SOMMAIRE
ÉDITORIAL: Élections à haut risque
1. LE PROCESSUS ELECTORAL
a. Le débat sur la participation ou non de Joseph Kabila à l’élection présidentielle de 2016
b. L’opération de fiabilisation du fichier électoral et de stabilisation des cartographies opérationnelles
c. Une «alternative» à la feuille de route électorale de la Ceni
d. La publication du calendrier des élections urbaines, municipales et locales
e. Les réactions à la publication du calendrier pour les élections locales
1. LE PROCESSUS ELECTORAL
a. Le débat sur la participation ou non de Joseph Kabila à l’élection présidentielle de 2016
Le débat sur la participation ou non de Joseph Kabila à l’élection présidentielle de 2016 agite la classe politique congolaise depuis plusieurs mois. L’actuel président congolais achèvera son second mandat en 2016. La constitution de la République Démocratique du Congo (RDCongo) limite le nombre de mandats présidentiels à deux. L’article 220 de la loi fondamentale indique que cette disposition ne peut faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Mais dans la famille politique de Joseph Kabila, certains ténors estiment que la constitution devrait être modifiée pour lui permettre de briguer de nouveaux mandats.[1]
Le 5 avril, le Courant des démocrates rénovateurs (CDER) monte au créneau «pour barrer la route à la révision constitutionnelle par la voie de la feuille de route proposée par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni)». Lors d’une conférence de presse à Kinshasa, le président du CDER, Jean Lucien Busa, a demandé aux partis politiques de l’opposition de retirer leurs membres de cette institution citoyenne. «En ce moment-là, ça sera une structure monocolore, en violation de la loi qui met en place la Ceni. Lorsque l’opposition quitte la Ceni, elle sera tout simplement anticonstitutionnelle», a-t-il estimé, car l’opposition n’y serait plus représentée, comme prévu par la loi.[2]
Le 4 mai, en visite à Kinshasa, à propos des prochaines élections, le secrétaire d’Etat américain a déclaré que «le processus constitutionnel doit être respecté». John Kerry s’exprimait à l’issue d’une rencontre avec Joseph Kabila. C’est une déclaration-choc: le président Joseph Kabila ne doit pas briguer en 2016 un troisième mandat présidentiel, interdit par la Constitution congolaise. «Je crois que [le président Kabila] a clairement en tête le fait que les Etats-Unis d’Amérique sont intimement convaincus que le processus constitutionnel doit être respecté », a déclaré John Kerry.
Tout en reconnaissant que Joseph Kabila est «un homme jeune qui peut encore contribuer à son pays», John Kerry a insisté sur des élections libres, démocratiques, crédibles et transparentes, dans les délais et dans le respect de la Constitution congolaise actuelle. John Kerry a aussi souhaité que «les dates du processus électoral en cours soient fixées et définies le plus tôt possible».
Au cours de la même conférence de presse, John Kerry a annoncé une contribution de « 30 millions de dollars de financement supplémentaires destinés à soutenir les prochaines élections et des programmes de reconstruction dans l’est du Congo». Pour les besoins exprimés par la RDC dans le cadre du processus de DDR (Démobilisation, désarmement et réintégration), l’agence américaine pour le développement va débloquer 1,2 milliard de dollars dans les cinq prochaines années.[3]
L’opposition et la majorité ne semblent pas avoir retenu le même message des propos de John Kerry sur l’avenir du président Joseph Kabila après 2016.
Le passage de John Kerry à Kinshasa semble avoir encouragé ceux qui sont opposés à une éventuelle candidature du président Joseph Kabila pour un troisième mandat. Pour le député de l’opposition, Jean-Lucien Busa, John Kerry s’est opposé à toute modification de la constitution «pour prolonger ou modifier le mandat de quiconque». Pour l’opposant, le pays a d’autres sujets urgents à traiter. «La première urgence est de terminer le cycle électoral déjà amorcé pour mettre fin à l’illégitimité du Sénat et des assemblées provinciales, ainsi que des gouverneurs des provinces», a affirmé le député, faisant allusion aux sénateurs, députés provinciaux et gouverneurs dont l’élection n’a toujours pas été organisée alors que leur mandat a expiré en 2011.
