Congo Actualité n. 285

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: POUR NE PAS RATER LE TRAIN DES ÉLECTIONS

  1. LE DIALOGUE POLITIQUE ENCORE BLOQUÉ
  2. LE MESSAGES DES ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO (CENCO)
  3. LA RÉSOLUTION DE L’ACP-UE SUR LA SITUATION PRÉLECTORALE EN RDCONGO
  4. UN AUTRE PROCÈS CONTRE MOÏSE KATUMBI
  5. LA PUBLICATION OFFICIELLE DE L’ARRÊT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE
  6. DES SANCTIONS FINANCIÈRES CONTRE LE CHEF DE LA POLICE DE KINSHASA

ÉDITORIAL: POUR NE PAS RATER LE TRAIN DES ÉLECTIONS

 

 

1. LE DIALOGUE POLITIQUE ENCORE BLOQUÉ

A l’issue du conclave de l’opposition qui s’est tenu le 8 et le 9 juin à Bruxelles, les participants ont accepté le principe du dialogue, mais pas dans le format convoqué par le président Joseph Kabila.

Ils proposent par contre un dialogue «sous condition» et «sous médiation internationale», dans le cadre de la résolution 2277 de l’ONU qui prévoit l’organisation des élections présidentielle et législatives dans les délais constitutionnels. Selon les participants, le dialogue devra être convoqué par le panel de médiation internationale et non par le président Joseph Kabila qui, faisant partie du problème, ne peut être juge et partie. Les participants prônent le changement et l’alternance démocratique au Congo, «le deuxième et dernier mandat de Joseph Kabila prenant fin le 19 décembre 2016 à minuit». Ils exigent aussi la libération des prisonniers politiques et la libéralisation de l’espace politique ainsi que la réouverture des médias privés fermés arbitrairement.[1]

Le 14 juin, au cours d’une conférence de presse, le facilitateur du dialogue nommé par l’Union africaine, Edem Kodjo, a affirmé que la création d’un groupe de soutien international à sa facilitation tend à répondre aux «exigences maintes fois formulées par l’opposition du fameux panel». L’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE), l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), les Nations unies et les deux organisations sous-régionales (la SADC et la CIRGL) font partie de cette coalition de soutien internationale. Sauf les Etats-Unis, sur lesquels le camp présidentiel aurait mis son veto. Sur le refus du dialogue convoqué par Joseph Kabila au profit d’une application intégrale de la dernière résolution du Conseil de sécurité (principale conclusion du conclave de Bruxelles), Edem Kodjo sourit: «J’ai lu la résolution 22-77. Elle demande expressément à toutes les parties de rentrer dans le dialogue que je facilite actuellement». Pour Edem Kodjo, le dialogue qu’il facilite n’est pas différent de celui voulu par la résolution 2277 du Conseil de sécurité de l’ONU.[2]

Le 15 juin, le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, a affirmé que le dialogue politique initié par le président Joseph Kabila restait le cadre privilégié pour un processus électoral apaisé. «Certains défis restent à relever, notamment la publication du calendrier électoral, le financement et la sécurisation du processus électoral. Le dialogue politique inclusif initié par le chef de l’Etat reste le cadre privilégié pour apporter des réponses les plus appropriées à toutes ces questions», a déclaré Aubin Minaku, à la clôture de la session parlementaire du mois de mars.[3]

Sur la fin de mandature, les points de vue de l’opposition et de la majorité présidentielle sont aux antipodes. Pour la MP qui s’appuie sur l’Arrêt de la Cour constitutionnelle, en cas de no-tenue de la présidentielle, le Président en exercice, Joseph Kabila, restera en fonction jusqu’à l’élection du nouveau Président de la République. Pour l’opposition, le 20 décembre 2016, ayant épuisé ses deux mandats constitutionnels, le Président Joseph Kabila se trouvera dans le cas d’empêchement définitif et il cessera d’être Président de la République.[4]

Le 23 juin, le Conseil de Sécurité de l’ONU a adopté à l’unanimité une résolution dans laquelle il a souligné que «il est crucial que le prochain cycle électoral se déroule de façon pacifique et crédible, comme prévu par la Constitution, pour que la démocratie constitutionnelle puisse être stabilisée et consolidée».

