Congo Actualité n° 134

ÉDITORIAL
LA TENSION MONTE AVANT L’ANNONCE DES RESULTATS
Déclarations de victoire avant l’heure et réactions – HRW dénonce les violences préélectorales
LA PUBLICATION PROGRESSIVE DES RESULTATS PARTIELS DE LA PRESIDENTIELLE
La Commission électorale commence la publication progressive des résultats – Les réactions des candidats et des partis politiques – Les appels de la société civile – La suspension de la communication par SMS

ÉDITORIAL

Selon le calendrier électoral établi par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), la publication des résultats provisoires de l’élection présidentielle était prévue pour le 6 décembre. Mais pour des raisons techniques, la CENI a annoncé un report de 48 heures. Malgré cette décision, il peut être utile de faire un bilan de la situation. Tant l’opposition comme la majorité présidentielle sont les deux convaincues de pouvoir gagner les élections, au moins l’élection présidentielle. L’opposition a déjà déclaré qu’elle n’acceptera pas les résultats publiés par la commission électorale, s’ils seront favorables au président sortant. Pour paraphraser une expression du président de la conférence des évêques congolais, on a l’impression d’être en présence de deux trains à grande vitesse qui circulent sur la même voie dans le sens contraire, l’un vers l’autre. Si on ne prend pas les dispositions nécessaires, le choc frontal pourra être fatal pour le pays tout entier. Le peuple congolais a déjà trop souffert et personne n’a le droit d’utiliser la violence pour obtenir ou garder le pouvoir. Il sera sage d’attendre dans le calme la publication des résultats provisoires complets par la Commission électorale. Après cela, s’il y a des contentieux, ils devront être clarifiés et résolus en recourant aux mécanismes légaux et juridiques prévus par la loi.

LA TENSION MONTE AVANT L’ANNONCE DES RESULTATS

Déclarations de victoire avant l’heure et réactions

Le 30 novembre, le processus électoral est entré dans sa phase la plus fragile, la compilation des résultats des procès-verbaux des quelque 63 000 bureaux de vote. Les résultats provisoires de la présidentielle ne sont pas attendus avant le 6 décembre. Mais certains revendiquent déjà la victoire.

Dans un communiqué, le secrétaire général de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), Jacquemin Shabani, dénonce les fraudes et les violences qui ont émaillé les opérations de vote. Mais « malgré tout cela », le parti n’évoque pas de demande d’invalidation du scrutin et affirme que, selon les « résultats affichés », Etienne Tshisekedi était « largement en tête et avec un grand écart dans la majorité des provinces » et que c’était « très serré » ailleurs.

Le président de la démocratie chrétienne, Eugène Diomi Ndongala, l’un des animateurs de la «Dynamique Tshisekedi Président», a annoncé une victoire du candidat Tshisekedi «à 55 % des suffrages» et a accusé le président sortant Joseph Kabila de vouloir faire un coup d’Etat.

Le secrétaire général de la Majorité présidentielle (MP), Aubin Minaku, a répliqué que l’opposant Etienne Tshisekedi et son parti, l’UDPS, étaient « en train de créer un climat insurrectionnel ». Questionné sur la possibilité d’une victoire du leader de l’UDPS, Aubin Minaku dit ne pas y croire une seconde, ajoutant cependant que « ça serait la meilleure preuve que ces élections sont transparentes ». Pour lui, la victoire de Joseph Kabila est certaine. Interrogé sur d’éventuelles contestations des résultats, M. Minaku a également lancé une sévère mise en garde : « quiconque commettra une infraction, fût-ce Etienne Tshisekedi, devra subir la rigueur de la loi ».

Face à la confusion créée par la diffusion de résultats partiels ou de tendances provenant des différents camps, le candidat de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC) à la présidentielle, Vital Kamerhe, demande que la Céni publie progressivement les résultats du scrutin présidentiel pour dissiper les suspicions et créer un climat apaisé, avant leur publication définitive.

Le 30 novembre, le vice-président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (Ceni), Jacques Djoli a invité les observateurs, les journalistes et les témoins des partis à veiller sur l’opération de compilation des résultats des élections présidentielle et législatives. Selon lui, cela empêcherait toute éventuelle manipulation tendant à créer des tensions postélectorales.

