APRÈS LA RUPTURE DE LA COALITION
FCC /CACH, LA CRISE POLITIQUE
ENVAHIT LE PARLEMENT
SOMMAIRE
1. UNE SESSION EXTRAORDINAIRE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE
a. L’ouverture
b. Les plénières
c. Un budget exorbitant
d. Trois pétitions contre les membres du bureau d’âge
2. CONFUSION AU SÉNAT
1. UNE SESSION EXTRAORDINAIRE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE
a. L’ouverture
Le 3 janvier, le Bureau d’âge de l’Assemblée nationale a convoqué pour le 5 janvier 2021 une session extraordinaire qui s’étendra jusqu’au 3 février. Selon son rapporteur, Gaël Bussa, l’ordre du jour comprend les matières suivantes: la poursuite de l’examen des pétitions à charge d’un membre du bureau de l’Assemblée nationale, l’élection et l’installation du bureau définit de l’Assemblée nationale, le projet de loi de ratification et le contrôle parlementaire.[1]
On est dans une situation un peu inédite avec cette session extraordinaire, au point qu’il a fallu une décision de la Cour constitutionnelle, mi-décembre, pour autoriser sa convocation aujourd’hui. Le bureau provisoire mis en place après la chute de Jeanine Mabunda, a formellement été autorisée à la convoquer, sans attendre la session ordinaire prévue en mars.
Pour les partisans du président Félix Tshisekedi, c’est l’occasion de confirmer le changement de la majorité parlementaire et de faire tomber, par conséquent, le gouvernement dirigé par Sylvestre Ilunga, un proche de l’ancien chef de l’État.
Ce qui pourrait se jouer au cours de cette session, c’est la destitution ou non du gouvernement Ilunga. Félix Tshisekedi a déjà demandé au Premier ministre Sylvestre Ilunga, proche de Joseph Kabila, de démissionner et a même nommé un informateur pour identifier une nouvelle majorité qui puisse permettre la formation d’un nouveau gouvernement issu de l’Union sacrée. Mais avant il faut faire tomber le gouvernement Ilunga. Cela pourrait se faire par une motion de censure.
Partisan de l’Union sacrée, le député Daniel Mbau a déjà annoncé qu’il prévoit d’introduire une motion de censure contre le gouvernement au cours de cette session. Mais l’option doit d’abord être discutée au sein de son groupe parlementaire, le MLC de l’opposant et ancien vice-président Jean-Pierre Bemba.
Il sied de signaler que la motion de censure contre un membre du gouvernement doit recueillir au moins 125 signatures des députés nationaux pour être déposée à la chambre basse du Parlement.
Du côté du FCC de Joseph Kabila, hors de question en tout cas qu’une motion de ce type soit examinée, alors que le bureau définitif de l’Assemblée n’a pas été encore élu et installé. C’est pourquoi dans ses rangs, on peste contre la publication d’un ordre du jour signé par le président du bureau d’âge, un bureau provisoire, qui mentionne parmi les thèmes de cette session, le contrôle parlementaire.
Pour le FCC, le règlement intérieur de l’Assemblée et une récente décision de la Cour constitutionnelle limitent les attributions de ce bureau provisoire. C’est l’interprétation de cet arrêt de la cour qui semble aujourd’hui faire débat. Il autorise le bureau d’âge à «convoquer une session extraordinaire non seulement pour (…) organiser l’élection du nouveau bureau définitif, mais aussi, au vu de l’urgence, pour exercer le contrôle» du gouvernement, des entreprises publiques, ainsi que des établissements et services publics. Pour certains députés, cela autorise donc le bureau d’âge à gérer les procédures liées à ce contrôle. Pour d’autres en revanche, ces prérogatives sont réservées au bureau définitif, qui reste à élire.[2]
Le 5 janvier, le président du Bureau d’âge, le député Christophe Mboso, a déclaré ouverte la session extraordinaire de l’Assemblée nationale.
