Congo Actualité n. 472

LE RAPPORT DU GROUPE DES EXPERT DE L’ONU POUR LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
(14 JUIN 2022)[1]

SOMMAIRE

1. LES FORCES DÉMOCRATIQUES ALLIÉES (ADF)
a. Expansion territoriale des ADF dans le sud de l’Ituri
– Présence accrue et intensification des attaques dans le sud de l’Ituri
– Recrutement et instrumentalisation des tensions intercommunautaires dans le sud du territoire d’Irumu
b. Liens régionaux et internationaux: recrutement et financement
– Recrutement
– Financement
c. Liens avec Daech
2. LE MOUVEMENT DU 23 MARS (M23)
a. Résurgence du Mouvement du 23 Mars (M23) et dynamiques régionales
– Attaques du M23 contre les Forces Armées de la RD Congo (FARDC) et l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN)
– Commandement, bases, recrutement et armement
b. Objectif et revendications du Mouvement du 23 mars et dynamiques régionales

1. LES FORCES DÉMOCRATIQUES ALLIÉES (ADF)

a. Expansion territoriale des ADF dans le sud de l’Ituri

– Présence accrue et intensification des attaques dans le sud de l’Ituri

23. Les Forces Démocratiques Alliées (ADF) ont commencé à étendre leur zone d’opérations dans le sud de l’Ituri de manière plus organisée et plus constante dès le début de 2020, après que le camp de Madina, le plus important, a été déplacé à la frontière entre le territoire de Beni et le sud du territoire d’Irumu, suite aux opérations militaires de l’armée congolaise. Auparavant, la présence temporaire des ADF et leurs incursions dans le sud de l’Ituri avaient été motivées principalement par des besoins d’approvisionnement.
24. Compte tenu de l’éloignement du camp de Madina des sources d’approvisionnement, les dirigeants des ADF ont décidé d’établir un camp supplémentaire plus au nord, dans le territoire d’Irumu, en Ituri. Ce second camp, dénommé « Machine « , a rapidement pris de l’importance et a été utilisé pour faciliter l’approvisionnement du camp de Madina, tout en servant de base pour attaquer des civils et les FARDC à Kainama, et empêcher ces dernières de s’approcher de Madina. Le camp était dirigé par Mzee Wa Kazi, alias Lumisa, qui a conduit l’expansion des ADF en Ituri avec l’aide de Mzee Mayor, alias Nassa.
26. À partir de décembre 2021, l’opération Shuja, une opération conjointe des armées congolaise et ougandaise contre les positions des ADF, a également contribué à déplacer les ADF et leur zone d’opérations, notamment dans le sud de l’Ituri, où les ADF ont mené des attaques à des fins de diversion, de représailles et de réapprovisionnement.
27. Les ADF et Daech, également connu sous le nom d’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL), ont beaucoup communiqué sur l’expansion des ADF dans le sud de l’Ituri (voir annexe 7). Les ADF ont publié plusieurs vidéos de décapitations tournées en Ituri: la première en juin 2021, montrant Salim Mohamed Rashid, un ressortissant kenyan arrêté par les autorités congolaises en janvier 2022.

Annexe 7:

L’expansion dans le sud de l’Ituri a occupé une place prépondérante dans les communications des ADF sur leurs propres chaînes de radio ainsi que dans la diffusion de photographies et de vidéos.
Les plus remarquables sont quatre vidéos de décapitation, toutes filmées en Ituri. Trois ont été publiées en juin 2021 et la quatrième en août 2021, bien que certaines des vidéos aient très probablement été filmés auparavant. Au total, ces vidéos montrent l’exécution de plus de 40 civils et d’un membre des FARDC. Deux des vidéos présentent des ressortissants kenyans, dont Salim Mohamed Rashid, comme auteurs (voir annexe 10). Dans les vidéos, Daech est mentionné ouvertement ou à travers l’un de ses slogans, certains combattants des ADF criant « Dawlah al Islam (Dawlah islamiyyah) » et d’autres répondant par « Baqiya ». Ces références visent clairement à projeter un alignement avec Daech et à encourager le recrutement auprès de publics externes.
La première vidéo a été diffusée le 5 juin 2021. On y voit Salim Mohamed Rashid, vêtu d’un uniforme des FARDC, en train de décapiter un soldat des FARDC avec d’autres combattants, dont un enfant, très probablement de moins de 10 ans, portant une machette. À la fin de la vidéo, on voit l’enfant frapper le corps du soldat FARDC avec sa machette.
Salim Mohamed Rashid a déclaré au Groupe que la vidéo avait été tournée vers février 2021 à Mambelenga, ce qui a été confirmé par deux autres ex-combattants des ADF. Il a expliqué que pour exécuter la décapitation il s’était inspiré des nombreuses vidéos de Daech qu’il avait vues, et que même s’il s’était porté volontaire pour l’exécuter, il savait que cela faisait partie de la stratégie des ADF pour attirer des recrues internationales, surtout compte tenu de son teint clair et de sa capacité à parler à la fois en arabe et en anglais. Dans la vidéo, Salim Mohamed Rashid a proclamé que l’État islamique était venu pour tuer les infidèles, faisant également référence à «l’Amérique», au «Kenya» et à Félix «Tshisekedi». Il a également déclaré que les ADF avaient prêté allégeance au chef de Daech et qu’ils obéiraient au chef de Daech.
Les trois autres vidéos montrent des décapitations de masse, dont deux vidéos présentant la décapitation d’une dizaine d’hommes civils, ligotés. Les combattants ADF s’exprimant dans ces vidéos évoquent notamment le refus des victimes de se convertir à l’islam comme justification des décapitations. Selon un ex-combattant ADF, ces décapitations ont probablement eu lieu en juin 2021, près du camp Machine.
Il convient également de noter quatre vidéos publiées en août 2021 par les ADF montrant des hommes hutus encourageant d’autres Hutus, notamment des territoires de Masisi et de Rutshuru, à rejoindre les ADF pour unir leurs forces et se protéger. Fait intéressant, ces vidéos, qui faisaient clairement partie de la stratégie de recrutement des Hutus en Ituri par les ADF (voir annexe 8 ci-dessous), ont été publiées à un moment où la plupart des recrues hutues avaient commencé à fuir les camps des ADF.

