UNION SACRÉE DE LA NATION: HÉTÉROGÉNÉITÉ ET COMPÉTITIVITÉ
SOMMAIRE
1. TSHISEKEDI FACE À UN CASSE-TÊTE
2. L’«UNION SACRÉE» SERAIT-CE UN «FCC BIS»?
3. L’UNION SACRÉE DÉJÀ FISSURÉE AUTOUR DES POSTES
4. LA LISTE DES ADHÉSIONS S’ALLONGE
5. LES DIVERGENCES ENTRE UDPS-FCC ET MLC-ENSEMBLE POUR LA RÉPUBLIQUE
1. TSHISEKEDI FACE À UN CASSE-TÊTE
Comment faire cohabiter l’UDPS, l’UNC, des anciens kabilistes FCC, Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba? C’est la délicate équation qu’essaie de résoudre le président Félix Tshisekedi au sein de son «Union sacrée» pour récupérer une majorité favorable à l’Assemblée nationale.
Y aura-t-il de la place pour tout le monde dans «l’Union sacrée»? La nouvelle majorité parlementaire en construction autour du président Félix Tshisekedi attire les foules. Depuis le lancement de son rassemblement visant à renverser les rapports de force à l’Assemblée nationale, le chef de l’Etat a réussi à obtenir le soutien de la quasi totalité du spectre politique congolais, moins quelques kabilistes encore fidèles à l’ancien président. Les places seront donc très chères pour faire partie de «l’Union sacrée» et surtout pour bénéficier des postes-clés qui iront avec le changement de majorité parlementaire: présidence et vice-présidences de l’Assemblée nationale, Primature et ministères stratégiques… tout le monde veut son poste pour pouvoir peser sur l’échiquier politique.
Des ex-FCC majoritaires
Le problème, c’est que «l’Union sacrée» est devenue «une véritable auberge espagnole», s’inquiète un de ses nouveaux venus qui voit les rangs de la nouvelle majorité grossir à vue d’oeil. Autour de l’UDPS, le parti présidentiel et de l’UNC, son partenaire de CACH, il faudra maintenant compter avec les nombreux déçus du FCC pro-Kabila, qui ont rallié le président Tshisekedi. Si nombreux, «qu’ils sont maintenant devenus majoritaires» au sein de «l’Union sacrée» s’étonne un membre de CACH. Plusieurs caciques du FCC ont récemment viré casaque pour soutenir le large rassemblement présidentiel. On y retrouve l’emblématique ex-porte-parole de la kabilie, Lambert Mende, le ministre de l’industrie Julien Paluku, l’ancien gouverneur du Kasaï, Ngoy Kasanji, Jean-Lucien Bussa, Jean-Charles Okoto ou Pius Muabilu, le ministre de l’Urbanisme.
Trop plein?
A ces nouveaux venus provenant du FCC, le président Tshisekedi a également réussi à convaincre une partie de l’opposition de rejoindre son rassemblement. Jean-Pierre Bemba du MLC et Moïse Katumbi, d’Ensemble, ont eux aussi décidé de donner une chance à «l’Union sacrée». Dans cette étonnante coalition, on retrouve aussi l’une des pièces maîtresses du chef de l’Etat pour tenter de faire tenir l’édifice: Modeste Bahati et sa petite cinquantaine de députés AFDC-A dans le rôle de «l’informateur» chargé d’identifier la nouvelle majorité et permettre la nomination d’un futur Premier ministre plus en phase avec «la vision» de Félix Tshisekedi. Le plus difficile reste maintenant à venir: trouver un modus operandi au sein de cette nouvelle alliance hétéroclite et surtout une distribution des postes qui contente tout le monde. Avec autant de tendances politiques contre-nature qui couvrent maintenant l’intégralité du paysage politique congolais, l’équation paraît bien difficile à résoudre.
