat veut opérer un débauchage dans certains partis politiques de l’Opposition. Pour lui, l’Informateur doit tout simplement identifier la majorité parlementaire et non élargir son action à l’opposition.

Consultations, Majorité parlementaire: le peuple floué.

Lorsqu’on jette un coup d’œil sur le calendrier des consultations entamées par Mwando Nsimba, on est surpris par l’invitation lancée aux «groupes», «partis politiques» et «indépendants».

Plusieurs formations politiques qui avaient vu le jour à la veille des élections du 28 novembre 2011 ne figurent pas sur la liste des partis et regroupements politiques à consulter. Ont-elles disparu par enchantement ou elles ont été tout simplement avalées par leurs «partis naturels»?

Déjà à cette époque, des observateurs s’interrogeaient sur cette pléthore des partis politiques. Expression démocratique ou insuffisance politique? Les deux, disaient les uns, stratégies politiques rétorquaient les autres.

A l’analyse, l’on se rend compte que les auteurs de ces stratégies politiques recherchaient à tout prix une «majorité parlementaire». Cela devant passer par l’obtention d’un nombre élevé des élus, peu importe la qualité.

Que penser alors de ces partis politiques qui n’existent que sur papier? Ils ont été créés, soutiennent des sources, à l’emporte-pièce dans un objectif d’élargir des bases électorales des candidats au scrutin du 28 novembre 2011. A ce jour, l’évidence est que tout n’a été bâti que du vent, un château des cartes qui vient de s’écrouler à la première tempête.

Le cas le plus patent, dans le bloc de la mouvance présidentielle, est celui du PPPD. Un parti qui n’a pas battu campagne mais s’est retrouvé en deuxième position dans le camp présidentiel. Curieusement, il ne figure point sur la liste des partis à consulter. Omission? Personne ne le sait.

Dans le bloc de l’Opposition, on ne parle plus des plates-formes telles que SET (Soutien à Etienne Tshisekedi), AVK (Alternative Vital Kamerhe) ou FORECO (Forces réunies de l’Opposition au Congo). Contre toute attente, quelques partis membres de ces regroupements politiques circonstanciels seront bel et bien consultés. Indépendance d’action, liberté d’identité politique? Nul ne le sait non plus.

A la lumière de cette mission, les masques viennent de tomber. Les partis politiques viennent d’être rattrapés par leurs stratégies électoralistes consistant essentiellement à remporter les élections pour avoir une majorité, par n’importe quel moyen.

Une fois de plus, le peuple congolais a été floué par une classe politique à vision étriquée, obsédée par la politique des résultats immédiats, sans aucune projection ni idée exacte de grandes questions nationales, régionales et internationales. Seul le pouvoir pour le pouvoir oriente leurs manœuvres politiques. Bien plus grave, les résultats des élections ont été faussés dans la mesure où des partis politiques tant de la majorité que de l’opposition qui ont pignon sur rue ont été pénalisés à cause justement de cet égocentrisme politique.

Si jamais cette démarche de l’Informateur ne dégageait pas une nouvelle dynamique politique, l’on assisterait, peut-être, à une parodie de consultations quand on sait qu’avec 341 députés, certains acteurs politiques ont crié à une majorité absolue.

 

c. Le conclave des Forces politiques «acquises au changement»

Le 14 mars, réunis au sein de la Plate-forme des «Forces Acquises au Changement» et à l’issue de leur premier congrès politique, tenu du 5 au 14 mars 2012 à Kinshasa, les partis et regroupements politiques ayant soutenu la candidature de Tshisekedi wa Mulumba Etienne à la Présidentielle 2011, ont levé l’option de siéger au sein de la nouvelle Assemblée Nationale et ce, disent-ils, «pour mieux défendre les aspirations profondes des congolais».

Les participants ont travaillé en trois commissions. La première a été chargée de réfléchir sur la crise électorale. La deuxième commission s’est appesantie sur la problématique de la participation à l’Assemblée nationale. Et la troisième a été chargée de tabler sur l’organisation des Forces acquises au changement.