Tout de suite après la lecture de l’ordre du jour, un député du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), Didier Manara, a tenté de perturber la plénière, accusant le président de l’Assemblée nationale de violer la constitution, en ajoutant des matières, le contrôle parlementaire et l’examen du projet de loi de ratification, non prévues par la loi pour une session dirigée par un Bureau d’âge. Pour lui, les compétences du bureau d’âge sont limitées par l’arrêt de la Cour constitutionnelle, bornant le calendrier de cette session à deux matières: Vider la question de la déchéance du rapporteur adjoint du bureau Mabunda et procéder à l’élection ainsi qu’à l’installation du bureau définitif.
Répondant au député du PPRD, le bureau d’âge a affirmé d’avoir agi conformément à l’arrêt de la Cour constitutionnelle, qui lui a donné mandat pour traiter aussi certaines autres matières, dont le contrôle parlementaire.
Selon certains membres de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), le parti du Présidente Tshisekedi, le PPRD s’oppose au contrôle parlementaire pour empêcher le Parlement de destituer le gouvernement Ilunga par une motion de censure déjà en gestation.[3]
Dans une interview, Willy Wenga, avocat à la Cour d’appel de Kinshasa/ Gombe, a affirmé que insérer le contrôle parlementaire parmi les matières à examiner au cours de la session extraordinaire est une violation de l’arrêt de la Cour constitutionnelle habilitant le Bureau d’âge à organiser cette session. Il a précisé qu’être autorisé à assurer les affaires courantes ne signifie pas qu’on peut se permettre tout jusqu’à insérer, sur la liste des matières à traiter, des affaires qui n’étaient pas pendantes au moment de la clôture de la session budgétaire de septembre. Selon lui, dans les affaires courantes, on ne peut insérer que le contrôle parlementaire qui était déjà inscrit lors de la session clôturée. Et non un nouveau contrôle parlementaire. «Le Bureau d’âge a été habilité par la Cour constitutionnelle à juste vider ou statuer sur les affaires courantes. Si le contrôle parlementaire est une nécessité, il faut se limiter au contrôle déjà programmé antérieurement», a déclaré Me Willy Wenga. Par conséquent, selon lui, le Bureau d’âge ne pourrait pas inclure l’examen d’une éventuelle motion de censure contre le Premier ministre et son gouvernement au cours de l’actuelle session parlementaire extraordinaire.[4]
Dans son discours d’ouverture de la session extraordinaire, le président du bureau d’âge de l’Assemblée nationale Christophe Mboso N’kodia Pwanga a annoncé que la chambre basse du parlement va collaborer avec l’informateur, dans la vérification de la nouvelle configuration politique, après l’émergence de l’Union sacrée de la nation, suite à la rupture de la coalition FCC-CACH: «Il convient de préciser que la nécessité de la mise en application des dispositions des articles 26, 27, 28 et 29 du règlement intérieur de notre institution requiert une vérification préalable de la configuration politique de l’Assemblée nationale à la suite de la rupture de la coalition CACH-FCC, et l’émergence d’un nouveau courant républicain appelé Union Sacrée de la nation. A cet effet, le bureau d’âge s’engage à collaborer à cette vérification en toute équité et en toute transparence avec le concours des familles politiques de tous les honorables députés et leurs partis et regroupements politiques ainsi que les groupes parlementaires».[5]
b. Les plénières
Le 7 janvier, le rapporteur du bureau d’âge, Gaël Bussa, a répondu aux députés du Front Commun pour le Congo (FCC) qui estiment que le contrôle parlementaire vise la motion de censure contre le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Il a affirmé que le contrôle parlementaire est une des prérogatives des députés de toutes les tendances. Il ne vise pas de façon isolée un individu ou une tendance politique. Il a précisé que, ayant la Cour constitutionnelle autorisé le bureau d’âge à gérer les affaires courantes, lui a confié aussi, selon le principe de la continuité des services de l’État, la mission du contrôle parlementaire. Il a ajouté que le rôle de son bureau sera celui d' »arbitre ».[6]
Le 10 janvier, le bureau d’âge de l’Assemblée nationale a convoqué une plénière pour le jour suivant. Il sera question notamment de l’examen de la pétition contre le questeur adjoint Vakpa Unyon Innocent (AABC). Ce dernier est le seul membre du bureau Mabunda encore en fonction après la destitution de cinq autres membres en décembre dernier. L’examen de la motion contre le questeur adjoint était recalé car il était malade. L’Assemblée nationale prévoit aussi d’examiner et adopter ce lundi 11 janvier le projet de loi sur la ratification de l’accord créant la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), à la veille de la présidence de l’Union Africaine par la République Démocratique du Congo, à partir de février 2021. La ZLECAF regroupe le marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’union du Maghreb arabe et la communauté des États sahélo-sahariens, la communauté d’Afrique de l’Est (CAE), la communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et la communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).[7]
Le 11 janvier, par le biais de son avocat, le questeur adjoint Innoncent Vakpa Unyon, victime d’un accident vasculaire cérébral ( AVC), a déposé sa démission. La plénière de l’assemblée nationale en a toute de suite pris acte. Les députés n’ont pas examiné le projet de loi relatif à la ratification de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAF), car la commission mixte Relations extérieures et Economique financière n’a pas encore finalisé l’examen approfondi dudit projet de loi. Un délai de trois jours est accordé par le bureau d’âge pour épuiser ce travail.