Au sein de la mouvance présidentielle, on relativise. Pour sa part, le porte-parole du gouvernement affirme que les propos du secrétaire d’État américain ont été tordus ou n’ont pas été compris. Pour Lambert Mende, John Kerry ne s’est pas opposé à une probable candidature du président Kabila en 2016. «Je n’ai pas entendu monsieur John Kerry dire que le président Kabila ne peut pas se présenter comme candidat en 2016 », a-t-il expliqué. Interrogé sur l’opposition de John Kerry à une révision de la constitution, le porte-parole du gouvernement a fait savoir que «s’il s’agit d’une révision inconstitutionnelle, il a raison de s’y opposer. Mais si les congolais ont estimé que certaines révisions sont possibles, je ne vois pas comment le secrétaire d’Etat américain pouvait dire qu’il s’oppose à la volonté du peuple congolais».[4]
b. L’opération de fiabilisation du fichier électoral et de stabilisation des cartographies opérationnelles
Suite aux observations et recommandations faites après les consultations électorales de novembre 2011, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a décidé d’organiser des élections urbaines, municipales et locales sur base d’un fichier électoral fiabilisé à travers «l’opération de fiabilisation du fichier électoral et de stabilisation des cartographies opérationnelles».
Il s’agit des élections au niveau de la base pour élire, au scrutin direct, les Conseillers des secteurs et des chefferies ainsi que les conseillers municipaux au niveau des communes. Les Conseillers des secteurs vont élire, au scrutin indirect, les Chefs des secteurs et leurs adjoints. Les Conseillers communaux vont élire les Bourgmestres et les Bourgmestres-adjoints ainsi que les Conseillers urbains. Les Conseillers urbains vont élire, à leur tour, les Maires et Maires-adjoints des villes.
La circonscription électorale pour ces élections est le groupement dans le milieu rural et la commune dans le milieu urbain.
A la date du 31 mars 2014, l’opération de fiabilisation du fichier électoral et de stabilisation des cartographies opérationnelles se poursuivait normalement dans la province du Bandundu et dans le territoire de Befale, à l’Equateur. La collecte des données avait pris fin dans les antennes de Kutu, Yumbi, Bolobo, Kwamouth, Popokabaka, Bandundu-ville et Kikwit-ville. Après la province du Bandundu et le territoire de Befale à l’Equateur, la Ceni s’apprêtait à lancer ces opérations dans les 10 autres provinces aussi.
C’est quoi la fiabilisation du fichier électoral?
L’ensemble des électeurs du pays sont regroupés, selon leurs lieux de vote, dans un document appelé fichier électoral ou liste électorale.
Parmi d’autres nombreuses irrégularités, en novembre 2011, certains électeurs, bien que porteurs des cartes d’électeur valides, ont été privés du droit de vote car absents de la liste électorale. Ils ont été considérés comme ayant été omis. D’autres encore ont été délocalisés de leurs sites de vote de résidence. Aussi, certains cas persistants de doublons (enregistrements multiples) ont été constatés.
Il faut d’abord identifier ces électeurs, ensuite les intégrer effectivement dans la liste électorale (fichier électoral) avant de les répartir dans les lieux de vote situés près de leurs véritables adresses données lors de la révision du fichier électoral de 2010-2011. Enfin, le fichier électoral sera débarrassé des enregistrements multiples par l’opération de dé doublonnage avant l’impression des listes électorales provisoires à afficher dans les sites de vote pour consultation. Il s’ensuivra l’opération de consolidation du fichier électoral définitif après les rectifications qui procèdent de l’affichage.
A partir de cette liste électorale crédibilisée, il sera également possible de produire des statistiques d’électeurs par circonscription électorale de base (groupement et commune) pour les besoins de l’annexe à la loi électorale portant répartition des sièges.
C’est quoi la stabilisation des cartographies opérationnelles?
