Congo Actualité n. 275

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: RESPONSABILITÉ ET DÉLAIS CONSTITUTIONNELS

  1. LA COMMISSION ÉLECTORALE POUR UN REPORT DES ÉLECTIONS
    1. Corneille Nangaa annonce de vouloir saisir la Cour Constitutionnelle
    2. Les réactions
  2. L’OPPOSITION POUR DES ÉLECTIONS DANS LES DELAIS CONSTITUTIONNELS
  3. MOÏSE KATUMBI DÉSIGNÉ CANDIDAT DU G7 AUX PROCHAINES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES
  4. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE APPELLE AU DIALOGUE
  5. LES ÉLECTIONS DES GOUVERNEURS DES 21 NOUVELLES PROVINCES

 

ÉDITORIAL: RESPONSABILITÉ ET DÉLAIS CONSTITUTIONNELS

1. LA COMMISSION ÉLECTORALE POUR UN REPORT DES ÉLECTIONS

a. Corneille Nangaa annonce de vouloir saisir la Cour Constitutionnelle

Le 18 mars, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a affirmé ne pas être en mesure d’organiser la présidentielle dans le délai constitutionnel.

Son président national, Corneille Nangaa, a clairement déclaré que «Aujourd’hui, ce sont des contraintes techniques qui ne permettent pas à la Ceni d’organiser les élections dans les temps», c’est-à-dire avant la fin de novembre 2016. Selon la Ceni, en effet, il faudrait plus d’un an pour réviser l’actuel fichier électoral. Corneille Nangaa a donc annoncé que la Ceni va introduire une requête à la Cour constitutionnelle pour obtenir «une petite extension, qui ne sera pas éternelle». Il a précisé que «cette extension doit être limitée dans le temps en tenant compte des exigences».

Pour Corneille Nangaa, il n’y a qu’une possibilité pour organiser la présidentielle dans le délai constitutionnel: renoncer à la révision du fichier électorale. Mais aller aux élections avec le fichier électoral utilisé en 2011 signifierait, selon M. Nangaa, accepter que ces élections soient organisées «sans 10 à 12 millions de jeunes» et «avec plus ou moins 2 millions de morts dont les noms sont sur la liste». «Si les acteurs se mettent d’accord sur ça, et qu’ils disent que la Ceni organise ces élections, nous irons aux élections en 2016», fait savoir M. Nangaa.[1]

b. Les réactions

Le 19 mars, après les déclarations de Corneille Nangaa, président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), l’opposant Martin Fayulu a déclaré que «il n’est nullement question de dépasser la date constitutionnelle». L’opposant a rappelé que Corneille Nangaa avait affirmé qu’il «il serait possible d’organiser les élections dans le délai constitutionnel, si la Commission électorale pouvait avoir les moyens financiers, logistiques et humains nécessaires». Pour l’opposant, l’organisation des élections dans le délai constitutionnel nécessite des moyens et la volonté politique.[2]

Le 19 mars, le député du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), Francis Kalombo, a indiqué que la Ceni n’a pas qualité de saisir la Cour constitutionnelle: «La Ceni, quoique dotée de la personnalité juridique, n’a pas qualité de saisir la Cour constitutionnelle pour la matière constitutionnelle. Même si elle pouvait en avoir la qualité, la Cour constitutionnelle n’est non plus compétente pour statuer sur un quelconque prolongement du mandat du président de la République».[3]

Le 19 mars, dans un communiqué publié à Kinshasa, la Coalition de 33 Organisations de défense des droits humains pour le respect de la Constitution en RDC (CRC) a dénoncé « avec la dernière énergie » le projet de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de saisir la Cour Constitutionnelle, en vue d’un « report de l’élection présidentielle 2016 »:

«La position du Président de la CENI a amené la Coalition de 33 Organisations de défense des droits humains pour le respect de la Constitution en RDC (CRC) à examiner si pareille démarche est opportune et/ou faisable au regard des exigences de la Constitution du 18 février 2006 et de la loi no 06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée et complétée par la loi no 11/003 du 25 juin 2011. La Coalition a aussi analysé la situation juridique et institutionnelle au cas où l’élection présidentielle ne serait pas organisée dans le délai constitutionnel.

