SOMMAIRE
ÉDITORIAL: RÉVISION DU FICHIER ÉLECTORAL ET ÉLECTIONS DANS LES DÉLAIS CONSTITUTIONNELS
- LE PROCESSUS ÉLECTORAL
- Une note technique de la Commission électorale sur la révision du fichier électoral
- Les réactions des ONGs et de l’Opposition
- L’activité de la Commission électorale
- Le Gouvernement n’a pas de ressources pour financer les élections, mais il en trouve pour acheter du matériel anti-émeute
- LE DIALOGUE POLITIQUE NATIONAL
- L’UDPS dit NON au dialogue convoqué par Joseph Kabila
- Un dialogue de plus en plus improbable
ÉDITORIAL: RÉVISION DU FICHIER ÉLECTORAL ET ÉLECTIONS DANS LES DÉLAIS CONSTITUTIONNELS
1. LE PROCESSUS ÉLECTORAL
a. Une note technique de la Commission électorale sur l’actualisation du fichier électoral
Le 23 janvier, l’Agence d’information.com a publié un document confidentiel de la Commission électorale intitulé « NOTE TECHNIQUE SUR L’ACTUALISATION DU FICHIER ÉLECTORAL ET LA REPARTITION DES SIÈGES ». Le texte n’a pas été rendu public pour le moment, mais l’Agence d’information.com a pu s’en procurer une copie:
I: ACTUALISATION DU FICHIER ÉLECTORAL POUR LES ÉLECTIONS GÉNÉRALES[1]
A. ESTIMATIONS STATISTIQUES | |||
N. | Variables techniques | Révision partielle | Révision totale |
1 | Population électorale attendue | 17.266.631 | 40.901.135 |
2 | Besoin en cartes d’électeurs | 22.446.620 | 53.171.476 |
3 | Formulaires d’identification | 25.899.946 | 61.351.703 |
4 | Centres d’inscription | 6.100 | hyp. A: 10.100 *
hyp. B: 19.100 ** |
5 | Kits d’enrôlement | 12.200 | hyp. A: 20.200
hyp. B: 38200 |
6 | Personnel commis à l’enrôlement | 30.500 | hyp. A: 50.500
hyp. B: 95.500 |
7 | Estimation budgétaire | 122.638.250 $ | hyp. A: 202.877.245 $
hyp. B: 290.215.669 $ |
8 | Délais minimum | 13 mois et 10 jours | 16 mois et 1 jour |
* Hypothèse A: Possibilité de regrouper des sites de vote au sein d’un seul Centre d’inscription.
** Hypothèse B: Un Centre d’inscription équivaut à un site de vote. |
B. PROBLÈMES TECHNIQUES DU CHOIX DE LA MÉTHODOLOGIE | ||||||
N. | Problèmes | Révision partielle | Révision totale | Option
proposée
|
||
Forces | Faiblesses | Forces | Faiblesses | |||
1 | Comment prendre en compte la nouvelle nomenclature des entités administratives
(nouvelles provinces, nouvelles villes et nouvelles communes) lors de l’inscription des électeurs? |
Présence en circulation de cartes d’électeurs avec les noms des entités qui n’existent plus | Émission de nouvelles cartes basées sur la nomenclature administrative en vigueur | Révision
totale |
||
2 | Comment intégrer les électeurs régulièrement inscrits, mais absents dans la base de la Ceni? | Difficulté de récupérer tous les électeurs potentiellement omis. | Possibilité de résoudre définitivement le problèmes des électeurs omis. | Révision
totale |
||
3 | Comment intégrer les nouveaux majeurs de 2011 à ce jour et les anciens majeurs non enrôlés en 2011? | Possibilité de les intégrer dès qu’ils se présentent
à l’inscription. |
Possibilité de les intégrer dès qu’ils se présentent
à l’inscription |
Indifférent | ||
Comment intégrer les Congolais ayant recouvré leurs droits civiques et de démobilisés? | Possibilité de les intégrer. | Difficulté de la Ceni à identifier ces personnes. | Possibilité de les intégrer. | Difficulté de la Ceni à identifier ces nouveaux électeurs. | Indifférent | |
4 | Comment extraire de la base les Congolais ayant perdu leurs droits civiques ou leur droit de vote par changement de statut social? | Incertitude de la déclaration personnelle et de la dénonciation par des tiers. | Exclusion des Congolais ayant perdu leurs droits civiques, ainsi que des militaires et policiers | Incertitude de la déclaration personnelle et de la dénonciation par des tiers. | Révision
totale |
|
5 | Comment élaguer de la base les électeurs décédés(estimés à 1.600.000)? | Absence de mécanismes pouvant permettre à la Ceni d’élaguer cette catégorie d’électeurs. | Exclusion totale des décédés. | Révision
totale |
||
6 | Comment résoudre dans la base la problématique des électeurs sans l’ensemble de leurs éléments biométriques (photo et/ou empreintes digitales)? | Persistance des électeurs sans éléments biométriques dans la base. | Possibilité de résoudre le problème sans éléments biométriques. | Révision
totale |
||
7 | Comment enrôler les Congolais de l’étranger? | Possibilité de les inscrire sur la liste électorale. | – Possibilité d’avoir des inscriptions multiples pour un même électeur (doublon);