Il a exprimé sa vive «préoccupation face au rétrécissement de l’espace politique dans le pays, ce qui s’est notamment traduit par les récentes arrestations et mises en détention de membres de l’opposition politique et de représentants de la société civile et par les restrictions imposées à des libertés fondamentales, comme la liberté d’expression et d’opinion». Il a rappelé «la nécessité d’un dialogue politique ouvert, inclusif et pacifique, centré sur la tenue des élections et associant toutes les parties prenantes, dans le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, afin de préparer le terrain en vue de la tenue d’élections pacifiques, crédibles, ouvertes à tous, transparentes et qui respectent les délais fixés, et notamment des élections présidentielle et législatives, prévues d’ici à novembre 2016, conformément à la Constitution et dans le respect de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance».

Il a exhorté le Gouvernement congolais et toutes les autres parties concernées à «créer les conditions nécessaires pour que le processus électoral soit libre, juste, crédible, ouvert, transparent, pacifique et conforme à la Constitution congolaise».[5]

Le 4 juillet, lors d’une conférence de presse à Kinshasa, le « Rassemblement des forces du changement », qui englobe tous les partis, regroupements et personnalités ayant participé début juin au conclave de l’opposition à Bruxelles, a appelé à une journée de mobilisation nationale le 31 juillet. «Un meeting aura lieu dans la capitale et des manifestations seront organisées dans les grandes villes du pays», a indiqué Christophe Lutundula, vice-président du G7 (groupe de sept partis soutenant Moïse Katumbi) et l’un des organisateurs du conclave de Bruxelles.

Dans l’entourage du président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Étienne Tshisekedi, on annonce même son retour à Kinshasa avant la date de ce meeting.[6]

Le 4 juillet, pour la première fois, le groupe de soutien à la facilitation du dialogue national s’est réuni au siège de l’Union africaine à Addis-Abeba (Ethiopie).

Parmi les personnalités qui ont pris part à cette réunion, on compte le facilitateur Edem Kodjo, le commissaire de l’Union africaine pour la paix et la sécurité, le Représentant spécial de l’Union africaine en RDC, le chef de la Monusco et l’Envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour la région des Grands Lacs. La Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et l’Union européenne (UE) y étaient également représentées. Les participants ont recommandé la tenue du dialogue national avant la fin du mois de juillet 2016.[7]

Le 10 juillet, dans un communiqué de presse, le groupe de soutien à la facilitation du dialogue national a indiqué avoir rencontré à Bruxelles le président de l’UDPS, Etienne Tshisekedi, ainsi que d’autres dirigeants de l’opposition congolaise. «L’entretien a porté sur les conditions à créer pour le lancement du dialogue national et a confirmé l’attachement à la résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations Unies et au respect de la constitution dans la recherche d’une solution», lit-on dans le communiqué.

Les représentants de l’opposition ont exprimé leur soutien au dialogue facilité par l’Union Africaine, avec l’appui du groupe de soutien, tout en insistant sur la mise en place de mesures d’équité, de sécurité et d’apaisement, telles que la libération de prisonniers politiques, la cessation de toutes les tracasseries (parodies de procès, intimidations) à l’encontre des opposants, l’ouverture des médias de l’opposition fermés, ainsi que la sécurisation des délégués de l’opposition au dialogue.

Selon le communiqué de presse, la délégation du groupe de soutien à la facilitation du dialogue s’est engagée à œuvrer dans ce sens. Toujours selon le communiqué, les deux parties ont convenu de la nécessité du lancement du dialogue dans les meilleurs délais, dès la fin du mois de juillet.

La délégation du groupe de soutien était composée du Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union Africaine, Smail Chergui, de l’Envoyé spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour la région des Grands Lacs, Said Djinnit, et du Directeur général pour l’Afrique de l’Union européenne, Koen Vervaeke.[8]

2. LE MESSAGES DES ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CONGO (CENCO)

Réunis en Assemblée Plénière ordinaire à Kinshasa, du 20 au 24 juin 2016, les Évêques de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (Cenco) ont réfléchi sur «la situation critique que traverse le pays, suite au blocage du processus électoral. Cette situation inquiétante qui risque de plonger le pays dans le chaos, interpelle tous les congolais et congolaises et engage, en premier lieu, la responsabilité des acteurs politiques».