– Du rapport de la Commission sur la crise post-électorale, «il ressort qu’à la suite des élections de Novembre 2011, mal organisées, une crise de légitimité s’est installée avec acuité en RDCongo. Il en découle qu’il existe actuellement 2 (deux) Présidents de la République dont l’un créé par la CENI et la Cour Suprême de Justice et l’autre élu par le peuple congolais au regard des résultats affichés dans les différents bureaux de vote. Les Forces Acquises au Changement proclament haut et fort que c’est le Président Etienne TSHISEKEDI qui a été élu Président de la République Démocratique du Congo le 28 Novembre 2011; de ce fait, il importe qu’il puisse recouvrer l’imperium afin d’exercer effectivement le pouvoir qui lui a été confié par le peuple congolais. Car, à ce jour, le peuple congolais ne se reconnaît pas en ses dirigeants actuels et toute la Communauté Internationale ne cesse de critiquer les scrutins organisés le 28 Novembre 2011.

Le rapport de ladite Commission préconise comme solution à cette crise politique postélectorale un dialogue politique franc entre les Forces Politiques, la Société Civile et la Communauté Internationale en vue de rétablir la vérité des urnes par le recomptage des voix.

Les Forces Acquises au Changement dénoncent en outre les violations répétées des libertés individuelles dans notre pays et exigent: – La levée immédiate et sans conditions des barrières policières érigées autour de la résidence du Président Etienne TSHISEKEDI; – La libération de tous les détenus politiques et d’opinion tels que: Gabriel MOKIA, Jacques CHALUPA, Eddy KAPEND, l’Archibishop KUTINO Fernando ainsi que les combattants des Partis Politiques des Forces Acquises au Changement et les compatriotes récemment refoulés de l’Afrique du Sud et incarcérés illégalement au Katanga; – Le respect de nos compatriotes de la Diaspora qui subissent des tracasseries injustifiées lors de leur déplacement au pays de la part du Pouvoir en place».

– Les conclusions de Commission sur la participation à l’Assemblée Nationale ont fait état de «2 (deux) tendances générales, l’une en faveur de la participation aux travaux de l’Assemblée Nationale et l’autre rejetant cette participation. Le point de convergence entre les participants a conclu à la participation des Elus des Forces Acquises au Changement aux travaux de l’Assemblée nationale pour défendre les aspirations profondes du peuple congolais au sein de cette Institution de la République en vue, entre autres, de: – rétablir la vérité des urnes; – garantir le bon déroulement de la suite du processus électoral; – obtenir la démission sans condition du Bureau de la CENI ainsi que sa profonde restructuration».

L’option levée par le conclave de Kinshasa n’est pas partagée par l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS/Tshisekedi) et la Démocratie chrétienne (DC) d’Eugène Diomi Ndongala. Ils persistent dans leur position de boycott.

Martin Fayulu, député de l’Engagement pour la citoyenneté et le développement (Ecide), ayant choisi de siéger à l’Assemblée nationale, explique son choix: «Il ne s’agit pas de participer pour aller cautionner. Il s’agit d’aller siéger pour barrer la route aux ennemis de la démocratie».

L’UDPS absente au congrès des Forces politiques dites «acquises au changement».

Curieusement, le conclave des Forces politiques dites «acquises au changement», cadre souhaité pour résoudre l’épineux problème de la participation des élus de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) et alliés à l’Assemblée nationale, a connu l’absence remarquable des délégués de l’UDPS/Tshisekedi.

A travers un communiqué de presse de l’UDPS daté du mardi 6 mars, le parti d’Etienne Tshisekedi se présente comme exclu par la volonté des organisateurs de cette rencontre. Une position qui met de plus en plus à l’écart ce parti et ses alliés.

Après avoir affirmé que «Au nom de la liberté d’opinion, l’UDPS reconnait aux acteurs politiques, aux formations et regroupements politiques, le droit de se réunir et d’émettre leurs points de vue sur des questions qui concernent la vie de la nation», le communiqué précise que «Quant à ce qui concerne la participation de l’UDPS à ce conclave des Forces acquises au changement, le parti n’ayant reçu aucune invitation, aucun membre de l’UDPS, quelle que soit sa qualité ou sa fonction, ne peut ni représenter ni l’engager».