– Risque d’enrôlement des électeurs à double nationalité. |
Possibilité de les inscrire sur la liste électorale. | Risque d’enrôlement des électeurs à double nationalité. | Révision
totale |
8 | Comment effectuer le changement d’adresse et correction des éléments des identités pour les électeurs présents dans la base, ayant ou devant changer ces éléments (électeurs estimés à près de 7 millions)? | Présence de cartes d’électeur avec l’ancienne nomenclature et les erreurs sur les identités pour les électeurs qui ne vont pas se présenter à l’enrôlement. | Possibilité de prendre en charge toutes corrections possibles. | Révision totale | ||
9 | Comment soustraire de la circulation les fausses « vraies cartes » produites en dehors du circuit normal de production des cartes? | Les fausses vraies cartes vont continuer à circuler et à profiter du fait que la carte d’électeur sert également de carte d’identité. | Possibilité de limiter la circulation de fausses vraies cartes. | Révision
totale |
C. CONTRAINTES | ||
1 | Cadre légal | I. Bésoin d’harmonisation de la loi portant identification et enrôlement des électeurs du 24 décembre 2004 et la loi électorale du 12 février 2015 ;
II. Actualisation des mesures d’application de la loi portant identification et enrôlement des électeurs; III. Nécessité d’opérationnalisation des Tribunaux de paix et des Tribunaux de grande instance (construction des bâtiments et affectation du personnel adéquat). |
2 | Appui logistique | Nécessité d’un dispositif conséquent pour le déploiement du matériel et du personnel comme :
– En 2006: appui de la Monuc et des partenaires bilatéraux (Près de 66 avions, 22 hélicoptères, entrepôts aéroportuaires, …). – En 2011: appui de la Monusco et des partenaires bilatéraux (2 bateaux avec barges, 40 avions et hélicoptères, 16 entrepôts aéroportuaires, …). |
3 | Délai | En fonction de l’option choisie, du nombre des kits et du budget disponible. |
4 | Contraintes budgétaires | Disponibilisation des moyens financiers en application du budget adopté conformément au plan de décaissement à convenir avec le gouvernement.. |
5 | Sécurisation | Prendre toutes les dispositions d’accompagnement sécuritaire de l’opération tant au niveau des Centres d’inscription qu’au niveau des structures administratives de la Ceni. |
6 | Etroite collaboration avec le Ministères des Affaires Etrangères et le vice-ministère des Congolais à l’étranger, pour traiter de la question de l’enrôlement des Congolais à l’étranger. |
II. REPARTITION DES SIÈGES |
– Problématique de la prise en compte de la population totale du Pays comme base de répartition des sièges (voir les articles 09 point 10 de la loi organique de la Ceni et 115, 145, 146,192 e 208 de la loi électorale). Mais exception est faite à l’article 237 Ter.
– Arrêt n. 0089/2015 du 08 septembre 2015 de la Cour Constitutionnelle qui demande à la Ceni d’évaluer son calendrier global et d’organiser les élections des Gouverneurs avant toute autre élection. |
b. Les réactions des ONGs et de l’Opposition
Le 28 janvier, la Commission Africaine pour la Supervision des Élections (Case) a affirmé que la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) n’est pas techniquement capable d’organiser les élections dans le délai constitutionnel. Cette ONG a donc invité la Ceni à informer la population sur l’impossibilité technique d’organiser les élections dans les délais prévus par la constitution. Pour expliquer cette impossibilité, André Kiomba, vice-président de la Case, a évoqué le temps que peut prendre la révision du fichier électoral réclamé par la plupart des acteurs impliqués dans le processus électoral. André Kiomba a affirmé que, en 2005-2006, la mise en place du fichier électoral congolais avait duré environ 14 mois et que, pour les élections de 2011, la même opération avait duré 14 mois et 3 semaines, en précisant que, à l’époque, la Monusco avait appuyé logistiquement cette opération et en rappelant que la Ceni ne dispose désormais que de 10 mois pour organiser l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel. Pour la Case, il faudrait à la Ceni environ 16 mois pour organiser les prochaines élections, tandis que le mandat de l’actuel chef de l’Etat s’achève en décembre prochain.[2]
Le 30 janvier, la Mission Internationale d’Observation électorale (M.I.O.E.) a appelé la communauté internationale à mobiliser les fonds et à financer les élections en RDCongo.