Selon les Évêques, «la crise actuelle résulte du blocage du processus électoral. En effet, alors que les échéances électorales prévues par la Constitution sont imminentes, on constate un retard accablant dans l’organisation des scrutins. Le peuple congolais s’interroge: ce retard serait-il dû à un déficit de bonne gouvernance, à un cas de force majeure, ou à un manque de volonté politique délibéré? Le dialogue, voie royale en démocratie pour résoudre les problèmes, semble lui aussi être dans l’impasse. Depuis son annonce par le Président de la République et la nomination du facilitateur, les acteurs politiques congolais peinent à s’accorder pour baliser de manière consensuelle le chemin d’un processus électoral crédible et apaisé».

Dans leur analyse, ils constatent aussi que «la réduction sensible de l’espace démocratique, la multiplication inquiétante de violations des droits humains, les massacres ignobles et l’insécurité croissante dans la région Est du pays, la dépréciation de la monnaie nationale face aux devises étrangères, le dédoublement des partis politiques, ne sont pas de nature à apaiser les esprits. En même temps, la souffrance de la population ne fait qu’empirer. Le peuple se voit sacrifié sur l’autel des intérêts des politiciens».

Pour sortir le Pays de la crise actuelle, les Évêques proposent des pistes de solutions. C’est ainsi qu’ils rappellent «les exigences fondamentales qui doivent être honorées, afin de parvenir à une sortie de crise susceptible de relancer le processus électoral dans un climat apaisé.

1° Respecter la Constitution

– Il nous faut impérativement revenir au respect de la Constitution, socle de notre Nation qui, dans ses articles verrouillés, a coulé les options fondamentales concernant notamment le nombre et la durée des mandats du Président de la République. Tirant les leçons des expériences politiques malheureuses de la Première et de la Deuxième République, ces options fondamentales préservent la cohésion nationale et donnent à notre pays toutes les chances de se construire sur des bases solides. Elles s’imposent à tous … L’alternance au pouvoir constitue le fondement d’une vie démocratique. Vouloir agir autrement, c’est non seulement aggraver la crise actuelle, mais plus encore marcher contre la volonté du Peuple, souverain primaire qui a fait son choix: ce serait donc une haute trahison à la Nation (Cf. Art. 220).

2° Aller au dialogue

– A l’heure actuelle, le dialogue politique des forces vives de la Nation dans le respect des fondamentaux de la Constitution, choix du Peuple, s’avère la voie incontournable pour éviter le chaos. Aussi, il faut que les acteurs politiques mettent fin aux manœuvres dilatoires et se mettent autour d’une table avec le Facilitateur nommé, pour se parler en face, en vue de dégager un consensus pour l’organisation des élections libres, démocratiques et transparentes dans le respect de la Constitution.

3° Garantir le respect des droits humains

– La situation actuelle est exacerbée par la montée des violations des libertés et le mépris des droits humains les plus élémentaires, les arrestations arbitraires et les jugements hâtifs ainsi que la réduction de l’espace médiatique. De telles pratiques compromettent la démocratisation effective de notre pays. Il est temps de promouvoir les valeurs démocratiques dans la gestion de l’Etat et de restaurer un Etat de droit en République Démocratique du Congo».

Enfin, les Évêques recommandent

«* Au Gouvernement de la République

– de redoubler d’efforts dans la mobilisation des ressources matérielles et financières afin de garantir la tenue, dans les délais constitutionnels des élections;

– de mettre fin à toute répression et actes d’intimidation contre ceux qui expriment une opinion contraire ou différente;

– d’assurer aux parties prenantes au processus électoral un environnement serein et harmonieux;

– de garantir le respect de l’éthique et des règles démocratiques dans la gestion de l’Etat.

* Aux acteurs politiques congolais

– de dépersonnaliser le débat sur la Constitution et de rechercher de manière consensuelle le chemin d’un processus électoral crédible et apaisé;

– de faire des concessions nécessaires en vue de donner une chance à un dialogue national sincère et prometteur d’un avenir meilleur pour tout le peuple.

– de cesser de se servir du peuple pour l’inciter à la haine et à la violence, au tribalisme et au rejet des compatriotes considérés comme non originaires.

*A la CENI

– d’entreprendre sans délai la préparation des prochains scrutins en privilégiant les opérations techniquement et financièrement les plus appropriées pour que nous puissions respecter les normes de la Constitution;

– de jouer en toute indépendance son rôle d’Institution d’accompagnement de la démocratie en évitant d’être à la solde d’une quelconque tendance politique.

