SOMMAIRE:
ÉDITORIAL: Quel avenir pour les pourparlers de Kampala?
1. LA LIBÉRATION TOTALE DES TERRITOIRES OCCUPÉS PAR LE M23
a. Les trois dernières localités
b. Les motivations d’un succès
2. LE M23 PASSE LA FRONTIÈRE
3. LES POURPARLERS ENTRE LE GOUVERNEMENT ET LE M23 À KAMPALA
a. Vers la signature d’un accord?
b. Pas forcément: pour une situation changée, des solutions différentes
ÉDITORIAL: Quel avenir pour les pourparlers de Kampala?
1. LA LIBÉRATION TOTALE DES TERRITOIRES OCCUPÉS PAR LE M23
a. Les trois dernières localités
Le 4 novembre, tôt le matin, trois obus lancés par le M23 depuis la colline de Chanzu ont fait six morts et dix blessés parmi les civils aux quartiers Karambo et Masoro, obligeant les habitants de Bunagana à se réfugier en Ouganda. D’autres obus sont tombés dans la localité de Tchengerero, à environ 4 km de Bunagana. Des sources militaires indiquent qu’une femme et un homme ont été tués. Vers midi, les Forces Armées de la RDCongo (FARDC) ont pris la colline, « très stratégique », de Mbuzi, une des trois dernières positions des rebelles du M23 retranchés aux confins du Rwanda et l’Ouganda. Après la reprise de cette colline, les FARDC ont poursuivi leur offensive contre les deux dernières positions des rebelles à Chanzu et Runyonyi.[1]
Ils sont une cinquantaine. Un petit nombre de personnes, qui pressent le pas sur la route. Femmes et enfants, un matelas, une valise ou un grand baluchon sur la tête. Tous fuient les obus qui se sont écrasés sur leurs villages, un peu plus tôt. «La bombe est tombée au niveau de l’école vétérinaire et ça a fait beaucoup de morts là-bas. Je ne sais pas combien. Tout le monde a couru dans toutes les directions. J’ai perdu de vue deux de mes enfants, je ne sais pas où ils sont», raconte Meriem, qui tient un enfant par la main. Cédric a, lui aussi, fui au plus vite: «Moi, j’ai pris mes habits, et puis j’ai couru. J’ai laissé mes parents. Je ne sais pas où sont mes parents. Nous, nous ne voulons pas la guerre. Nous voulons la paix».[2]
Le 4 novembre, après la chute d’obus sur la localité congolaise de Bunagana et dans le cadre de leur mission de protection des civils, des hommes de la brigade d’intervention de la Monusco sont entrés en action, en tirant au mortier sur les dernières positions du M23 à la frontière avec l’Ouganda.
«Nos cibles sont […] Runyonyi et Chanzu. Il y a une certaine résistance. On continuera de tirer jusqu’à ce que tout soit sous contrôle», a indiqué en début de soirée une source militaire à la brigade d’intervention.[3]
Le 5 novembre, les collines de Runyonyi et Chanzu, les tout derniers bastions des rebelles du M23 sont complètement passés sous le contrôle des FARDC tôt le matin, après une opération musclée de l’armée loyaliste menée toute la nuit. Selon des sources militaires, les combattants du M23 ont décroché avant même l’arrivée des FARDC et fui pour la plupart vers le Rwanda, d’autres vers l’Ouganda. Avant de s’évaporer dans la nature, les rebelles ont brûlé deux dépôts des minutions à Chanzu et à Runyonyi. Ils ont aussi brûlé plusieurs autres véhicules militaires, une quarantaine, qu’ils avaient pillés lors de l’occupation de la ville de Goma en novembre de l’année dernière.
Dans une déclaration, le chef de la Monusco, Martin Kobler, a invité le M23 à «respecter ce qui a été convenu» et à «déclarer la fin de la rébellion». «Les combats doivent cesser. Cela donnerait l’opportunité de résoudre les questions politiques en suspens, a déclaré Martin Kobler, exhortant tous les groupes armés y compris les FDLR de ne pas profiter de cette situation sécuritaire fragile».[4]
Le 6 novembre, le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, a annoncé à Goma que les militaires congolais ont découvert sur la colline de Chanzu des caches d’armes contenant plus de 300 tonnes de munitions et d’armes lourdes. «Nous avons aussi découvert des armes qui ne sont jamais arrivées dans les dépôts d’armements des FARDC. Des armes lourdes qui tirent à 22 km ou 30 km», a déclaré le gouverneur du Nord-Kivu. A part les armes d’origine russe, d’autres armes d’identification chinoise et arabe auraient été également découvertes. En montrant aussi deux véhicules de l’armée rwandaise abandonnés par le M23, le gouverneur a indiqué que la découverte de ces armes contredit les allégations des responsables de la rébellion qui affirmaient avoir puisé leur armement dans les dépôts de l’armée congolaise à Goma. Il a ajouté que les numéros d’identification de ces armes allaient permettre de remonter la filière de provenance.[5]