C’est une opération qui permettra à la CENI de:
– Localiser et situer le périmètre géographique des sites de vote à l’intérieur des groupements et communes à partir du village ou du quartier de résidence de l’électeur;
– Articuler la cartographie des écoles et institutions hospitalières avec celle des sites de vote;
– Produire, pour des raisons de transmission des données électorales, la carte de couverture cellulaire des sites de vote;
– Relever le niveau de couverture en réseaux de télécommunication et déployer des radios communautaires;
– Produire des cartes portant identification de divers intervenants à l’échelon des groupements et communes pour une bonne prise en charge des opérations électorales.[5]
Le 16 mai, le président de la Ceni, l’Abbé Apollinaire Malu Malu, a assuré que les opérations de fiabilisation du fichier électoral et de stabilisation des cartographies électorales pourront se terminer d’ici la fin de l’année 2014. Il a indiqué que ces opérations prennent un peu du temps à cause des problèmes de localisation des circonscriptions électorales avec la création des nouvelles entités administratives. Une autre difficulté, a-t-il souligné, ce sont des stratégies à mettre en place, pour enrayer dans la prochaine liste électorale les noms des électeurs déjà morts. Pour ce faire, l’Abbé Apollinaire Malu Malu préconise deux pistes de solutions: attendre le recensement administratif ou demander aux électeurs de se faire identifier pour permettre à la Ceni de fiabiliser la liste électorale. De ce fait, l’Abbé Malu Malu a souligné que ces opérations de fiabilisation de fichier électorale pourront conduire à un nouveau système d’enregistrement périodique des électeurs. «Cela veut dire que les électeurs sont identifiés, enregistrés pour l’ensemble du cycle électoral. C’est une opération qui n’accepte pas l’identification de nouveaux électeurs», a déclaré le président de la Ceni.[6]
c. Une «alternative» à la feuille de route électorale de la Ceni
Le 9 mai, la plateforme de la société civile « Agir pour des Élections Transparentes et Apaisées » (AETA) a proposé une «alternative» à la feuille de route électorale présentée, en janvier dernier, par le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), l’abbé Malumalu. Au cours d’une conférence de presse organisée à Kinshasa, elle a défendu l’idée d’organiser les élections provinciales, législatives et présidentielle en 2015 et 2016. Les élections municipales, urbaines et locales devraient être organisées après 2016.
Dans sa feuille de route électorale présentée en janvier dernier à l’Assemblée nationale, l’abbé Malumalu avait proposé deux hypothèses.
Dans la première hypothèse, l’Abbé Malumalu propose que la Ceni organise en premier les élections municipales et locales au suffrage direct avant de poursuivre avec des élections au suffrage indirect des députés provinciaux, sénateurs, bourgmestres, gouverneurs, maires et conseillers urbains. C’est après cette étape que pourront être organisées les élections au suffrage universel direct des députés nationaux et du président de la République en 2016.
Dans la seconde hypothèse, le président de la Ceni a souhaité d’abord d’organiser des élections au suffrage universel direct des députés provinciaux et nationaux ainsi que du président de la République en 2016. Les élections au suffrage indirect des sénateurs, gouverneurs et vice-gouverneurs seraient alors organisées en 2017.
Dans les deux hypothèses présentées par la Ceni, l’AETA dit avoir décelé «des incohérences, des contradictions et des contraintes flagrantes qui pourraient, si l’on ne prend garde, porter un coup dur au processus démocratique du Pays».
La plateforme de la société civile relève les inconvénients de la première hypothèse de la Ceni, évoquant notamment les conséquences de l’élection des députés provinciaux au suffrage indirect.
L’AETA indique notamment que cette disposition «énerve» l’article 197 de la constitution qui prévoit l’élection des députés provinciaux au suffrage universel direct. Pour cette plateforme de la société civile, la modification du mode de scrutin de ces députés risque de couper les élus provinciaux de leur base naturelle.
L’AETA désapprouve une autre disposition de la première hypothèse de la feuille de route de la Ceni: l’organisation des élections municipales, urbaines et locales en 2015. Pour elle, la tenue de cette échéance est «difficile, voire impossible à cause du fait que les exigences que la Ceni érige en préalables dans sa feuille de route tardent encore d’être accomplies».
«La Ceni a demandé à l’Assemblée nationale de lui présenter un cadre légal et révisé avant fin mars. Nous sommes au moins de mai et l’Assemblée nationale n’a rien fait. La Ceni a demandé au ministre de l’Intérieur de publier la liste de la limitation des chefferies et des groupements, mais le ministre de l’Intérieur n’a rien fait. On sait que les élections locales doivent tenir compte du contexte de décentralisation, mais il n’y a pas encore autant de textes de lois liés au processus de décentralisation», expliqueJérôme Bonso, secrétaire permanent de l’AETA.
Quant à la seconde hypothèse de la Ceni, l’AETA estime qu’elle fait un clin d’œil aux députés de l’opposition et de la majorité qui militent pour des élections au suffrage universel direct mais «irrite avec son report en 2017 des élections des sénateurs et gouverneurs».