  1. La CENI n’a pas qualité pour saisir la Cour Constitutionnelle.

La Cour Constitutionnelle n’a pas compétence de prolonger le délai de l’élection présidentielle Après examen des textes légaux sur la saisine de la Cour Constitutionnelle en matière d’interprétation de la Constitution, la Coalition constate avec préoccupation que le Président de la CENI s’est totalement trompé d’époque et de textes applicables.

S’il est vrai qu’à l’époque de la Constitution du 04 avril 2003 régissant la période de transition politique en RDC, la prolongation de la période de transition était possible conformément à son article 196, il n’en est pas ainsi actuellement.

En effet, l’article 196 de la Constitution du 04 avril 2003 était ainsi libellé: «La durée de la transition est de vingt-quatre mois. Elle court à compter de la formation du Gouvernement de transition et prend fin avec l’investiture du Président élu à l’issue des élections marquant la fin de la période de transition en République Démocratique du Congo. Toutefois, en raison de problèmes spécifiquement liés à l’organisation des élections, la transition peut être prolongée pour une durée de six mois renouvelable une seule fois, si les circonstances l’exigent, sur proposition de la Commission électorale indépendante et par une décision conjointe et dûment motivée de l’Assemblée Nationale et du Sénat».

C’est en s’inspirant de la disposition précitée, principalement son alinéa 2 que la décision conjointe no 002/D.C/AN/SEN/05 du 14 décembre 2005 portant prolongation de la durée de la transition a été prise par les Présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat à l’époque.

Cependant, la Constitution du 18 février 2006 qui régit actuellement la RDC, ne contient aucune disposition ayant le même contenu en lettre ou en esprit avec l’article 196 pré-rappelé de la Constitution du 04 avril 2003. Elle ne prévoit aucune hypothèse d’une prolongation de délai de l’organisation de l’élection présidentielle.

Par contre, son article 73 impose formellement à la CENI l’obligation de convoquer le scrutin pour l’élection du Président de la République quatre-vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice.

S’agissant de la saisine proprement dite de la Cour Constitutionnelle en interprétation de la Constitution, la Coalition rappelle qu’au terme de l’article 161 de la Constitution en vigueur seuls le Président de République, le Gouvernement, le Président du Sénat, le Président de l’Assemblée Nationale, le dixième des membres de chacune des chambres parlementaires, des Gouverneurs de province et des Présidents des assemblées provinciales sont habilités à le faire.

Le Président de la CENI n’en a pas qualité. La Cour Constitutionnelle a réaffirmé ce principe dans son arrêt R. Const.008/2015 du 08 août 2015.

Dans tous les cas, la Constitution de la RDC n’a pas attribué à la Cour Constitutionnelle la compétence de prolonger le délai de la tenue de l’élection présidentielle.

  1. En cas de non-respect de délai constitutionnel, l’article 75 de la Constitution s’applique.

La Coalition de 33 ONG considère le projet de saisine de la Cour Constitutionnelle comme une énième stratagème de la CENI pour ne pas organiser l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel. La CENI joue au jeu du Gouvernement afin de lui assurer un maintien au pouvoir en violation des règles constitutionnelles. C’est ainsi, à titre d’exemple, qu’elle s’est donnée cinq mois pour « l’appel d’offre international », alors que le marché était déjà conclu avec une entreprise bien connue depuis novembre 2015 avec un cahier des charges déjà élaboré par son actuel Président.

La Coalition de 33 ONG rejette la mauvaise interprétation de l’article 70 de la Constitution qui vise tout simplement à encourager les manœuvres dilatoires constatées à ce jour.

Pour la Coalition, l’article 70 parle «du» Président élu, pas «d’un» président élu. Le «du» est un article défini qui signifie qu’il faut qu’il y ait un tel «élu» pour que le Président sortant reste en place jusqu’à l’investiture de son successeur qui est déjà élu.

S’il n’y a pas d’élection présidentielle dans le délai constitutionnel, on devra appliquer l’article 75, qui prescrit qu’ »en cas de vacance pour cause de décès, de démission ou pour toute autre cause d’empêchement définitif, les fonctions de Président de la République […] sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ». Car le «ou» pour toute autre cause d’empêchement définitif » concerne bien entendu aussi le dépassement des deux mandats successifs de cinq ans.

