SOMMAIRE
ÉDITORIAL: Une énième loi sur l’amnistie
1. LA CRAINTE D’UNE RESURGENCE DU M23
a. Le retour de certains ayant collaboré avec le M23
b. Le M23 se réorganise à partir des Pays voisins
2. L’ARMÉE LANCE DES OPERATIONS CONTRE LES REBELLES OUGANDAIS DE L’ADF
3. DIVERGENCES ENTRE LES FARDC ET LA MONUSCO? PRIORITÉS DIFFÉRENTES
4. L’ENQUÊTE SUR L’ASSASSINAT DU COLONEL MAMADOU NDALA
5. LE PROJET DE LOI SUR L’AMNISTIE
a. L’iter parlementaire
b. Quelques remarques
ÉDITORIAL: Une énième loi sur l’amnistie
1. LA CRAINTE D’UNE RESURGENCE DU M23
a. Le retour de certains ayant collaboré avec le M23
Le 8 janvier, l’administrateur du territoire de Nyiragongo, Dominique Bofondo, a affirmé que certains Congolais ayant collaboré avec les rebelles du M23 au moment de l’occupation ont commencé progressivement et clandestinement à regagner le territoire de Nyiragongo. Ces personnes avaient fui ce territoire après la défaite des rebelles du M23 en novembre dernier. L’administrateur Dominique Bofondo a ajouté avoir reçu les instructions du gouverneur Paluku pour accueillir et enregistrer ces retournés. «Pour nous il n’ya pas des problèmes, ce sont nos frères congolais: Nyiragongo c’est leur territoire, ils y sont nés et y ont grandi. Nous avons besoin qu’ils changent tout simplement leur attitude», a affirmé l’administrateur du territoire. Il a par ailleurs expliqué ce que doivent faire ces personnes qui retournent dans leur territoire: «La première des choses c’est de se présenter d’abord au territoire. L’administrateur va les orienter aux services concernés, c’est le service de l’Etat-civil qui va les enregistrer et, dans l’entre temps, on va les contrôler et suivre leurs mouvements». La société civile de Nyiragongo a appelé les autorités provinciales à bien identifier ces personnes qui rentrent. Certains habitants de Rutshuru, eux, redoutent une cohabitation difficile avec ces anciens collaborateurs du M23. L’administrateur du territoire les appelle au calme et assure que ces personnes peuvent rentrer, mais sous contrôle des autorités administrative et sécuritaires.[1]
Le 12 janvier, au cours d’un point de presse à Béni, Julien Paluku, gouverneur de la province du Nord-Kivu, a affirmé que «on les a vus dans les rangs du M23 lorsque ce dernier avait pris la ville de Goma le 20 novembre 2012. Et quand on a chassé le M23 de Goma, eux aussi ont disparu. Maintenant ils sont en train de revenir un à un. Certains de l’Ouganda et d’autres on ne sait pas d’où. Nous les connaissons» et il a confirmé que «comme ce sont des Congolais, on les accueille chez eux. Mais l’on doit les contrôler et les suivre pendant au moins 3 à 6 mois. Ils doivent se présenter chaque vendredi au bureau de l’état civil, pour qu’on sache s’ils sont présents et ce qu’ils font».[2]
b. Le M23 se réorganise à partir des Pays voisins
Le 13 janvier, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies à New York, le représentant spécial des Nations Unies en RDC, Martin Kobler, a fait état «d’informations crédibles selon lesquelles le M23 a continué à recruter» après les accords de paix conclus à Nairobi en décembre et il est redevenu actif dans l’Ituri (nord-est du Congo). Il a ensuite déclaré que la Monusco ne laissera pas les rebelles du mouvement M23 reprendre leurs opérations. Martin Kobler a invité les gouvernements ougandais et rwandais à tout faire pour éviter que des éléments du M23 ne trouvent refuge ou ne s’entraînent sur leur territoire. L’ambassadeur rwandais a vivement réagi à ces déclarations en dénonçant devant le Conseil de sécurité des «allégations non vérifiées».[3]
Le 15 janvier, au cours d’une conférence de presse à Kinshasa, le représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’Onu en RDCongo, Abdallah Wafy a condamné la reprise d’activités militaires de l’ancienne rébellion du M23. Il a appelé les pays voisins à la RDC où la présence de certains rebelles a été signalée, à respecter l’accord d’Addis-Abeba. M. Wafy a rappelé que le M23 n’existe plus car il a officiellement signé une déclaration mettant fin à sa rébellion. Malgré cela, l’on constate «des activités y compris parmi les éléments qui ont fui Chanzu dans les pays voisins». Il a aussi évoqué le cas de Sultani Makenga qui se trouve en Ouganda: «En Ouganda, Sultani Makenga est en train de se promener dans cette zone-là. Il devrait être arrêté, c’est un criminel de guerre. Il est recherché. Il y a eu des mandats d’arrêts contre lui, il y a eu des demandes de transfert. Il y a eu des engagements dans l’accord de Addis Abeba. Il faut que tous les pays respectent ces engagements», a martelé le représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’Onu en RDCongo.[4]