Une difficile répartition des postes
Au temps de la coalition CACH-FCC, les violons avaient déjà mis beaucoup de temps à s’accorder autour de la composition du premier gouvernement de Sylvestre Ilunga. Sept mois ont été nécessaires pour trouver le subtil équilibre entre UDPS-UNC et FCC. Dans les chancelleries occidentales, on doute que ce drôle d’attelage puisse se mettre rapidement d’accord sur une distribution satisfaisante des postes. On voit mal, en effet, comment la présidence de l’Assemblée nationale pourrait échapper à un membre du FCC version «Union sacrée». Le mouvement est majoritaire et peut faire la pluie et le beau temps dans l’hémicycle: on imagine difficilement Félix Tshisekedi réussir à imposer une autre formation. Un choix qui pourrait faire grincer des dents au sein du propre parti présidentiel, mais aussi au MLC et à Ensemble. La Primature pourrait revenir à une personnalité de compromis. La seule qui émerge pour l’instant est tout simplement «l’informateur» Modeste Bahati, qui pourrait rassembler aussi bien au sein du FCC que des autres composantes.
Une «cannibalisation» par le FCC
Face à ce casse-tête, Félix Tshisekedi sait qu’il fera des déçus. Et pour le moment, l’ambiance est tendue avec Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba, qui se demandent aujourd’hui ce qu’ils sont venus faire dans cette galère et cautionner un énième rabibochage entre le FCC et Tshisekedi. Le climat est désormais à la méfiance entre le chef de l’Etat et les deux autres leaders de l’opposition qui assistent impuissants à la cannibalisation de «l’Union sacrée» par le FCC. Qui peut piloter un tel paquebot avec Tshisekedi, Bemba, Katumbi, Mende, Bahati à son bord? Dans le camp Katumbi, on prévient: «Dans les conditions actuelles, nous ne serons pas dans «l’Union sacrée». Ils ont déjà obtenu la majorité parlementaire avec les députés du FCC qui les rejoignent. Le nombre de députés du FCC est déjà suffisant», a déclaré Mohindo Nzagi sur la radio Top Congo.
Une autoroute vers la dissolution?
La forte prédominance du FCC dans «l’Union sacrée» constitue sans doute le plus grand handicap de la nouvelle coalition. Quelle confiance pourra avoir le président Tshisekedi sur ces députés ex-FCC qui ont fustigé et boudé les consultations nationales avant d’adhérer à «l’Union sacrée»? Le chef de l’Etat pourra-t-il mieux gouverner et mieux réformer la RDC avec les mêmes députés ex-FCC et un nouveau gouvernement où il devra faire de la place à des anciens membres de la coalition pro-Kabila? «L’Union sacrée» semble complexifier l’équation politique, avec davantage d’acteurs aux intérêts divergents, plutôt que de la simplifier. Le président Tshisekedi possède tout de même une menace efficace pour faire rentrer tout le monde dans le rang (et surtout les ex-FCC) en cas de blocage institutionnel: la dissolution de l’Assemblée nationale. De nombreux députés hésiteront à perdre leurs confortables émoluments. Mais cette solution serait aussi dévastatrice pour l’actuel chef de l’Etat devant la difficulté d’organiser un scrutin dans les 60 jours, sans moyens financiers et avec une Commission électorale (Ceni) qui ne lui est pas complètement favorable.[1]
2. L’«UNION SACRÉE» SERAIT-CE UN «FCC BIS»?
Une réflexion de Matata Ponyo Mapon, ancien Premier Ministre:
Le Front Commun pour le Congo (FCC) fut créé principalement pour faire élire de ses rangs un Président de la République à fin décembre 2018. En réalité, il était un mort-né. Un simple examen de sa structuration à sa création suffisait pour le comprendre: le FCC est un conglomérat de plusieurs groupements politiques et personnalités venant de tout bord. De la majorité présidentielle et de l’opposition. De la droite, de la gauche et du centre. Il y avait des lumumbistes, mobutistes, tshisekedistes, bembistes, kengistes, kabilistes, et des opportunistes… Une structure hétérogène qui ne pouvait jamais prétendre à l’unité.
Le FCC n’avait à sa création ni âme, ni esprit. Il ne l’a toujours pas et ne l’aura jamais, à moins d’un miracle. En effet, tous les groupements de partis regroupés au sein du FCC avaient chacun son idéal qui ne cadrait nécessairement pas avec celui des autres. Bien plus, les objectifs des uns et des autres n’étaient pas les mêmes. Un corps sans âme, ni esprit peut-il vivre ou survivre ? Nullement. Un regroupement avec des objectifs contradictoires pouvait-il tracer un plan et élaborer des méthodes et techniques pour atteindre ses objectifs? Difficile de le croire.