28. À partir de la mi-2021, les ADF ont également lancé des attaques sur la route entre Beni et Butembo, dans le territoire de Beni, ainsi que dans la chefferie de Bashu, à la suite d’opérations de l’armé congolaise et de la Mission de l’ONU en RDCongo (MONUSCO) visant les camps voisins de Mwalika dirigés par Amigo et Abwakasi. Les ADF ont également été actives dans la chefferie de Watalinga, y compris près du quartier général de l’opération Shuja, et ont continué à mener de multiples attaques dans le secteur de Rwenzori et autour des villes de Mamove et d’Oicha, où elles ont maintenu des camps.
29. Bien qu’elles soient dispersées, les ADF sont toujours résilientes et capables de mener des attaques, parfois de manière simultanée, répétée ou en succession rapide.
Selon la MONUSCO, elles ont tué plus de 1.300 civils depuis 2021. Cette escalade du nombre d’attaques et de meurtres de civils faisait partie des tactiques de représailles des ADF, qui visaient également à dissuader les opérations menées contre elles et à détourner les troupes de l’armée congolaise, de l’armée ougandaise et de la MONUSCO de certaines zones que les ADF considéraient comme plus vitales, telles que les environs de leurs camps principaux.

– Recrutement et instrumentalisation des tensions intercommunautaires dans le sud du territoire d’Irumu

30. La stratégie d’expansion des ADF en Ituri a nécessité une intensification des recrutements, y compris dans leurs nouvelles zones d’opérations. À cette fin, les ADF ont instrumentalisé les conflits existants entre la communauté indigène Nyali-Tchabi et la communauté Hutu migrante, également appelée Banyabwisha.
31. Alors que les ADF avaient initialement forgé une alliance avec les dirigeants Nyali-Tchabi, au début de 2021, les ADF ont commencé à recruter au sein de la communauté Hutu, avec le soutien, notamment, d’un individu dénommé Kamari, qui est devenu le chef des recrues Hutu dans les camps des ADF.
32. Les ADF ont recruté et formé plus de 100 Hutus. Les recrues Hutu ont été régulièrement utilisées comme combattants par les ADF, notamment lors des attaques de Boga et de Tchabi en mai 2021. Vers juillet 2021, des recrues hutu mécontentes ont commencé à s’échapper.
33. En juillet 2021, les FARDC ont utilisé un grand nombre des recrues Hutu qui s’étaient échappées des camps des ADF, y compris des enfants, comme supplétifs pour combattre les ADF (voir annexe 8).

Annexe 8:

Les ADF ont manipulé les tensions intercommunautaires existantes entre les membres des communautés autochtones de la région, notamment les Nyali-Tchabi, et les membres de la communauté Hutu (Banyabwisha), afin de construire des alliances et mener des campagnes de recrutement localement.
Selon un ex-combattant, les ADF ont organisé des attaques contre les Hutus, afin que les Nyali-Tchabi, avec qui ils étaient déjà en contact, soient accusés pour l’attaque, et que les ADF puissent ensuite se rapprocher des Hutus.  Cet ex-combattant ADF a expliqué que les assaillants comprenaient des combattants ADF, y compris des recrues et des éclaireurs Nyali ainsi que des bûcherons (également appelés « bombers »). L’attaque principale a eu lieu le 8 septembre 2020 à Payi Payi. Après l’attaque, Mzee Mayor et Bonge la Chuma ont rencontré des dirigeants Hutus pour leur offrir une protection, en échange d’une collaboration et de recrues. Le premier lot de recrues hutu a été amené aux ADF début 2021 par Kamari, un Hutu qui est devenu le principal recruteur et chef des recrues Hutu dans les camps ADF.
Selon plusieurs ex-combattants ADF, les recrues Hutu étaient dispersées dans plusieurs camps ou groupes ADF, mais la plupart ont été utilisées lors des attaques ADF dans la zone, notamment lors des attaques simultanées à Boga et à Tchabi, dans la nuit du 30 au 31 mai 2021. Plus de 80 personnes ont été tuées lors de ces attaques et des suivantes qui ont eu lieu au cours de la semaine à partir du 31 mai 2021 dans la même zone. Les victimes étaient pour la plupart des membres des communautés Hema et Nyali-Tchabi.
Le recrutement de jeunes Hutu et leur participation à des attaques ont renforcé les tensions
intercommunautaires, ravivé les discours anti-Hutus et entraîné des actes de violence intercommunautaire, comme le 1er juillet 2021, lorsqu’au moins 11 Hutus, dont des enfants, ont été lynchés à mort par une foule à Komanda.
Cette campagne de recrutement a été confirmée par plusieurs vidéos et matériels de propagande publiés par les ADF dans leurs canaux internes ainsi qu’en privé par des combattants ADF (voir an nexe 13). Kamari a notamment été vu dans une vidéo, vêtu d’un uniforme des FARDC et portant un foulard autour de la tête, s’adressant à une foule pour encourager les recrutements.

b. Liens régionaux et internationaux: recrutement et financement

34. Le Groupe d’experts a recueilli des informations sur plusieurs individus ou cellules responsables du recrutement et du financement en Afrique du Sud, au Burundi, au Kenya, en Somalie et en République Unie de Tanzanie.