Dans une communication aux députés nationaux lors de cette plénière, le président du Bureau d’âge, Christophe Mboso Nkodia, a affirmé qu’aucune motion de censure contre le premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba n’a été déposée jusqu’à présent à son office.
L’Assemblée nationale a adopté le calendrier de la session extraordinaire dans un climat de tension entre les députés du Front commun pour le Congo (FCC) et ceux de l’Union sacrée. Le contrôle parlementaire, le projet de loi de ratification ainsi que l’installation du Bureau définitif de l’Assemblée nationale sont les trois points retenus, en dépit de la forte protestation des députés du FCC. La plénière n’a duré que moins de 30 minutes.[8]
Le 13 janvier, plusieurs députés ont confirmé que la signature d’une motion de censure est en cours contre le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba et son gouvernement. Les députés Eric Ngalula et Léon Ntumba, membres de l’UDPS, ont confirmé de l’avoir signée. Après la déchéance du bureau Mabunda, les députés favorables à l’Union sacrée avaient annoncé que leur prochaine cible était le Premier ministre. Son départ permettra la mise en place d’un gouvernement qui sera issu d’une nouvelle majorité parlementaire.[9]
Le 14 janvier, le bureau d’âge de l’Assemblée nationale a convoqué une plénière pour le lendemain, afin d’examiner et adopter le projet de loi autorisant la ratification de l’accord créant la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). Successivement, à travers un communiqué signé par Gaël Busa, rapporteur de l’Assemblée nationale, le Bureau d’âge de cette chambre du Parlement a annoncé le report de la séance plénière au 19 janvier.[10]
Le 15 janvier, la Cour Constitutionnelle a rendu un arrêt qui autorise les députés nationaux à faire des déclarations d’appartenance à des nouveaux regroupements politiques, donc à une nouvelle coalition de la majorité parlementaire. Cet arrêt a été rendu en interprétation du règlement intérieur de l’Assemblée nationale sur requête du bureau d’âge et d’une frange du Front commun pour le Congo (FCC).
D’après le règlement intérieur, le mandat d’un député est « impératif ». Le député n’est pas libre de quitter son regroupement politique, lorsqu’il a déjà fait une déclaration d’appartenance à une majorité au cours d’une législature. Or, selon la Cour, ce prescrit du règlement viole la Constitution en ce sens que le mandat dit impératif d’un député est nul. En effet, l’article 101 de la Constitution stipule: « Le député national représente la Nation. Tout mandat impératif est nul ».
Par conséquent, le député peut à nouveau déclarer son appartenance à une nouvelle coalition majoritaire, afin de procéder au vote du bureau définitif de l’Assemblée nationale, d’autant plus qu’il n’a pas quitté son parti politique. «Rien ne viole ici la constitution. C’est plutôt le règlement intérieur qui violait la loi fondamentale», indiquent des sources du Parquet près cette juridiction, précisant que, lorsqu’une loi entre en contradiction avec la constitution, c’est celle-ci qui s’applique.