Le 15 janvier, dans un communiqué de presse publié depuis Genève (Suisse), la Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Navi Pillay, a exhorté les chefs d’Etats de la région des Grands Lacs à ne pas donner asile aux personnes suspectées d’avoir commis des crimes internationaux et de graves violations des droits de l’homme. «Je demande aux États de saisir l’opportunité que représente le sommet de la Conférence internationale de la région des Grands lacs, CIRGL, pour aborder la question de la coopération judiciaire et garantir que des comptes soient rendus pour les crimes internationaux et les graves violations des droits de l’homme commis dans la région», a affirmé Pillay. «Pour citer un exemple récent, le Rwanda et l’Ouganda hébergent actuellement des hauts gradés du groupe rebelle M23 qui figureraient parmi les pires auteurs de violations des droits de l’homme perpétrées en République démocratique du Congo, notamment des massacres, des violences et le recrutement et l’utilisation d’enfants. S’ils continuent à échapper à la justice dans des Etats voisins, ils constitueront une menace pour la sécurité, nuisant aux efforts en faveur d’une paix et d’un développement durables de la région», a ajouté la Haut-commissaire des Nations Unies.[5]
Le 26 janvier, à Goma, l’Envoyé spécial de USA dans la région des Grands Lacs, Russ Feingold, a affirmé que «les Etats Unis d’Amérique sont contre toute tentative de réorganisation de la rébellion du M23 à partir des pays voisins de la RDCongo». Le diplomate américain a insisté sur la nécessité de voir les ex-rebelles du M23 désarmés et intégrer la vie nationale pour ceux qui y sont éligibles. Il a rappelé qu’il n’y aura pas d’amnistie pour tout combattant sur qui pèsent de fortes présomptions de crimes contre l’humanité et autres crimes de guerre. Selon l’Ambassadeur, «les gens du M23 qui ont commis des crimes graves doivent faire face à la Justice». Aussi, a-t-il insisté, les autres éligibles à l’intégration devront signer individuellement un acte d’engagement de ne plus jamais faire partie à un quelconque mouvement rebelle.[6]
2. L’ARMÉE LANCE DES OPERATIONS CONTRE LES REBELLES OUGANDAIS DE L’ADF
La position des ADF (Forces Démocratiques Alliées) la plus proche de Beni est située au village Kambi ya Miba, à environ 35 kilomètres de la ville, dans le secteur de Beni-Mbau. Sur les quatre groupements que compte ce secteur, trois seraient presque totalement occupés par ces combattants ougandais. Dans le secteur de Rwenzori, les ADF sont signalés à Kavuwavuwa, Ntoma, Kisima et Kikingi. Ce dernier village est considéré comme l’une des bases les plus importantes des rebelles ougandais. Au Sud du territoire de Beni, dans la collectivité de Bashu, les ADF sont présents à Mwalika. Ce village est considéré comme l’un des centres d’entraînement de ces rebelles. Dans le groupement de Bambuba-Kisiki, le plus touché par les enlèvements des civils, des combattants ougandais sont signalés dans plus de neuf villages, dont Chuchubo, Makoyova et Makembi, considérés comme des bastions des ADF. La présence de ces rebelles est aussi signalée dans vingt et une des vingt-cinq localités que compte la chefferie de Watalinga.
Selon des sources administratives et de la société civile, depuis 2010 ces rebelles ont enlevé plus de 800 personnes. Parmi elles, trois prêtres du Diocèse de Butembo–Beni depuis octobre 2012.[7]
Le 14 janvier, le chef de chefferie de Watalinga, Mwami Sambili Bamukoka, a demandé aux autorités provinciales et nationales de mieux sécuriser les chefs coutumiers du territoire de Beni. Cinq d’entre eux ont été tué ces six derniers mois par des hommes armés identifiés comme des rebelles ougandais des ADF. L’administrateur du territoire évoque une extermination « planifiée » de ces chefs coutumiers. Le dernier chef coutumier tué est celui de la localité de Kahondo abattu par quatre hommes armés dans son domicile le vendredi 10 janvier dernier. Des sources locales indiquent que les assaillants étaient des rebelles ougandais des ADF. Le chef coutumier de la localité de Bunkoko a été abattu il y a environ deux semaines. Le chef du village Kitimba 4 a été tué le 13 décembre dernier. Avant eux, deux autres chefs coutumiers ont été tués dans le même territoire de Beni. L’administrateur de territoire de Beni confirme les faits et réclame le lancement urgent des opérations contre ces rebelles ougandais.[8]
Le 16 janvier, les Forces Armées de la RDC (FARDC) ont débuté les opérations militaires de désarmement des rebelles ougandais des ADF dans le territoire de Beni (Nord-Kivu). Les premiers combats entre l’armée congolaise et les rebelles ADF ont eu lieu à Kamango, près d’Oicha. Un militaire a été tué et une personne otage a été libéré. Le porte-parole de l’armée au Nord Kivu, le colonel Olivier Hamuli, a déclaré que, pour l’instant, on est en train de détruire leurs bases de Nadui, Mwalika et Makolova et il a appelé tous les Congolais qui sont dans les rangs des ADF à déposer les armes.[9]
Le 18 janvier, l’armée congolaise a délogé les rebelles ougandais des ADF de trois localités qu’ils occupaient depuis plusieurs mois. La plus grande position des ADF conquise par l’armée est Mamundioma, village situé à environ 45 kilomètres au Nord-Est de la ville de Beni.
Le village était considéré comme une position stratégique des rebelles ougandais qui l’occupaient depuis bientôt deux ans. Avant de prendre le contrôle de Mamundioma, les Forces armées de la RDC (FARDC) avaient reconquis Kambi ya Mabi, position rebelle la plus proche de la ville de Beni. Le troisième village repris par l’armée est Kalemi, situé à environ 40 Kilomètres de Beni.