La plateforme exige ainsi l’organisation prioritaire des élections provinciales, législatives et présidentielles en 2015-2016. Elle renvoie les élections municipales, urbaines et locales après 2016 et maintient le suffrage direct pour l’élection des députés provinciaux « selon l’esprit de l’article 197 de la constitution».[7]
Le 11 mai, les chefs religieux de Kinshasa ont mis en place une « Commission d’Intégrité et de Médiation Électorale » (CIME). Cette structure a pour mission d’accompagner l’intégrité du processus électoral par la prévention, la gestion et la médiation des conflits liés aux élections tout au long du cycle électoral. Composé de 16 membres, la Cime dit se placer au centre de toutes les tendances, en vue de concilier les vues des uns et des autres pour des élections libres, transparentes et apaisées. «Nous devons garantir l’intégrité de tout le processus électoral en amont, pendant et même en aval, pour éviter que des élections mal préparées débouchent à des conflits et dégénèrent en violence», a affirmé le coordonnateur élu de cette commission, le Révérend Delphin Elebe Kapalay. Selon lui, la Cime se charge aussi d’organiser des sessions de sensibilisation, conscientisation et formation de la population, dans le but de l’outiller pour jouer activement son rôle dans un processus électoral sain et responsable.[8]
d. La publication du calendrier des élections urbaines, municipales et locales
Le 26 mai, la Ceni a publié le calendrier des élections urbaines, municipales et locales. Cet échéancier contient trois grandes dates: le 14 juin 2015, jour du scrutin des conseillers des communes, des secteurs et des chefferies; le 29 août 2015, jour du vote des conseillers urbains, des bourgmestres et des chef des secteurs, et enfin le 15 octobre 2015, prévu pour le scrutin des maires et maires adjoints. L’abbé Apollinaire Malumalu a précisé que le problème de financement ne se pose pas, car la loi des finances de 2014 a déjà prévu un budget de 166 millions de dollars américains pour ces élections. Le budget global qui avait été déposé par la Ceni pour ces scrutins est d’environ 300 millions de dollars américains.
L’abbé Apollinaire Malumalu a promis que la Ceni publiera le calendrier des élections des députés provinciaux et des sénateurs lorsque le Parlement se sera prononcé sur la modalité (suffrage direct ou indirect) des élections des députés provinciaux. Les législatives et la présidentielle sont programmées en 2016. Mais la loi elle-même a mis un préalable à ces élections, a-t-il fait observer, c’est le recensement administratif. Par conséquent, soit le Gouvernement s’active pour faire ce recensement dans les délais constitutionnels (avant la fin de 2015), soit le législateur modifie la loi électorale en vigueur. Si alors rien n’est fait dans ce sens, la Ceni se verra dans l’obligation d’introduire une dérogation dûment motivée de prolongation à la Cour constitutionnelle.
«La Ceni ne peut jamais planifier une élection qui va au-delà de 2016», a martelé le président de la Ceni. C’est au gouvernement également de trouver les moyens financiers suffisants pour que le cycle électoral se déroule normalement, comme le précise l’abbé Malu Malu: « L’une des options (celle des élections des députés provinciaux à suffrage indirect) s’arrête à 900 millions de dollars. L’autre (celle des élections des députés provinciaux à suffrage direct) dépasse un milliard. Il ne faut pas réclamer que ce soit au scrutin direct sans savoir qu’un scrutin direct coûte environ 200 millions de dollars. La question des moyens incombe au gouvernement».[9]
Beaucoup de Congolais ne comprennent pas pourquoi la Ceni a voulu organiser les élections urbaines, municipales et locales d’abord, alors que d’autres scrutins prévus dans le cycle électoral de 2011 n’ont jamais été organisés. C’est le cas des élections des députés provinciaux, des gouverneurs et des Sénateurs élus depuis 2006 et encore en fonction, bien que leur mandat (de 5 ans) soit terminé en 2011. L’abbé Malumalu a expliqué que les élections urbaines, municipales et locales constituent aussi des arriérés électoraux de 2011 au même titre que les provinciales et sénatoriales: «La loi électorale de 2011 modifiant celle de 2006 annonçait les élections présidentielle, législatives nationales, provinciales, urbaines, municipales et locales. Donc, ces dernières sont, au même titre que les élections sénatoriales et provinciales, des arriérées électoraux de 2011».
À la question de savoir pourquoi commencer par les élections urbaines, municipales et locales, au lieu de mettre fin au dysfonctionnement des Institutions en organisant les élections provinciales et sénatoriales, le Président de la CENI a été clair: «les Sénateurs, les Gouverneurs de provinces et les Députés provinciaux ont été élus. Par contre au niveau de la territoriale, les Bourgmestres, les Chefs des secteurs n’ont jamais été élus. Ils continuent à être nommés. Le dysfonctionnement est encore plus grave à ce niveau. Faut-il convoquer pour la troisième fois le peuple congolais aux scrutins sans lui donner l’occasion de choisir ses dirigeants de proximité?» s’est exclamé l’Abbé Malu Malu, selon qui «les élections à la base (urbaines, municipales et locales) sont la fondation de tout processus électoral».