Les 33 ONG demandent vivement au Président de la CENI de renoncer à son appel international qui constitue une manœuvre purement dilatoire, d’envisager l’enrôlement de nouveaux majeurs présents sur le territoire national en cinq mois au maximum, le nettoyage du fichier électoral en un mois et convoquer le scrutin pour l’élection présidentielle à la fin du mois de septembre 2016 en vue de respecter le délai constitutionnel.

La Coalition recommande au Président de la CENI de faire preuve d’indépendance dans l’exercice de ses fonctions et de travailler d’arrache-pied pour sauver le processus électoral, afin de permettre aux congolaises et congolaises de participer à la désignation libre de leurs dirigeants».[4]

Le 20 mars, le président de l’Envol, Delly Sessanga Hipungu, a affirmé que la Commission électorale n’a pas qualité d’introduire une quelconque requête auprès de la Cour constitutionnelle: «La constitution ne reconnait pas à la Ceni le pouvoir de saisir en interprétation la Cour constitutionnelle. Je pense que la Cour dira irrecevable cette requête».

Le député de l’opposition, président de l’Alliance des démocrates pour le progrès (ADP) et membre du G7, Christophe Lutundula, désapprouve également la démarche de la Ceni et l’accuse de jouer le jeu du pouvoir en devenant sa caisse de résonnance.[5]

Le 28 mars, le secrétaire permanent de l’ONG «Agir pour des élections transparentes et apaisées» (AETA), Jérôme Bonso, a déclaré que «la constitution ne prévoit pas que, si la Ceni ne parvient pas à organiser l’élection du président de la république, dont le nombre des mandats est limité à deux, elle peut s’adresser à la cours constitutionnelle pour une petite extension». Pour Jérôme Bonso, la Cour constitutionnelle et la Ceni n’ont pas le droit de proroger le mandat présidentiel: «Ni la Cour constitutionnelle ni la Commission électorale nationale indépendante n’ont la prérogative constitutionnelle de proroger le mandat du président de la République par l’adoption d’un calendrier extra-délai constitutionnel». Il recommande au président de la République de jouer son rôle de garant de la constitution et à la cour constitutionnelle de respecter la constitution.[6]

2. L’OPPOSITION POUR DES ÉLECTIONS DANS LES DELAIS CONSTITUTIONNELS

Le 29 mars, la société civile – force vive de Kinshasa a demandé, dans un memo, aux députés nationaux de réviser en urgence et au cours de cette session parlementaire de mars, les articles 115, 145 et 146 de la loi électorale. Carlos Mupili, coordonnateur de la société civile force vive, explique que ces trois articles conditionnent l’élection des députés nationaux et des sénateurs à un recensement préalable de la population. En effet, ces articles stipulent que la répartition des sièges par circonscription électorale doit être faite sur la base du nombre des habitants de chaque circonscription, ce qui suppose un recensement général de la population. Si ces articles ne sont pas révisé, Carlos Mupili craint que les élections législatives, provinciales et sénatoriales soient bloquées pendant plusieurs années.[7]

Le 30 mars, dans son discours de clôture du conclave du G7 organisé à Kinshasa, Charles Mwando Nsimba a fait savoir que la convocation de l’élection du nouveau président de la République doit intervenir le 19 septembre 2016: «Au cas où la Ceni [Commission électorale nationale indépendante, ndlr] n’organisait pas cette élection dans les délais, la vacance de la présidence conduira le pays à une première expérience de président par intérim, conformément aux dispositions 75 et 76 de la constitution».[8]

Une vive polémique sur l’interprétation des deux articles de la Constitution du 18 février 2006 fait rage. Il s’agit des articles 70 et 75. Le premier concerne la fin de la mandature et le deuxième traite de la question de la vacance de pouvoir au sommet de l’Etat dans l’Institution Président de la République. Selon l’article 70, « le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ». Selon l’article 75, « en cas de vacance pour cause de décès, de démission ou pour toute autre cause d’empêchement définitif, les fonctions de Président de la République, à l’exception de celles mentionnées aux articles 78, 81 et 82 sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ».