– Recrutement

35. Des ex-combattants ADF ont continué de signaler la présence de recruteurs et de points focaux dans la région, en particulier le long des côtes kenyanes et tanzaniennes et au Burundi . Des recruteurs ont facilité les recrutements et le transport de recrues, notamment en faisant de fausses promesses de travail en République démocratique du Congo, généralement dans des mines d’or. Les mêmes sources ont également fait état de recrutements par des religieux ou des fidèles musulmans dans des mosquées et des écoles, notamment à Mombasa (Kenya) et à Bujumbura (Burundi).
36. Les ADF ont utilisé des médias sociaux (Facebook, WhatsApp et Telegram), avec des groupes en ligne qui diffusaient une propagande radicale et encourageaient les membres de ces groupes à rejoindre le jihad, notamment en République démocratique du Congo ou au Mozambique. Certains de ces groupes en ligne étaient composés de personnes liées à Daech. Meddie Nkalubo et Abwakasi, des dirigeants des ADF, ont joué un rôle clé dans ces activités de propagande en ligne. Par exemple, Hytham S.A. Alfar, un Jordanien arrêté près de Butembo en septembre 2021, et Salim Mohamed Rashid, un ressortissant kenyan arrêté en RDCongo en février 2022, ont déclaré avoir été en contact avec Nkalubo et Abwakasi avant de se rendre dans des camps des ADF (voir annexe 10). Salim a expliqué qu’il avait décidé de rejoindre les ADF après plusieurs tentatives infructueuses pour rejoindre Daech au Mozambique, en Somalie et en République arabe syrienne.

Annexe 10:

Hytham S. A. Alfar, un ressortissant jordanien, est arrivé dans le camp ADF dirigé par Abwkasi fin août 2021, peu après son arrivée en RDC via Kalemie, province du Tanganyika, le 14 août 2021, puis par Goma et Butembo. Il a été arrêté en septembre 2021, près de Butembo, territoire de Beni, après avoir quitté le camp ADF de Mwalika. Il est le premier ressortissant du Moyen -Orient dont la présence a été confirmée par le Groupe dans les camps des ADF
Le Groupe l’a interviewé en janvier et en février 2022.
Hytham S. A. Alfar a déclaré au Groupe qu’il avait beaucoup voyagé les dernières années, notamment en Australie, où il a vécu plusieurs années, avant d’être expulsé pour avoir refusé de témoigner devant un tribunal. Il s’est également rendu au Kosovo, où il a également vécu pendant environ un an, ainsi qu’à Brunei, en Indonésie, en Malaisie, en Arabie saoudite, en Tanzanie et en Turquie.
Le Groupe a reçu des informations selon lesquelles il était en contact avec des membres de Daech dans plusieurs de ces pays, mais n’a pas pu le confirmer. Son passeport montre notamment que pour l’un de ses voyages en Turquie en mars 2020, il existe un tampon d’entrée, mais pas de tampon de sortie, soulevant ainsi la question de savoir comment et quand il a quitté le pays. Le tampon suivant sur son passeport date de juillet 2020 lorsqu’il est entré au Kosovo, donc plus de trois mois après son entrée en Turquie. De plus, Hytham S.A. Alfar avait fait des recherches sur Internet sur son téléphone, peu avant son arrestation, pour acheter des vols pour se rendre en Libye.
Au cours de son entretien avec le Groupe, Hytham S. A. Alfar a reconnu avoir été en contact avec des individus de Daech par le biais des médias sociaux, bien qu’il ait nié être membre de Daech. Il a rapporté avoir été contacté par une personne par le biais de médias sociaux dans un des groupes utilisés par les membres de Daech en juillet 2021, alors qu’il voyageait en Tanzanie, plus précisément dans la région de Lindi, connue pour être un point de transit pour les combattants tentant de rejoindre l’ASWJ au Mozambique.
Hytham S.A. Alfar a en outre expliqué que cet individu, dont l’identité est encore inconnue, l’a encouragé à se rendre en RDC et à soutenir les ADF à travers un stratagème financier sophistiqué impliquant de l’or et de la crypto-monnaie, ainsi que des hommes d’affaires et des intermédiaires en Europe, en Asie et en Afrique du Sud. Cependant, au moment de la rédaction du rapport, le Groupe n’avait pas pu confirmer la véracité des informations fournies par Hytham S. A. Alfar.
De plus, les détails techniques fournis par Hytham S. A. Alfar concernant la crypto-monnaie et l’extraction et la vente de l’or étaient en grande partie inexacts. Alors que Hytham S. A. Alfar a admis qu’il voyait dans les ADF et Daech, et ce voyage dans les camps des ADF en particulier, une opportunité commerciale et un partenariat lucratif, le Groupe n’a pas pu établir les raisons du voyage de Hytham S. A. Alfar dans les camps des ADF et la nature de ses activités pendant les quelques semaines qu’il a passées avec les ADF. Hytham S. A. Alfar. a également déclaré au Groupe qu’il avait quitté les ADF, car il n’était pas satisfait des conditions de vie qu’il y avait trouvées.