L’Union Sacrée de la Nation devrait éviter les erreurs du FCC: être une association de tous les groupements et hommes politiques venant de partout dans le but de constituer une majorité parlementaire, en oubliant que cette dernière n’est pas un fin en soi même, mais un simple moyen pour mieux gouverner. Une telle structure, sans âme et esprit, ne pourra donner que des résultats semblables à ceux du FCC. Que peut-on faire avec les mêmes acteurs qui ont composé et animé le FCC et ont traversé la frontière pour rejoindre le CACH et former l’Union Sacrée? Certains d’entre eux déclarent tout haut avoir été débauchés en contrepartie des sommes d’argent alléchantes. D’autres disent y aller sans y croire, si ce n’est pour chercher les postes. Si le CACH a critiqué sévèrement le FCC, c’est à cause notamment de ces mêmes acteurs politiques qui hier, étaient les chantres du kabilisme, et aujourd’hui deviennent les chantres du tshisekedisme ! Certains ont même retrouvé leur maison de départ, parce qu’étant tshisekedistes à l’origine. Les diables d’hier peuvent-il devenir des anges d’aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’ils peuvent faire de mieux aujourd’hui dans l’Union sacrée qu’ils n’ont pas été en mesure de faire hier dans le FCC? Ne seront-ils pas demain les pourfendeurs du Tshisekedisme? Ne vont-ils pas faire la retraversée avant 2023?
La RDC a besoin d’une vraie majorité parlementaire qui naitrait des urnes. Une vraie majorité, celle de rupture, qui serait l’expression de la population de voir le changement radical se réaliser. Etienne Tshisekedi wa Mulumba, avait résumé en un seul mot son programme d’actions lorsque, en disant: «mon programme, c’est le changement».
Le peuple congolais n’a plus besoin de voir les mêmes acteurs, qui ont échoué partout depuis les années 60, continuer à le tromper avec la même démagogie. Les mêmes qui changent comme des caméléons: ils ont été lumumbistes, mobutistes, tshisekedistes (le père), kabilistes (le père et le fils) et aujourd’hui redevenus tshisekedistes (le fils); et pour combien de temps? Les mêmes méthodes ne peuvent produire que les mêmes résultats. Le peuple a besoin de nouveaux acteurs, avec des nouvelles idées et dépositaires des valeurs. Des nouveaux acteurs ne sont pas nécessairement des jeunes, parce qu’il y en a aussi qui ont vieilli prématurément dans la mauvaise gouvernance. Le peuple a plutôt besoin de jeunes et vieux capables de créer une nouvelle société de politiciens compétents, travailleurs, courageux, qui croient aux valeurs et pensent que l’objectif premier de la politique est de travailler pour le peuple et non pour soi-même. Pas en théorie, mais en pratique.
L’Union Sacrée de la Nation dans sa forme en cours de composition n’est pas en mesure de créer une nouvelle classe politique et un nouvel idéal. Les mêmes causes entrainant les mêmes effets, nous risquons de vivre avec un nouveau FCC appelé Union Sacrée. Et les résultats ? Ils seront quasiment les mêmes que ceux du FCC.[2]
3. L’UNION SACRÉE DÉJÀ FISSURÉE AUTOUR DES POSTES
La grande union prônée par le président Félix Tshisekedi va déjà vers un mur, alors qu’elle n’est même pas encore mise en place formellement. Le Chef de l’Etat congolais a du mal à accorder les violons avec ses deux alliés, alors qu’une flopée de Kabilistes ont envahi sa coalition. Parmi ces derniers il suffit de citer, par exemple, Steve Mbikayi, ministre des Actions Humanitaires, Alphonse Ngoy Kasanji, ancien gouverneur du Kasaï et Lambert Mende, ministre de la communicatio et porte parole du gouernement aux temps de Joseph Kabila.
L’arrivée de la meute Kabiliste ne rassure pas. Car, dès le début, cette union ne devait avoir lieu qu’autour de trois hommes: d’abord le président Tshisekedi, ensuite l’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba, et enfin, l’opposant Moïse Katumbi.
Mais, dans les coulisses, les choses ne sont pas si simples. Les trois alliés, qui ont tous à cœur d’écarter Joseph Kabila du pouvoir, ont toutefois des agendas qui ne corroborent pas.