La position donnée par l’exécutif de l’UDPS circonscrit aussi la participation des quelques élus sous le label UDPS/Tshisekedi aux assises de l’Assemblée Nationale: «S’agissant de la question de la présence des membres de l’UDPS au forum abusivement appelé «assemblée nationale », la présidence de l’UDPS précise que cette question est sans objet étant donné que les élections législatives du 28 Novembre 2011 ont été annulées par le Président de la République Démocratique du Congo élu». Donc, ils y participent à titre individuel.

Cette mise au point, dénote au clair la division inévitable observée d’abord, au sein de l’UDPS où les élus et la direction politique n’accordent plus leurs violons sur cette question de siéger à l’hémicycle du Palais du peuple. Aussi, les alliés autour de l’UDPS n’ont-ils plus la même logique, dans l’entendement de l’évolution politique du pays.

Ne reconnaissant pas les résultats des élections présidentielles et législatives, Etienne Tshisekedi, président de l’UDPS, menace d’exclure tous ses députés qui siégeraient à l’Assemblée nationale.

Cette position divise l’UDPS et ses alliés.

À Kinshasa, peu de partis ou de regroupements politiques soutiennent la stratégie de boycott des institutions issues des élections présidentielle et législatives du 28 novembre prônée par l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Deuxième force de l’opposition, le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba n’entend pas mener une politique de la chaise vide et prétend s’inscrire, comme en 2006, dans une «opposition républicaine» en faisant siéger ses 24 députés. Même son de cloche du côté de l’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe (17 députés). Même la formation Soutien à Étienne Tshisekedi (SET) a finalement décidé de siéger dans l’hémicycle. Son président, Roger Lumbala, qui a battu campagne pour Tshisekedi, affirme qu’il est « égoïste » de se proclamer « président élu » et, dans le même temps, d’empêcher les autres de participer aux institutions. À ce jour, seul Diomi Ndongala de Démocratie chrétienne (DC) a déclaré qu’il ne serait pas sur les bancs de l’Assemblée Nationale.

 

d. L’UDPS persiste dans sa conduite de boycotter les Institutions, mais pas tout le monde est d’accord

Le 1er mars, quelques députés des forces «Acquises au changement», dont certains de l’UDPS/Tshisekedi, ont siégé à la séance plénière de l’Assemblée nationale.

Mais il leur fallait expliquer pourquoi avoir finalement choisi de venir siéger. Voilà qui explique une motion dite d’information sollicitée juste au début de la plénière par l’un d’entre les nouveaux venus de l’UDPS, l’honorable Romain Kalonji Mukendi qui vient du Kasaï-Oriental, précisément du territoire de Miabi, sa circonscription électorale. La motion lui est aussitôt accordée par le président du bureau provisoire de l’Assemblée Nationale, Timothée Kombo Nkisi. Malheureusement pour le motionnaire, il n’a pas eu l’occasion d’aller jusqu’au bout de son texte déjà préparé. Il se verra brutalement arrêter par des huées assourdissantes des députés de la majorité présents dans la salle des congrès.

Ceux-ci n’ont pas digéré les critiques adressées aux élections du 28 novembre 2011 par l’honorable Kalonji Mukendi de l’UDPS dès le début de sa motion: «Nous considérons que les élections du 28 novembre 2011 étaient une mascarade organisée par la Commission électorale nationale indépendante afin de permettre à la majorité sortant de conserver le pouvoir. Cette immoralité politique, caractérisée par l’octroi des voix aux personnes n’ayant pas été élues par le peuple souverain au détriment des gagnants issus des véritable forces du changement, nécessite d’être corrigée par un engagement politique réel».

Invité par le président du bureau provisoire à regagner sa place suite aux huées qui l’ont empêché de continuer la lecture de sa motion, le député de l’UDPS est allé la poursuivre en dehors de la salle devant les journalistes à la fin de la plénière.