* A la Communauté Internationale

– d’intensifier ses engagements en appuyant avec des moyens financiers et logistiques conséquents le processus électoral en cours en République Démocratique du Congo;

– d’appuyer davantage le Facilitateur nommé par l’Union africaine et d’autres initiatives susceptibles de favoriser dans un bref délai la tenue du dialogue entre congolais.

* Au peuple Congolais

– de se mettre debout et de faire preuve de vigilance et de maturité pour s’opposer par tous les moyens légaux et pacifiques à toute tentative de mettre à mal l’alternance au pouvoir ;

– de participer activement à la campagne d’éducation civique et électorale».[9]

3. LA RÉSOLUTION DE L’ACP-UE SUR LA SITUATION PRÉLECTORALE EN RDCONGO

Réunie à Windhoek (Namibie) du 13 au 15 juin 2016, l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE,

  1. considérant que Joseph Kabila est président de la République Démocratique du Congo (RDCongo) depuis 2001; considérant que les prochaines élections présidentielles et législatives doivent avoir lieu en novembre 2016 et que le mandat du président Kabila expire le 20 décembre 2016; considérant que la Constitution de ce pays limite le nombre de mandats de son président à deux seulement;
  2. considérant que, le 15 avril 2016, la commission électorale nationale indépendante (CENI) a déclaré que l’élaboration d’une nouvelle liste électorale débuterait en juillet 2016 et pourrait durer trois ans, et qu’elle a annoncé, le 18 mars 2016, qu’elle ne serait pas en mesure d’organiser des élections présidentielles et législatives comme prévu, alors que l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) soutient que trois mois pourraient suffire pour mettre à jour les listes électorales;
  3. considérant que cette situation a donné lieu à des accusations de la part de l’opposition politique congolaise, selon lesquelles le président Kabila et son gouvernement tenteraient d’user de moyens administratifs et techniques pour retarder les élections et rester au pouvoir au-delà du mandat prévu par la Constitution;
  4. considérant que les prochaines élections présidentielles et législatives sont d’une importance capitale et que leur tenue dans les délais, dans la paix et la transparence, contribuerait largement à consolider les progrès que la RDCongo a effectués depuis plus de dix ans;
  5. considérant que, le 28 novembre 2015, le président Kabila a appelé de ses vœux l’ouverture d’un dialogue national; considérant que, par la suite, l’Union africaine a nommé Edem Kodjo, ancien Premier ministre togolais, au poste de médiateur du dialogue politique national; considérant que deux grands groupes d’opposition (G7 et la Dynamique de l’opposition) ont rejeté les conclusions de Kodjo, qui ne reflètent pas, selon eux, la situation présente sur le terrain, et refusent jusqu’à ce jour de participer au dialogue, parce qu’ils le considèrent comme une tactique dilatoire et non comme une initiative sincère, ouverte à tous et démocratique;
  6. considérant que l’Union africaine, les Nations unies, l’Union européenne et l’Organisation internationale de la Francophonie ont souligné conjointement l’importance du dialogue et de la recherche d’un accord entre les acteurs politiques qui respecte la démocratie et l’état de droit, et ont pressé tous les acteurs politiques congolais de coopérer pleinement avec Edem Kodjo;
  7. considérant que, au cours des derniers mois, les groupes de défense des droits de l’homme ont fait continuellement état de l’aggravation de la situation en ce qui concerne les droits de l’homme et la liberté d’expression et de réunion en RDCongo, y compris le recours à une force excessive contre des manifestants pacifiques, des journalistes, des dirigeants politiques et d’autres qui s’opposent aux tentatives visant à permettre au président Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de la limite des deux mandats fixée par la Constitution;
  8. considérant que des êtres humains ont perdu la vie ou ont été blessés à la suite d’actes de répression; considérant que d’autres personnes ont fait l’objet d’arrestations arbitraires ou de procès répondant à des motivations politiques; considérant que, d’après les informations disponibles, la liberté de la presse se trouve limitée par les menaces et les agressions dont les journalistes sont la cible, tel qu’établi par Reporters sans frontières et Journalistes en danger, qui a répertorié 72 cas d’attaques contre des journalistes et medias, ainsi que par la fermeture de médias; considérant que les Nations unies et plusieurs organisations de défense des droits de l’homme ont affirmé que des agents de l’État s’étaient rendus coupables de nombreuses violations des droits de l’homme et que le pays n’enregistrait guère de progrès lorsqu’il s’agissait de traduire les principaux auteurs de ces exactions devant la justice;