Après avoir nommé Modeste Bahati, un ancien Kabiliste, au poste d’informateur censé de « identifier une nouvelle majorité », le président Tshisekedi, laisse entendre que le futur Premier ministre « Ça sera soit Modeste Bahati, soit une autre personne ».
Mais à Kinshasa, Jean-Pierre et Moïse Katumbi ne l’entendent pas de cette oreille. Durant une ultime rencontre avec Félix Tshisekedi, ils ont réitéré leur position. «Moïse Katumbi veut que la présidence du Bureau de l’Assemblée nationale revienne à sa coalition. De son côté, Jean-Pierre Bemba veut être nommé Premier ministre. Mais le Président leur a dit qu’il avait déjà fait ses choix pour les deux postes», a expliqué un Conseiller du président qui a requis l’anonymat.
En somme, selon des informations concordantes, Félix Tshisekedi aimerait bien garder Modeste Bahati comme Premier ministre ou confier le poste à l’aile du FCC qui vient de rejoindre l’Union sacrée. Par ailleurs, pour l’Assemblée nationale, le président songe à Jean Pierre Lihau, fils de Marcel Lihau, un des trois fondateurs de l’UDPS aux côtés d’Etienne Tshisekedi. Lihau est également un ancien de la coalition de Joseph Kabila.
Félix Tshisekedi ne veut surtout pas ouvrir un boulevard à ses deux nouveaux alliés.
Car, en visant l’Assemblée nationale, Moïse Katumbi cherche surtout à superviser la révision constitutionnelle et avoir un regard pointu sur la désignation des membres de la Commission électorale, en vue des prochaines élections de 2023.
De son côté, Jean-Pierre Bemba pourrait constituer un vrai casse-tête à la Primature. L’ancien vice-président est inéligible à la présidence en RDC, après avoir été condamné pour « subornation de témoins » par la Cour Pénale Internationale (CPI). Cette condamnation a été assimilée par le régime de Joseph Kabila à une condamnation pour « corruption », le privant donc de la présidentielle de 2018. Mais Bemba pourrait bien rêver d’une modification de la loi électorale à ce sujet, alors que la nouvelle Union sacrée pourrait avoir une majorité. Par ailleurs, longtemps sur le banc de touche, durant son emprisonnement de 10 ans à la Haye par la CPI, le président du Mouvement de Libération du Congo (MLC) espère bien reprendre les affaires.
Ainsi, les deux alliés, s’ils arrivaient à rafler les deux postes importants, pourront alors constituer un véritable cauchemar pour Félix Tshisekedi en 2023. Du côté de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), des voix s’élèvent déjà pour dénoncer un « chantage » de la part de Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi. Une chose est sûre, l’Union Sacrée se mue petit à petit en une Tour de Babel.[3]
4. LA LISTE DES ADHÉSIONS S’ALLONGE
Quelques déclarations
Le 2 janvier, selon une correspondance adressée par son président, Athanase Matenda, au chef de l’État, le regroupement politique Alliance des Bâtisseurs pour un Congo Émergeant (ABCE) adhère à l’Union sacrée de la Nation initiée par le président Félix Tshisekedi. Ce regroupement politique dispose de 12 députés nationaux.[4]
Le 8 janvier, dans une déclaration du Bureau politique du regroupement politique de l’Alliance des acteurs pour la bonne gouvernance du Congo (AABC), Julien Paluku, ministre de l’industrie et les siens annoncent leur adhésion officielle à l’Union sacrée mise en place par Félix Tshisekedi.
Ancien membre du FCC de Joseph Kabila, AABC est constitué de 21 partis politiques, ayant à son actif 20 députés nationaux, 2 sénateurs, 43 députés provinciaux, 2 ministères au sein du gouvernement de la République, 1 mandataire de l’Etat, 1 gouverneur et 1 vice-gouverneur respectivement du Nord-Kivu et du Kwango.[5]
Le 11 janvier, dans une déclaration politique rendue publique à Kinshasa, le Parti Travailliste (PT) de Steve Mbikayi a annoncé son adhésion à l’Union sacrée de la Nation.