Ici, l’honorable Kalonji, parlant au nom des forces politiques dites acquises au changement, a donné les raisons à l’origine de la décision des députés de l’UDPS et de ses alliés de venir siéger après l’option du boycott prise par le parti et son leader Etienne Tshisekedi wa Mulumba:  » …C’est donc par souci de barrer la route aux prédateurs et de sécuriser les intérêts de notre peuple meurtri que nous avons levé l’option de faire valider les mandats des élus, afin de démasquer tous les fraudeurs et engager des discussions pour résoudre la crise électorale».

Avec ce choix stratégique: «Nous tenons à rassurer le peuple congolais de notre fidélité, de notre indéfectible attachement, ainsi que de notre loyauté à son élu, le président Etienne Tshisekedi wa Mulumba, afin de doter le pays du prototype d’un Etat de droit moderne et démocratique, pour l’accomplissement du progrès social».

Et de poursuivre: «Nous tenons aussi à préciser que l’acceptation de nos mandats ne veut pas dire que nous acceptions les résultats des élections que nous continuons de qualifier de non crédibles, comme vient d’ailleurs de le confirmer, une fois de plus, le Centrer Carter».

Répondant à une question posée par un journaliste, il a affirmé que la présence des députés de l’UDPS à l’Assemblé Nationale est due au quitus accordé par Etienne Tshisekedi.

Le 2 mars, à l’issue d’un entretient qui a duré quatre heures avec le président de la Démocratie Chrétienne, Eugène Diomi Ndongola dans sa résidence sur la rue Pétunias, Etienne Tshisekedi a affirmé de n’avoir jamais donné un quitus à quiconque de l’UDPS de siéger à l’hémicycle du palais du peuple et a confirmé sa décision d’annuler les élections législatives du 28 novembre.

Il a mis en garde tous ceux qui utilisent abusivement son nom pour participer aux travaux d’une assemblée composée dans sa grande majorité des députés nommés par les officines du régime en place, de mèche avec les responsables de la Ceni.

Tshisekedi a promis de porter incessamment un cinglant démenti dans une déclaration publique sur les allégations selon les quelles, il aurait donné son aval aux députés de l’opposition de participer à l’actuelle Assemblée nationale qu’il juge illégitime.

Le Lider Maximo a confirmé que les députés de l’UDPS et de l’opposition qui participent à cette assemblée, le font à titre individuel et non à son nom.

Pour le président de l’UDPS, tous les opposants qui ont opté pour cette assemblée ont simplement lâché le combat pour le rétablissement de la vérité des urnes au profit de leurs intérêts personnels.

Il s’est dit convaincu que la volonté du changement que le peuple congolais appelle de tous ses voeux en dépit du hold-up électoral du 28 novembre est de loin prioritaire que les émoluments et les gros Cylindrés qu‘on peut obtenir en acceptant de participer à cette assemblée qu’il estime être la caisse de résonance du pouvoir actuel. Pour lui, la solution à la crise post-électorale que connaît la RDC passe inéluctablement par le rétablissement de la vérité des urnes. Cet avis est du reste partagé par le président de la Démocratie chrétienne, Eugène Diomi Ndongala.

Le 5 mars, la Ligue des jeunes de l’UDPS propose l’exclusion du parti de Romain Kalonji Mukendi et d’Alexis Mutanda, pour avoir pris part aux travaux de l’Assemblée nationale, en faisant fi de l’option du boycott prônée par Étienne Tshisekedi.

Dans une déclaration à la RTG@, le député nationale Romain Kalonji réfute cette exclusion qu’il qualifie d’illégale. A l’en croire, il détient une correspondance d’Etienne Tshisekedi qui l’autorise à participer aux travaux de la chambre basse du parlement.

Cependant, dans une interview à L’Avenir, Raphael Kapambu, secrétaire nationale chargé de la communication, information et mobilisation au sein de l’UDPS a affirmé la main sur le cœur que le président nationale de l’UDPS n’a autorisé aucun élu de siéger dans un parlement qu’il a lui-même disqualifié.