  1. est profondément préoccupée par la situation de plus en plus instable en RDCongo, dans un climat préélectoral tendu; invite les autorités congolaises, à cet égard, à mettre à jour le registre des électeurs et à présenter sans plus attendre un calendrier électoral et un budget équitable pour les élections présidentielles et législatives, dans le respect plein et entier des délais impartis et des dispositions prévues par la Constitution; prend acte, avec satisfaction, de la volonté de l’Union européenne et de la communauté internationale de soutenir le processus électoral congolais, si besoin est, pour autant que les conditions préalables susmentionnées soient réunies;
  2. demande un bon déroulement des élections dans les délais prévus, ce qui sera crucial pour la stabilité à long terme et le développement du pays et de la région dans son ensemble; affirme que les élections devraient se dérouler dans le respect plein et entier de la Constitution congolaise de 2006, notamment ses articles 70, 73,103, 105, 220 et 222, et conformément aux principes de la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance; est d’avis que la RDCongo doit assumer une responsabilité claire à cet égard, et qu’il est de son devoir de garantir un environnement propice à des élections transparentes, crédibles et ouvertes à tous;
  3. prend note de l’initiative du président Kabila d’ouvrir un dialogue national et insiste sur l’importance d’engager un dialogue politique ouvert, démocratique et accepté par tous, qui leur permettra de s’accorder pacifiquement sur les modalités d’un processus électoral crédible ainsi que sur un calendrier;
  4. demande aux Nations Unies, à l’Union européenne et à l’Union africaine de coopérer pleinement en vue de l’ouverture d’un dialogue ouvert à tous et de la recherche d’un accord entre les acteurs politiques congolais qui respecte la démocratie et l’état de droit;
  5. exhorte le gouvernement de la RDCongo à poursuivre le processus de démocratisation entamé dans le pays et à s’appuyer largement, pour ce faire, sur les recommandations publiées dans le rapport final de la mission d’observation électorale de l’Union pour 2011 et dans le rapport de la mission de suivi de 2014; insiste sur le fait que la nature et le montant de l’aide de l’Union européenne au processus électoral en RDCongo doivent dépendre des progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations figurant dans ces rapports;
  6. rappelle que la commission électorale nationale indépendante doit être un organe impartial et ouvert à toutes les parties en présence et qu’elle doit être dotée de moyens suffisants pour garantir un processus complet et transparent;
  7. se dit profondément préoccupée par la détérioration de la sécurité et de la situation des droits de l’homme, en particulier par l’augmentation de la violence politique; insiste sur le fait qu’il incombe au gouvernement d’éviter tout approfondissement de la crise politique actuelle et toute escalade de la violence, ainsi que de respecter et de protéger les droits politiques de ses citoyens, en particulier les libertés d’expression, d’association et de réunion, lesquelles sont à la base d’une vie politique et démocratique dynamique;
  8. condamne fermement tout recours à la force ainsi que les restrictions sévères et les intimidations auxquelles les défenseurs des droits de l’homme, les opposants et les journalistes se trouvent confrontés à la veille du prochain cycle électoral; demande la libération de tous les prisonniers politiques; demande aux autorités congolaises de garantir l’indépendance de la commission nationale des droits de l’homme et de lui permettre de travailler en toute indépendance en lui donnant les moyens nécessaires;
  9. demande qu’une enquête approfondie et transparente soit ouverte par le gouvernement congolais et ses partenaires internationaux au sujet des violations des droits de l’homme perpétrées récemment, notamment dans le cadre des manifestations relatives aux élections à différents endroits du pays; réaffirme qu’il ne peut y avoir d’impunité pour les personnes responsables de violations graves des droits de l’homme et demande que les auteurs de ces actes soient signalés, identifiés,

poursuivis et punis, conformément au droit pénal national et international;