Il convient de rappeler que, lorsque plusieurs sociétaires du Front Commun pour le Congo (FCC) se ralliaient à l’Union sacrée de Félix Tshisekedi, tournant le dos à Joseph Kabila, Steve Mbikayi clamait tout haut sa loyauté à cette plateforme politique. Les ralliements à l’Union sacrée des caciques du FCC n’étaient que “des adhésions moqueuses” pour Steve Mbikayi qui qualifiait ces allégeances d’un “amour ironique”. D’ailleurs, Steve Mbikayi s’insurgeait même contre « l’opportunisme et l’errance » observées dans le chef de ceux qui adhèrent à l’Union sacrée de Félix Tshisekedi sans en connaître le texte fondateur. Pour lui, «s’il faut dialoguer avec les autres forces politiques, nous allons le faire, tout en restant au sein du FCC. Ce que nous refusons, c’est de l’opportunisme, c’est-à-dire se réveiller un matin et commencer à faire allégeance à l’Union sacrée sans en connaître le contour». Après la destitution de Jeannine Mabunda à la tête de l’Assemblée Nationale, Steve Mbikayi annonçait que le FCC n’allait pas “renier” son identité après avoir combattu le bon combat: «Sacré FCC! Nous avons combattu le bon combat et nous avons perdu! Nous nous rangerons en ordre de bataille pour continuer la lutte. Nous nous battrons pour remonter la pente. Nous ne sommes pas de ceux qui renient leur identité ! Nous allons affronter tout en restant debout».[6]
Le 13 janvier, dans une déclaration politique faite à Kinshasa, le regroupement politique de la Convention des Congolais Unis (CCU) et Alliés conduit par Lambert Mende a annoncé officiellement son adhésion à l’Union sacrée.
Le regroupement a affirmé son souci de «prendre part activement, dans le cadre de l’Union Sacrée, à l’élaboration d’un programme de gouvernement dédié à l’enracinement de L’Etat de droit, au renforcement de la souveraineté nationale, d’une véritable démocratie politique, économique, sociale et culturelle et à la lutte contre les antivaleurs de corruption et de tribalisme, de concert avec le Chef de l’Etat, conformément aux dispositions pertinentes de la Constitution».
Dans une interview accordée le 12 janvier à Jeune Afrique, Lambert Mende, ex-ministre de la Communication, porte-parole des derniers gouvernements Kabila et actuel député national élu dans la province du Sankuru, a confirmé son adhésion à l’Union Sacrée de la Nation définie comme une «coalition gouvernementale élargie pour mettre fin à la crise politico-institutionnelle qui freine depuis plusieurs mois l’émergence de la RDC».[7]
Le 16 janvier, au cours d’un culte œcuménique, la présidente nationale de la Convention des Démocrates Travaillistes Unifiés (CDTU), Gisèle Ndaya Luseba, a annoncé aux fidèles, militants et autorités politico – coutumières que ce parti, membre du regroupement politique AAB, a choisi de quitter le FCC proche du président honoraire Joseph Kabila pour intégrer l’Union Sacrée prônée par le chef de l’État Félix Tshisekedi.[8]
Le 18 janvier, au cours d’un point de presse organisé à Kinshasa, le regroupement politique Alliance pour l’Avenir (AAa) de Pius Muabilu a réitéré son adhésion à l’Union sacrée de la Nation, pour « améliorer le vécu quotidien des congolais ». Dans la même déclaration, Marie Nyange, présidente ad intérim de ce regroupement politique, a condamné l’opportunisme des politiciens venus à l’Union sacrée pour le partage des postes.[9]
Le 18 janvier, les regroupements politiques Alliance des Démocrates pour le Renouveau et le Progrès (ADRP), Alliance des Acteurs pour la Bonne gouvernance du Congo (AABC), Action Alternative pour le Bien-être et changement (AAB) et la Coalition des Démocrates (CODE) ont confirmé leur appartenance à l’Union sacrée de la Nation.