Des sources sécuritaires et de la société civile indiquent que ce village ouvre la voie vers Mateba, considéré comme l’un des bastions les plus importants des ADF. La Monusco soutient les militaires congolais dans cette opération contre les ADF. Son porte-parole militaire de la mission onusienne, colonel Felix Basse, évoque un soutien logistique et dans la collecte du renseignement. Il a expliqué que «la Monusco est sur le terrain avec la brigade d’intervention mais aussi avec la brigade du Nord-Kivu et le bataillon népalais qui est déployé au Nord du Nord-Kivu».[10]
Le 18 janvier, le porte-parole des FARDC, le général Léon Kasonga, a affirmé que «Il n’y a pas d’opérations conjointes de l’armée congolaise avec celle ougandaise contre les rebelles des ADF». Il a indiqué que l’opération dénommée «Sokola» [Nettoyez] contre les rebelles ougandais des ADF sera menée du début jusqu’à la fin par les militaires congolais. Selon le général Léon Kasonga, ces opérations visent aussi tous les autres groupes armés actifs dans la zone. L’officier supérieur a ajouté que cette opération «se fait de manière simultanée dans le secteur Ruwenzori, dans le sud de la province du Nord Kivu, et dans la province du Sud-Kivu, en ce qui concerne les FDLR». Le général Kasonga a également annoncé que l’armée vient de prendre contrôle de Mwalika, considéré comme l’un des bastions important des ADF.[11]
Le 20 janvier, quatre jours après le lancement par les FARDC de l’opération “Sokola” [Nettoyez], des sources locales signalent un mouvement des rebelles ougandais des ADF vers la Province Orientale. Ce mouvement des ADF est observé depuis deux jours. Ces rebelles ougandais quittent l’est et se dirigent vers l’ouest du territoire de Beni. L’armée congolaise de son côté assure que toutes les dispositions sont prises pour contrer leur progression et ainsi empêcher tout mouvement des ADF vers d’autres provinces. Le maire de Beni, Nyonyi Bwanakawa a appelé la population de sa juridiction à dénoncer toute présence suspecte des rebelles ougandais des ADF. Il craint, en effet, que les rebelles ne s’infiltrent dans le groupe des déplacés qui arrivent dans la ville.[12]
Le 21 janvier, des sources locales ont indiqué que les rebelles ougandais ADF sont en train de renforcer leurs positions dans plusieurs localités, dont Vutakali, Vudovudo et Gunza, dans la chefferie de Watalinga, environ 90 km de Beni-ville, dans le Nord-Kivu. Selon les mêmes sources, ces rebelles seraient en train de préparer leur résistance à toute opération de leur désarmement par les FARDC.[13]
3. DIVERGENCES ENTRE LES FARDC ET LA MONUSCO? PRIORITÉS DIFFÉRENTES
Le 13 janvier, l’ambassadeur rwandais près les Nations Unies et membre non permanent du Conseil de Sécurité a accusé la Monusco de négliger les opérations contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Le représentant spécial des Nations Unies en RDCongo, Martin Kobler, a répondu que le démantèlement des FDLR est toujours une priorité pour la Monusco, mais que ces petits groupes dissimulés dans une épaisse forêt vierge sont plus difficiles à traquer que le M23 qui s’apparentait à une petite armée, très structurée et très visible.[14]
Le 15 janvier, au cours de la conférence hebdomadaire de l’ONU, le général Abdallah Wafi, représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’ONU chargé de l’est de la RDCongo, a déclaré que la Monusco conditionne le lancement des opérations contre les rebelles rwandais des FDLR à des précisions sur les lieux où ils sont basés. «Les FDLR ne sont pas des groupes militaires organisés comme la rébellion du M23 et la rébellion ougandaise des ADF. Il s’agit plutôt de groupes militaires qui vivent avec femmes et enfants dans des campements situés dans des zones souvent difficiles d’accès. Nous avons besoin d’avoir des renseignements précis sur les lieux où ils se trouvent», a souligné le général Wafi. Selon lui, les opérations contre les FDLR ne peuvent donc pas prendre la même forme comme celles menées contre le M23 et les ADF, au risque de s’en prendre à des femmes et à des enfants. Le général Wafi a pour cela sollicité la collaboration de tous ceux qui peuvent aider à identifier les lieux où se trouvent les rebelles des FDLR.[15]
Le 18 janvier, l’envoyé spécial des Etats-Unis pour la région des Grands Lacs, Russ Feingold, a demandé à la Monusco de «redoubler d’efforts» dans la lutte contre les rebelles rwandais des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) présents dans l’Est de la RDCongo. «Contre les FDLR, il faut le même programme que contre le M23», a-t-il affirmé.[16]
Le 22 janvier, répondant à des journalistes qui lui demandaient pourquoi la brigade d’intervention de la Monusco ne participait pas activement à l’offensive lancée le 16 janvier contre l’ADF, le chef de la force militaire de la Monusco, le général Carlos Alberto dos Santos Cruz, a affirmé que l’armée congolaise pouvait combattre seule les rebelles ougandais des ADF, sans que les Casques bleus prennent une part active aux affrontements, comme le souhaiterait Kinshasa. «La conduite de cette opération revient exclusivement aux FARDC», a ajouté l’officier, rappelant que la Monusco fournissait à l’armée congolaise un soutien logistique (carburant, munitions, alimentation, évacuations sanitaires) et tactique. Le général dos Santos a également dit que plusieurs bataillons de la brigade d’intervention de la Monusco étaient déjà mobilisés contre d’autres groupes armés, notamment les rebelles hutu rwandais des FDLR. L’ONU a fait de la neutralisation des FDLR un objectif prioritaire, même si les troupes de sa brigade d’intervention, autorisées à recourir à la force de manière offensive, tardent encore à les attaquer de front.[17]
Le 26 janvier, dans une déclaration à la presse, le coordonnateur de la plate-forme de l’opposition Coalition pour le Vrai Dialogue (CVD), Jean- Bertrand Ewanga, a appelé la Monusco à s’impliquer dans l’opération de traque des rebelles ougandais de l’ADF. M. Ewanga a exprimé des inquiétudes sur l’absence sur le terrain des équipes de la Monusco, tout en émettant le souhait de voir continuer la même dynamique qui a permis de défaire le groupe rebelle M23, pour que cette opération donne les résultats escomptés. «Ce qui nous inquiète c’est qu’on dirait que les violons ne s’accordent pas entre les Forces armées de la RDC (FARDC) et la Monusco», a-t-il souligné.