À propos du fait que, en 2006, la CEI n’avait pas organisé les élections locales, l’Abbé Malu Malu a déclaré que «le gouvernement n’avait pas encore rempli les préalables pour organiser ces élections. La loi sur les entités décentralisées est sortie en 2008, la loi sur les entités déconcentrées en 2010, les décrets du Premier ministre en 2013, et les arrêtés du ministre de l’Intérieur en 2014. Maintenant que les conditions sont réunies, la Ceni ne peut pas dire qu’on ne va pas aux élections urbaines tant attendues».
À propos du fait que, à chaque décision de la Ceni, la Majorité présidentielle applaudit alors que l’opposition se montre toujours critique, l’abbé Malumalu a affirmé que «La Ceni est une institution d’appui à la démocratie, elle n’a pas de lien direct avec la majorité et l’opposition. Nous sommes à 13 dans l’organe des décisions. Six membres sont de la MP, quatre de l’opposition et trois de la société civile. Cette décision [de la publication du calendrier] a été prise à l’unanimité».[10]
e. Les réactions à la publication du calendrier pour les élections locales
L’opposant Jean Claude Vuemba, président du Mouvement du Peuple Congolais pour la République et vice-président du groupe parlementaire Udps et alliés, a jugé anticonstitutionnel le calendrier publié par la Ceni, considérant l’acte posé par l’abbé Malu Malu comme un affront envers l’assemblée nationale. «Comment le président de la CENI peut se permettre de publier le calendrier, alors que sa feuille de route n’a pas encore été discutée à l’assemblée nationale?», s’est-il interrogé. Pour lui, Malu Malu joue le jeu de Kabila et veut prolonger le mandat du chef de la majorité actuelle au-delà de 2016. L’opposition exige d’abord la tenue des élections provinciales pour remplacer les assemblées provinciales actuelles, le sénat et les gouverneurs aujourd’hui hors délai constitutionnel. «Nous exigeons d’abord qu’on organise les élections provinciales, sénatoriales et celle des gouverneurs pour mettre fin à l’illégitimité flagrante et insolente de toutes ces institutions», a rappelé l’opposant.[11]
Le 27 mai, Laurent-Simon Ikenge, porte-parole du Mouvement Social pour le Renouveau (MSR), un parti de la majorité présidentielle, a affirmé que la tenue des élections locales est une occasion donnée aux électeurs pour «se choisir des élus et des dirigeants de proximité à la hauteur de ses attentes et de ses espérances».
De son côté, la plate-forme «Sauvons la RDC» de l’opposition politique qualifie de «provocation» la publication du calendrier des élections locales par la Ceni. Le coordonnateur de cette plate-forme, le député Martin Fayulu, dit na pas comprendre pourquoi le président de la Ceni propose de commencer les élections avec les locales, «sachant bien que le fichier actuel ne peut pas permettre d’organiser les élections locales, parce que le fichier n’est pas fait par rapport aux groupements, étant donné que la circonscription pour ces élections c’est le groupement et que l’enrôlement s’est fait par Centre d’Inscription et non par groupement». Pour Martin Fayulu, la Ceni et son président l’abbé Apollinaire Malumalu ont volontairement choisi de commencer avec les élections urbaines, municipales et locales pour allonger le processus et maintenir le président Kabila au pouvoir le plus longtemps possible.[12]
Le 27 mai, l’Opposition «radicale» a remis à la presse une déclaration commune signée par Martin Fayulu (Sauvons la RDC), Bruno Mavungu (UDPS) et Vital Kamerhe (UNC). Les signataires affirment que «les Forces politiques de changement informent l’opinion tant nationale qu’internationale qu’elles s’opposent catégoriquement au calendrier électoral publié par la CENI.
Elles notent avec stupéfaction que la CENI a introduit subtilement le préalable du recensement administratif pour la tenue des élections de 2016, alors que tout le monde sait qu’il faut au moins trois ans pour organiser un recensement crédible dans le pays.
Elles notent également l’interprétation tendancieuse de la loi électorale par la CENI, notamment en ce qui concerne la disposition qui stipule que « la répartition des sièges se fera en fonction des
les données démographiques actualisées ». Ici la loi fait référence à la mise à jour du fichier électoral et non au recensement.