Salim Mohamed Rashid, un ressortissant kenyan qui avait rejoint les camps des ADF en décembre 2020, a été arrêté en janvier 2022,  près de Mamove, territoire de Beni, par les autorités de la RDC. Il a dit au Groupe qu’il était arrivé en RDC avec deux ou peut-être trois autres ressortissants kenyans qui cherchaient à rejoindre le «vrai Islam».
Avant son arrivée en RDC, Salim Mohamed Rashid avait été en contact avec des recruteurs de Daech et avait tenté de les rejoindre à deux reprises: la première fois en 2016 lorsqu’il avait tenté de se rendre en Syrie depuis la Turquie, mais il avait été arrêté et expulsé vers le Kenya par les autorités turques, et une seconde fois en 2019 lorsqu’il tentait de rejoindre le Soudan. Il avait alors été arrêté à l’aéroport de Mombasa quand il s’apprêtait à voyager. Salim Mohamed Rashid a admis qu’après ces tentatives infructueuses, il envisageait encore plusieurs options pour rejoindre Daech, notamment en rejoignant l’ASWJ au Mozambique, mais il a ensuite décidé de se rendre en RDC, qu’il considérait comme l’alternative la plus faisable.
Selon Salim Mohamed Rashid, lui et plusieurs autres recrues, y compris ses compagnons de voyage, ont été déçus à leur arrivée dans les camps des ADF, compte tenu des conditions difficiles et en raison de certaines divergences idéologiques qu’ils avaient avec les ADF. Salim Mohamed Rashid a en outre expliqué que lorsqu’il a fait part de ses inquiétudes concernant ses divergences idéologiques, y compris directement à Musa Baluku, le commandement des ADF a ordonné qu’il soit emprisonné pendant plusieurs mois dans une « prison » ADF dans un camp près de Mamove. Il a ensuite fui le camp des ADF en janvier 2022, après avoir été libéré de prison et a été arrêté par les autorités de la RDC quelques jours plus tard.

37. Cela montre que l’allégeance des ADF à Daech et leur projet d’alignement avec ce dernier ont permis aux ADF d’accroître leur notoriété dans des cercles radicalisés. Les ADF ont capitalisé sur cette notoriété pour attirer des recrues hautement radicalisées et sont ainsi apparues comme une option possible pour des individus désireux de rejoindre Daech, au même titre que Daech en Libye, au Mozambique, en Somalie et en République arabe syrienne. Plusieurs recrues, dont Salim et Hytham, ont cependant été déçues par les conditions de vie difficiles ou les divergences idéologiques et ont rapidement quitté les camps des ADF.

– Financement

38. Le Groupe d’experts a établi que les ADF avaient reçu des financements de personnes basées en dehors de la République démocratique du Congo, par le biais d’intermédiaires à l’intérieur du pays et en Ouganda. Depuis 2018 au moins, des individus en Afrique du Sud et au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord envoient des fonds aux ADF au moyen de transferts d’argent sur un portefeuille mobile et de virements internationaux.
39. Le Groupe d’experts a examiné des reçus de virements internationaux montrant que Waleed Ahmed Zein, qui a été spécialement désigné comme terroriste mondial par les États-Unis d’Amérique depuis le 7 septembre 2018, avait transféré des fonds à au moins une occasion, en 2018, à un individu en Ouganda collaborant avec Nkalubo. Des individus du réseau de Nkalubo ont reçu plus de 50 000 dollars en provenance d’Afrique du Sud par le biais de transferts sur des portefeuilles mobiles en 2019 et 2020. Le Groupe d’experts a reçu des informations selon lesquelles certains des expéditeurs en Afrique du Sud avaient reçu des fonds d’Abdirizak Mohamed Abdi Jimale, récemment condamné par un tribunal militaire en Somalie pour avoir financé Daech en Somalie.
40. Ghislaine Kavira Sikakulya, alias Shengazi ou Shenga Yalala, ressortissante congolaise et ougandaise et membre éminente des ADF, arrêtée en octobre 2021 à Bunia, était en contact téléphonique régulier avec le chef des ADF, Seka Baluku et son second Lukwago Hood, alias Pierro. Jusqu’à récemment, elle recevait des transferts d’argent d’un individu basé à Londres via des portefeuilles mobile.
41. Benjamin Kisokeranio, proche conseiller du fondateur des ADF Jamil Mukulu et sa seconde épouse, Nahimana Amina, ont reçu des virements internationaux d’une personne établie à Londres entre 2017 et 2019. Kisokeranio a indiqué que la personne en question envoyait des fonds aux ADF par l’intermédiaire de ses proches depuis au moins 2010.
42. Le Groupe d’experts a examiné des transferts d’argent envoyés depuis la République démocratique du Congo par Airtel Money vers une carte SIM appartenant à un combattant des ADF, que celui-ci avait perdue lors d’affrontements avec les FARDC en octobre 2021. Entre seulement juillet et la mi-octobre 2021, plus de 60.000 dollars ont transité par le compte associé à la carte SIM. L’argent a été envoyé sur le compte à partir de trois numéros congolais, puis les fonds ont été transférés vers des comptes associés à au moins 40 autres numéros. L’un des trois numéros congolais était lié au téléphone portable qui a déclenché l’explosion d’Oicha. D’autres numéros appartenaient à des combattants et à des dirigeants des ADF, notamment Nkalubo et Abwakasi, qui ont reçu respectivement plus de 6.000 et 4.000 dollars.