Selon la Majorité Présidentielle (MP), l’article 70 montre qu’en cas de non-tenue des élections aux dates constitutionnelles, c’est le Président sortant qui continue avec les mêmes prérogatives jusqu’aux élections. Selon la MP, cette disposition est conçue par le constituant pour éviter le vide de pouvoir à la tête de l’Etat si les élections ne sont pas organisées conformément aux délais constitutionnels. Quant à l’article 75, pour la MP, il ne s’applique que lorsque le mandat a cours et non à la fin de la législature.

Selon l’opposition, l’article 70 ne concerne que le cas où les élections se sont effectivement tenues. Il règle la question de l’expédition des affaires courantes pendant une brève période qui s’écoule entre le jour de la proclamation des résultats de la présidentielle et celui de la passation des pouvoirs entre le nouveau Président élu et le sortant. En cas de non-tenue des élections, c’est automatiquement la vacance de pouvoir qui est décrétée à la fin de mandature. Ce qui renvoie à l’application immédiate de l’Article 75.

Comme on le voit, les lectures faites par ces deux familles politiques sur les deux articles de la Constitution sont diamétralement opposées. Raison pour laquelle, puisqu’il s’agit d’une question d’interprétation des articles de la Constitution, c’est le juge constitutionnel qui doit être consulté. Il n’y a pas une autre instance de l’Etat qui est compétente pour apporter l’éclairage en cette matière.

A ce sujet, la loi des lois stipule que toute personne peut saisir la Cour constitutionnelle en matière d’inconstitutionnalité des actes législatifs ou réglementaires. Ce qui veut dire par exemple des lois côté parlementaire ou des Ordonnances présidentielles pour l’Exécutif.

La procédure est toute autre en ce qui concerne l’interprétation de la Constitution. Il n’y a que les Institutions qui peuvent saisir la Cour constitutionnelle. Il s’agit du Président de la République, du gouvernement, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat, d’un dixième des députés et un dixième des sénateurs, des gouverneurs de provinces et des Présidents des Assemblées provinciales.[9]

3. MOÏSE KATUMBI DÉSIGNÉ CANDIDAT DU G7 AUX PROCHAINES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES

Le 30 mars, au terme d’un conclave organisé à Kinshasa, la plateforme de l’opposition G7 a demandé à l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, d’être son candidat à la prochaine élection présidentielle. Par ce choix, le G7 dit vouloir doter la RDC «d’un leadership démocratique, courageux, visionnaire, dynamique, exemplaire, rassembleur, fort, capable de relever les défis majeurs» que connaît le pays. Le G7 promet à Moïse Katumbi un soutien actif et invite les Congolais à «se joindre à sa démarche et à soutenir la candidature de Moïse Katumbi à la présidence de la République démocratique du Congo».

Membre du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), le part politique du président Joseph Kabila, Moïse Katumbi a démissionné de ce parti le mois de septembre 2015. Moïse Katumbi reproche en effet au chef de l’Etat de vouloir se maintenir à la tête du pays, alors que son mandat expire en décembre 2016 et que la loi fondamentale lui interdit de se représenter.

Le G7 est constitué de partis dont les leaders ont été exclus de la Majorité présidentielle, en septembre dernier, après avoir adressé une lettre au chef de l’Etat lui demandant de respecter la constitution pour l’organisation des élections dans le délai.[10]

Le 31 mars, au lendemain de l’annonce du G7 demandant à Moïse Katumbi de se présenter à la prochaine élection présidentielle, l’ancien gouverneur du Katanga a fait savoir qu’il donnera bientôt sa position sur sa candidature et que la priorité aujourd’hui est de s’entendre sur un candidat commun de l’opposition.[11]

Le 31 mars, au cours d’un point presse, Jean-Bertrand Ewanga a annoncé que son parti politique, l’UNC, à l’issue de son congrès qui se tiendra probablement à la fin de mois d’avril ou début mai, de concert avec ses alliés, désignera Vital Kamerhe comme son candidat à l’élection présidentielle.