Il a aussi invité la population à rester vigilante pour veiller à ce que «ce qui a été mis dans l’urne soit ce qui soit compilé et affiché». Jacques Djoli a, par ailleurs, demandé aux agents électoraux de faire en sorte que «le peuple puisse avoir des résultats réels».

Le 30 novembre, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), Jean-Bosco Bahala, a demandé aux médias congolais et internationaux de ne pas publier les résultats partiels des élections présidentielle et législatives avant la Ceni, en conformité avec la législation congolaise en vigueur.

Le 1er décembre, l’UDPS a revendiqué la victoire de son candidat, Etienne Tshisekedi, à l’élection présidentielle. Au cours d’une conférence de presse tenue à Kinshasa, le secrétaire général du parti, Jacquemain Shabani, a déclaré que « l’UDPS confirme son avance et sa victoire, car les résultats provenant des différents procès-verbaux récoltés à travers le pays la donnent gagnante avec un écart désormais confortable, incontestable et irrattrapable en dépit de la fraude constatée. Forte de cette victoire, l’UDPS, qui désormais se concentre sur la passation du pouvoir, rassure tous les partenaires de son ouverture au dialogue et de son opposition à tout règlement de comptes ou chasse à l’homme contre les perdants ». Shabani, a mis en garde le pouvoir sortant contre « toutes manoeuvres et tentatives en cours visant à frustrer l’expression populaire et à détourner la victoire du peuple congolais pour des fins inavouées en préparant un coup de force par une répression sanglante à grande échelle », en soulignant que «la RDC n’a plus besoin de se permettre une énième déstabilisation ou de pleurer des morts supplémentaires». Il a, enfin, appelé la Ceni à respecter la volonté du souverain primaire lors de la publication des résultats provisoires de la présidentielle et des législatives du 28 novembre. «Les urnes ont parlé et il ne reste plus qu’à la Ceni de rende cela officiel», a poursuivi Jacquemin Shabani, pour qui il est important que la volonté du souverain primaire soit respectée. Jacquemin Shabani a, par ailleurs, invité tout Congolais au respect de la démocratie qui voudrait que «la loi de la majorité soit respectée et que le fair-play prime».

Le 1er décembre, dans un message a dressé aux membres de son parti, le secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), Evariste Boshab, condamne la circulation ces derniers jours des chiffres en rapport avec les résultats de l’élection présidentielle du 28 novembre: «Nous condamnons les statistiques fantaisistes en circulation et en rupture avec les normes légales et éthiques. Seule la Ceni est habilitée à publier les résultats électoraux».

Le 2 décembre, le rapporteur de la CENI, Matthieu Mpita, a interdit aux médias toute publication, sans l’accord de la CENI, des tendances sur les résultats des élections présidentielles et législatives. En effet, plusieurs personnes et presse congolais se sont lancés dans la publication des tendances favorables à un certain candidat, annonçant soit la victoire du candidat Joseph Kabila, soit la victoire de M. Etienne Tshisekedi. Des messages SMS et des papiers non signés circulent à travers la ville de Kinshasa. Ces tendances ont fait monter la tension parmi la population.

HRW dénonce les violences préélectorales

Le 2 décembre, dans un communiqué, l’ONG Human Rights Watch (HRW) a affirmé que au moins 18 civils ont été tués et une centaine gravement blessés, principalement par les forces de sécurité, entre le 26 et le 28 novembre, à la veille des élections présidentielle et législatives. Selon HRW, la plupart des victimes, dont 14 dans la seule capitale Kinshasa, ont été tuées « par des soldats de la Garde Républicaine », l’ex-garde présidentielle. « Le gouvernement (de la RDC) doit immédiatement maîtriser ses forces de sécurité, spécialement la Garde présidentielle », et « éviter que des opposants politiques et leurs partisans ne soient pris pour cibles », ajoute l’ONG en disant craindre de nouvelles violences et des troubles à l’annonce des résultats provisoires de la présidentielle le 6 décembre. « Les tensions sont très élevées, notamment du fait des complications logistiques dans l’organisation de l’élection. Les forces de sécurité devraient protéger les populations et non attiser la violence », déclare Anneke van Woudenberg, chef analyste Afrique à Human Rights Watch.