En outre, l’arrêt de la Cour, poursuivent les mêmes sources, a confirmé au bureau d’âge le mandat et la compétence de procéder au contrôle parlementaire jusqu’à l’élection du nouveau Bureau définitif de l’Assemblée Nationale.
Selon le constitutionnaliste Prof. André Mbata, en autorisant chaque député national à soumettre au Bureau de l’AN une déclaration d’appartenance (à la majorité ou à l’opposition), l’Arrêt R.Const. 1453 contredit le RI de l’AN (art 26) qui reconnait cette compétence exclusivement aux partis et regroupements politiques et que la Cour elle-même avait déclaré conforme a la Constitution dans son Arrêt R.Const. 891 du 1 avril 2019. Il s’agit d’un revirement de jurisprudence qui affecte certains articles du RI de l’AN. Pour mieux faire, la Cour aurait pu aller plus loin, en invitant l’AN à revisiter l’article 5 de son RI pour y inclure la disposition de l’article 101 de la Constitution interdisant tout mandat impératif. Elle aurait également dû recommander à l’AN d’en tirer toutes les conséquences concernant la déclaration individuelle d’adhésion (à la majorité ou à l’opposition) (art 26), l’appartenance à un groupe parlementaire (art 54) ainsi que la présentation des candidatures au Bureau de l’AN (Art 27).[11]
Le 18 janvier, en réaction au dernier arrêt R.Const. 1453 de la Cour Constitutionnelle pris le 15 janvier 2021 et à propos de la transhumance politique observée ces derniers jours dans l’environnement politique congolais, le député Fidèle Likinda, élu du PPRD, a affirmé que, selon les textes en vigueur, «le mandat du député est bien sûr non impératif. Mais son identité, son appartenance à telle ou telle autre obédience politique est inchangeable au cours de son mandat». Élu de Ikela, dans la province de la Tshuapa, il a précisé: «Le député a deux identités: – l’une géo sociologique et l’autre politique. L’identité géo sociologique l’attache à sa base électorale, tandis que celle politique l’attache à son parti ou regroupement politique. Nul ne peut, par quelque procédure que ce soit, prétendre détacher le député de ces deux cordons au cours de la législature … La Loi a verrouillé toute mutation du député d’un parti à l’autre au cours de la législature, au risque de perdre son mandat parlementaire».
Revenant sur la question du mandat du Bureau d’âge de l’Assemblée Nationale, Fidèle Likinda a rappelé que, selon lui, «dans l’arrêt R.Const 1438, du 15 décembre 2020, la Haute Cour avait clairement limité sa mission, en l’assimilant à un bureau provisoire … Par cet arrêt, la Cour a autorisé le bureau d’âge dirigé par l’honorable Mboso à vider tout simplement la pétition engagée contre le Questeur adjoint de l’ancien Bureau et à organiser l’élection du Bureau définitif de l’Assemblée nationale. Mais à ces deux missions et de son propre gré, le président du Bureau d’âge a ajouté deux autres missions à son bureau, celle du contrôle parlementaire et celle de légiférer, missions qui ne peuvent pas revenir au Bureau d’âge, selon les dispositions de l’article 13 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale».[12]
Le 18 janvier, le président du bureau d’âge de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso N’Kodia Pwanga, a été reçu par Félix Tshisekedi. Le doyen d’âge du bureau de la chambre basse a présenté son rapport intermédiaire lié à la session extraordinaire qui s’achève le 3 février. Il a en profité pour aussi pour demander l’intervention personnelle du Chef de l’Etat sur un certain nombre de dossiers dont notamment les dossiers financiers de l’Assemblée nationale, qui sont bloqués au niveau de la Banque centrale.[13]
Le 19 janvier, dans un message envoyé aux députés nationaux, le rapporteur du bureau d’âge, Gaël Bussa, a une nouvelle fois annoncé le report de la plénière de l’Assemblée nationale qui était initialement prévue à cette date, pour le vote du projet de loi autorisant la ratification de l’accord créant la ZLECAF: «Honorables Députés, chers collègues, la plénière prévue pour ce mardi 19 janvier 2021 à 13h est reportée à une date ultérieure qui vous sera communiquée incessamment. Votre Bureau met tout en œuvre pour la reprise des travaux dans les meilleures conditions pour tous». Selon plusieurs indiscrétions, ce deuxième report est dû au fait que le bureau d’âge n’est pas en possession des moyens financiers pour le fonctionnement de cette institution parlementaire.[14]
Le 19 janvier, dans une interview, le député national Jean-Jacques Mamba a déclaré d’avoir signé la motion de censure contre le premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, contre l’avis de son parti politique, le Mouvement de Libération du Congo (MLC). Pour motiver sa position, il a affirmé que le gouvernement Ilunkamba a montré ses limites dans la gestion des affaires de l’État. D’après certaines informations, cette motion de censure serait portée par le député national Chérubin Okende, membre d’Ensemble pour le changement.[15]
c. Un budget exorbitant
Le budget de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale s’élève à 12 millions de dollars.