Le porte-parole du point focal de l’opposition politique du Nord-Kivu, Jean-Paul Lumbu Lumbu, a relevé pour sa part que «l’opposition politique du Nord-Kivu apprécie l’opération militaire des FARDC contre les ADF, car elle attend la récupération et la libération de 800 otages détenus par ces rebelles ougandais». Il a cependant appelé les autorités de l’Ouganda à organiser le dialogue inter-ougandais, à écouter ces rebelles et à trouver des solutions à leurs desiderata pour une paix durable dans la région des Grands Lacs.[18]
Le 29 janvier, au cours de la conférence des Nations unies à Kinshasa, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en RDC, Martin Kobler, a affirmé que la priorité de la Monusco en 2014 sur le plan militaire est de lutter contre les rebelles rwandais des FDLR, sans négliger les rebelles ougandais des ADF. Les FDLR sont actives dans les provinces du Maniema, Nord-Kivu et Sud-Kivu et commettent plusieurs exactions sur les populations civiles, notamment viols, assassinats, enlèvements et pillages.[19]
4. L’ENQUÊTE SUR L’ASSASSINAT DU COLONEL MAMADOU NDALA
Dans l’enquête menée par les autorités congolaises sur l’attentat perpétré contre le colonel Mamadou Ndala, mort le 2 janvier dernier dans une embuscade, le Colonel Tito Bizuru, Commandant du 1er Bataillon du 808e Régiment est actuellement détenu comme étant le principal suspect dans l’assassinat du Col Mamadou. Or ce dernier a pour chef hiérarchique direct le Colonel Thomas Murenzi. Tous les deux sont des Tutsi issus du CNDP. Leur ancien chef, le Col RICHARD BISAMAZA (Commandant 1er Secteur-FARDC, tutsi, ex-CNDP) avait fait défection vers le M23 en août 2013. Cependant, ses régiments et ses bataillons sont restés avec les mêmes Commandants et les mêmes hommes de troupes. Si le Col Dieudonné Muhima avait été nommé comme commandant du 808ème bataillon en remplacement du colonel déserteur Richard Bisamaza, la réalité du terrain, selon certains militaires qui ont requis l’anonymat, est qu’il fait de la figuration.
Plusieurs sources avancent que la présence de Mamadou Ndala menaçait l’existence des régiments monoethniques à base Tutsi et l’affairisme qui régnait chez certains hauts gradés de l’armée de cette zone.[20]
Le 18 janvier, le capitaine Moïse Banza, l’aide de camp du commandant Mamadou Ndala, a été interpellé vers midi, en pleine rue, dans un quartier très fréquenté de la capitale Kinshasa. Selon le porte-parole du gouvernement, Moïse Banza était recherché depuis près d’une semaine, pour ne pas avoir répondu à l’ordre de retourner à Beni et de se présenter devant la justice militaire. Moïse Banza gérait la communication de Mamadou. La justice militaire voulait l’interroger dans le cadre de l’enquête sur la mort du Colonel Mamadou et par rapport à une plainte pour vol des effets personnels de son ancien chef. Proche collaborateur de Mamadou Ndala, ces dernières semaines Moïse Banza se disait menacé au titre de cette proximité avec son ancien chef. Il avait fait des demandes d’asile politique auprès de différentes ambassades. L’interpellation de Moïse Banza a eu lieu alors que des équipes de RFI et de France 24 se trouvaient sur place, car le capitaine Moïse Banza leur avait donné rendez-vous pour parler de la mort du commandant Mamadou Ndala. Des hommes armés en civils ont pris d’assaut le véhicule dans lequel se trouvaient Moïse Banza et les deux journalistes. Moïse Banza est alors sorti de la voiture, tentant de s’échapper. Des tirs ont retenti avant que des hommes armés, certains en tenue militaire, ne le capturent et le rouent de coups. ll avait résisté, il devait être maîtrisé, explique Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais.[21]
Le 23 janvier, Reporters Sans Frontières (RSF) a condamné les récentes manœuvres de certaines autorités militaires et administratives du Nord Kivu destinées à empêcher la recherche et la diffusion de toute information relative à l’assassinat du colonel Mamadou Ndala. «Nous dénonçons vivement les menaces proférées par certains représentants civils et officiers militaires à l’encontre des journalistes qui ont couvert l’assassinat du colonel Ndala et l’enquête en cours. Les médias doivent pouvoir mener leur travail d’investigation et parler librement de cette affaire sans être harcelés quotidiennement», a déclaré Reporters sans frontières.