Suite aux accusations portées par HRW, le gouvernement congolais a saisi la justice militaire pour qu’elle ouvre une enquête et porte plainte contre X. C’est ce qui a annoncé son porte-parole, Lambert Mende, également ministre de la Communication.

LA PUBLICATION PROGRESSIVE DES RESULTATS PARTIELS DE LA PRESIDENTIELLE

La Commission électorale commence la publication progressive des résultats

Le 2 décembre, la Ceni a commencé à publier les résultats partiels de la présidentielle. La Céni a justifié cette anticipation de 4 jours des premiers résultats sur son calendrier originel par des « rumeurs sur l’internet, propagées par des personnes non autorisées ». « On ne pouvait pas garder le silence », a déclaré le rapporteur de la Céni Matthieu Mpita. La Céni a pris cette décision, après avoir été victime d’un piratage de son site internet où un tableau complet des résultats de la présidentielle avait été publié, donnant des chiffres et pourcentages présentés comme des résultats de l’ensemble des onze candidats et donnant une large avance à Tshisekedi.

Matthieu Mpita a insisté sur le fait que les chiffres publiés par la Ceni ne sont pas un « résultat global, mais par provinces ».

Les chiffres publiés représentent 9.746 (15,6 %) des 63.835 bureaux de vote. Le pourcentage des bureaux de vote est différent selon les provinces (0,02% à Kinshasa et 44,71% pour le Bas-Congo).

Selon les chiffres donnés par le président de la Céni, Daniel Ngoy Mulunda, Kabila est notamment en tête dans les provinces du Katanga, Bandundu, Maniema, Province Orientale et au Sud Kivu, des régions traditionnellement favorables. Tshisekedi mène au Bas Congo et dans les Kasaï occidental et oriental. Le président du Sénat et opposant Léon Kengo est en tête dans l’Equateur et l’ancien chef rebelle Antipas Mbusa Nyamwisi, l’est au Nord-Kivu, d’où il est originaire. Selon un décompte établi en additionnant les voix des provinces données par la Céni, Joseph Kabila obtient jusque-là près de 52% des voix, Etienne Tshisekedi près de 34%, Vital Kamerhe près de 4,5%, Léon Kengo près de 3%. Mobutu et Mbusa recueillent chacun environ 2%.

Toutefois, ces résultats partiels ne prennent pas en compte Kinshasa, une ville plutôt favorable à Tshisekedi avec 3,3 millions d’électeurs.

Encore, au Katanga, une région traditionnellement favorable au président sortant Kabila et qui compte le plus grand nombre d’électeurs inscrits (4,6 millions), la Céni a donné les résultats pour 27% des bureaux. En revanche, à Kinshasa (près 3,3 millions d’inscrits), province qui penche pour l’opposant Etienne Tshisekedi, les résultats partiels ne couvrent que 0,02% des bureaux. Il n’est donc pas étonnant à ce stade de voir Kabila être en tête avec 52% des voix, devant Tshisekedi (34%). La seule certitude est que les deux rivaux ont nettement devancé les neuf autres candidats.

« C’est de l’irresponsabilité, de la provocation. On ne peut que critiquer ces chiffres », donnés par la Céni, a commenté Jacquemin Shabani, secrétaire général de l’UDPS, le parti de Tshisekedi.

« Pourquoi seulement 0,02% des bureaux de vote à Kinshasa, alors qu’on sait, et nous avons des témoins, que dans 90% des centres de vote le résultat est connu? », s’est-il interrogé.

Le 3 décembre, la Ceni a procédé à la deuxième publication des résultats partiels de la présidentielle. Les chiffres publiés couvrent seulement 21 265 bureaux de vote, 33,30% des quelque 64.000. Kabila obtient 3.275.125 voix (51%) et Tshisekedi 2.233.447 voix (34%).