Quant aux autres élus ayant validé leur mandat, Raphael Kapambu est formel: «Tous ceux qui siégeront à cette Assemblée prétendument au nom de l’UDPS n’engagent pas le parti et subiront le même sort que Nkombo. Il est inconcevable qu’un membre du parti accepte de siéger dans une institution issue des législatives dont les résultats ont été déclarés nuls par sa propre formation politique», martèle t-il.

Quoi qu’il en soit, selon certains observateurs, ce que l’Udps doit comprendre aujourd’hui, c’est que s’il persiste dans sa stratégie de la chaise vide, c’est l’ensemble de l’opposition qui en pâtira. Car, dans les circonstances actuelles, ne pas prendre part aux institutions ne profitera pas à l’UDPS, et encore moins au peuple dont on est censé défendre les intérêts.

L’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) continue à entretenir le suspense autour de sa participation à l’Assemblée nationale issue des législatives nationales de novembre 2011. Arrivé deuxième à la présidentielle du 28 novembre 2011, son président a juré de ne pas associer son parti à la «mascarade» électorale de novembre dernier. En effet, pour Tshisekedi, la participation de son parti reste conditionnée par la vérité des urnes.

Toujours est-il que le refus, pour l’UDPS, de siéger à la nouvelle Assemblée nationale n’a eu que d’incidences mineures sur l’installation de la chambre basse du Parlement. Cette dernière est bien là, dirigée, ironie du sort, par un président issu des rangs de l’UDPS.

En interne, des concertations se multiplient au sein du parti pour dissiper ce qui, pour certains, ne serait qu’un simple malentendu ou une preuve de jalousie pour des cadres du parti qui n’ont pas trouvé gain de cause aux dernières législatives.

Une fois de plus, l’UDPS a trouvé bon de jouer à la politique de la chaise vide.

L’Udps/Tshisekedi semble éprouver encore du mal à s’inscrire dans l’ordre politique et institutionnel, parce que prisonnière du souhait de voir Tshisekedi trôner à la tête de la Rd Congo. C’est dans cette optique que le «lider maximo» a même décrété l’annulation des législatives organisées le 28 novembre, suivie du boycott institutionnel qui bloque la participation des députés de son parti aux travaux de l’Assemblée nationale.

Apparemment, le fameux boycott servirait aussi de moyen de pression pour la 10ème rue Limete.

S’agirait-il, pour l’Udps, de faire monter les enchères pour mieux se positionner par rapport à la course vers la Primature? La question reste posée.

 

2. LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO

Le 5 mars, une délégation des évêques catholiques conduite par le président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) a rendu visite au président Joseph Kabila, dans sa ferme de Kingakati à l’est de Kinshasa. Les évêques se sont ensuite rendus le même jour chez Etienne Tshisekedi, de l’UDPS, Vital Kamerhe, de l’UNC et le Professeur Bongongo, délégué du candidat Léon Kengo wa Dondo, président de l’UFC.

Selon un communiqué de l’Abbé Léonard Santedi, Secrétaire Général de la CENCO, «Dans leur message de janvier 2012, les Evêques membres de la CENCO avaient demandé au Gouvernement de privilégier dans une démarche inclusive, la voie du dialogue pour l’intérêt supérieur de la Nation congolaise.

Comme pasteurs vivant aux côtés de la population congolaise, les Evêques ont relevé qu’il persiste un malaise au niveau social et politique qui engendre une frustration tant chez le peuple que chez les acteurs politiques de l’opposition comme de la majorité. Cela est une source d’inquiétude et ne pouvait les laisser indifférents.

Pour la CENCO, le dialogue des acteurs politiques et de toutes les forces vives de la société pour le service du bien commun et de l’intérêt supérieur de toute la nation congolaise reste l’unique voie pour résoudre le malaise sociopolitique actuel en RDCongo.

Par cette démarche les Evêques se sont mis à l’écoute de tous, afin de voir comment reconstruire ensemble le pays dans la paix, la justice et la vérité».