Le 15 janvier, le colonel Olivier Amuli, porte-parole des FARDC au Nord-Kivu a publiquement menacé Austere Malivika, correspondant pour Voice of America et Keny Katombe, correspondant pour Reuters. Il leur a reproché de « fourrer le nez dans leurs dossiers », notamment de rapporter sur les opérations des FARDC contre les rebelles ougandais des ADF. Il les a menacés de subir le même sort que Moussa Kaka, emprisonné au Niger, ou que Ghislaine Dupont et Jean Hélène assassinés respectivement au Mali et en Côte d’Ivoire. Cette menace publique fait suite à plusieurs tentatives d’intimidations téléphoniques de la part du colonel Amuli, notamment au sujet des images filmées quelques minutes après l’attaque du convoi du colonel Ndala, que le haut gradé voulait interdire. Contacté par Reporters sans frontières, le porte-parole des FARDC de la 8e région militaire a nié toute menace envers les journalistes et a assuré à l’organisation de son « bon partenariat » avec ceux-ci. Le colonel Dieudonné Muhima aussi a sollicité le maire de Béni, afin qu’il empêche les journalistes locaux de s’immiscer dans ce dossier.
Le 7 janvier, le gouverneur du Nord-Kivu Julien Paluku Kahongya a demandé aux journalistes de la région de ne plus évoquer l’assassinat du colonel Ndala au motif que « la diffusion de nouvelles sur le sujet entravait l’enquête », avant de se rétracter lors d’une conférence de presse le 9 janvier au lendemain d’une conversation avec Reporters sans frontières.
Le 4 janvier, un journalistes freelance, Alain Wandimoyi, et Albert Kambale travaillant pour l’Agence France Presse (AFP), avaient été menacé par des agents de l’Agence Nationale de Renseignement (ANR) à Butembo, en exigeant de leur remettre leur matériel de reportage.[22]
Laurent Touchard, expert en terrorisme et histoire militaire, a fait une analyse détaillée de la vidéo tournée quelques minutes après l’attentat qui a coûté la vie à Mamadou Ndala. Tout d’abord, sur la portion de route où survient l’embuscade (la « kill zone »), la végétation est dense à droite (par rapport au trajet du véhicule de Ndala), sur une grande surface. L’emplacement n’a donc pas été choisi par hasard.
Laurent Touchard trace un possible enchaînement des événements. L’officier se trouve à l’hôtel Albertine. Le 2 janvier, il doit se rendre à Eringeti afin d’y étudier la zone de desserrement des unités sous ses ordres ainsi que le terrain des futures opérations contre les ADF-Nalu. Le déplacement jusqu’à Eringeti se fera avec trois 4×4. Tous semblent armés d’une mitrailleuse lourde DShKM (ou sa copie chinoise Type 54) et une dizaine d’hommes monte à bord de chacun. Mamadou Ndala s’installe dans la cabine d’une Toyota blanche. Un fanion rouge est fixé à son antenne. Si elle indique à ses hommes qu’il s’agit du véhicule de commandement, elle désigne aussi clairement une cible de choix à d’éventuels ennemis… Impossible de se tromper pour quiconque voudrait attaquer.
Mamadou Ndala et son escorte quittent l’hôtel Albertine à Boikene avant midi, au milieu de nombreux curieux, enthousiastes de voir leur héros. Mais, parmi ceux qui observent le départ de la section, il en est qui donnent le signal à ceux qui attendent, quelques kilomètres plus loin : la cible part. En outre, plusieurs observateurs peuvent avoir épié le long de l’itinéraire, informant l’équipe chargée de l’embuscade de la progression du convoi et, surtout, de la position du véhicule de Ndala: le dernier du convoi. Un premier, puis un deuxième pickup passent. Leurs occupants ne remarquent rien de suspect, ce qui laisse supposer que les agresseurs attendent, tapis dans la végétation. Ces agresseurs sont probablement deux. L’un sert le RPG-7 (ou sa copie chinoise Type 69). L’autre dispose d’un fusil d’assaut et de roquettes supplémentaires. Il couvre le tireur RPG avec son arme automatique tout en étant prêt à recharger le lance-roquette, au besoin. Arrive le 4×4 de Ndala. Concentrés, les tueurs savent qu’il est à bord et que l’affaire sera relativement simple: en queue de colonne, leur cible est plus vulnérable. Ils auront davantage le temps de se carapater sitôt le traquenard refermé. Une embuscade de type « hit and run, « Frapper et se barrer ». La Toyota est désormais à moins d’une vingtaine de mètres en face. À cette distance il est quasiment impossible de la manquer. Les agresseurs n’ont pas visé la cabine, mais le moteur, n’ignorant pas que, contre cette masse de métal, l’effet du projectile à charge creuse sera maximisé. La déflagration, la fumée, les blessés, la confusion… Les tueurs ont déjà pu fuir de la « kill zone », à l’abri des herbes hautes et des arbres.
Selon Laurent Touchard, l’arme utilisée pourrait être une simple roquette PG-7 (ou copie chinoise). Contrairement à ce qui est imaginé, une roquette antichar à charge creuse ne va pas systématiquement transformer un véhicule non blindé en un amas de métal. Un projectile à charge creuse peut transpercer les flancs d’une cabine de camion, de pickup ou de voiture sans détonner. Il déchire le métal, sans autre effet. Après le tir, une roquette PG-7, munition à charge creuse, se transforme en un jet constituant un véritable dard de métal en fusion. La tête de celui-ci va jusqu’à 10 kilomètres/seconde (36.000 km/h), tandis que la température monte jusqu’à 700°. Contre un véhicule léger, les effets d’une charge creuse sont donc optimisés en visant la partie la plus « dense », à savoir, le bloc moteur. Ce qui permet au dard de se « frayer un chemin » jusqu’à la cabine dont l’intérieur est constellé des éclats de métal du moteur et de gouttelettes de métal en fusion susceptibles d’enflammer tout ce qui est combustible. Concernant le carburant, l’incendie sera plus ou moins prononcé selon la vitesse du véhicule (avec, donc, plus ou moins de carburant dans le circuit d’alimentation). C’est ce qui explique pourquoi la Toyota de Mamadou Ndala est relativement intacte à l’extérieur.
