Guerre à l’Est du Congo:
Non au soutien à un pays qui déstabilise la région et exporte des minerais qui ne lui appartiennent pas
Le protocole UE-Rwanda signé le 19 février 2024
Communiqué de presse de Ensemble pour la Paix au Congo (EPC)
«L’Union européenne a décidé de suspendre le financement de nouveaux projets de développement pour le Rwanda, dans l’attente d’éclaircissements sur l’implication de Kigali dans le conflit qui fait rage dans l’est du Congo. Cela faisait suite à la publication en avril dernier d’un rapport dans lequel des experts de l’ONU dénonçaient le soutien du gouvernement de Paul Kagame au nouveau groupe rebelle M23 », écrivait l’agence Misna le 26 septembre 2012.
Douze ans plus tard, l’Est du Congo est aux prises avec le même défi, dénoncé par la même source onusienne, mais l’attitude de l’UE est bien différente. En effet, le 19 février dernier, elle a signé un Protocole d’accord (https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_24_822) avec Kigali, «pour favoriser le développement de chaînes de valeur durables et résilientes pour les matières premières critiques » et ce sont les minerais stratégiques convoités en cette période de ruée vers la soi-disant économie verte.
Cet accord implique une mobilisation de fonds vers le Rwanda pour y créer les infrastructures nécessaires. « Le pays est un acteur majeur au niveau mondial dans le secteur de l’extraction du tantale. Il produit également de l’étain, du tungstène, de l’or et du niobium, et dispose de réserves de lithium et de terres rares », précise le document. Son langage veut exprimer une forte volonté de respecter la légalité, selon les normes de traçabilité que l’Europe elle-même a adoptées en 2021.
Il est cependant dommage que l’UE investisse en ce sens dans un pays qui ne possède pas de quantités significatives de ces minerais, un pays qui n’est devenu un exportateur majeur que grâce aux guerres qu’il a déclenchées à plusieurs reprises en République Démocratique du Congo. Congo depuis 1996, toujours par des mouvements de couverture interposés, qui ont pris ces dernières années le nom de M23.
De l’Est du Congo, avec la faveur de fonctionnaires corrompus à différents niveaux, depuis des années les minéraux précieux – or, coltan, terres rares – affluent vers le Rwanda et d’autres pays limitrophes de l’Est… Complicité aux frontières, astuces de toutes sortes mais maintenant ils passent ouvertement, grâce aux territoires que le M23-Rwanda a occupés de l’autre côté de la frontière. Cela se fait au prix de morts, de violences de toutes sortes, de vols de biens d’une population dont le seul tort est celui de vivre sur un territoire convoité et de plus d’un million de personnes déplacées – rien qu’à l’Est – qui survivent misérablement et meurent dans des taudis de fortune, en pleine saison des pluies.
Juste au moment où, après de multiples plaintes, quelqu’un dans le monde prenait conscience de ce conflit ravivé il y a deux ans, alors que le peuple congolais avait à peine avalé la nouvelle des 20 millions d’euros attribués par l’UE au régime rwandais fin 2022 comme soutien à ses forces présentes au Mozambique, la nouvelle de cet accord est arrivée comme un éclair.
L’accord avait d’ailleurs déjà été annoncé, avec la déclaration commune que le Rwanda et la Banque européenne d’Investissement avaient signée le 19 décembre dernier, concernant «une alliance stratégique visant à renforcer les investissements dans les chaînes de valeur des matières premières critiques».
Si l’objectif de l’accord du 19 février, tel que déclaré par le Parlement européen en réponse aux nombreuses critiques apparues, est « d’accroître la traçabilité et la transparence et de renforcer la lutte contre le trafic illégal de minerais », n’était-il peut-être pas plus approprié de sanctionner le Rwanda au lieu de stipuler des accords avec lui précisément sur les fruits du pillage en cours ?
Faisant écho aux nombreuses voix qui se sont élevées contre l’accord en question, tant de la part des autorités, de citoyens congolais, de pays européens comme la Belgique, que des députés européens, nous aussi, en tant que Comité « Ensemble pour la Paix au Congo », exprimons la vive demande à l’Union européenne d’annuler cet accord, pour contribuer à l’avènement de la paix dans la région. Nous pensons que seule une attitude juste et impartiale peut promouvoir la coexistence pacifique dans la région des Grands Lacs africains.
Nous demandons également à l’Union d’examiner attentivement la situation intérieure du Rwanda, un pays où règne un niveau très élevé de souffrance réprimée. Les tragédies passées, dont le régime rwandais va bientôt réveiller le souvenir à l’occasion du 30e anniversaire du génocide, ne doivent pas faire oublier ce qui est désormais ouvertement dénoncé par de nombreuses enquêtes sérieuses et par l’ONU elle-même, depuis son rapport Mapping d’octobre 2010.
Rome, le 7 mars 2024.
Ensemble pour la Paix au Congo (EPC),
Réseau composé de7 organisations de la société civile, dont
C.A.V.A. Coordinamento delle Associazioni della Vallagarina per l’Africa
Comitato per la Promozione e la Protezione dei diritti umani
Rete Pace per il Congo
Simama Associazione di volontariato
Tribù del mondo associazione
Associazione Tumaini un ponte di solidarietà
Peace Walking Man foundation
et de 8 personnalités physiques, dont:
Alessandro De Filippo
Faustin Ghaima
Gianni Bonotto
Marina Piccone
Piero Gugliotta
Premières adhésions:
Alessandro Zanotelli
Marcia dei bruchi
Forum trentino per la pace e i diritti umani
Don Giovanni Piumatti
Giusy Baioni
Associazione 46° Parallelo / Atlante delle Guerre e dei Conflitti del Mondo
Pour info: insiemeperlapaceincongo@gmail.com