Après les contacts entamés le 5 mars par les évêques catholiques avec le président Joseph Kabila et ses principaux concurrents à la présidentielle de novembre 2011, les acteurs politiques de l’UPDS d’Etienne Tshisekedi et de la majorité présidentielle se disent favorables au dialogue mais refusent l’idée de partager le pouvoir. Chaque partie revendique sa victoire à la présidentielle et invoque à cet effet les dispositions de la constitution.

Le conseiller du président Kabila chargé des relations avec le parlement, Raphaël Luhulu, a déclaré que «Le dialogue tel que initié par les évêques de la Cenco est salué par le président de la République et la majorité présidentielle. Nous l’encourageons sauf que nous disons: le dialogue oui, mais dans le respect des lois de la république et de la constitution». Selon lui, Joseph Kabila

avait déjà déclaré sa disponibilité à travailler avec tous les Congolais: «Depuis le 20 décembre, dans son discours d’investiture, le président Joseph Kabila qui est le président élu a dit rester ouvert au dialogue avec toutes les filles et tous les fils de la RDCongo qui aiment leur pays et qui voudraient apporter des éléments, afin de reconstruire ce pays, le développer et faire qu’il devienne un pays émergent».

A l’UDPS, on salue l’initiative des évêques. Mais pour ce parti, le dialogue devrait aboutir à la reconnaissance de la victoire d’Etienne Tshisekedi à la présidentielle de 2011. Ce parti rejette toute tentative de négociation des portefeuilles ministériels dans les circonstances actuelles. Le secrétaire général adjoint chargé des questions politiques et diplomatiques de l’UDPS, Raymond Kahungu Mbemba affirme: «La démarche de l’église montre que les choses ne se sont pas déroulées tel que le peuple l’avait souhaité. Les élections ne se sont pas déroulées comme l’attendait notre peuple qui souhaitait le changement. Celui qui a été présenté comme élu à la tête du pays ou ceux qui sont présentés comme élus et siègent aux réunions du palais du peuple ne sont pas ceux que le peuple attendait. Nous attendons de ce dialogue que l’église fasse comprendre aux uns et aux autres la vérité comme elle ne cesse de le dire. C’est par le dialogue qu’on peut résoudre le problème. Si ceux qui ont accaparé le pouvoir par la force des armes ne le comprennent pas comme ça, nous ne voyons pas pourquoi nous allons dialoguer avec eux».

 

3. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

Le 1er mars, au cours d’un point de presse qu’il a animé au Centre culturel américain de Kinshasa, le porte-parole de l’ambassade américaine en RDC, Marc Dillard, a déclaré le gouvernement américain encourage les députés élus de tous les partis politiques à siéger à l’Assemblée Nationale.

Dans la même perspective, face à la «crise postélectorale» observée ces derniers temps dans l’areine politique congolais, il a rappelé que «les Etats-Unis d’Amérique encouragent la mise en place d’un gouvernement inclusif en RDC», avant de renchérir: «Par le mot inclusif, nous attendons dire que ce gouvernement sera constitué de tous les partis politiques en conflit». Paraphrasant l’ambassadeur américain en RDC, James Entwistle, Marc Dillard a souligné que toutes les démarches devant aboutir à la formation d’un tel gouvernement ne dépendent que des Congolais eux-mêmes.

Le 2 mars, à Kinshasa, Ingrid Rudin, secrétaire général adjoint chargé de la formation du parti socialiste suédois, devant des membres de l’UDPS – ligue des femmes, ligue des jeunes, délégués de Tshisekedi et autres cadres du parti – a déclaré que «il est important que l’UDPS siège à l’Assemblée nationale, question d’avoir une opinion. Ceci n’exclut pas de poursuivre la lutte en dehors des institutions si cela est nécessaire».

Rudin avait déjà vu Tshisekedi à deux reprises, à la 10ème rue Pétunias à Limete. Des sources rapportent qu’à la première entrevue, les deux interlocuteurs s’étaient quittés sur une note discordante, la Suédoise cabrée sur sa position de voir les députés de l’UDPS participer aux débats à l’Assemblée nationale et Tshisekedi recroquevillé sur sa décision d’annulation des législatives. Un deuxième rendez-vous avait été pris pour donner la chance à un compromis. Hélas, rien n’avait avancé, d’un côté comme de l’autre.