En ce qui concerne l’embuscade, indéniablement, elle a bien préparée, avec du renseignement, une organisation tactique et des tueurs efficaces. L’action des assassins a également été facilitée par le manque de mesures de précaution (séjourner dans un lieu moins fréquenté, partir à l’aube plutôt qu’en plein jour, voyager dans un véhicule semblable aux autres, sans fanion de commandement et placé au milieu du convoi).
Toutefois, ces constatations ne suffisent pas à désigner précisément un commanditaire. Les FARDC mais aussi l’ensemble des groupes rebelles du pays possèdent des RPG-7/Type 69 et des roquettes PG-7. De fait, si la piste d’un règlement de compte interne au FARDC est à privilégier, il convient de ne pas totalement écarter celle de hauts responsables de la hiérarchie militaire, des ADF-Nalu, ou celle de certains membres du M23. L’une n’empêche d’ailleurs pas l’autre. C’est là que réside la seule certitude sur cette affaire : ceux qui ont tué Mamadou Ndala ont bénéficié de complicités au sein des forces de sécurité.[23]
5. LE PROJET DE LOI SUR L’AMNISTIE
a. L’iter parlementaire
Le 7 et le 9 janvier, le Sénat a examiné le projet de loi sur l’amnistie pour faits insurrectionnels, faits de guerre et infractions politiques. La ministre de la justice, Wivine Mumba Matipa, a répondu aux préoccupations des sénateurs en rapport avec le dit projet de loi.
La ministre de la justice a d’abord défini l’amnistie comme l’acte qui dispose que des fautes passées devront être oubliées et qui interdit à quiconque de les rechercher ou de les évoquer sous peine de sanctions. Elle a ajouté que les clauses d’amnistie ont pour objet, une fois le règlement du conflit terminé, d’empêcher que la recherche de nouveaux griefs ne rallume les hostilités entre les belligérants. C’est une mesure d’apaisement à la fin d’un conflit. Selon la Ministre, le buts poursuivis par le projet de loi de l’amnistie sont, entres autres: apaiser de manière définitive le climat de tension qui a prévalu dans les rapports entre Etats, entre Etats et individus ou entre individus eux-mêmes après la lutte; affirmer la volonté d’un retour à la normale, réconcilier le corps social, l’amnistie étant considérée comme un artifice pour pouvoir continuer à vivre ensemble après la lutte, etc. L’amnistie est donc un acte législatif qui arrête les poursuites, voire la possibilité de poursuites et supprime les condamnations existantes, dans l’intérêt de la cohésion, de la paix et de la démocratie. «Le projet de loi a été élaboré dans le souci de faciliter la cohésion entre les nationaux. C’est la cohésion nationale qui est recherchée avant tout», a précisé la Ministre.
Selon la Ministre de la Justice, Wivine Mumba Matipa, cette loi est l’émanation des recommandations des concertations nationales et des engagements pris par la RDCongo aux termes de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et des déclarations unilatérales de Nairobi. Ce projet de loi comporte sept articles et porte sur certaines infractions commises en RDCongo par les Congolais résidant au pays ou à l’étranger. Toutefois, ce projet de loi exclut de son champ d’application, les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, dont l’utilisation, la conscription ou l’enrôlement d’enfants soldats, le recours à la torture, les traitements cruels, inhumains ou dégradants, les viols et autres violences sexuelles. Cette loi exclut aussi les infractions de trahison, de détournement des deniers publics, de trafic des stupéfiants et les infractions contre la réglementation du change. Les condamnés fugitifs et latitans ne bénéficierons non plu de cette loi.
Il vise seulement les faits infractionnels amnistiés qui ne font pas encore l’objet des poursuites et ne peuvent plus être poursuivis. Si les poursuites sont en cours, précise cette loi, elles cessent immédiatement. Aussi, les personnes non encore poursuivies peuvent également en bénéficier. Elle a rassuré que toutes condamnations non encore revêtues de l’autorité de la chose jugée sont anéanties et celles devenues irrévocables sont considérées comme n’ayant jamais été prononcées.