C’est ce que révèle une correspondance du président du bureau d’âge, Christophe Mboso N’kodia, transmise au premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, en date du 29 décembre 2020.
Selon cette correspondance, ce budget permettra de faire face aux charges et droits des députés conformément aux prescrits de l’article 100 de la Constitution et de l’article 105 du règlement intérieur et il s’élève à 24.092.143.194 FC, ce qui équivaut à 12 millions de dollars américains. Le président du bureau d’âge répartit ce budget de la manière suivante:
– Budget de rémunérations: CDF 6.964.932.119;
– Budget de fonctionnement: CDF 16.112.211.075;
– Frais relatifs à l’organisation des élections du bureau définitif: CDF 1.015.000.000.[16]
Pour le député national Delly Sesanga, membre de l’Union sacrée de la Nation et président du parti politique Envol, ce budget est exorbitant. «Je suis pour un État modeste et efficace, où le train de vie des institutions doit être drastiquement réduit au juste nécessaire. L’assainissement des finances publiques passe aussi par la maîtrise de la dépense. 12 millions USD c’est exorbitant pour la session extraordinaire», a écrit le député sur twitter.[17]
D’après le bureau d’âge, le montant de 12 millions de $ a été demandé selon certaines dispositions du règlement intérieur du parlement. Selon le rapporteur Gaël Busa, «le montant qui a été demandé est celui prévu par la loi. L’article 65 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale stipule que, pendant la session extraordinaire, les députés reçoivent une prime équivalente à leurs émoluments mensuels et des primes diverses. Il en est de même aussi pour les membres des cabinets, les employés administratifs, les assistants des députés, les agents de la sécurité et le personnel de la logistique. Ce que le Bureau d’âge a demandé c’est ce que reçoit l’Assemblée nationale pour l’organisation de toutes les sessions extraordinaires … Ceux qui affirment que le bureau d’âge a exagérément sollicité les frais de la tenue de la session extraordinaire doivent savoir que la dotation mensuelle de l’Assemblée nationale a été relevée depuis le mois de septembre dernier à cette hauteur par le fait de l’exécution du budget de fonctionnement, conformément à la loi de finances de l’exercice 2020».
Pour le député d’opposition Léon Mondole, ancien membre de la commission Ecofin, l’explication ne suffit pas. Dans ce budget, il y a une part de la rémunération officiellement prévue pour les parlementaires retraités, alors que la session extraordinaire ne les concerne pas. Un demi-million de dollars est prévu pour l’élection du bureau définitif, quand le matériel électoral de la précédente élection est toujours disponible. Selon ce député, le budget de fonctionnement parait aussi élevé que celui dévolu à un bureau définitif de sept membres, quand le bureau provisoire n’en comprend que trois et ne serait pas autorisé par la loi à recruter de cabinet.[18]
Fustigeant le montant demandé au gouvernement par l’équipe de Christophe Mboso, le président du conseil d’administration de l’Observatoire des Dépenses Publiques (ODEP), Floribert Muteba, a proposé que la demande soit évaluée par l’Inspection Générale des Finances (IGF) ou par la Cour des comptes avant tout décaissement. M. Muteba propose aussi que, à défaut de ces deux institutions, la chaîne de dépenses use de ses prérogatives pour éviter une gabegie financière: «J’ai fait appel à l’inspection générale des finances ou à la Cour des comptes pour qu’on revoit effectivement quel est le coût réel d’une session extraordinaire d’un mois, au lieu de se baser sur les mauvaises pratiques du passé … Avant de liquider le montant requis, le ministère du budget peut demander à ses experts d’évaluer réellement la vraie dépense et le ministre des finances peut ne pas envoyer la demande de paiement à la banque centrale».[19]
d. Trois pétitions contre les membres du bureau d’âge
Le 11 janvier, des pétitions signées contre les membres du bureau d’âge ont été déposées au secrétariat administratif de l’Assemblée nationale par un huissier de justice.