 

4. UN DIALOGUE NÉCESSAIRE

Il semble désormais que rien n’arrêtera la mise en place des institutions nationales, bien que toutes les parties aient reconnu qu’il y a eu de graves irrégularités qui ont été commises, allant jusqu’à poser le problème de légitimité.

Entre-temps, l’UDPS menace les députés élus sous son label d’exclusion si jamais ils continuent à siéger au Palais du peuple. Le parti cher à Etienne Tshisekedi décide donc d’évoluer en dehors des institutions nationales. C’est donc la crise politique qui se précise et s’accentue.

Il est temps de prendre des initiatives concrètes, réalisables et courageuses. La première chose consiste à favoriser un face-à-face entre Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi pour qu’ils prennent la mesure de cette crise en privilégiant les intérêts supérieurs de la Nation et du peuple congolais. Certes, c’est une tâche difficile, mais c’est une voie de sortie de crise pour une solution durable.

Qu’ils se parlent même par personnes interposées crédibles pour dégager un compromis tant les intérêts de la Nation et du peuple ne sont pas à brader. Chacun est bien obligé de mettre de l’eau dans son vin.

Dialogue également au sein de l’Opposition et particulièrement au niveau de l’UDPS. Il est à retenir que la «rue» est une forme d’expression démocratique. Mais la «rue» ne gouverne pas.

L’Opposition a maintenant une chance unique, l’UDPS y compris, de faire entendre sa voix au sein des institutions nationales en brisant le rétroviseur pour ne plus tomber dans les erreurs du passé (la politique de la chaise vide). Le Parlement est une tribune qu’il ne faut jamais renverser. Pragmatisme politique oblige. Surtout que l’Opposition n’a pas du tout les moyens de sa politique de provoquer des élections anticipées.

La période postélectorale est difficile à gérer. Le contraire aurait surpris dans un contexte politique marqué par des contentieux électoraux et la non reconnaissance des résultats de dernières élections. S’il est vrai que la machine politique poursuit son chemin, le parcours est encore parsemé d’embûches. En témoigne cette situation tendue entre le président Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi, leader de l’UDPS et candidat «malheureux» à la dernière présidentielle, selon les résultats de la commission électorale. Si le premier se conforte dans sa position après la proclamation des résultats par la CENI, confirmés par la Cour suprême de justice, le second rejette ces résultats et se considère comme président de la République.

Qu’on le veuille ou pas, la crise politique est là. Il serait dangereux et irresponsable de faire preuve de surdité et cécité politiques pour balayer d’un revers de la main cette évidence. Il ne faut donc pas se voiler la face.

Certes, les élections se conjuguent déjà au passé. Les résultats sont ce qu’ils sont après que toutes les parties, y compris la CENI et les partenaires extérieurs, ont reconnu qu’elles ont été entachées de graves irrégularités. A partir de ce constat, la classe politique est divisée, et le débat tourne autour de la légalité et de la légitimité. Mais entre-temps, le processus politique évolue avec la mise en place de nouvelles institutions nationales sans pour autant arrêter les contestations. Ce qui ne favorise nullement un climat de paix.

La crise politique actuelle dépend de l’attitude du président de la République Joseph Kabila Kabange et d’Etienne Tshisekedi, son désormais adversaire politique. Il est vrai qu’en pareille situation, le rapprochement de deux hommes pose de réels problèmes. Cela au vu de leurs positions diamétralement opposées. Joseph Kabila se fait fort de sa légalité, Etienne Tshisekedi demeure dans sa logique de «libération».