Selon un communiqué de la presse présidentielle, les responsables de ces regroupements politiques et membres du gouvernement de coalition sortant José Mpanda, Julien paluku, Jonathan Bialosuka et Jean-Lucien Bussa, ont confirmé leur choix auprès du chef de l’État au cours d’une rencontre avec lui. Les regroupements ADRP, AABC, AAB et CODE disposent d’une septantaine de députés nationaux, 4 gouverneurs de province et plusieurs députés provinciaux et, jusqu’à présent, ils étaient membres du Front Commun pour le Congo (FCC) de l’ancien président de la République, Joseph Kabila.[10]
Certaines perplexités
Le 9 janvier, lors d’une réunion avec les sénateurs et députés de son parti, Patrick Bologna, du parti politique l’Avenir du Congo (ACO), membre du FCC, a affirmé que «ceux qui traversent de l’autre côté, c’est pour leurs propres intérêts. Pour des intérêts égoïstes, chacun cherche un positionnement et c’est comme ça que, dans les jours qui viennent, le Chef de l’État sera en difficulté, parce qu’ils chercheront à tout prix à avoir chacun un poste».[11]
Le 12 janvier, l’ancien juge à la Cour constitutionnelle Eugène Banyaku Luape a donné sa vision concernant l’Union sacrée prônée par le Chef de l’Etat Félix Tshisekedi. Pour lui, «l’Union sacrée ne peut pas être un trop-plein des partis politiques qui arrivent par enchantement ou par positionnement, mais ça doit être un engagement net pour l’Etat de droit, les valeurs républicaines et l’amélioration des conditions de vie de la population». S’agissant de la prochaine équipe gouvernementale, il fait sa proposition: «Il nous faut éviter le retour des mêmes animateurs, aux mêmes postes, aux mêmes déviances».[12]
5. LES DIVERGENCES ENTRE UDPS-FCC ET MLC-ENSEMBLE POUR LA RÉPUBLIQUE
Le 11 janvier, dans une correspondance adressée au chef de l’État Félix Tshisekedi, avec ampliation au président a.i. de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), Jean Marc Kabund, 34 députés nationaux du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) qui ont adhéré à l’Union sacrée ont réclamé la présidence de l’Assemblée Nationale.
À ce propos, un député PPRD acquis à l’union sacrée à déclaré: «Nous, élus du PPRD, avons écrit au chef de l’État pour lui soumettre notre cahier des charges. Nous ne sommes pas là pour les postes mais c’est pour le bien-être du peuple». Et d’ajouter: «Mais pour travailler pour le peuple il faut être à des postes qui permettront de bien contrôler les choses, c’est pourquoi nous souhaitons que la présidence de l’Assemblée nationale soit à nous». Ce député PPRD a aussi fait savoir que tous les élus du peuple du PPRD ayant accepté d’être à l’Union sacrée ont déjà opté pour leur candidat: «Nous avons opté pour Jean Pierre Lihau, celui qui sera notre candidat et notre coordonnateur en tant que députés PPRD au sein de l’Union sacrée. Mais notre point focal à la coordination de l’Union sacrée est le député Adrien Bokole. Cependant, nous nous abandonnons à l’arbitrage du chef de l’État».[13]
Le 13 janvier, le Président de la République, Félix Tshisekedi, a reçu Moïse Katumbi de Ensemble pour la République, Jean-Pierre Bemba du Mouvement de Libération du Congo (MLC) et Jean-Marc Kabund de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS). Selon le cabinet du Chef de l’Etat, il s’est agi de la poursuite des échanges entamés le samedi 26 décembre de l’année dernière. Les invités de Félix Tshisekedi ont évité les médias à l’issue de la rencontre.