Il s’agit d’une pétition contre le président du bureau d’âge initiée par le député national FCC Joseph Kokonyangi et signée par 139 députés. Une autre, initiée par un autre député FCC, André Thambwe Katambwe, contre la benjamine Aminata Namasia jouant le rôle du questeur du bureau d’âge de l’Assemblée nationale. Celle-ci est signée par 140 députés. Une dernière pétition initiée toujours par un député FCC Rubin Rachidi contre le rapporteur du bureau d’âge Gaël Bussa a recueilli également 140 signatures. Pour signifier aux concernées ces pétitions, les précités ont sollicité les bons offices de l’Huissier de Justice qui a signifié ces dernières à M. Sylvain Mbangama, Secrétaire administratif de l’Assemblée nationale.
Les députés signataires reprochent à leur doyen Christophe Mboso l’opacité dans la gestion des finances. Ils l’accusent aussi d’avoir violé la constitution et le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Dans leur correspondance, ces élus disent: «le bureau sortant avait laissé dans la caisse de l’Assemblée nationale 3 millions de $. Depuis l’installation du bureau d’âge jusqu’à ce jour, le trésor public a décaissé la somme de 32.184.426.162 CDF, soit 18 millions de $ (…) C’est dans ce cadre que des soupçons sérieux de malversations financières et de détournement des sommes importantes à des fins inavouées pèsent sur le président du bureau d’âge».
En ce qui concerne l’utilisation de la somme précitée, les pétitionnaires font état d’achat par les membres du bureau d’âge, de véhicules neufs, alors que le bureau sortant avait remis le charroi automobile. Quant à la prétendue violation du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, les signataires évoquent notamment la privation de parole lors de traitement des pétitions. Les pétitionnaires insistent aussi sur les prérogatives du bureau d’âge, estimant que l’arrêt de la haute cour n’a pas habilité le bureau d’âge à organiser le contrôle parlementaire et la ratification des accords.
Le député Rachidi Bukanga a précisé que la pétition contre le rapporteur du Bureau d’âge de l’Assemblée nationale a été initiée parce que, en violation de l’article 70 du Règlement intérieur, les députés ne reçoivent pas les documents de travail avant la plénière. Il a rappelé que la notion de la pétition est régie par l’article 31 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Selon lui, «le bureau d’âge n’existe pas dans le Règlement intérieur. Et donc, comme membres du Bureau, ils sont redevables face au contrôle parlementaire».
Visé par des pétitions pour sa déchéance, le bureau d’âge se dit non-saisi et parle d’une initiative qui n’a aucun fondement juridique. Dans une mise au point, le bureau fait remarquer que les initiateurs de cette démarche « en désespoir de cause » depuis la déchéance du bureau Mabunda tentent de troubler le déroulement de séances plénières. Le rapporteur Gaël Bussa fait également remarquer que le règlement intérieur de la chambre basse du Parlement ne prévoit nullement des pétitions contre le Bureau d’âge, encore moins pendant la session extraordinaire. En conséquence, le bureau d’âge tient à assurer le peuple congolais qu’il poursuivra inlassablement et de manière imperturbable les travaux de la session extraordinaire jusqu’à l’élection et installation du bureau définitif.[20]
Le député Gratien de Saint-Nicolas Iracan a affirmé que, à travers les pétitions contre les membres du bureau d’âge, les députés FCC veulent nuire au bureau Mboso. «Toute pétition visant à déchoir le bureau d’âge ne passera pas. Aucun texte réglementaire l’autorise, d’autant plus que ce bureau temporaire est limité dans le temps. Il est très prématuré de parler de détournement en 5 jours d’exercice en fonction. La Cour Constitutionnelle, dans son arrêt, a donné pouvoir au bureau d’âge, de gérer toutes les affaires courantes de l’Assemblée nationale pendant la session extraordinaire», a précisé le député Gratien de Saint-Nicolas Iracan.