Mais, les faits amnistiés, bien qu’ayant perdu leur caractère infractionnel, a expliqué la ministre, laissent subsister la responsabilité civile de leurs auteurs, lesquels sont tenus à la réparation des préjudices subis par les victimes. Toute personne victime de faits infractionnels commis par les bénéficiaires de la loi d’amnistie a la possibilité de saisir les juridictions étatiques territorialement et matériellement compétentes pour obtenir réparation, en vertu de l’article 258 du Code civil congolais. Toutefois, ce sont les victimes qui devront elles-mêmes ou par leurs conseils interposés, démontrer l’existence des faits délictuels, le préjudice subi, le lien de causalité, ou de cause à effet, entre le fait commis et le préjudice subi. Dans le chef des Congolais, plusieurs candidats concernés par la loi d’amnistie sont des récidivistes. L’interrogation que l’on se pose est de savoir: Peut-on commettre autant de crimes sans justice pour bénéficier de l’amnistie au nom de la cohésion nationale? À en croire Wivine Mumba Matipa, dans le contexte particulier du présent projet de loi, le gouvernement n’a pas voulu aborder la notion de récidive, car s’il intégrait la récidive, certains membres des groupes rebelles qui font partie des milices antérieures n’en seraient pas bénéficiaires. Toutefois, l’un des effets novateurs du présent projet de loi, c’est d’affirmer que la récidive ne serait pas admise à l’avenir. Les auteurs et co-auteurs ou complices des crimes visés devront, en effet, prendre l’engagement formel de ne plus réitérer les faits ainsi amnistiés. Pour certains Sénateurs, ce projet de loi est sélectif. Il y a, en effet, des compatriotes qui n’ont pas commis de si graves actes de trahison comme les rebelles du M23 mais qui semblent ne pas bénéficier de ce pardon. «Comment peut-on ne pas amnistier tant des prisonniers qui n’ont pas tué comme les rebelles du M23?», s’est-on interrogé à la Chambre haute du Parlement.[24]
Le 23 janvier, par 67 voix pour, zéro voix contre et 5 abstentions, le Sénat a adopté la loi sur l’amnistie. Trois lois avaient été promulguées dans le passé. Un Décret – Loi n° 03-001 du 15 avril 2003 portant amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d’opinion, sera remplacé par la loi n. 05/023 du 19 décembre 2005, portant amnistie pour faits de guerre, infractions politiques et d’opinion et couvrant la période allant du 20 août 1996 au 20 juin 2003, cette dernière date étant considérée comme celle marquant le début de la Transition. La loi n. 09/003 du 7 mai 2009 portait amnistie pour faits de guerres et insurrectionnels commis dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu pendant la période allant du mois de juin 2003 au 07 mai 2009.[25]
Les trente personnes jugées et condamnées en janvier 2003 pour l’assassinat, en janvier 2001, du président Laurent Désiré Kabila, s’inquiètent d’avoir été laissées à l’écart du projet de loi d’amnistie. Pour l’avocat Eric Miza qui représente dix-huit des personnes condamnées, les sénateurs auraient dû inclure ces condamnés, et ce, au nom de la cohésion nationale. Il espère que les députés rectifieront le tir en deuxième lecture.[26]
Le 30 janvier, la Commission politique, administrative et juridique (PAJ) de l’Assemblée Nationale a examiné en deuxième lecture le projet de loi sur l’amnistie lui envoyé par la Sénat après l’avoir approuvé. L’article premier a divisé les députés de la majorité présidentielle (MP) et de l’opposition. Il stipule: «Sont amnistiés les faits insurrectionnels, les faits de guerre et les infractions politiques commis sur le territoire de la République démocratique du Congo au cours de la période allant du 1er juillet 2003 au 20 décembre 2013». Au terme du débat, deux tendances se sont dégagées. L’opposition, tout en soutenant le projet voté par le Sénat, plaide pour que le caractère infractionnel et la dimension pénale soit rétroactivement enlevé à certains faits commis depuis 2001 au lieu de 2003 (voté par le Sénat). La Majorité Présidentielle défend l’année 2009 à nos jours comme période devant être couverte par l’amnistie. Une quarantaine de députés de l’Opposition politique, dont les membres du groupe parlementaire UDPS et Alliés, ont suspendu leur participation aux travaux de la Commission PAJ, parmi lesquels on compte Alexis Lenga wa Lenga, Jean-Claude Vuemba, Lubaya Claudel André, Franck Diongo, Martin Fayulu, Albert Fabrice Puela, Omer Egwake, Eve Bazaiba, Clément Kanku, Lumeya-dhu-Maleghi, Laurent Batumona, Mayo Mambeke… pour ne citer qu’eux. «Nous ne voulons pas d’une loi sélective qui, en favorisant les rebelles du M23, n’amènera ni l’unité nationale, encore moins la cohésion nationale» a affirmé Emery Ukundji, député de l’opposition, qui souhaite que cette loi d’amnistie «contribue non seulement à mettre fin à la guerre mais aussi réconcilier toutes les couches sociales de la RDCongo». De leur côté, les députés de la MP rejettent l’accusation du caractère sélectif de la loi d’amnistie. Ils estiment que la période d’amnistie que propose la majorité est la suite normale des autres lois d’amnistie déjà promulguées en 2005 et 2009. «On amnistie pas les hommes. Ce sont les faits qui sont amnistiés et les individus en sont les bénéficiaires. Ce qui nous semble plausible au niveau de la MP, c’est de partir du 8 mai 2009 jusqu’au 20 décembre 2013», a affirmé Jean Kimbunda, député de la MP, en expliquant qu’en 2005, une loi d’amnistie de portée générale avait déjà été prise et est mise en exécution et qu’une nouvelle loi d’amnistie a été prise en 2009 jusqu’au 7 mai 2009. Sans se rappeler que la loi de 2009 limitait son champ aux infractions commises aux seul Nord-Kivu e Sud-Kivu, il a nié que cette loi soit avantageuse pour les rebelles du M23.[27]
Le 3 février, l’Assemblée Nationale a approuvé la loi sur l’amnistie qui couvrira la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2013.[28]
b. Quelques remarques
Une loi d’amnistie, en principe, n’est envisageable qu’une fois la nation acquiert la certitude que «la guerre est finie». Or, dans le cas du M23, on en est encore loin. Le dernier rapport des experts de l’ONU indique clairement que le Rwanda et l’Ouganda continuent de renforcer militairement le M23. De son côté, le chef de la Monusco, Martin Kobler, a fait entendre que le M23 mène, à nouveau, des incursions dans l’Est du Congo, notamment dans le District de l’Ituri. Dès lors, le projet de loi voté par le sénat congolais, au profit d’un groupe armé toujours actif, résonne comme une promesse de Kinshasa selon laquelle l’amnistie est déjà acquise d’avance, quoi qu’il en soit.