L’UDPS, divisée entre le père, Etienne et le fils, Félix, a déjà annoncé qu’il annoncerait sa position (et probablement son candidat) dans deux mois. Martin Fayulu, de l’Ecidé, a, quant à lui, déjà annoncé que son parti l’avait désigné comme candidat à la présidentielle. Jean-Bertrand Ewanga estime que les ambitions, au sein de l’opposition, doivent s’exprimer clairement et davantage. A son avis, après avoir enregistré toutes les manifestations d’intérêt pour l’élection présidentielle, il faudrait que, au finish, l’opposition organise des primaires, afin de se mettre d’accord autour d’un candidat commun.[12]

Le 7 avril, à Kinshasa, le secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Bruno Mavungu, a affirmé que «le choix d’un candidat unique de l’opposition n’est pas à l’ordre du jour». Il a expliqué que, pour le moment, l’essentiel est de travailler pour l’organisation d’élections apaisées qui permettront une alternance sans heurt. Le secrétaire général de l’UDPS, qui reste convaincu qu’Etienne Tshisekedi avait remporté la présidentielle de 2011, pense qu’il faut dès à présent préparer une bonne gestion de la période post-électorale.

Réagissant à la désignation de Moise Katumbi comme candidat du G7 à la présidentielle, Vital Kamerhe, arrivé en troisième position à la présidentielle de 2011, a déclaré sur TV5 Monde que le plus important était d’abord d’obtenir l’organisation de l’élection présidentielle dans les délais prescrits dans la constitution et non de se diviser maintenant autour de la question de la candidature unique de l’opposition à la présidentielle.[13]

4. LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE APPELLE AU DIALOGUE

Le 21 mars, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, au cours d’un débat au Conseil de sécurité sur la situation dans la région des Grands Lacs, s’est dit «très préoccupé par l’impasse dans laquelle se trouve encore l’organisation des prochaines élections en République démocratique du Congo». Ban Ki-moon a fait savoir qu’il a récemment invité les acteurs politiques congolais à dialoguer: «Lors de mon récent déplacement dans le pays en février, j’ai prié instamment tous les intervenants de régler leurs différends par le dialogue et de créer des conditions propices à la tenue en temps voulu d’élections crédibles, conformément à la Constitution».

Au cours du débat, l’ambassadrice américaine, Samantha Power, a déclaré que «il n’y a pas de raison crédible pour que l’élection en RDC ne se déroule pas à la date prévue». Elle a ajouté que

«il faut non seulement que l’on puisse voter, mais aussi que les individus puissent faire campagne pour leurs candidats favoris et qu’ils puissent exprimer librement leur opinion». Mme Power a également dénoncé «le harcèlement et la détention de militants pacifiques et de dirigeants de l’opposition en RDC».[14]

Le 22 mars, à Kinshasa, le chef de mission adjoint de l’ambassade américaine, David Brown, a déclaré que les Etats-Unis d’Amérique invitent la classe politique congolaise à se mettre autour d’une même table pour décider sur la destinée de la RDC, étant donné que la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) enregistre techniquement un retard pour tenir l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel. Selon lui, la stabilité du pays dépend principalement d’une alternance politique dans le délai fixé par la constitution congolaise. Lors d’une une interview, David Brown a déclaré qu’il souhaiterait voir en RDC «une alternance démocratique conforme à la constitution».[15]

Le 23 mars, devant le Conseil de sécurité de l’Onu à New York, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies en RDC, Maman Sambo Sidikou, a déclaré que la RDC est dans une période charnière. Le processus électoral est dans une impasse et d’importants obstacles devraient être surmontés, afin que les élections aient lieu en temps opportun. Selon Maman Sambo Sidikou, pour surmonter l’impasse dans le processus électoral un dialogue crédible entre tous les acteurs politiques est dès lors nécessaire et indispensable.[16]

Le 30 mars, dans sa résolution 2277, le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies, «Constatant avec une profonde préoccupation les retards dans les préparatifs de l’élection présidentielle qui doit se tenir en novembre 2016, comme le prévoit la Constitution, et que l’actualisation des listes électorales n’a pas encore commencé;