  1. rappelle l’engagement pris par la RDCongo, en vertu de l’accord de Cotonou, de respecter les principes de la démocratie, de l’état de droit et du respect des droits de l’homme, parmi lesquels la liberté d’expression, la liberté des médias, la bonne gestion des affaires publiques et la transparence des mandats politiques; prie instamment les institutions de l’Union européenne d’intensifier leur dialogue avec les autorités de la RDCongo, au titre de l’article 8 de l’accord de Cotonou, afin d’obtenir des éclaircissements définitifs concernant le processus électoral;
  2. met l’accent sur le fait que, si elle n’obtient pas ces éclaircissements, il appartiendra à l’Union européenne de lancer les procédures prévues à l’article 96 de l’accord de Cotonou et, en particulier, de réorienter les aides budgétaires directes vers la société civile et d’envisager des sanctions ciblées.[10]

4. UN AUTRE PROCÈS CONTRE MOÏSE KATUMBI

Le 20 juin, Moïse Katumbi, candidat déclaré à la prochaine présidentielle, a été cité à comparaître devant le tribunal de paix de Lubumbashi-Kamalondo dans une affaire de spoliation d’immeuble. Une procédure initiée par Alexandros Stoupis, un citoyen grec, qui accuse l’opposant congolais, d’avoir fait usage de faux en écriture pour s’approprier la parcelle sise n°6 et 8 du croisement des avenues Mahenge et Kato, dans la commune de Kampemba à Lubumbashi. Alexandros Stoupis accuse l’opposant de s’être approprié indûment de cette propriété qui aurait dû lui revenir par héritage. Une accusation démentie par les avocats de l’ancien gouverneur de l’ex-Katanga.

À en croire la défense de Moïse Katumbi, l’immeuble disputé appartient à Katebe Katoto, le frère de son client, qui en détient un titre de propriété et qui dénonce un «procès bidon» orchestré par le pouvoir du président Joseph Kabila contre un candidat déclaré à la présidentielle.

En l’absence de l’opposant qui séjourne à Londres pour des soins, le parquet a requis cinq ans d’emprisonnement. «Ce n’est pas une surprise: le régime en place cherche par tous les moyens à condamner Moïse Katumbi et l’empêcher ainsi de se présenter à la prochaine présidentielle», a commenté un proche de l’ancien gouverneur de l’ex-Katanga. La décision du tribunal est attendue dans les huit prochains jours.

Ce réquisitoire tombe un mois après que Moïse Katumbi avait été inculpé pour « atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat » et placé sous mandat d’arrêt provisoire, par le Parquet général de la République. Dans ce procès, Moïse Katumbi avait été inculpé pour recrutement des mercenaires étrangers. Malgré cette condamnation, il avait reçu l’autorisation du Procureur général de la République de se faire soigner à l’étranger. Un autre opposant congolais, Jean-Claude Muyambo, est détenu à la prison centrale de Makala, à Kinshasa, depuis fin janvier 2015, dans une autre affaire de spoliation d’immeuble qui l’oppose au même ressortissant grec.[11]

C’est Alexandre Stoupis qui a déposé, le 10 juin 2016, devant le tribunal de paix de Lubumbashi/Kamalondo, une plainte mettant en cause Moïse Katumbi pour spoliation d’un immeuble situé au croisement des avenues Mahenge et Kato, dans la commune de Kampemba de la ville de Lubumbashi. Devant le tribunal, le plaignant s’est prévalu de la qualité de seul héritier de Mme Vosnakis Katina, prétendue ancienne propriétaire de l’immeuble querellé.

Or, suivant le certificat d’enregistrement n° Vol 197 Folio 114 établi depuis le 11 février 1976, ledit immeuble est réputé être propriété de M. Katebe Katoto, frère aîné de Moïse Katumbi.

  1. Katebe Katoto avait obtenu ce certificat d’enregistrement en vertu d’un acte conclu entre lui et la République en 1976, et ce, après déclaration de l’immeuble « Bien abandonné », par l’arrêté départemental n°11440/000011/1976 du 28/01/1976 du commissaire d’Etat aux Affaires foncières.

C’est seulement en 2016, soit 40 ans plus tard, qu’Alexander Stoupis surgit pour faire valoir ses droits. Pire, il a produit à l’audience du 20 juin 2016, devant le tribunal de paix de Lubumbashi / Kamalondo, un acte de vente datant du 1er/09/1998 dont il attribue la rédaction à Moïse Katumbi.