c. Liens avec Daech

43. Le Groupe d’experts a établi que les premiers contacts entre les ADF et Daech ont eu lieu dès 2017, notamment par l’intermédiaire de Meddie Nkalubo. Kisokeranio a également confirmé que Baluku avait prêté allégeance à Daech pour la première fois en 2017, ce qui avait été la principale raison de son départ des ADF.
44. En mars 2022, les ADF ont renouvelé leur allégeance à Daech après la mort du chef de l’organisation, Abu Ibrahim Al-Qurashi, un mois plus tôt. Après la mort de ce dernier le 3 février 2022, les ADF ont renouvelé leur serment d’allégeance (bay’ah) au nouveau chef de Daech, Abu al-Hassan al-Hashimi al-Qurayshi, en mars 2022.
45. Les échanges entre les ADF et Daech ont continué de s’intensifier. Les revendications de Daech concernant des attaques en République démocratique du Congo ont été plus nombreuses et plus précises, et transmises plus rapidement (voir annexe 13).

Annexe 13:

Depuis 2021, les communications de Daech, y compris des photographies et des vidéos, revendiquant au nom de la Province d’Afrique centrale de l’État islamique (ISCAP) des activités et des attaques attribuées aux ADF sont devenues plus nombreuses, plus rapides et plus précises. Cela peut notamment indiquer un renforcement des liens de communication entre les ADF et Daech, tous deux désireux de communiquer sur les activités et les « succès » des ADF, renforçant en même temps l’impression d’un fort ancrage de Daech en Afrique.
Entre 2019 et 2020, Daech avait publié plus de 110 communications, tandis qu’en 2021 et jusqu’au 30 mars 2022, Daech a publié environ 170 communications concernant plus de 150 incidents.
En plus de montrer des attaques, en 2021, les communications de Daech ont également largement diffusé les différents aspects de la vie des membres des ADF (instruction, prière, repas) dans les camps, pour promouvoir le mode de vie des ADF, la dévotion à l’Islam et l’alignement avec l’EIIL. Cette propagande visait à encourager le recrutement dans les cercles djihadistes/radicalisés, pour que les recrues aient l’impression qu’en rejoignant les ADF, elles rejoindraient le véritable Islam et/ou Daech.

46. Selon plusieurs sources, Daech aurait fourni aux ADF une orientation idéologique, et aurait soutenu, coordonné ou dirigé ses affiliés, à savoir les ADF en République démocratique du Congo et Ahl al-Sunna wal-Jama’a au Mozambique (ASWJ), par l’intermédiaire de son bureau Al-Karrar au Puntland, en Somalie, qui est hébergé par Daech en Somalie. Par ailleurs, dans un enregistrement audio diffusé sur la chaîne de propagande privée des ADF en février 2022, Baluku a affirmé être en contact avec Daech en Somalie.
47. S’il n’exclut pas l’existence de liens entre les ADF et le bureau Al-Karrar de Daech ou Daech en Somalie, le Groupe d’experts n’a pas pu confirmer ces liens au moment de la rédaction du présent rapport. Il n’a pas pu non plus établir l’existence d’un soutien direct de Daech aux ADF, qu’il soit financier, matériel ou humain, ni confirmer que Daech exerçait un commandement et un contrôle sur les ADF.

2. LE MOUVEMENT DU 23 MARS (M23)

a. Résurgence du Mouvement du 23 Mars (M23) et dynamiques régionales

– Attaques du M23 contre les Forces Armées de la RD Congo (FARDC) et l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN)

58. Après sa défaite en 2013, le Mouvement du 23 mars (M23) s’est scindé en deux factions: l’Armée Révolutionnaire du Congo (ARC), dirigée par Bertrand Bisimwa, et l’Alliance pour le Salut du Peuple (ASP), dirigée par Jean-Marie Runiga. Les ex-combattants du M23/aile Bisimwa se sont retirés dans des camps en Ouganda et ceux du M23/aile Runiga ont fui au Rwanda.
En décembre 2013, le M23 a signé un accord avec les autorités congolaises qui a dissous le M23 en tant que groupe armé. Cet accord fixait les règles relatives à la démobilisation, à la démilitarisation, à la réintégration sociale et à l’amnistie conditionnelle.
59. En janvier 2017, cependant, le M23/ARC a commencé à se reconstruire lorsque des combattants dirigés par le « général » Sultani Makenga ont quitté le camp de Bihanga, en Ouganda, pour établir une base sur le mont Sabinyo, dans le parc national des Virunga, en République Démocratique du Congo (RD Congo).
60. Le M23/ARC est resté inactif jusqu’au début de novembre 2021, date à laquelle il a lancé une première série d’attaques contre des positions des Forces Armées de la RD Congo (FARDC) et de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), près de la frontière entre la République démocratique du Congo, le Rwanda et l’Ouganda, tuant des écogardes de l’ICCN et des soldats des FARDC, et volant des armes, des uniformes, du matériel de communication et des vivres, renforçant ainsi ses capacités militaires.
61. Après un mois d’accalmie, le M23/ARC a lancé de nouvelles attaques contre les FARDC et les positions de l’ICCN à Rutshuru, à la fin de décembre 2021, puis à nouveau fin janvier 2022. La fréquence, la durée et l’intensité des attaques du M23/ARC ont suivi une courbe ascendante, tout comme le nombre de victimes des FARDC.