Pour lui, il est prématuré de parler de malversation dans le chef du président du bureau d’âge, comme accusent les pétitionnaires. L’élu de Bunia (Ituri) a participé aux travaux de la commission mise en place pour la remise et reprise entre l’ancien bureau et l’équipe Mboso. Il confirme que près de 2.5 millions USD sont laissés par l’équipe Mabunda dans la caisse et ce montant, d’après lui, se trouve jusqu’à ce jour dans un compte bloqué de l’Assemblée nationale. «Les 32 milliards FC dotés à l’Assemblée nationale par l’État conformément à la loi de finances 2020 concernent les frais de fonctionnement septembre et octobre 2020. 16 milliards FC ont été décaissés en novembre alors que la gestion était encore assurée par le bureau Mabunda. Les 16 autres milliards FC ont été décaissés le 28 décembre 2020 par la Banque centrale. Le bureau d’âge est entré en possession de cette dotation à partir du 6 janvier 2021 … Les 24 milliards FC sollicités par l’Assemblée nationale pour la session extraordinaire, conformément à la loi des finances 2021, n’ont pas encore été payés. On ne peut pas détourner ce qui n’existe pas», a-t-il expliqué. Iracan a déclaré que l’acte des pétitionnaires constitue une résistance au « changement positif »: «Notre pays ne peut pas continuer avec des querelles, juste pour l’intérêt de quelques individus. Les députés nationaux conscients du changement positif vont travailler normalement en respectant les points inscrits à l’ordre du jour dans le calendrier de la session extraordinaire».[21]
Le 12 janvier, les trois pétitions contre les trois membres du bureau d’âge de l’Assemblée nationale ont été notifiées aux membres de ce bureau par un huissier de justice.[22]
Le 13 janvier, le député Samuel Mbemba Kabuya, directeur de cabinet du président du bureau d’âge de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso a annoncé le dépôt d’une plainte contre l’huissier de justice, Me Ntona Diambu Olivier-Junior, rattaché à la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe. Il reproche à ce dernier le fait qu’il ne se soit pas adressé au service courrier alors que celui-ci était ouvert pour déposer les pétitions adressées contre les membres du bureau d’âge.
Aussi, le député Mbemba a rappelé que, depuis le 18 décembre 2020, le président de la cour d’appel de Kinshasa-Gombe a suspendu les activités des huissiers de justice de sa juridiction. Une seconde plainte sera déposée contre le secrétaire administratif de l’ancien bureau Mabunda, n’étant plus autorisé à travailler au palais du peuple.[23]
L’avocat conseil du bureau d’âge de l’Assemblée nationale, Sylvain Lumu Mbaya, a déposé auprès du procureur Edmond Isofa du parquet de grande instance de Kinshasa Gombe, une plainte contre l’huissier de justice Olivier Junior Ntona, rattaché à la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe et Sylvain Mbangama, qui s’est fait passé comme « secrétaire administratif de l’Assemblée nationale ». Dans ce document, il est reproché à ces deux personnes «un faux en écriture et son usage» mais aussi «l’usurpation des fonctions».[24]
2. CONFUSION AU SÉNAT
Le 7 janvier, au cours d’un point de presse, le rapporteur du Sénat, Kaumba Lufunda, annoncé la convocation, sur demande du Chef de l’Etat, d’une session extraordinaire. Toutefois, la date de la convocation n’a pas été précisée. Le rapporteur du Sénat, Kaumba Lufunda, a aussi dénoncé des appels anonymes adressés à certains sénateurs, soit pour les intimider, soit pour leur proposer des fonctions gouvernementales ou autres, en récompense de leur allégeance.