Soulignant qu’il est crucial que le prochain cycle électoral se déroule de façon pacifique et crédible, comme prévu par la Constitution;

exprimant sa vive préoccupation face au rétrécissement de l’espace politique dans le pays, qui s’est notamment traduit par les récentes arrestations et détentions de membres de l’opposition politique et de représentants de la société civile et par les restrictions imposées à des libertés fondamentales, comme la liberté d’expression et d’opinion, et rappelant la nécessité d’un dialogue politique ouvert,

inclusif pacifique, centré sur la tenue des élections et associant toutes les parties prenantes, afin de préparer le terrain à la tenue d’élections pacifiques, crédibles, ouvertes à tous, transparentes, dans le respect des délais prévus, et notamment des élections présidentielle et législatives d’ici novembre 2016, conformément à la Constitution;

– Demande au Gouvernement de la République Démocratique du Congo et à ses partenaires nationaux, notamment la Commission électorale nationale indépendante, de veiller à la transparence et à la crédibilité du processus électoral, étant donné qu’il leur incombe au premier chef de créer les conditions propices à la tenue des prochaines élections et notamment des élections présidentielle et législatives prévues en novembre 2016, conformément à la Constitution;

– Exhorte le Gouvernement et toutes les autres parties concernées à créer les conditions nécessaires pour que le processus électoral soit libre, juste, crédible, ouvert, transparent, pacifique et conforme à la Constitution congolaise, pour qu’il s’accompagne d’un débat politique libre et constructif, et pour que soient assurés la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de réunion, un accès équitable aux médias, y compris aux médias d’État, et la sécurité et la liberté de circulation de tous les candidats, ainsi que des observateurs et témoins, des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des acteurs de la société civile.

– Invite la Commission électorale nationale indépendante à publier un calendrier complet révisé couvrant la totalité du cycle électoral et à actualiser les listes électorales en toute régularité.

– Demande au Gouvernement de la République démocratique du Congo d’élaborer rapidement un budget et un code de conduite pour les élections, afin que les élections puissent se tenir dans les temps, en particulier la présidentielle et les législatives de novembre 2016 prévues par la Constitution, et demande à toutes les parties prenantes d’engager un dialogue politique ouvert et sans exclusive sur la tenue de l’élection présidentielle, conformément à la Constitution».[17]

Le 6 avril, le porte-parole intérimaire de la Mission onusienne (Monusco), Charles Antoine Bambara, a affirmé que, «pour l’instant, au niveau des Nations unies, au niveau de la résolution 2277, c’est clair: le processus électoral doit tenir compte du délai constitutionnel. Je pense que c’est important que les acteurs politiques puissent agir en se disant que ce délai constitutionnel peut et doit être respecté».

Selon le calendrier électoral global de la Ceni, publié en février 2015, la présidentielle et les législatives sont fixées au 27 novembre 2016. Le président de la Ceni, Corneille Nangaa a, dans un échange avec les acteurs politiques en février dernier, évoqué les contraintes qui rendent «impossible l’organisation des élections dans le délai». Il a notamment évoqué le problème technique lié a la révision du fichier électoral qui pourrait prendre au minimum seize mois et celui du financement du processus électoral.[18]

Le 8 avril, au cours d’un point de presse à Kinshasa, le ministre congolais des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda, a dénoncé la pression des Nations unies et de l’opposition en faveur de la tenue de l’élection présidentielle dans les délais constitutionnels. Selon lui, il s’agit d’une « irresponsabilité ». Le chef de la diplomatie congolaise estime que, dans le contexte actuel de la RD Congo, il est irresponsable d’insister sur le respect du délai constitutionnel pour l’organisation des prochaines élections présidentielle et législatives du mois de novembre 2016.

Raymond Tshibanda a déclaré que l’insistance de l’ONU pour la tenue de l’élection présidentielle dans les délais constitutionnelle «frise l’irresponsabilité», en ajoutant que «le plus important, c’est que ces élections se déroulent dans des conditions de paix».[19]

5. LES ÉLECTIONS DES GOUVERNEURS DES 21 NOUVELLES PROVINCES

Le 26 mars, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a organisé l’élection de gouverneurs et vice-gouverneurs dans vingt des vingt-et-une nouvelles provinces.

Cette élection n’a pas eu lieu au Sud-Ubangi car, le jour précédent, la cour d’appel de Mbandaka a annulé l’élection du bureau définitif de l’assemblée provinciale du Sud-Ubangi. Il appartient désormais à la Ceni de décider du nouveau calendrier de l’élection du gouverneur dans cette province. Pour ce qui est du Nord-Ubangi, aucun candidat n’a obtenu la majorité requise et la Ceni devra programmer un second tour.