Et pourtant, des voix s’élèvent en faveur d’un terrain d’entente dans l’immédiat entre les deux protagonistes. Il est important qu’ils conviennent de regarder dans la même direction, malgré leurs différences. Loin de nous l’idée d’amener les deux personnalités à se donner des accolades. Tant mieux si cela était possible dans l’intérêt supérieur de la Nation. Mais l’on doit éviter de «gouverner par défi» ou à «rendre ce pays ingouvernable» par une succession de manifestations qui feraient bel et bien le lit des ennemis de la RDC. Pour éviter cette impasse politique, seul le dialogue s’avère le moyen le plus sûr pour une solution durable. C’est la panacée, voire la voie incontournable. A la seule condition de faire preuve de courage politique de part et d’autre.

 

5. UNE LETTRE ENVOYÉE DU SUD KIVU

Depuis quelques jours, je suis à Mulongwe, un quartier très peuplé d’Uvira (Sud Kivu). J’essaie de comprendre l’état d’esprit des personnes. On dit qu’elles sont découragées et déçues. « S’il y a eu quelque chose de positif dans ces élections – m’a dit un homme – c’est peut-être le fait que la corruption qui règne chez nous, maintenant est sous les yeux de la communauté internationale ». Celle-ci est souvent considérée comme un saint patron, comme quelqu’un à qui faire recours.

Au même temps, il y a les défis quotidiens. Les fonctionnaires ne sont pas payés depuis deux mois. Ceux qui sont chargés de la collecte des impôts abusent de la population.

Dans les écoles, on paie encore régulièrement la prime, dont le prix le plus bas est de trois dollars pour les primaires et de six dollars pour les secondaires.

Sauf les riches, dont certains construisent des maisons à plusieurs étages, les gens mangent une fois par jour et mal, le soir ou même la nuit, car ici aussi, à Uvira, il est devenu normal s’approvisionner sur le marché de fin de soirée, au moins pour ceux qui n’ont pas pu gagner le suffisant pendant la journée.

Hier j’ai vu que l’on conduisait au cimetière un étudiant décédé à l’improviste quand il était à l’école. Sur le petit cercueil, un drap de couleur pourpre.

Toutefois, les gens sourient encore, même si leur avenir apparait très incertain. Leur espoir est placé sur le village de Kiliba, où l’ancienne sucrerie est désormais gérée par des Tanzaniens au 51% et des Congolais au 49%. Beaucoup espèrent d’y obtenir un emploi. Pour l’instant, ils multiplient les plantes de canne à sucre.

Ce qui ressemble à une prison qui enferme tout le monde, c’est le fait que chacun essaie de survivre au détriment de l’autre. Il s’agit d’un «système», dit un professeur de Mulongwe.

Les enseignants et les professeurs exigent une contribution pour compléter un salaire de 50.000 FC et chassent de l’école tous ces élèves qui ne paient pas.

À l’hôpital, si l’on veut être soigné, l’on doit payer.

Maintenant, les commerçants doivent payer la « taxe sur la valeur ajoutée », ce qui augmente les prix. Les fonctionnaires de l’Etat vont de maison en maison exigeant une taxe sur la maison, sans pour autant livrer un accusé de réception. Et si l’on veut survivre, l’on doit entrer dans le «système», l’on doit s’imposer aux autres, au moins là où l’on peut exercer un certain pouvoir.

Pourtant, il y a aussi des miracles. Depuis des années, John aide les prisonniers de la prison centrale et il fait tout ce qui est possible, pour qu’ils reçoivent la nourriture finalement leur affectée par l’Etat. Mama Salomé, après la mort d’une fille handicapée, a emmené chez elle un garçon, lui aussi handicapé. Beaucoup de personnes s’engagent gratuitement pour la justice.

Ces derniers temps, il y a un peu plus de sécurité, soit dans les quartiers de la ville (les gens trainent dans la rue jusque tard dans la soirée et se réunissent parfois autour d’un téléviseur, pour regarder un film ou le championnat de la Coupe d’Afrique), soit dans les sentiers de la campagne.

Telle est la vie congolaise: avec ses angoisses et ses joies, ses déceptions et ses espoirs, mais toujours avec la certitude que la nuit cédera la place à l’aube du jour suivant.

 

Par Teresina Caffi, membre de la Resaux Paix pour le Congo

Mulongwe – Uvira (Sud Kivu), 25 janvier 2012