Selon certaines informations, il était question de faire l’évaluation du chemin parcouru depuis l’annonce de la fin de la coalition FCC-CACH et le début des contacts pour renforcer l’Union Sacrée de la Nation voulue par Félix Tshisekedi. Il a été également constaté les nouvelles adhésions. La composition du prochain bureau de l’Assemblée nationale et ainsi que la configuration future des équilibres au sein de la chambre basse étaient aussi au menu.[14]
Selon certaines sources, comme lors de leur précédente rencontre du 26 décembre, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi ont insisté pour connaitre l’objectif et le contenu de l’Union Sacrée de la Nation. Les deux hommes auraient souligné la nécessité de l’inscrire dans les besoins et les problématiques du quotidien des Congolais, comme la persistance de l’insécurité et des tueries dans l’Est, les violations de l’intégrité du territoire, l’économie, ou la gratuité de l’enseignement qui connaît une application difficile. A cette liste, il convient d’ajouter les droits basiques qui ne sont pas respectés: la santé, l’alimentation, l’accès à l’eau et l’électricité. «Il est important de privilégier un contrat qui reflète les priorités d’une gouvernance au service du peuple», a affirmé Chérubin Okende, député national du mouvement de Moïse Katumbi. L’arrivée massive de membres du FCC inquiète aussi les deux leaders de Lamuka, notamment la possibilité de voir d’anciens soutiens de Joseph Kabila négocier la présidence du prochain bureau de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, la société civile aussi se dit préoccupée par le fait que, pour réaliser l’Union Sacrée de la Nation, le président Tshisekedi rallie en ce moment des personnalités pro-Kabila, parmi lesquelles on trouve des personnalités soupçonnées de corruption et tentées de se soustraire à la justice, ce qui pourrait provoquer un ralentissement de la lutte contre la corruption.[15]
Le 16 janvier, au cours d’une émission radiophonique, le député national d’Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, Mohindo Nzangi, a annoncé que, dans les conditions actuelles, ils ne sauront participer à l’Union sacrée. L’élu de Goma a, avant tout, dénonce « le manque de consensus sur le programme ». Selon Ensemble pour la République, la priorité devrait être les besoins principaux des Congolais, à savoir les conditions sociales, les réformes économique et la sécurité. Or, selon Muhindo Nzangi, ce cahier de charge de son parti n’aurait pas été pris en charge par le Président de la République. Ce manque de consensus sur le programme implique aussi le manque de consensus sur les prochains animateurs des institutions. «Nous avons reçu un non poli», a confié l’élu de Butembo, en ajoutant: «Après nous avoir envoyés à faire le travail (motion de défiance contre le Bureau de l’Assemblée Nationale), nos amis de CACH nous disent maintenant qu’ils ont déjà obtenu la majorité parlementaire avec les députés du FCC qui les rejoignent et que le nombre de ces députés du FCC est déjà suffisant». Selon plusieurs observateurs, derrière le débat sur un éventuel programme commun, pourrait donc se cacher la lutte pour le contrôle de postes stratégiques (primature et présidence de l’Assemblée Nationale). Le problème pourrait être également la volonté de Félix Tshisekedi d’associer des anciens membres du FCC au prochain gouvernement, ce qui n’est pas du goût des autres plateformes, comme celle de Katumbi.[16]
Le 19 janvier, l’informateur Bahati Lukwebo s’est exprimé au sujet d’un prétendu retrait d’Ensemble pour la République de l’Union sacrée. Lukwebo a rejeté les allégations allant dans ce sens et a affirmé que la famille politique de Moise Katumbi n’a pas fait une déclaration officielle.
«Ensemble n’a pas écrit pour dire formellement qu’il se retire du processus de la constitution de l’union sacrée de la Nation. Notre espoir est qu’il n’en arrive pas là, car nous avons besoin de tout le monde», a-t-il indiqué.[17]
Le 19 janvier, au cours d’une rencontre avec les députés nationaux FCC ayant accepté de rejoindre l’Union sacrée, le député Jean-Marc Kabund, président ai de l’UDPS, a dit que, lors de la dernière rencontre avec le Président Tshisekedi, Moise Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba ont réclamé respectivement la présidence de l’Assemblée nationale et la primature. Il qualifie cette proposition de meurtrière de l’Union sacrée. Pour lui, les deux précités ont moins de 100 députés et ne peuvent prétendre à cela. M. Kabund fait observer qu’il ne faudra pas méconnaître les efforts ou l’apport des élus venus du FCC à qui il a promis son soutien jusqu’à la fin de ce processus de cette reconfiguration politique.[18]
Le 20 janvier, dans un communiqué conjoint, les députés membres d’Ensemble pour la République de Moïse Katumbi et du Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba ont qualifié de contre-vérités les allégations de Jean-Marc Kabund. Selon ce communiqué, les propos de Kabund n’honorent pas son rang. Les deux parties estiment par ailleurs que ce Député National n’a pas observé l’obligation de réserve, impératif exigé de tout homme aspirant à des hautes responsabilités d’État. «Les propos de Kabund ne reflètent nullement la quintessence de la rencontre qui a eu lieu entre le Chef de l’État et nos deux leaders», peut-on lire dans le communiqué, selon lequel la seule option retenue a été celle de poursuivre les discussions pour l’intérêt du peuple.[19]
Plusieurs députés de l’entourage du président Tshisekedi affirment que les dissidents du Front Commun pour le Congo (FCC) sont aujourd’hui quasiment majoritaires au sein de l’union sacrée. Félix Tshisekedi se sent en position de force avec l’arrivée en grand nombre de ces transfuges du FCC, mais certains membres de son cabinet lui ont signifié qu’il ne devrait pas tomber dans le même piège qu’avec le FCC de Joseph Kabila.