Certains combattants en seraient à leur cinquième agression contre le Congo, après avoir servi dans les rangs de l’AFDL (Première Guerre du Congo), du RCD (Deuxième Guerre du Congo), des groupes armés comme l’UPC-Thomas Lubanga, du CNDP-Laurent Nkunda et maintenant du M23. Toutefois, même récidivistes, ils pourront bénéficier de la loi d’amnistie et redécouvrir ainsi le même «Congo-Etat-faible» qu’ils commençaient pourtant à craindre, après la récente offensive «musclée » des FARDC appuyées par la brigade d’intervention de la Monusco.[29]
La Loi d’Amnistie adoptée au Sénat est perçue par beaucoup comme un texte fait sur mesure, en vue de répondre aux revendications du M23, telles que consignées dans les «Déclarations de Nairobi» signées séparément le 12 décembre 2013 par le même M23 et le gouvernement congolais.
Il faut rappeler que le signataire de la déclaration du M23 n’était personne d’autre que Bertrand Bisimwa, un des cadres du mouvement pourtant inscrit sur la liste établie et diffusée en son temps par le gouvernement congolais et l’excluant du bénéfice de l’amnistie. L’ironie du sort a voulu que le Sénat adopte cette loi au moment où le colonel Sultani Makenga et ses hommes viennent de relancer les hostilités au Nord-Kivu, sous le pseudonyme de l’ADF-Nalu. On se demande quelle valeur juridique et politique accorder encore à une loi déjà foulée aux pieds par les ex-rebelles du M23, avant sa promulgation par le Chef de l’Etat. Les ex-rebelles du M23 sont désormais couverts par un texte qui a absous leurs crimes, en les intégrant dans le paquet de «faits de guerre», un terme générique qui sème une grande confusion dans les esprits.
Il n’est pas normal de parler de «faits de guerre» pour des affiliés d’un mouvement insurrectionnel comme le M23, coupables pendant dix-huit mois de crimes de guerre et crimes contre l’humanité, violences sexuelles, vols, tortures, pillages des minerais, enrôlement d’enfants, destructions méchantes d’infrastructures de base, incendies des villages… L’éligibilité à la loi d’amnistie de compatriotes et faux Congolais ayant pris les armes contre la République est une insulte à la mémoire des victimes de leur barbarie. Elle s’apparente à une prime spéciale aux auteurs d’actes d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat, de soulèvement armé contre l’autorité établie, de désobéissance à la hiérarchie militaire, de pillages du patrimoine collectif. Au même moment, la loi oublie des millions de concitoyens morts, violés, torturés, mutilés. Pourtant, le bon droit aurait voulu que le législateur puisse envisager pour eux-mêmes ou pour les membres de leurs familles, des compensations financières pour les préjudices physiques et moraux subis. A cet effet, les fortunes amassées par les ex-rebelles du M23 suite au trafic illicite des minerais devraient être mises à contribution pour dédommager leurs victimes.[30]
[1] Cf Radio Okapi, 08.01.’14
[2] Cf Xinua – Kinshasa, 13.01.’14
[3] Cf Radio Okapi, 13.01.’14; Karim Lebhour – RFI – New York, 14.01.’14
[4] Cf Radio Okapi, 15.01.’14
[5] Cf Radio Okapi, 16.01.’14
[6] Cf ACP – Goma, 27/01/2014 (via mediacongo.net)
[7] Cf Radio Okapi, 18.01.’14
[8] Cf Radio Okapi, 14.01.’14
[9] Cf Radio Okapi, 17.01.’14; AFP – Goma, 18.01.’14
[10] Cf Radio Okapi, 18.01.’14
[11] Cf Radio Okapi, 19.01.’14
[12] Cf Radio Okapi, 20 et 21.01.’14
[13] Cf Radio Okapi, 22.01.’14
[14] Cf Radio Okapi, 13.01.’14; Karim Lebhour – RFI – New York, 14.01.’14
[15] Cf Xinua – Congoforum, 16.01.’14
[16] Cf Radio Okapi, 18.01.’14
[17] Cf AFP – Kinshasa, 22.01.’14
[18] Cf Pana – Kinshasa, 28.01.’14
[19] Cf Radio Okapi, 29.01.’14
[20] Cf Jean Jeacques Wondo – Desc-Wondo, 17.01.’14
[21] Cf RFI, 20.01.’14
[22] Cf Congo24.net, 27.01.’14
[23] Cf Laurent Touchard – Jeune Afrique, 22.01.’14
[24] Cf La Prospérité – Kinshasa, 08.01.’14 (via mediacongo.net); L’Avenir Quotidien – Kinshasa – Africatime, 10.01.’14
[25] Cf Stéphane Etinga – Le Potentiel – Kinshasa, 24.01.’14
[26] Cf RFI, 27.01.’14
[27] Cf Radio Okapi, 31.01.’14; Forum des As – Kinshasa, 31.01.’14; Le Phare – Kinshasa, 31.01.’14
[28] Cf Radio Okapi, 03.02.’14
[29] Cf Boniface Musavuli – Desc-Wondo, 15.01.’14
[30] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 24.01.’14