Lors de la présentation du rapport annuel de la M.I.O.E. sur le processus d’électoral en RDCongo, le coordonnateur de cette structure, Jérémie Kenda Tshinyama, a affirmé que, «pour que les élections soient organisées dans le délai constitutionnel, il faut des moyens. Sans ces moyens, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) ne fera rien. Depuis qu’on a publié le calendrier électoral, le gouvernement n’a pas pu (ou Voulu) financer les élections prévues». Il a donc interpellé le gouvernement, la communauté internationale et la Ceni, chacun de son côté, à «sauver» le processus électoral. Selon le rapport annuel de cette organisation, la M.I.O.E. a recruté à ce jour dix-huit mille observateurs électoraux pour couvrir les prochaines élections congolaises.[3]
Le 30 janvier, dans une déclaration signée par Charles Mwando Nsimba, le G7 (UNADEF, UNAFEC, MSR, ARC, PDC, MSDD, ACO) a rappelé que, «en date du 14 janvier 2016, le G7 a fait connaître, dans une déclaration publique, le schéma qu’il propose pour débloquer le processus électoral et tenir les élections présidentielle, législatives et provinciales dans les délais constitutionnels.
Pour rappel, le G7 a invité la Commission Electorale Nationale Indépendante, CENI, à convoquer dans le plus bref délai la tripartite Majorité – Opposition – CENI afin d’aplanir les divergences sur les aspects du processus électoral qui le requièrent, et à publier, après cette tripartite, un calendrier électoral consensuel qui respecte les délais constitutionnels.
Pour le G7, ce calendrier devra être structuré comme suit:
1er trimestre 2016: Acquisition des kits et du matériel d’enrôlement;
2ème trimestre 2016: révision du fichier électoral;
3ième trimestre 2016: mise à jour du cadre légal, convocation du scrutin et dépôt des candidatures;
4ième trimestre 2016: élections provinciales, législatives et présidentielle. Ces 3 scrutins se tiennent le même jour.
Il a appelé, par ailleurs, la CENI à démarrer sans tarder la révision du fichier électoral sur base des recommandations de la mission d’audit de l’OIF par l’enrôlement de nouveaux majeurs. Cette révision n’est pas à confondre avec la refonte totale du fichier et, encore moins, avec le recensement de la population congolaise.
Au Gouvernement, le G7 a recommandé d’alléger et d’accélérer les procédures de passation des marchés des kits et autre matériel électoral pour faire face aux contraintes constitutionnelles, comme cela a déjà été le cas en 2011. Il lui a, en outre, demandé de convenir avec la CENI et les partenaires d’appui d’un plan de décaissement irrévocable des ressources retenues au budget de l’exercice 2016 pour les élections et de relancer le partenariat notamment avec la MONUSCO, le PNUD et l’Union européenne dans le cadre du projet d’appui au cycle électoral au Congo (PACEC) en ce qui concerne aussi bien l’acquisition du matériel que l’appui logistique.
Le G7 constate que le Gouvernement de la République, la CENI et les partenaires extérieurs se sont réunis le 29 janvier 2016 pour examiner les voies et moyens de relancer le processus électoral, plus particulièrement la question de la révision du fichier électoral et celle du financement des élections.
Cette évolution de la situation au cours de la dernière semaine du mois de janvier donne raison au G7 et à la Dynamique de l’Opposition qui ont toujours soutenu que les questions de calendrier électoral, d’actualisation du fichier électoral, du financement des élections et de leur sécurisation sont essentiellement techniques et de la compétence des institutions constitutionnelles. Elles ne nécessitent nullement la convocation d’un forum national extraconstitutionnel. C’est pourquoi, ils refusent catégoriquement de participer au dialogue national dit inclusif initié par le Président de la République et qui vient de faire perdre inutilement au processus électoral 7 précieux mois.