Kabila, selon ces résultats, est en tête dans 6 provinces (Bandundu, Katanga, Maniema, Province orientale, Nord et Sud Kivu) et Tshisekedi dans les 5 autres (Bas Congo, Equateur, Kasaï Occidental et Oriental, et Kinshasa).

Toutefois, le taux de bureaux de vote dont les résultats ont été compilés varie selon les provinces.

Il est notamment de 55% au Katanga, une région favorable à Kabila où il recueille 1,4 million de voix contre 141.616 à Tshisekedi. En revanche le taux est de seulement 3,33% à Kinshasa (3,3 millions d’électeurs), où Tshisekedi est populaire et dispose donc d’une forte réserve de voix.

Le 4 décembre, la Ceni a procédé à la troisième publication des résultats partiels de l’élection présidentielle. Les chiffres publiés couvrent 33.792 bureaux de vote (le 52,91% du total).

Kabila obtient 4.942.050 voix (49%) et Tshisekedi 3.402.650 voix (34%).

Le président Kabila est en tête dans 6 provinces (Bandundu, Katanga, Maniema, Province orientale, Nord et Sud Kivu) et Tshisekedi dans 4 autres (Bas Congo, Kasaï Occidental et Oriental, et Kinshasa). Le président du Sénat et opposant Léon Kengo est en tête dans l’Equateur, et recueille au total 4% des voix sur les 11 provinces, juste derrière l’ex-président de l’Assemblée nationale Vital Kamerhe, 3e avec 7% des voix. A Kinshasa (27,44% des bureaux de vote), Tshisekedi obtient 393.617 voix, contre 174.032 à Kabila. Ce dernier recueille 1.862.315 voix dans le Katanga (sud-est) (72,42% des bureaux) et Tshisekedi 189.054 voix.

Le président de la Ceni, Daniel Ngoyi Mulunda, a promis de préciser les résultats par bureaux de vote lors de la publication des résultats provisoires complets.

Le 5 décembre, la Ceni a procédé à la quatrième publication des résultats partiels de l’élection présidentielle. Le président sortant Joseph Kabila devance de près de 1,3 million de voix l’opposant Etienne Tshisekedi. Sur 67,65 % des bureaux de vote dépouillés, Kabila obtient 5.882.269 voix (46,4 %) et Tshisekedi 4.591.000 voix (36,2 %). A Kinshasa (71,23 % des bureaux de vote), Tshisekedi obtient 1.031.493 voix, contre 472.433 à Kabila.

Initialement prévue mardi, 6 décembre, l’annonce des résultats complets de la présidentielle pourrait être différée par la Commission électorale (Céni). « Nous allons d’abord nous assurer que tous les procès-verbaux sont arrivés et que nous avons toutes les informations. Sinon, on ne pourra donner qu’un rapport partiel », a prévenu le président de la Céni, le pasteur Daniel Mulunda.

Le 6 décembre, la Ceni a communiqué que l’annonce des résultats provisoires complets de l’élection présidentielle, initialement prévue pour ce même jour, a été reportée de 48 heures maximum. Ce report est justifié «pour des raisons de transparence et par respect des procédures électorales», indique le communiqué signé par le rapporteur de la Ceni Matthieu Mpita, qui a expliqué: « Nous n’avons pas tous les PV des 169 CLCR », les centres locaux de compilation des résultats, « voilà pourquoi nous avons dû repousser les résultats globaux provisoires. Pour respecter la loi, il faut que nous ayons en notre possession tous ces procès-verbaux ».

Le 6 décembre, la Ceni a procédé à la cinquième publication des résultats partiels de l’élection présidentielle. Après le dépouillement de 89,28 % des bureaux de vote, Kabila obtient plus de 8,3 millions de voix (près de 49%) et Tshisekedi 5,7 millions (33,2%). A Kinshasa (80,45 % des bureaux de vote), Tshisekedi obtient 1.157.935 voix, contre 541.970 à Kabila. Sur près de 17 millions de voix comptabilisées, le président sortant dispose désormais d’une avance de plus de 2, 6 millions voix sur le leader de l’UDPS. Le 5 décembre au soir, l’écart entre les deux principaux protagonistes de l’élection était deux fois inférieur.