Mais Raphaël Katebe Katoto a déclaré tout haut être détenteur jusqu’à ce jour du titre de propriété de l’immeuble querellé. Il a rappelé que, en 1976, son jeune frère Moïse Katumbi n’avait que 12 ans et qu’il ne pouvait en aucun cas prétendre à l’acquisition d’un immeuble. Il a ajouté que, en septembre 1998, date de la pièce présentée et selon laquelle Moïse Katumbi aurait signé un document portant sur la cession de cet immeuble, l’inculpé était en exil et qu’il n’était rentré au pays qu’en 2003. Le fond du problème est de savoir pourquoi ne poursuit-on pas Katebe Katoto qui prétend être le propriétaire de l’immeuble Mahenge depuis 40 ans. Il y a anguille sous roche. En réalité, le deal est connu: empêcher Moïse Katumbi, candidat déclaré à la prochaine présidentielle, d’effectuer son retour en RDC. Inféodée, la justice a décidé de jouer le jeu du pouvoir, hypothéquant toute son indépendance. [12]

Le 22 juin, le tribunal de paix de Lubumbashi-Kamalondo a condamné, par contumace, Moïse Katumbi à 36 mois de prison ferme pour l’achat illégal d’un immeuble à Lubumbashi. Il doit également payer une amende de 6 millions de dollars américains, soit 3 milliards de FCFA.

Pour Maître Jacques Shesha, l’un des avocats de Moïse Katumbi, c’est un déni de justice. La défense va faire appel et a déposé une plainte contre Alexandre Stoupis qui devra comparaître le 11 juillet: «Moïse Katumbi ne va pas baisser les bras, il va interjeter appel. Il a déposé, par la voix de ses avocats, un citation à comparaître contre M. Alexander Stoupis devant les tribunaux de Lubumbashi pour dénonciation calomnieuse. Parce que Moïse Katumbi n’a rien à voir avec les faits pour lesquels on vient de le condamner et s’il faut en chercher la motivation, elle ne peut être recherchée que dans des considérations politiques au regard de sa candidature à la présidence de la République qu’il a annoncée». Pour les avocats de Moise Katumbi, comme dans l’affaire de l’ancien bâtonnier Jean-Claude Muyambo, Alexander Stoupis a été à nouveau instrumentalisé par le gouvernement.[13]

Le 23 juin, le président de l’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ), Me Georges Kapiamba a estimé que la condamnation de Moïse Katumbi à trois ans de prison dans l’affaire de stellionat est une décision fondamentalement politique et un fruit de pressions politiques. Selon lui, l’instruction de ce dossier a déjà au départ violé le droit de la défense pour n’avoir pas tenu compte des conclusions de l’autre contentieux judiciaire qui a opposé le procureur de la RDC à Katumbi dans l’affaire des présumés mercenaires. «Moïse Katumbi a reçu une autorisation du Procureur général de la République pour se faire soigner à l’étranger. Mais les juges n’ont même pas daigné se soumettre aux effets de ce jugement qui les obligeait à sursoir cette procédure. Ils ont passé outre», a-t-il soutenu. De l’avis de Georges Kapiamba, le procès de stellionat est donc politique et a abouti à un jugement inique et infondé. L’ACAJ encourage la défense de Moise Katumbi dans leur démarche de faire appel.[14]

5. LA PUBLICATION OFFICIELLE DE L’ARRÊT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

L’arrêt de la Cour constitutionnelle sur l’interprétation de l’article 70 de la Constitution a finalement été publié au journal officiel. Une grève à la greffe de la Cour, pour des retards de paiement dans les salaires, avait un temps retardé la transmission de l’arrêt au journal officiel. La Cour avait dans un communiqué dénoncé les spéculations dans les médias et parlait même d’un faux arrêt dans les médias.

Si la requête des députés de la majorité parlait ouvertement du cas de figure où la présidentielle ne serait pas tenue dans les délais constitutionnels, les juges de la Cour ne reprennent aucun de ces éléments de langage. A aucun moment dans l’arrêt, en dehors du rappel de la requête, ils ne parlent spécifiquement de la non-tenue de l’élection. Un cas de figure qui n’est pas prévu par la Constitution congolaise, sauf en cas de vacance du pouvoir. L’arrêt publié dans le journal officiel se borne à répéter le contenu de l’article 70 alinéa 2 qui, selon la cour, ne nécessite pas d’interprétation en y ajoutant un principe: celui de la continuité de l’Etat.

La Cour n’a pas rendu un arrêt en prenant en compte la question de la non-tenue de l’élection, car la requête des députés de la majorité ne reprenait pas spécifiquement les articles de la Constitution relatifs à l’organisation de l’élection présidentielle.