Parmi les dix-neuf gouverneurs élus, quatorze appartiennent à la Majorité présidentielle (MP). Les cinq autres ont été élus comme indépendants au Bas-Uélé, Haut-Uélé, Equateur, Kasaï-central et à la Mongala.

Le président de la Ceni, Corneille Nangaa, a annoncé que la publication des résultats définitifs de l’élection des gouverneurs de nouvelles provinces interviendra le 18 avril prochain.

Selon la Ceni, la durée des mandats des gouverneurs nouvellement élus dépendra de l’organisation de l’élection des députés provinciaux, prévue pour l’an dernier et reportée sine die. Une fois les nouvelles assemblées provinciales élues, une nouvelle élection des gouverneurs aura lieu sur toute l’étendue du territoire.

À propos des résultats provisoires des dernières élections des gouverneurs, le ministre Lambert Mende, président d’un parti de la majorité, a affirmé que «la Majorité présidentielle a démontré qu’elle est toujours majoritaire».

L’opposition a dénoncé l’autorisation implicite pour les commissaires spéciaux de se présenter, l’invalidation de dizaines de candidatures sur demande de la majorité et des pressions sur les députés provinciaux. «C’est un recul démocratique car, dans certaines provinces, la majorité a imposé des listes uniques à coup de menaces, violences et achats de conscience», a déclaré pour sa part le sénateur Jacques Djoli, du Mouvement de libération du Congo (MLC).[20]

Le 29 mars, la candidate de la Majorité présidentielle, Marie-Thérèse Gerengbo, a été élue gouverneur du Nord-Ubangi, à l’issue du deuxième tour du scrutin. Elle a obtenu 10 voix contre 8 pour André-Teddy Kapalata, candidat du Mouvement de libération du Congo (MLC). Au premier tour organisé le 26 mars, aucun candidat n’avait obtenu la majorité requise. Marie-Thérèse Gerengbo était en tête avec 9 voix sur 18. André Teddy Kapalata du MLC avait obtenu 8 voix.[21]

Le 1er avril, le candidat indépendant José Makila Sumanda a été élu gouverneur du Sud-Ubangi. Avec quatorze voix sur vingt-quatre, il a battu le candidat de la majorité, Joachim Taila, qui a recueilli neuf voix et celui du Mouvement de libération du Congo (MLC), Constatin Pelendo Goza, qui a obtenu une voix. Ce scrutin a été retardé de six jours, suite à la reprise de l’élection du bureau définitif de l’assemblée provinciale du Sud-Ubangi.[22]

[1] Cf Radio Okapi, 18.03.’16

[2] Cf Radio Okapi, 19.03.’16

[3] Cf Radio Okapi, 19.03.’16

[4] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 21.03.’16

http://www.lepotentielonline.com/index.php?option=com_content&view=article&id=14264:rdc-report-de-l-election-presidentielle-2016-la-ceni-n-a-pas-qualite-pour-saisir-la-cour-constitutionnelle&catid=90:online-depeches&Itemid=679

[5] Cf Radio Okapi, 20 et 21.03.’16

[6] Cf Radio Okapi, 28.03.’16

[7] Cf Radio Okapi, 30.03.’16

[8] Cf Radio Okapi, 30.03.’16

[9] Cf Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 18.03.’16

[10] Cf Radio Okapi, 30.03.’16

[11] Cf Radio Okapi, 31.03.’16

[12] Cf Eric Wemba – Le Phare – Kinshasa, 01.04.’16

[13] Cf Radio Okapi, 08.04.’16

[14] Cf Radio Okapi, 22.03.’16

[15] Cf Radio Okapi, 22.03.’16

[16] Cf Radio Okapi, 23.03.’16

[17] Cf Texte complet: http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/2277(2016)

[18] Cf Radio Okapi, 06.04.’16

[19] Cf AFP – Jeune Afrique, 08.04.’16; RFI, 09.04.’16

[20] Cf Radio Okapi, 26.03.’16; RFI, 26.03.’16; AFP – Africatime, 27.03.’16

[21] Cf Radio Okapi, 30.03.’16

[22] Cf Radio Okapi, 01.04.’16