Les réactions des candidats et des partis politiques

Dans sa première réaction publique depuis le début de l’annonce des premiers résultats, Tshisekedi a d’emblée rejeté ces résultats, tout en déclarant: « Non seulement l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social, le parti de Tshisekedi ) rejette ces résultats, mais met en garde Ngoy Mulunda (le président de la Céni) et (le président Joseph) Kabila pour qu’ils respectent la volonté du peuple congolais dans la publication des résultats qui suivront. Dans le cas contraire, ils (Mulunda et Kabila) risquent de commettre des actes suicidaires ». Tshisekedi a par ailleurs appelé les Congolais à « rester vigilants » et annoncé qu' »en cas de besoin » il lancera un « mot d’ordre », sans toutefois donner davantage de précisions.

Dans une déclaration commune lue par le candidat Vital Kamerhe, ancien président de l’Assemblée nationale, « l’opposition politique congolaise », qui regroupe aussi l’UDPS et le parti du président du Sénat Léon Kengo, autre candidat à la présidence, a rejeté « tout résultat partiel » et le considère comme « nul ». L’opposition politique au complet a réaffirmé qu’Etienne Tshisekedi est le vainqueur de l’élection présidentielle et appelle la communauté internationale à faire comprendre au président Kabila «qu’il doit accepter ce résultat avant qu’il ne soit trop tard et pour éviter des souffrances au peuple congolais». Les opposants, qui excluent l’idée d’un gouvernement d’union nationale avec le président Kabila, appellent aussi à une médiation africaine pour éviter de nouvelles violences.

Les quinze pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU » ont insisté pour que tous les candidats oeuvrent à maintenir un environnement calme et serein, observent de la retenue et attendent les résultats ».

Le 5 décembre, à la veille de la proclamation des résultats provisoires par la Ceni, le climat devient de plus en plus inquiétant. Des affrontements ont opposé des manifestants aux forces de l’ordre dans plusieurs villes. La police a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser des protestataires à Kinshasa, où un dispositif sécuritaire de la police est déployé dans les points chauds de la capitale. Les marchés, boutiques, magasins et banques fonctionnent au ralenti.

Certaines écoles ont demandé aux élèves de rester à la maison. Des milliers de personnes quittent la ville vers Brazzaville, un couvre-feu a été décrété à Mbuji-Mayi, capitale du Kasaï oriental et fief d’Etienne Tshisekedi, la garde républicaine a été déployée à Lubumbashi, la capitale provinciale du Katanga. Mgr Nicolas Djombo, président de la Cenco, a déclaré « l’image qu’on a est celle d’un train à grande vitesse qui va tout droit contre le mur ». L’ONG International Crisis Group a émis un bulletin d’alerte pour la RDC en la classant dans la catégorie « risque de conflit ».

Le 5 décembre, Etienne Tshisekedi et Joseph Kabila se sont engagés à respecter les résultats des élections et à utiliser les voies pacifiques pour la résolution de tous contentieux électoraux. Le chef de la Monusco (Mission des Nations Unies pour la stabilité de la RDC) l’a affirmé après sa rencontre tour à tour avec les deux candidats présidentiels.

Le camp du président sortant Joseph Kabila et celui de son principal challenger à la présidentielle, Etienne Tshisekedi ont approuvé la décision de la Ceni de reporter de «48 heures» la publication des résultats provisoires complets de ce scrutin initialement prévue pour le 6 décembre.

Aubin Minaku, secrétaire général de la Majorité présidentielle, pense que cette prolongation permettra à la Ceni de respecter «l’impératif de la crédibilité du processus électoral». Aubin Minaku ne craint pas un vide juridique à la tête du pays au-delà du 6 décembre, date constitutionnelle à la quelle prend fin le mandat du président actuel, estimant que cette question est déjà réglée dans la constitution congolaise qui stipule que «le président de la République sortant reste en place jusqu’à la passation de pouvoir avec le nouveau président élu».

De son côté, l’UDPS, parti d’Etienne Tshisekedi, n’est pas surpris par ce report. L’opposant Tshisekedi avait été consulté sur cette question lors d’une rencontre, lundi, à son domicile avec le chef de la Mission onusienne en RDC et les ambassadeurs de la Russie (qui préside le Conseil de sécurité) et du Gabon, affirme Albert Moleka, son porte-parole.