– Commandement, bases, recrutement et armement

64. Les attaques de 2021 et 2022 ont été lancées sous le commandement militaire général de Makenga, tandis que le « colonel » Yusuf Mboneza dirigeait les opérations sur le terrain. Bisimwa, qui a été contraint par les autorités ougandaises de quitter Kampala le 5 janvier 2022, est resté le dirigeant politique du M23/ARC.
65. Le quartier général du M23/ARC était situé sur le Mont Sabinyo, en République Démocratique du Congo (RD Congo), près de la frontière entre RD Congo, le Rwanda et l’Ouganda, ce qui offrait au mouvement un avantage stratégique en ce qui concerne les voies d’entrée et de sortie. Le M23/ARC possédait également d’autres camps sur le Mont Visoke, en RD Congo, près de la frontière avec le Rwanda et à une courte distance de la frontière entre le Rwanda et l’Ouganda.
66. À partir de novembre 2021, le M23/ARC a commencé à recruter dans le camp de Bihanga (en Ouganda) et, à partir de janvier 2022, dans les territoires de Masisi et de Rutshuru et à Kitshanga, en RD Congo, ainsi qu’au Rwanda, pour renforcer rapidement ses troupes. Alors qu’on estimait de 100 à 200 le nombre des combattants impliqués dans les attaques menées entre novembre 2021 et janvier 2022, au moins 400 combattants ont été observés lors de l’attaque de Bunangana, le 29 mars 2022, tandis que d’autres combattants ont été observés près de Matebe et sur la route de Rugari-Kibumba le même jour.
67. Si la majorité des combattants du M23/ARC présents dans les camps étaient originaires de Masisi, certains étaient des Banyamulenge du Sud Kivu, mais provenant de l’Ouganda, où ils s’étaient refugiés, tandis que d’autres étaient des ressortissants rwandais ou parlaient le lingala.
Les forces armées et les forces de sécurité de la RD Congo ont signalé la présence d’individus portant des uniformes de la Force de Défense Rwandaise (Rwanda Defence Force / RDF) dans des camps du M23/ARC situés en RD Congo, ce qui a été confirmé par des images aériennes et des preuves photographiques. Néanmoins, le Gouvernement rwandais a catégoriquement nié tout soutien actif ou passif de la RDF au M23/ARC.
68. Le M23/ARC était bien équipé, possédant notamment des fusils d’assaut de type AK et des armes automatiques PKM, des fusils-mitrailleurs, des mitrailleuses lourdes de 12,7 mm, des lance-roquettes, des mortiers de 60 mm et des jumelles de vision nocturne. Un certaine partie de ce matériel militaire a été récupérée par le M23/ARC lors de ses attaques contre des positions des FARDC. Par exemple: dans les attaque du 24 et 25 janvier 2022, le M23 avait récupéré 32 fusils d’assaut de type AK, deux PKM, deux caisses de munitions de fusils d’assaut de type AK, trois caisses de munitions de PKM, un RGP et des uniformes des FARDC.

b. Objectif et revendications du Mouvement du 23 mars et dynamiques régionales

69. Les récentes attaques du M23/ARC découlent notamment de l’absence de progrès dans la mise en œuvre des Déclarations de Nairobi signées le 12 décembre 2013 (voir annexe 35).
Des négociations confidentielles entre le Gouvernement de la RD Congo et une délégation du M23, qui avaient débuté en septembre 2020 et s’étaient poursuivies pendant 14 mois, sont au point mort.
Six combattants du M23/ARC qui ont été capturés ont déclaré que le plan de Makenga était d’attaquer et d’occuper les villes de Bunangana, Rutshuru et Rumangabo, de couper la route stratégique Goma-Rutshuru, puis de prendre Goma, afin de forcer le Gouvernement à accepter les demandes du M23/ARC en matière d’amnistie, de restitution d’avoirs, de retour en République démocratique du Congo, d’intégration aux FARDC et d’attribution de postes politiques.

Annexe 35:

La délégation du M23 était composée de Benjamin Mbonimpa, Laurens Kanyuka et Castro Mbera.
À propos des Déclarations de Nairobi, il faut rappeler qu’elles ne faisaient pas référence à l’intégration du M23 dans les FARDC ou aux postes politiques qui pourraient être obtenus par les ex-combattants du M23.
Par ailleurs, le 27 septembre 2013, la RDC avait publié un communiqué listant les commandants et autres hommes appartenant ou associés au M23 qui n’auraient jamais pu être intégrés dans les FARDC. Des ex-FARDC et le Colonel Makenga Sultani figurent sur cette liste.
Il faut rappeler que les pourparlers de Kampala entre le Mouvement du 23 Mars (M23) et le Gouvernement congolais se conclurent avec deux déclarations séparées au lieu d’un accord conjoint entre les deux parties:

  • Déclaration du Mouvement du 23 Mars (M23) au terme des pourparlers de Kampala:

1. Fin de rébellion
Le M23 confirme qu’il renonce à sa rébellion.
2. Amnistie
2.1. Le M23 convient que pour bénéficier de l’amnistie, chaque membre du M23 devra personnellement s’engager par écrit à s’abstenir de manière permanente d’utiliser des armes ou de participer à un mouvement insurrectionnel pour assurer le succès de quelque revendication que ce soit.
2.2. Toute violation de cet engagement rendra automatiquement l’amnistie accordée nulle et non avenue, et privera celui qui aura commis cette violation du droit à toute future amnistie.
3. Dispositions transitoires de sécurité
3.1. Le M23 s’engage à suivre et à mettre en œuvre les dispositions transitoires de sécurité, dont le cantonnement, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion sociale des ses ex- combattants.
4. Libération des prisonniers

4.1. Dès la signature de cette Déclaration, le M23 s’engage à produire la liste de ses membres prisonniers pour faits de guerre et insurrection.
5. Transformation du M23
Les membres du M23 se réservent le droit de changer de dénomination et de se constituer en parti politique dans le respect de la Constitution et des lois de la République Démocratique du Congo.
6. Retour et réinstallation des refugiés et des personnes déplacées internes

Afin d’encourager lé retour des refugiés, des représentants du M23 seront inclus dans la structure nationale chargée des questions des refugiés.
7. Biens spoliés, extorqués, volés, pillés et détruits
Des représentants du M23 seront inclus dans la Commission que le Gouvernement mettra en place, chargée d’identifier les biens spoliés, extorqués, volés, pillés et détruits, d’examiner tous ces cas et d’en référer aux juridictions compétentes, aux fins de rétablir les propriétaires légitimes dans leurs droits.
8. Réconciliation nationale et justice

8.1. En vertu du principe d’inclusion, des représentants du M23 feront partie de la Commission de réconciliation nationale qui sera mise en place par le Gouvernement.
8.2. Le M23 accepte qu’au vu des atrocités et autres violations massives des droits humains dans l’Est de la République démocratique du Congo, et en vue de mettre fin à l’impunité, des poursuites pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes de génocide, violences sexuelles et recrutement d’enfants soldats soient engagées à charge de tout présumé auteur.
9. Mécanisme de mise en œuvre, suivi et évaluation
Pour la mise en œuvre de ses engagements, le M23 désignera, un Coordinateur chargé de suivre cette mise en œuvre avec le Mécanisme National de Suivi établi, en vertu de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en RDC, signé à Addis-Abeba, Ethiopie, le 24 février 2013.