Dans une correspondance adressée au président du Sénat, Alexis Thambwe Mwamba, le 19 décembre dernier, le directeur de cabinet a.i du Président de la République, Eberande Kolongele Cashmir, avait évoqué le besoin d’une session extraordinaire à la chambre haute, afin de traiter le projet de loi présenté par le ministre du commerce extérieur, Jean-Lucien Bussa, sur la ratification de l’accord portant création de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAF) se trouvant encore à la commission Ecofin de l’Assemblée nationale.
Dans les rangs des sénateurs FCC, la demande du Président de la République de convoquer une session extraordinaire du Sénat, afin de ratifier l’accord portant création d’une zone de libre-échange continentale Africaine (ZLECAF), vise la déstabilisation de la chambre haute du parlement, après celle de l’Assemblée Nationale.[25]
Le 7 janvier, des sénateurs du Front Commun pour le Congo (FCC) ont révélé que le premier vice-président de leur chambre, Samy Badibanga, machine pour faire tomber les 6 autres membres du bureau, ayant déjà recueilli une trentaine de signatures dans le cadre de sa démarche.
«Ce qui est surprenant, il a fait signer également une pétition contre la Rapporteuse adjointe Sona Kamitatu, fille de Kamitatu, un allié de Katumbi et appartenant à Lamuka. Les Sénateurs ayant signé les pétitions chez Samy Badibanga auraient reçu 1.500 $ pour le transport et une promesse de 30.000 $ pour le départ de ces membres du bureau du Sénat», confie un sénateur FCC, en ajoutant qu’une démarche est actuellement en cours pour destituer Samy Badibanga moyennant une pétition de déchéance qui a déjà obtenu 50 signatures.
C’est depuis le début de cette semaine qu’une rumeur circule faisant étant d’un complot organisé par le questeur du Senat pour tenter une éviction du premier vice-président du Sénat Samy Badibanga. Le questeur aurait même corrompu les sénateurs pour signer une pétition contre Samy Badibanga.
Accusés à leur tour de corrompre les Sénateurs moyennant 10.000 $ pour obtenir les signatures de la pétition contre Samy Badibanga, certains sénateurs du FCC ont affirmé que «ces 10.000$ constituent l’avance sur les émoluments des les Sénateurs. Tout le monde en est bénéficiaire, non seulement ceux qui signent contre le Sénateur Badibanga. Il ne s’agit donc pas de corruption».[26]
[1] Cf Radio Okapi, 03.01.’21
[2] Cf RFI, 05.01.’21
[3] Cf Actualité.cd, 05.01.’21; Raphaël Ngandu – Politico.cd, 06.01.’21
[4] Cf Orly-Darel Ngiambukulu – 7sur7.cd, 06.01.’21
[5] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 06.01.’21
[6] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 08.01.’21
[7] Cf Actualité.cd, 10.01.’21
[8] Cf Actualité.cd, 11.01.’2 ; Roberto Tshahe – 7sur7.cd,11.01.’21; Radio Okapi, 12.01.’21
[9] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 13.01.’21
[10] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 14.01.’21; Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 14.01.’21
[11] Cf Radio Okapi, 16.01.’21; 7sur7.cd, 17.01.21
[12] Cf Actualité.cd, 18.01.’21
[13] Cf Actualité.cd, 19.01.’21
[14] Cf Cas-info.ca, 19.01.’21
[15] Cf Prince Mayiro – 7sur7.cd, 19.01.’21
[16] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 07.01.’21; Actualité.cd, 07.01.’21
[17] Cf Actualité.cd, 06.01.’21
[18] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 07.01.’21; RFI, 08.01.’21
[19] Cf Fonseca Mansianga – Actualité.cd, 07.01.’21
[20] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 12.01.’21; Germain Lobo – Actualité.cd, 13.01.’21
[21] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 14.01.’21
[22] Cf Radio Okapi, 13.01.’21
[23] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 13.01.’21; Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 13.01.’21
[24] Cf Cas-info.ca, 13.01.’21
[25] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 07.01.’21
[26] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 07.01.’21; Radio Okapi, 08.01.’21