Elles considèrent donc que l’attitude des animateurs de la CENI est une démonstration évidente qu’ils cherchent à satisfaire la volonté de Monsieur Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de 2016, en violation flagrante de la Constitution».[13]
Le 27 mai, le coordonnateur de la Nouvelle Société Civile Congolaise (NSCC), Jonas Tshiombela, n’a pas caché son mécontentement à propos du calendrier électoral publié par la Ceni. Il aurait souhaité que la CENI publie plutôt le calendrier des élections provinciales et sénatoriales. C’est une situation qui doit être régularisée, étant donné que les députés provinciaux, les gouverneurs provinciaux et les sénateurs nationaux occupent ces fonctions sur des bases illégitimes, étant donné que leur mandat est arrivé à sa fin depuis 2011. Selon Jonas Tshiombela, la CENI aurait dû corriger cette situation, avant d’aborder la question d’organisation des élections urbaines, municipales et locales.[14]
Selon la Démocratie Chrétienne (DC), le calendrier électoral annoncé présente plusieurs lacunes et incohérences par rapport à l’ensemble du processus électoral. Dans cette optique, la DC tient à dénoncer les anomalies les plus macroscopiques de ce calendrier électoral.
1. Le calendrier électoral rendu public ces derniers jours ne donne aucune précision par rapport à l’identification des électeurs pour les élections locales de 2015. L’on en déduit que ces scrutins locaux devront se tenir sur la base du fichier électoral des dernières élections de décembre 2011, connu par tous pour son manque de fiabilité et son opacité totale. Le calendrier électoral ne donne non plus aucune indication – ni de date ni de budget – par rapport à la mise à jour du fichier électoral. Il annonce tout simplement un sibylline « Audit Externe » (?) du Fichier Electoral, sans aucune précision, prévu du 1er au 20 octobre 2014.
2. Les mesures d’application de la décentralisation locale prévue par la Constitution ne sont pas encore adoptées. A cela s’ajoute le constat que le Parlement n’a pas encore adopté la loi sur la répartition des sièges dans les nouvelles entités administratives, très probablement car celles-ci ne sont pas encore déterminées par l’Exécutif sur la base d’un Acte de mise en application de la loi sur la décentralisation administrative.
Vu ce qui précède, la DC demande que:
1. Un recensement de la Population congolaise précède toute échéance électorale, soit-elle locale ou nationale, et que le fichier électoral soit établi sur la base de ce recensement, afin de déterminer le nombre d’électeurs dans chaque circonscription électorale et d’identifier ceux qui sont en âge de voter. Le fichier électoral devra être publié, tout en étant transparent et consultable, tant par la «majorité» que par l’«opposition». Il sied de souligner que, pour la DC, la solution du recensement est, en soit, une solution palliative par rapport à la nécessité, pour la RDCongo, d’avoir un fichier d’état civil numérique, ainsi que des cartes d’Identité pour l’identification des citoyens. Il est en effet déplorable qu’à chaque élection, la République soit obligée de débourser de sommes énormes, pour identifier «provisoirement» ses citoyens, le temps d’un cycle électoral, alors qu’une gestion responsable de la «res publica» nécessiterait la tenue continuelle d’un fichier numérique d’Etat Civil.
2. Que les élections locales, provinciales, législatives et présidentielles soient couplées afin de réduire les couts du processus et, surtout, afin de respecter le délai constitutionnel en ce qui concerne la durée du mandat des animateurs des institutions.
3. Que le parlement adopte les lois concernant la répartition des sièges dans les circonscriptions locales, juridiquement indéterminées à ce jour.[15]
Selon le président du groupe parlementaire Udps et alliés, Samy Badibanga, la conditionnalité de la programmation des autres scrutins par la tenue préalable du recensement de la population est dénuée de tout fondement.
Aucune loi en vigueur ne conditionne la programmation d’une élection, quelque soit son degré, par la tenue de l’organisation d’un recensement, soit-il administratif ou scientifique. Néanmoins, les données démographiques de la population sont nécessaires pour l’attribution, par l’autorité compétente (Gouvernement), des statuts des entités administratives (ville et commune) à certaines agglomérations. C’est de ces statuts des entités administratives que découle le découpage des circonscriptions électorales par la CENI. Quant à ce, la CENI a besoin des données démographiques fiables et crédibles des électeurs pour faciliter la répartition des sièges des différents types de scrutins.
Une certaine confusion semble s’afficher dans l’interprétation de la disposition suivante de la loi organique de la CENI: «découper les circonscriptions électorales au prorata des données démographiques actualisées».