Toutefois, en dépit de ce frémissement observé au niveau de la CENI, le G7 déplore le fait que ses dirigeants se lancent actuellement dans une campagne dont l’objectif est de faire adhérer les Congolais à l’idée d’organiser les élections au-delà du terme constitutionnel.
Le G7 s’inscrit en faux contre l’affirmation de la direction de la CENI, selon laquelle l’opération de révision du fichier électoral prendrait au moins 13 mois. En effet:
- a) L’OIF dont tout le monde accepte les conclusions de l’audit du fichier électoral, a d’une part, reconnu les acquis de l’opération de stabilisation des cartographies opérationnelles et de fiabilisation de ce fichier électoral faite par la CENI elle-même, et, d’autre part, recommandé de la compléter par l’enrôlement de nouveaux majeurs qui peut se faire dans un délai compatible avec les contraintes de l’échéance constitutionnelle;
- b) Dans le calendrier électoral publié en février 2015, la CENI elle-même a évalué à 8 mois la période de réalisation de l’opération de révision y compris l’achat des kits d’enrôlement additionnel;
- c) Dans le passé, l’enrôlement des électeurs n’a pas pris plus de 6 mois dans les conditions d’infrastructures des communications pires qu’aujourd’hui.
En vérité, la CENI veut tirer en longueur l’organisation des élections. Le G7 craint que l’on ne ressorte à nouveau le dossier des élections locales, municipales et urbaines au motif de promouvoir la décentralisation et la démocratie à la base, alors qu’en réalité la finalité est de donner de la consistance au fameux «glissement».
Compte tenu de l’immensité du travail à faire et pour rester dans le cadre des limites de temps autorisées par la Constitution, le G7 est d’avis qu’il faut renforcer les capacités de la CENI et lui adjoindre un accompagnement permanent d’autres personnalités expertes et des organismes spécialisés.
Le G7 reste convaincu que si le Président de la République et la Majorité présidentielle en ont la volonté politique et cessent d’entraver le processus électoral, il est possible d’organiser les élections présidentielle, législatives et provinciales transparentes, paisibles et crédibles dans le strict respect du cadre légal en vigueur.
Afin de relancer le processus électoral, le G7 demande, une fois de plus, à la CENI de sortir un calendrier électoral allégé et réaliste, qui tienne compte des contraintes constitutionnelles».[4]
Le 1er février, après la dernière note technique de la Ceni relative à l’actualisation du fichier électoral, le Secrétaire général de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), Jean-Bertrand Ewanga, a publiquement accusé la CENI de vouloir faciliter le président Kabila sur la voie du « glissement »: «Que la CENI vienne, à ce jour, soutenir un glissement technique qui exigerait 13 à 16 mois pour l’enrôlement de nouveaux majeurs, prouve à suffisance que cette institution d’appui à la démocratie est devenue une chambre d’échos de la Majorité présidentielle, le bras séculier du gouvernement et perd automatiquement toute indépendance».
C’est ainsi que, «l’UNC demande à la CENI de se ressaisir afin de présenter, toutes affaires cessantes, un calendrier électoral réaliste tenant compte des délais constitutionnels, dans la mesure où le temps qui nous sépare du 19 décembre 2016 devient plus que contraignant pour l’UNC, d’autant plus que l’OIF a estimé que 4 mois suffisent pour l’enrôlement de nouveaux majeurs», commente Ewanga. Dans le même ordre d’idées, il a fait remarquer que «l’enrôlement de 25 millions d’électeurs en 2006 avait pris 6 mois sans aucune expérience électorale avérée et en 2011, avec 32 millions d’électeurs, 5 mois ont suffi pour l’enrôlement des électeurs».
L’UNC ne comprend pas qu’avec 8 millions de nouveaux majeurs, avec l’expérience déjà acquise par les agents de la CENI, cette institution d’appui à la démocratie puisse parler de 13 à 16 mois pour l’actualisation du fichier électoral. «C’est tout simplement ahurissant, si pas une insulte vis-à-vis du peuple congolais», a martelé Jean- Bertrand Ewanga.[5]
Le 2 février, une coalition de 33 ONG a exigé à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) de publier en toute indépendance un calendrier réaménagé, «en tenant compte de l’impératif de délai constitutionnel». Au cours d’une conférence de presse organisé à Kinshasa, le coordonnateur du regroupement de ces associations, Me Georges Kapiamba, a accusé la centrale électorale de «perdre le temps» pour occasionner le glissement du mandat du chef de l’Etat au-delà de 2016. «Nous constatons que rien n’est fait du côté de la Ceni. Il s’impose à cette institution de se départager des positions prises par le gouvernement et de publier un calendrier réaménagé et qui doit tenir compte de l’impératif du délai constitutionnel, principalement en ce qui concerne l’élection du président de la République», affirme Me Georges Kapiamba.