  • Déclaration du Gouvernement congolais à la fin des pourparlers de Kampala

Article 1: Amnistie
1.1. Le Gouvernement s’engage à accorder l’amnistie aux membres du M23 pour faits de guerre et d’insurrection, couvrant la période du 1er avril 2012 à ce jour. Conformément au droit national et international, cette amnistie ne couvre pas les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les crimes de génocide, compris les violences sexuelles, le recrutement d’enfants soldats et autres violations massives des droits de l’homme.
1.2. Pour bénéficier de l’amnistie, chaque membre du M23 devra personnellement s’engager par écrit à s’abstenir de manière permanente de recourir aux armes et ou de participer à un mouvement insurrectionnel pour faire aboutir une quelconque revendication. Toute violation de cet engagement: rendra automatiquement caduque l’amnistie ainsi accordée et disqualifierait l’auteur de cette violation du bénéfice de toute amnistie ultérieure.
Article 2: Dispositions transitoires de sécurité
2.1. Le gouvernement s’engage à respecter et à appliquer les dispositions transitoires de sécurité, dont le cantonnement, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion sociale des ex- combattants du M23;
Article 3: Libération des prisonniers
3.1. Le Gouvernement s’engage à libérer les membres du M23 faits prisonniers pour faits de guerre et d’insurrection dont la liste lui sera communiquée par le M23 et à les remettre au Comité International de la Croix-Rouge (CICR), pour leur réunification avec leurs familles.
Article 4: Transformation du M23
Le Gouvernement s’engage à répondre favorablement à une éventuelle demande des membres du M23 de se constituer en parti politique, conformément à la Constitution et aux lois de la RDCongo.
Article 6: Retour et réinstallation des réfugiés et des personnes déplacées internes
6.1. Le Gouvernement s’engage à œuvrer pour une mise en œuvre rapide des Accords tripartites sur le rapatriement des réfugiés signés avec les Etats voisins et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) ainsi que pour la réinsertion des personnes déplacées internes.
6.2. A cette fin, le Gouvernement continuera à travailler avec la MONUSCO afin d’améliorer la sécurité dans les zones de conflit, d’assurer la protection des populations civiles et de régler le problème des forces négatives.
6.3. Pour chacune des zones de retour des réfugiés, le Gouvernement s’engage à:
(i) Sécuriser, viabiliser et rendre attractives ces zones;
(ii) Accélérer le déploiement de la Police de proximité;
(iii) Accélérer la mise en place de projets de développement des entités de base et de réinsertion sociale;
(iv) Redynamiser et étendre les comités locaux de conciliation;
(v) Présenter un programme d’action détaillé pour le retour des réfugiés et des personnes déplacées internes.
6.4. Afin d’encourager le retour des réfugiés, le Gouvernement s’engage à inclure des représentants de l’ex-M23 dans la structure nationale chargée des questions des réfugiés.
Article 7: Biens spoliés, extorqués, volés, pillés et détruits
7.1. Le Gouvernement s’engage à mettre en place une Commission chargée d’identifier les biens spoliés, extorqués, volés, pillés et détruits et d’examiner tous ces cas et d’en référer aux juridictions compétentes, aux fins de rétablir les propriétaires légitimes dans leurs droits.
7.2. Cette Commission sera composée de manière représentative et inclusive, compte tenu des principales parties prenantes, dont les représentants de l’ex M23.
Article 8: Réconciliation nationale et justice
8.1 Le Gouvernement s’engage à mettre en place une Commission nationale de réconciliation qui aura pour mandat de:
(i) promouvoir la réconciliation nationale et la résolution paisible des conflits;
(ii) lutter contre la discrimination ethnique et l’incitation à la haine, y compris en recommandant une législation appropriée;
(iii) régler ou résoudre les conflits inter-ethniques, y compris les conflits fonciers;
(iv) offrir une éducation Civique pour promouvoir une coexistence pacifique, pour mieux comprendre les droits et devoirs de la Citoyenneté et pour renforcer le patriotisme.
8.2. La Commission nationale de réconciliation sera constituée de personnes intègres et représentatives, sélectionnées dans le respect des principes d’équité, d’inclusion et d’égalité. Des représentants de l’ex M23 en feront partie.
8.3. La Commission nationale de réconciliation sera placée sous l’autorité suprême du Président de la République et sous la supervision directe du Premier Ministre.
8.4. Au vu des atrocités et autres violations massives des droits de l’homme dans l’Est de la République démocratique du Congo, et en vue de mettre fin à l’impunité, le gouvernement veillera à ce que des poursuites pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes de génocide, violences sexuelles et recrutement d’enfants soient engagées à charge de tout présumé auteur.
Article 9: Gouvernance et réformes socio-économiques
Conformément à l’Accord­cadre du 24 février 2013, le Gouvernement réaffirme sa détermination à poursuivre la mise en œuvre des réformes structurelles et institutionnelles, en ce compris les réformes du secteur de sécurité, de l’administration publique, des finances publiques, de la justice, de la gestion des ressources naturelles ainsi que la mise en œuvre de la décentralisation, et à rendre effectives les conditions d’une gouvernance locale conforme aux prescrits de la Constitution et des lois en vigueur, notamment la disposition attribuant 40% des revenus à caractère national aux provinces.
Article 10: Mise en œuvre des conclusions de la Revue de l’Accord de Paix du 23 mars 2009
Le Gouvernement réaffirme sa détermination à finaliser la mise en œuvre des engagements qui avaient été pris dans le cadre de l’Accord du 23 mars 2009 signé avec le CNDP et qui n’ont pas été réalisés ou ne l’ont été que partiellement.
Article 11: Mécanisme de mise en œuvre, suivi et évaluation
11.1. Le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre de la présente Déclaration seront assurés par le Mécanisme National de Suivi des engagements nationaux souscrits par la République Démocratique du Congo au terme de l’Accord-cadre du 24 février 2013.
11.2. Le gouvernement désignera un Coordonnateur chargé de la mise en œuvre de la présente Déclaration.

70. Le porte-parole et des cadres politiques du M23/ARC ont d’abord nié l’implication du mouvement dans les attaques de novembre et de décembre 2021, soulignant que le M23/ARC avait poursuivi un dialogue constructif avec le Président Tshisekedi depuis 2020. Toutefois, leur discours a radicalement changé en mars 2022, lorsqu’ils ont accusé à plusieurs reprises les FARDC d’attaquer leurs positions sur les monts Mikeno, Karisimbi, Visoke et Sabinyo. Le M23/ARC s’est alors réservé le droit de se défendre et a annoncé qu’il poursuivrait sa lutte.
71. Les dynamiques régionales, déjà tendues notamment en raison de l’opération conjointe des FARDC-UPDF dénommée Shuja et menée contre les ADF et à cause du projet de rénovation des infrastructures routières entrepris par la Rd Congo en collaboration avec l’Ouganda, ont été exacerbées par la résurgence du M23/ARC. Lors de réunions avec le Groupe en janvier et mars 2022, des autorités de la RD Congo ont affirmé que le M23/ARC opérait avec le soutien des forces spéciales de la RDF. En outre, le 28 mars 2022, le porte-parole du gouverneur militaire du Nord Kivu a déclaré publiquement que, dans la nuit du 27 au 28 février, le M23 avait attaqué des positions des FARDC à Tshanzu et à Runyoni avec le soutien de la RDF. Ces affirmations ont été catégoriquement réfutées tant par le Gouvernement rwandais que par le porte-parole du M23/ARC.
72. Le Groupe note que, dans sa déclaration, le porte-parole du gouverneur mentionne la capture de deux soldats présumés de la RDF pour soutenir ses propos. Cependant, les deux soldats en question avaient été arrêtés bien avant la déclaration du porte-parole du gouverneur. L’un avait été capturé en janvier 2022 par le groupe armé Collectif des Mouvements pour le Changement (CMC), tandis que l’autre avait été arrêté par les FARDC, également en janvier 2022. Tous deux avaient été interrogés par le Groupe d’experts en février 2022.

[1] https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N22/338/71/PDF/N2233871.pdf?OpenElement