En effet, il existe plusieurs manières d’actualiser les données démographiques, soit par la consolidation des rapports des entités de base (rapports des groupements, secteurs, chefferies, communes, villes, territoires et provinces sur la population) ou par un recensement administratif ou alors par un recensement scientifique.
On peut affirmer que les données démographiques sont actualisées et sont disponibles au niveau du ministère de l’intérieur, car ces données ont servi à l’élaboration des décrets du Premier Ministre du 13 juin 2013 conférant le statut de ville (au moins 100.000 habitants) et de commune (au minimum 20.000 habitants) à certaines agglomérations des provinces de la RDC.
A ce jour, aux termes des différents décrets précités, la RDC dispose de 98 villes, 145 territoires et 603 communes. Malgré tout, la seule nomenclature qui reste est celle des groupements, bien qu’elle soit indispensable pour la programmation, l’organisation et la tenue des élections locales.
Au regard de ce qui précède, il y a lieu d’émettre une critique sur le calendrier électoral publié qui privilégie les élections locales.
En réalité, on remarque une certaine précipitation de la part de la CENI de programmer avant tout les élections locales, bien que certaines conditions préalables ne sont pas encore réunies (cadre juridique incomplet: la loi portant organisation des groupements, la loi portant répartition des sièges pour les élections locales, mise en place et opérationnalisation des tribunaux de paix habilités à trancher les contentieux électoraux au niveau local), en négligeant la programmation de l’organisation des élections provinciales et spécialement l’élection présidentielle.
En clair, l’élection présidentielle ne nécessite pas la répartition de siège ni le découpage de la circonscription électorale, car ils sont prédéfinis par la loi électorale en vigueur (un siège et une circonscription).
Aussi, pour les élections provinciales, la loi électorale en vigueur a déterminé la circonscription électorale et avec la publication des décrets du 13 juin 2013 du Premier ministre sur les villes et communes, la CENI est à même de faire le découpage des circonscriptions électorales sans attendre un quelconque recensement; d’où le nombre de circonscriptions est connu (266 circonscriptions: 145 territoires, 97 villes et 24 communes de Kinshasa) mais comme souligné ci-dessus, le nombre de circonscriptions pour les locales n’est pas jusque là connu.
On peut donc qualifier le calendrier des élections locales publié par la Ceni de fantaisiste et irréaliste, pouvant occasionner ainsi le glissement de la tenue de l’élection présidentielle de 2016.[16]
Pour la coalition « Sauvons le Congo », la publication du calendrier électoral est un passage en force du président de la Céni, l’abbé Malu Malu, alors que opposition et majorité sont en discussion sous l’égide de la communauté internationale pour établir une feuille de route consensuelle devant mener aux élections prévues d’ici à 2016. Vital Kamehe, président de l’UNC et membre de la coalition « Sauvons le Congo », critique l’absence de concertation et affirme que «le président de la Ceni aurait dû attendre avant de communiquer ce calendrier. Attendre de voir si un compromis était trouvé entre l’opposition et la majorité».[17]
Le 29 mai, à Kinshasa, la Voix des Sans Voix (VSV), une organisation pour la défense des Droits de l’Homme a tenu un point de presse pour se prononcer sur le calendrier électoral publié par la Ceni. Selon l’Ongdh, ce calendrier contient des incohérences et ne tient pas compte de l’opinion publique.
La VSV note que dans certains Etat -Major politiques, on parle d’un calendrier électoral irréaliste et loin d’être respecté, conçu dans le seul but de prolonger le mandat de l’actuel Chef de l’Etat, Joseph Kabila qui ne serait pas prêt à quitter le pouvoir après la fin de son dernier mandat qui expire en 2016, et ce, conformément à la Constitution en vigueur.
Pour la VSV, les controverses que suscite la publication du calendrier électoral prouvent à suffisance que les consultations entamées par la CENI avec les diverses parties prenantes au processus électoral n’ont pas abouti à un large consensus à même d’apaiser les esprits et les inquiétudes des uns et des autres quant à l’organisation des élections transparentes, libres, apaisées et réellement démocratiques en RDC.