Dans leur déclaration, les 33 ONG disent s’inquiéter de l’enlisement du processus électoral entretenu selon elles par le gouvernement congolais en connivence avec les dirigeants de la Ceni.[6]
c. L’activité de la Commission électorale
Le 28 janvier, au cours d’une réunion tripartite organisée à Kinshasa, la Commission Électorale Nationale Indépendante (Ceni), le gouvernement et les partenaires internationaux de la RDC se sont engagés à débloquer le processus électoral.
Le gouvernement a notamment indiqué qu’il était déterminé à décaisser des financements pour le processus électoral. Le ministre de l’Intérieur et chef de la délégation gouvernementale, Evariste Boshab, a notamment évoqué le financement de la révision du fichier électoral. Il a également annoncé que le gouvernement allait présenter lors de la session parlementaire de mars deux projets de loi nécessaires à cette révision du fichier électoral.
Pour sa part, le numéro deux de la Monusco, Mamadou Diallo, a évoqué le soutien que la mission onusienne pourrait apporter au processus électoral, surtout dans le domaine de la logistique, ce qui pourrait contribuer à enlever une grande partie des contraintes budgétaires.
Au sujet respect du respect du délai constitutionnel pour les prochaines élections, le président de la Ceni, Corneille Nangaa, a déclaré qu’il dépendait de la révision du fichier électoral qui, selon une source à la Céni, « prendra au minimum treize mois ». Il a aussi fait savoir que la Ceni allait lancer le 10 février prochain un appel d’offres pour le matériel nécessaire pour la révision du fichier électoral.
En outre, le président de la Ceni a affirmé qu’un nouveau calendrier électoral « réaménagé et réaliste » sera publié à l’issue des consultations en cours.[7]
Le 29 janvier, le nouveau leadership de la CENI a ouvert une série de consultations avec les leaders de l’Opposition dans leur plus grande diversité. Préalablement conçue dans un format unique, la première réunion a démarré sous une divergence de vues, les uns souhaitant une rencontre d’ensemble et les autres privilégiant carrément des rencontres séparées par plateforme. Après avoir échangé avec les leaders massivement représentés au siège de la CENI, le Président de la CENI, Corneille Nangaa, a opté de consulter les groupes et plateformes politiques de l’Opposition séparément.
À la première réunion de cette série des consultations entamées par la Ceni ont participé la Nouvelle Classe Politique dirigée par l’honorable Steve Mbikayi, l’Opposition Citoyenne de l’Honorable Justin Bitakwira, l’Opposition Extra-parlementaire du Professeur Gaston, ainsi que des représentants du Parti politique Forces du Futur d’Arthur Zahidi Ngoma et le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) de Maître Azarias Ruberwa Manywa. Il s’agit du G5, une plateforme des cinq partis de l’opposition favorables au dialogue politique voulu par le Président de la République.
Des questions pertinentes ont été soulevées parmi lesquelles celles relatives à la faisabilité ou non des élections nationales en 2016. Questions auxquelles le Président Nangaa a réservé des explications plus pratiques. Pour lui, le plus important est de commencer avec les opérations préparatoires des élections nationales. Les membres de l’opposition ont noté que le temps presse et qu’il convient d’aller vite à l’essentiel. A l’issue de la rencontre, Steve Mbikayi s’est ainsi exprimé: «Ce qu’il faut retenir d’après moi, est qu’au vu de certaines contraintes, il est illusoire de continuer à parler encore des élections dans le délai parce que, seule la révision du fichier électoral, d’après la CENI, prendra près de 14 mois. Il faudra donc voir ce qu’il y a lieu de faire pour éviter qu’on tombe dans l’instabilité et qu’il ait un vide juridique après 2016».[8]
Le 30 janvier, à l’issue d’un échange avec le président de la Commission électorale à Kinshasa, le vice-ministre des Affaires étrangères en charge des Congolais de l’étranger, Antoine Boyamba, a annoncé que le gouvernement et la Commission électorale se préparent à mettre en place une commission mixte pour la réussite de l’enrôlement des Congolais de l’étranger.