Voici un extrait de l’arrêt: «Concernant la fin du mandat du Président de la République, la Cour constitutionnelle observe qu’aux termes de l’article 70 alinéa 2 de la Constitution, « A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu« . Elle relève, en outre, qu’étant clair, l’alinéa 2 de l’article 70 ne nécessite pas, en principe, d’interprétation; elle note cependant que, dans la synthèse du débat général d’avril 2005 sur l’avant-projet de la Constitution, on peut lire qu’après amendements de cet article, « Un deuxième alinéa a été ajouté pour que le Président de la République sortant puisse rester en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu afin d’éviter le vide institutionnel« . Elle en infère que l’alinéa 2 de l’article 70 permet au Président de la République, arrivé fin mandat, de demeurer en fonction, en vertu du principe de la continuité de l’Etat, jusqu’à l’installation effective du nouveau Président de la République élu».[15]

6. DES SANCTIONS FINANCIÈRES CONTRE LE CHEF DE LA POLICE DE KINSHASA

Le 23 juin, l’administration américaine a annoncé des sanctions financières contre le général Célestin Kanyama, chef de la police de Kinshasa pour sa responsabilité dans des violences et des disparitions survenues dans la capitale, Kinshasa. Selon un communiqué du Trésor, le général Célestin Kanyama est accusé «d’être responsable ou complice d’actes de violences et d’enlèvements (…) ciblant des civils, des femmes et des enfants». Aux termes de ces sanctions, ses avoirs sont gelés aux Etats-Unis et il est interdit à toute entité américaine de faire des transactions avec lui.

«Alors que la limite constitutionnelle du mandat du président Kabila touche à sa fin en décembre, le régime s’est engagé dans une vague de répression, comprenant l’arrestation des membres de l’opposition et la suppression violente de manifestations politiques, afin d’éviter la tenue d’élections nationales programmées», a affirmé John Smith, directeur du Bureau de contrôle des actifs étrangers (OFAC).

«L’initiative du Trésor envoie un message clair: les Etats-Unis condamnent les actions violentes et répressives du régime, en particulier celles de Célestin Kanyama, qui menacent l’avenir de la démocratie pour le peuple de la RDC», a-t-il ajouté.

En janvier 2015, au moment où le général Kanyama dirigeait la police de Kinshasa, plus de 40 personnes ont été tuées lors de manifestations, dont une vingtaine par les forces de police, rappelle le Trésor, qui relaie des accusations des ONG des droits de l’homme notamment Human Right Watch. Entre fin 2013 et début 2014, au cours d’une opération de police dite « Likofi » destinée à lutter contre le banditisme, au moins une cinquantaine de jeunes hommes et de garçons ont été tués et une trentaine ont disparu, affirme encore l’administration américaine.

Pour sa part, le gouvernement congolais a condamné la décision des autorités américaines. D’après son porte-parole, Lambert Mende, la décision du gouvernement américain «est une atteinte directe à notre souveraineté et une tentative de substitution de souveraineté». M. Mende estime que «il faut éviter de mettre de l’huile sur le feu inutilement».[16]

[1] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 10.06.’16

[2] Cf RFI, 15.06.’16

[3] Cf Radio Okapi, 16.06.’16

[4] Cf Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 17.06.’16

[5] Cf Radio Okapi, 24.06.’16;

texte complet: http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/2293(2016)

[6] Cf Natacha Gorwitz et Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 05.07.’16

[7] Cf Radio Okapi, 05.07.’16

[8] Cf Radio Okapi, 10.07.’16

[9] Cf Texte complet: http://www.cenco.cd/?id_art=326

[10] Cf texte complet: http://www.europarl.europa.eu/intcoop/acp/2016_namibia/pdf/1098719fr.pdf

[11] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 21.06.’16; RFI, 20.06.’16; Radio Okapi, 21.06.’16

[12] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 21 et 23.06.’16

[13] Cf RFI, 22.06.’16

[14] Cf Radio Okapi, 24.06.’16

[15] Cf Texte complet: Le Phare – Kinshasa, 08.07.’16 http://www.lephareonline.net/voici-larret-authentique-de-cour-constitutionnelle/ ; RFI, 11.07.’16

[16] Cf Radio Okapi, 23.06.’16