«La demande de la Ceni de prolonger nous a été transmise. Le président Tshisekedi a tout de suite dit qu’il n’y trouvait aucun inconvénient tant que cela vise à apporter toute la transparence dans ce processus et spécialement dans la proclamation des résultats», dit Albert Moleka, précisant que son parti ne posait pas de problème sur la date du 6 décembre. «M. Tshisekedi a toujours accordé la priorité à ce que le peuple pense. Et ce que le peuple pense au-delà de la date du 6 décembre, est de connaître les résultats véritables du verdict des urnes. Les Congolais peuvent même attendre plus de deux jours pour voir les résultats des urnes mais pas les résultats concoctés par un serveur», déclare-t-il.

Les appels de la société civile

Le 3 décembre, la plate-forme d’ONG des droits de l’homme dénommée Coordination citoyenne des missions congolaises d’observation des élections demande à la Ceni de préciser les centres et bureaux de vote dont les résultats de l’élection présidentielle sont publiés. Le porte-parole de cette plate-forme, Bishop Abraham Djamba, l’a annoncé, au cours d’une conférence de presse, soulignant que cette précision permettra aux candidats «de vérifier l’authenticité des résultats qui sont publiés en rapport avec les PV [procès verbal] que la Ceni a dus remettre à leurs témoins».

A Goma, dans une déclaration commune, douze confessions religieuses du Nord-Kivu appellent les militants des partis politiques au respect des résultats des élections présidentielles et législatives publiés par la Ceni et de ne pas se laisser manipuler pour éviter des conflits post-électoraux.

Le 4 décembre, dans un appel face à la situation actuelle du pays, le comité permanent de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) invite instamment le peuple congolais, les acteurs politiques et la CENI à s’en tenir impérativement à la vérité des urnes telle qu’exprimée et affichée au niveau des bureaux de vote. Pour garantir la sérénité et la crédibilité des résultats, comme le stipule la loi électorale à son article 63, la publication partielle devrait mentionner le nombre d’enrôlés, de votants, de bulletins nuls et de voix obtenues par chaque candidat. La CENCO demande que les cas des fraudes avérés soient sévèrement punis et qu’une réparation équitable soit exigée des auteurs.

La CENCO invite celui qui aura effectivement remporté le scrutin selon la vérité des urnes à éviter tout triomphalisme.

Au perdant, la CENCO demande de tirer les leçons de son échec. Accepter le verdict des urnes est un signe éloquent du patriotisme. En cas de contestation, qu’il emprunte la voix légale pour régler le contentieux électoral.

La CENCO invite encore une fois le peuple Congolais au calme, à la paix. Qu’il évite tout recours à la violence. Le choix politique ne doit absolument pas constituer un motif d’inimitié et d’antagonisme. Il postule par contre le respect des uns et des autres en vue d’une coexistence pacifique. A cet effet, la CENCO exhorte la population congolaise à se rappeler combien notre pays a régressé à cause du manque de retenue qui a occasionné, dans le passé, des violences, des pillages et la destruction des infrastructures dont nous subissons des conséquences jusqu’à ce jour.

La CENCO rappelle à l’Armée et à la Police nationale qu’elles doivent garder leur caractère apolitique et républicain. En faisant preuve de neutralité et de patriotisme, qu’elles évitent absolument toute forme de violence et tout abus dans le recours à la force.

La suspension de la communication par SMS

Le 2 décembre, la diffusion des messages SMS par les opérateurs de téléphonie a été suspendue « jusqu’à nouvel ordre » à Kinshasa, sur ordre du ministre de l’Intérieur, Adolphe Lumanu, pour éviter la diffusion de « faux résultats » et préserver l’ordre public. Le Réseau national des ONG des droits de l’homme (Renadhoc) a, tout de suite, dénoncé une aliénation d’un droit garanti par la constitution et les textes internationaux ratifiés par la RDCongo. Le secrétaire exécutif du Renadhoc, Fernandez Murhola demande au gouvernement de lever cette mesure.