Pour sa part, le président de la Commission électorale, Corneille Nangaa, a estimé que l’enrôlement des Congolais de la diaspora nécessite une harmonisation entre la Ceni et le gouvernement.
Il a noté qu’il y a certaines difficultés dans ce processus d’enrôlement de citoyens congolais vivant à l’étranger: «Selon l’actuelle loi sur l’identification et l’enrôlement des électeurs, pour s’enrôler il faut être sur le territoire national. Il faut procéder à la révision de cette loi, pour permettre à ce que les Congolais qui sont à l’étranger se fassent identifier et inscrire». Corneille Nangaa a également précisé que les Congolais de l’étranger ne vont participer qu’à la présidentielle.
La commission en préparation va donc statuer sur une possible mise à jour de la loi sur l’enrôlement qui ne permet pas, en l’état actuel, d’inscrire les Congolais de l’étranger sur la liste des électeurs.
Déjà, au niveau de toutes les représentations diplomatiques, le gouvernement a engagé un travail de «recensement» de tous les concitoyens détenteurs des passeports congolais. Le gouvernement estime entre 7 et 8 millions, le nombre de Congolais vivants à l’étranger.[9]
d. Le gouvernement n’a pas de ressources pour financer les élections, mais il en trouve pour acheter du matériel anti-émeute
Le 22 janvier, le compte-rendu du conseil des ministres a révélé que le ralentissement de l’économie mondiale et la baisse des cours des principaux produits de base exportés par la RDC, comme le cuivre et le pétrole, ont fait perdre plus d’1,3 milliards de dollars américains au trésor public pour l’exercice budgétaire 2016 en cours.[10]
Le 27 janvier, le ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, a remis au chef de la police nationale congolaise, le général Charles Bisengimana, une importante quantité de matériel antiémeute, dont 5 véhicules dotés des jets d’eau pour neutraliser des manifestants, 5 véhicules blindés lanceurs de gaz lacrymogènes avec 9 tubes pour disperser des foules, des grenades assourdissantes, des cartouches explosives et en caoutchouc, des fusils antiémeutes, des lance-grenades antiémeutes et des pistolets à impulsion électrique.
Pour le ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, cet équipement anti-émeute va permettre à la police de gérer des foules lors des manifestations publiques sans porter atteinte à la vie des manifestants. Le chef de la police congolaise, général Charles Bisengimana, a affirmé que l’acquisition de ce matériel va permettre à la police d’intervenir lors des manifestations sans causer des « dégâts collatéraux », en ajoutant que l’on attend un deuxième lot encore plus important.
Le directeur de l’ONG congolaise de défense des droits de l’Homme la Voix des sans-voix (VSV), Dolly Ibefo, s’est dit «très inquiet de l’acquisition de ce matériel antiémeute», en ajoutant que, dans un climat politique très tendu à la veille des prochaines élections, cela démontre que «le pouvoir est en train de préparer la violence contre des populations non armées».[11]
Le 2 février, le Premier ministre Augustin Matata Ponyo a déclaré que la chute des cours des matières premières risque de compromettre le financement des élections à venir, dont la présidentielle, tout en affirmant pouvoir se passer de l’aide du Fonds monétaire international. Il a affirmé que, «si le cours du cuivre tombe à 2.600 dollars la tonne et le baril de pétrole à 10 dollars et que toutes les entreprises minières ferment (…) nous n’allons pas financer les élections avec l’argent des ménages». M. Matata a estimé que les prix allaient « descendre davantage » en 2016 du fait de la contraction de la demande chinoise qui va avoir « un impact direct » sur les recettes budgétaires du pays. Malgré les difficultés budgétaires, le Premier ministre a réaffirmé que « renouer » avec les institutions financières internationales n’était pas une priorité, « les performances économiques » du gouvernement se réalisant sans programme avec le FMI.[12]
L’ancien ministre de l’environnement, José Endundo, membre du PDC e l’un des leaders du G7, a déclaré lors de son passage, à l’émission Libre expression de CongoWeb, que le gouvernement a organisé le manque des ressources, pour justifier aujourd’hui l’impossibilité d’organisation des élections dans le délai constitutionnel.[13]
2. LE DIALOGUE POLITIQUE NATIONAL
À propos de la désignation de Edem Kodjo par l’UA, selon un conseiller du président Kabila, c’est la RD Congo qui lui aurait sollicité la nomination d’un facilitateur: «Nous avons tiré les leçons de notre échec à l’ONU, où nous avions soumis à Ban Ki-moon une liste de noms pour conduire cette facilitation. Au bout de plusieurs semaines, nous n’avions toujours pas de réponse… Cette fois, nous avons écrit à Mme Dlamini-Zuma pour lui demander son aide, en la laissant libre de choisir qui elle voulait. Elle nous a immédiatement répondu».[14]
a. L’UDPS dit NON au dialogue convoqué par Joseph Kabila
Le député national Samy Badibanga, président du Groupe parlementaire « UDPS et Alliés » à l’Assemblée Nationale, été interviewé par Jeune Afrique:
- A. Pourquoi refuser le dialogue proposé par le gouvernement?