D’autre part, tout cela n’est pas du gout du MLC de Jean-Pierre Bemba et d’Ensemble pour la République de Moise Katumbi. Dans les rangs d’ Ensemble pour la République de Moise Katumbi et du MLC de Jean-Pierre Bemba, certains cadres estiment même que Félix Tshisekedi se serait servi d’eux, en quelque sorte, pour faire tomber le bureau de l’Assemblée nationale et fragiliser Joseph Kabila. Ils insistent pour que tout soit écrit. Il faut une charte, un programme, un consensus sur les réformes essentielles. Tout doit être clair dans un document même sur le partage des responsabilités pour ce que certains appellent équilibre des pouvoirs.[20]
Le 20 janvier, lors d’une conférence de presse, l’informateur Bahati Lukwebo a indiqué que, au moment venu, l’Union sacrée aura une charte « républicaine »: «il viendra un moment où il y aura une charte républicaine. Elle ne viendra pas remplacer un parti ou un regroupement politique. Ce sera juste pour mettre ensemble des gens qui ont la même vision et qui veulent réellement travailler pour le peuple Congolais».
La question de la charte de l’Union sacrée était au menu des récentes réunions entre Félix Tshisekedi, Moise Katumbi et Jean Pierre Bemba. Ces derniers estiment qu’il faut mettre en place un cadre qui permettra à l’union sacrée d’avoir une base à partir de laquelle la collaboration va se fonder. Ils veulent qu’une charte soit élaborée, des priorités communes sur la gouvernance post-Kabila soient identifiées et que le partage des responsabilités et le profil des animateurs des institutions clés soient très clairement connus. Ils ne supportent pas qu’on leur oppose le fait que le FCC devient majoritaire au sein même de l’Union sacrée.
Mais à ce point, les discussions sont bloquées entre les trois parties. Le camp présidentiel n’aurait pas accédé aux requêtes de Katumbi et Bemba. Mais aucune position finale n’a été prise en rapport avec le maintien ou non du MLC et d’Ensemble pour la République dans l’Union sacrée.[21]
[1] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia.com, 17.01.’21 http://afrikarabia.com/wordpress/rdc-tshisekedi-face-au-casse-tete-de-lunion-sacree/
[2] Cf 7sur7.cd, 08.01.’21 https://www.7sur7.cd/2021/01/08/tribune-l-union-sacree-est-ce-le-fcc-bis-ex-pm-matata
[3] Cf Politico.cd, 14.01.’21 https://www.politico.cd/la-rdc-a-la-une/2021/01/14/blocage-autour-des-postes-lunion-sacree-se-fissure-deja.html/75131/
[4] Cf Christel Insiwe – 7sur7.cd, 11.01.’21
[5] Cf Germain Lobo – Actualité.cd, 08.01.’21
[6] Cf Germain Lobo – Actualité.cd, 11.01.’21; Stéphie Mukinzi – Politico.cd, 12.01.’21
[7] Cf Germain Lobo – Actualité.cd, 13.01.’21; Radio Okapi, 13.01.’21
[8] Cf Marie Jeanne Mupela – Actualité.cd, 16.01.’21
[9] Cf Siméon Isako – Cas-info.ca, 18.01.’21; Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 19.01.’21
[10] Cf Prince Mayiro – 7sur7.cd, 18.01.’21
[11] Cf Politico.cd, 09.01.’21
[12] Cf Ivan Kasongo – Actualité.cd, 12.01.’21
[13] Cf Siméon Isako – Cas-info.ca, 11.01.’21
[14] Cf Actualité.cd, 13.01.’21
[15] Cf Kamanda wa Kamanda Muzembe – RFI, 15.01.’21
[16] Cf Stéphie Mukinzi – Politico.cd, 16.01.’21; Cas-info.ca, 16.01.’21
[17] Cf Clément Muamba – Actualité.cd, 19.01.’21
[18] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 19.01.’21
[19] Cf JM Mawete – Politico.cd, 20.01.’21
[20] Cf Actualité.cd, 20.01.’21
[21] Cf Clément Muamba – Actualité.cd, 20.01.’21