La VSV demande à la CENI de revoir son calendrier électoral et d’en publier un autre après qu’un consensus soit trouvé entre toutes les parties prenantes au processus électoral, sinon l’Abbé Apollinaire Malumalu porterait seul la responsabilité de toutes les conséquences qui résulteraient d’un énième chaos électoral.[18]
Le 30 mai, à Kinshasa, dans une déclaration à la presse, le Mouvement de Libération du Congo (MLC) a dénoncé le fait que la Ceni ait décidé unilatéralement de publier un calendrier pour les élections locales qui ne rencontre pas les vœux émis par un grand nombre d’acteurs politiques et de la société civile. Le parti déplore la priorité accordée par la Ceni aux élections urbaines, municipales et locales au détriment des provinciales voulues par une partie de la classe politique.
Il dénonce aussi la publication non consensuelle du présent calendrier qui, selon lui, pourra être une source latente et évidente des contestations futures. «La Ceni a choisi de publier un calendrier tronqué, émietté, partiel et partial, qui ne comprend pas l’approche globale du cycle électoral 2014-2016», a affirmé le secrétaire général du MLC, Thomas Luhaka.
Ce parti estime par ailleurs que ce calendrier ne prend pas en compte les préalables légaux, techniques, administratifs et judiciaires nécessaires à la tenue de ces scrutins. Thomas Luhaka relève des germes de conflictualité dans la démarche de la Ceni: «L’absence des listes des groupements et la problématique des groupements de fait sont susceptibles de provoquer des contestations graves sur les futures circonscriptions».
Devant la presse lors de la publication de ce calendrier électoral, le président de la Ceni, abbé Apollinaire Malumalu, s’était prononcé sur les arrêtés relatifs aux groupements. «Le ministère de l’Intérieur nous a dit qu’il [était] prêt et qu’il [restait] deux rencontres importantes à organiser au mois de juin à Kananga et à Mbuji-Mayi pour rendre public ces arrêtés qui concernent les groupements», avait-il précisé.
Toutefois, tout en réitérant sa volonté de collaborer de manière constructive avec la Ceni pour la réussite du processus et la consolidation de la démocratie, le MLC exige la suspension de ce calendrier et la poursuite du dialogue entre toutes les parties concernées par le processus électoral.[19]
Le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), Vital Kamerhe, a affirmé que le calendrier publié par la Ceni à propos des élections locales entretient le flou sur la configuration et la cartographie des groupements du pays et il pointe les divergences au sujet du nombre de ces groupements. «Ils savent très qu’il y en a qui parle de 6 500, de 7 250. Il y en a qui parle de 8 000 [groupements]. Et lui-même dans la première feuille de route il avait parlé de 811 groupements litigieux», fait-il remarquer, avant de s’interroger: «Comment pouvoir organiser des élections locales dans cette situation?».
La société civile du Katanga rejette également le calendrier électoral présenté par la Ceni.
Son porte-parole, Jean-Pierre Muteba, a déclaré à la presse que la commission électorale devait d’abord organiser l’élection des députés provinciaux, gouverneurs et sénateurs dont le mandat a expiré depuis 2011. Pour lui, l’organisation des élections locales nécessite certaines lois pour la mise en œuvre de la décentralisation qui ne sont pas encore votées.[20]
[1] Cf Radio Okapi, 06.05.’14
[2] Cf Radio Okapi, 05.04.’14
[3] Cf RFI, 04.05.’14
[4] Cf Radio Okapi, 06.05.’14
[5] Cf La Prospérité – Kinshasa, 03.04.’14
[6] Cf Radio Okapi, 17.05.’14
[7] Cf Radio Okapi, 09.05.’14
[8] Cf Radio Okapi, 11.05.’14
[9] Cf Radio Okapi, 26.05.’14; RFI, 27.05.’14; Le Potentiel – Kinshasa, 27.05.’14:
[10] Cf Radio Okapi, 28.05.’14
[11] Cf 7sur7.cd – Kinshasa, 27.05.’14
[12] Cf Radio Okapi, 28.05.’14
[13] Cf Le Phare – Kinshasa, 28.05.14
[14] Cf Dorian Kisimba – Forum des As – Kinshasa, 28.05.’14
[15] Cf Communiqué DC du 28/05/2014
[16] Cf 7sur7.cd – Kinshasa, 29.05.’14 http://7sur7.cd/index.php/8-infos/5551-dans-une-analyse-critique-samy-badibanga-desapprouve-le-calendrier-malu-malu#.U4ilH-mKBdg
[17] Cf Sonia Rolley – RFI, 20.05.’14
[18] Cf Gode Kalonji Mukendi – La Tempête des Topiques – Kinshasa, 30.05.’14
[19] Cf Radio Okapi, 31.05.’14
[20] Cf Radio Okapi, 31.05.’14