- B. Nous voulons le dialogue, mais à certaines conditions: le pouvoir doit au préalable s’engager à respecter la Constitution, en ce qui concerne notamment la durée et le nombre des mandats. Nous souhaitons également que soit nommé un médiateur neutre, qui superviserait le processus. Or ce n’est pas ce que le pouvoir propose.
- A. La nomination par l’Union africaine d’Edem Kodjo au poste de facilitateur ne vous satisfait donc pas?
- B. Ce n’est pas une question de personne, mais de méthode. Pourquoi l’UA a-t-elle pris cette initiative plutôt que de s’inscrire dans la dynamique existante? Les Nations Unies avaient déjà entamé des consultations pour la mise en place d’un dialogue auquel Etienne Tshisekedi acceptait de participer. Cela aurait permis d’inclure des partenaires, tels que les Etats-Unis et l’Union européenne. Alors pourquoi l’UA a-t-elle débuté un nouveau processus? Et pourquoi ne dit-elle rien quant au respect de la Constitution et du calendrier des élections?
- A. Etienne Tshisekedi, le Chef de l’UDPS, avait accepté un «pré-dialogue» avant de se rétracté. Ses atermoiements ne sont-ils pas l’une des raisons du retard qui a été pris?
- B. Le respect des textes et l’Etat de droit ont toujours été sa boussole. Il ne reviendra jamais là-dessus. Mais il est vrai que l’UDPS a été, sinon dupée, du moins occupée par ce « pré-dialogue » qui n’a fait que retarder les choses.
- A. Est-il encore possible d’organiser la présidentielle dans les limites constitutionnelles, c’est-à-dire avant le mois de décembre?
- B. C’est à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) de le dire, mais à mon humble avis, ce n’est plus possible. Il ne nous reste que trente-six semaines pour intégrer sur les listes les électeurs qui viennent d’atteindre la majorité, pour réviser complètement le fichier électoral et ensuite le publier. Et lorsque la Ceni se sera prononcée, nous devront établir des responsabilités. N’avions-nous pas, nous, parlementaires, voté des budgets à la Ceni qui ne lui ont pas été attribués? Je pense que le pouvoir a intentionnellement refusé d’organiser les élections.
- A. En décembre, vous et Félix Tshisekedi avez rencontré Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga, à Paris. L’Udps envisage-t-elle une candidature unique?
- B. Moïse Katumbi fait aujourd’hui partie de l’opposition. Nous sommes d’accord avec lui sur le respect de la Constitution et sur l’alternance en 2016, et c’est cette bataille-là qu’il nous faut d’abord remporter. Il est trop tôt pour parler de candidature. Nous risquons de tout perdre à nous diviser. Cela étant, je crois que le temps d’un leadership individuel est révolu: la situation appelle au rassemblement. Avec une élection présidentielle à un seul tour, un accord doit être trouvé en amont.[15]
Le 4 février, à Bruxelles, le président de l’UDPS, Etienne Tshisekedi a rencontré l’émissaire de l’Union africaine Edem Kodjo à qui il a réaffirmé le refus de son parti de participer au dialogue convoqué unilatéralement par le président Kabila. D’après certaines informations, Étienne Tshisekedi a insisté sur la « bipolarisation du dialogue » à venir: d’un côté le président sortant Joseph Kabila et ses alliés et de l’autre, le leader de l’UDPS et « tous ceux qui aspirent au changement ». Un schéma très différent de celui voulu par Kinshasa, c’est-à-dire un dialogue politique national inclusif entre la majorité au pouvoir, l’opposition et les organisations de la société civile.
Étienne Tshisekedi a également maintenu sa position définie dans la lettre envoyée fin janvier à Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la commission de l’UA: il ne prendra pas part à des pourparlers politiques en RDC si ces derniers sont convoqués par le président Kabila, ce dernier étant, selon l’opposant, partie prenante à la crise.
Selon un communiqué de la présidence de ce parti, les deux personnalités ont discuté sur la «nécessité d’un dialogue politique visant à éviter une crise majeure qui serait néfaste à la stabilité des institutions et du processus démocratique». En restant attaché à l’accord-cadre d’Addis-Abeba, l’UDPS a résumé en cinq points dans le communiqué ses exigences sur le dialogue: son rejet du dialogue unilatéral proposé par Joseph Kabila, son attachement au respect de la constitution, son engagement à l’alternative démocratique en 2016, sa détermination de ne pas violer le pacte républicain issu du Dialogue inter congolais de Sun City et qui fonde la Constitution et, enfin, son engagement à ne pas trahir les aspirations légitimes du peuple aux pratiques démocratiques.[16]
b. Un dialogue de plus en plus improbable
Le 1er février, le Rassemblement des Forces sociales et fédéralistes du Grand Katanga (RFS), un parti de l’opposition, a proposé l’annulation du dialogue national et la création d’un comité international d’accompagnement de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Cette suggestion est contenue dans le plan de sortie de crise que ce parti a adressé au facilitateur de l’Union africaine, Edem Kodjo. Le coordonnateur de RFS, Jean Raymond Muyumba, a aussi indiqué – sans donner plus de détails – qu’il est possible d’organiser en une fois les élections provinciales, législatives et présidentielle en mi-novembre 2016.[17]
La tenue du dialogue paraît de plus en plus improbable. La nomination d’un facilitateur dûment mandaté par l’Union africaine n’a pas produit les effets escomptés et n’a pas résolu le problème.
Le dialogue en vue des élections apaisées était souhaité par tous les Congolais. Mais, subordonner les élections au dialogue est une folie meurtrière qui pourrait faire basculer le pays dans le gouffre.
En réalité, suite à la longueur des négociations qui entourent le dialogue en préalable aux élections, il faut craindre que la perte du temps se révèle fatale dans la poursuite du processus électoral.
S’entêter sur la voie du dialogue, c’est autrement préparer les bases pour un chaos généralisé. Après toutes les années de guerre, la RDC ne mérite pas un tel sort.
Par conséquent, il ne reste plus qu’une seule issue pour éviter un éventuel chaos dont le spectre se profile à l’horizon: recentrer les efforts sur le processus électoral, afin d’organiser les élections essentielles, notamment la présidentielle, dont la date est prévue par la Constitution.
Le temps du dialogue est révolu. C’est le moins que l’on puisse dire. Le moment est venu de changer de fusil d’épaule, en ayant tous les regards et les énergies concentrés sur les élections.
Au regard de l’urgence de libérer la machine du processus électoral, il est judicieux d’oublier le dialogue et recentrer collectivement les efforts sur la manière d’organiser les élections essentielles conformément aux délais constitutionnels.[18]
[1] Cf Luigi Elongui – l’Agence d’information, 23.01.’16 http://www.lagencedinformation.com/094-rdc-grandes-manoeuvres-en-catimini.html
[2] Cf Radio Okapi, 29.01.’16
[3] Cf Radio Okapi, 31.01.’16
[4] Cf Le Phare – Kinshasa, 01.02.’16 http://www.lephareonline.net/le-g7-pour-un-calendrier-electoral-allege-et-realiste/
[5] Cf Eric Wemba – Le Phare – Kinshasa, 02.02.’16
[6] Cf Radio Okapi, 03.02.’16
[7] Cf Radio Okapi, 28.01.’16
[8] Cf La Prospérité – via www.congosynthese.com – Kinshasa, 30.01.’16
[9] Cf Radio Okapi, 31.01.’16
[10] Cf Radio Okapi, 23.01.’16
[11] Cf AFP – Africatime, 28.01.’16; Radio Okapi, 28.01.’16
[12] Cf AFP – Africatime, 03.02.’16
[13] Cf John Tshingombe – Congo News, 06.02.’16
[14] Cf Jeune Afrique, 03.02.’16
[15] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 02.02.’16 http://www.lepotentielonline.com/index.php?option=com_content&view=article&id=13985:rdc-samy-badibanga-je-pense-que-le-pouvoir-a-intentionnellement-refuse-d-organiser-les-elections-en-2016&catid=90:online-depeches
[16] Cf Radio Okapi, 05.02.’16; Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 05.02.’16
[17] Cf Radio Okapi, 02.02.’16
[18] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 01.02.’16