Après la défaite du M23 à Rumangabo, à une quarantaine de km au nord de Goma, l’armée congolaise a découvert des armes, des prisonniers mais aussi des morts. Des habitants ont affirmé que dans le camp militaire de Rumangabo il y a un charnier. C’est un grand champ de maïs derrière la prison. Quand on s’y enfonce, à un endroit, un corps est allongé sur le ventre dans l’herbe, à moitié enterré, visiblement tué récemment. Mais pour les villageois et les militaires qui ont repris possession de ce camp, il y en aurait beaucoup plus dans ce champ: «Là où il y a des fosses sceptiques, il y a des corps qui y ont été jetés». Une version que confirment huit anciens prisonniers du M23, ex-membres de l’armée congolaise. Major Rukeba Mkapa témoigne: «Le 5 septembre, on avait exécuté treize personnes, et le 12 octobre, huit personnes. Nous le savions parce quand on allait aux toilettes le matin, parfois vous constatez que quelque uns ne sont plus là». Impossible pour eux, de dire si ces vingt corps ont été enfouis dans le champ. Les ex-prisonniers sont par contre formels sur la méthode employée par la rébellion du M23 pour exécuter des personnes soupçonnées d’être Maï-Maï ou FDLR. Selon toujours Major Rukeba Mkapa, «On n’utilisait pas des cartouches mais des tronçons d’arbre pour frapper sur les têtes et dans la nuque pour les tuer facilement et sans trace». Des allégations graves qu’il va falloir vérifier. La mission des Nations unies au Congo, tout comme l’armée ont promis une enquête, et des fouilles pour voir combien de corps reposent dans le champ de la base militaire de Rumangabo.[6]
Un habitant de Goma témoigne:
«Qui savait si un jour la carte pouvait changer comme c’est le cas aujourd’hui? Le peuple du Nord Kivu en général et en particulier les gens de Rusthuru, Bunagana, Rumangabo, Katale, Jomba, Kibumba etc.. peuvent se rendre encore dans leurs champs, sans payer une quelconque somme d’argent. Aujourd’hui, les camions traversent et circulent librement sans taxe sur la route, les dépôts des vivres à Goma (Birere) sont encore en mouvement. Il y a un adage qui dit: Malgré la longueur de la nuit, le jour finit par apparaître.
La ville de Goma ainsi que les territoires libérés sont calmes et les autorités politico militaires continuent à sensibiliser la population pour une cohabitation pacifique, tout en évitant de se faire
vengeance, mais plutôt de pouvoir se tolérer malgré, tout ce qui s’est passé.
Dans toute la ville de GOMA et même dans la partie du nord, pour chaque citoyen c’est ouf de soulagement. Un seul slogan: nous avons besoin de la paix, nous voulons vivre en paix».
b. Les motivations d’un succès
Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale à l’International Crisis Group (ICG), décrypte les implications de l’annonce de l’abandon de la lutte armée par le M23.
– Afrikarabia: Quelles sont les raisons de la défaite du M23?
– Thierry Vircoulon: La débâcle du M23 est le résultat de plusieurs facteurs. Le premier, la pression diplomatique internationale et l’isolement de Kigali, accusé de soutenir la rébellion. Deuxième facteur: la formation d’un binôme tactique efficace entre la Brigade d’intervention de l’ONU et l’armée congolaise. Enfin, la défaite du M23 signe également l’échec politique de cette rébellion. Le M23, qui s’est présenté comme un mouvement politico-militaire, a été profondément rejeté par la population congolaise du Nord-Kivu.
– Afrikarabia: Quel avenir peuvent avoir les combattants de ce mouvement?
– Thierry Vircoulon: Il n’y aura probablement pas d’accord politique avec le M23. On peut imaginer que les simples soldats seront réintégrés dans l’armée congolaise. Ce n’est pas impossible. Mais pour les dirigeants, il n’en est plus question. Le plus logique est que le gouvernement congolais les réclame par la voie judiciaire en émettant des mandats d’arrêt internationaux.
– Afrikarabia: Les relations diplomatiques ont également évolué pendant ce conflit?
– Thierry Vircoulon: Il y a eu ce que l’on pourrait appeler un « alignement des planètes » francophones et anglophones sur le dossier rwandais. En clair, il y avait le couple France-Belgique d’un côté et le couple Grande-Bretagne-Etats unis de l’autre. On sait que depuis le génocide de 1994, les points de vue étaient « différents » sur la région. Aujourd’hui, tout le monde se retrouve pour dire que cette politique de contrôle indirect et d’interférence de Kigali au Congo, ne peut plus durer.
– Afrikarabia: Sur le plan militaire, cette nouvelle combinaison entre les casques bleus de la Monusco et l’armée congolaise est une première?
– Thierry Vircoulon: C’est en effet une nouvelle forme de « peacekeeping ». Ce travail en « quasi symbiose » entre la Monusco et les FARDC a clairement permis de renverser le rapport de force sur le terrain. Il y a eu un réel travail de planification militaire. L’étau s’est d’abord resserré autour du M23, dans les environs de Goma, fin juillet et ensuite, à partir du mois d’août, l’offensive a été portée en territoire rebelle vers le Nord. Cela témoigne d’une coordination tactique très étroite entre l’ONU et l’armée congolaise.
– Afrikarabia: Pendant les offensives de ces derniers jours, le comportement des militaires a été, de ce que l’on sait, tout à fait professionnel. Pourquoi une telle transformation de l’armée congolaise?
– Thierry Vircoulon: C’est d’abord le fruit d’une volonté au plus haut niveau de l’Etat de gagner militairement. Ensuite, il y a eu un changement de commandement. Le général Gabriel Amisi, qui commandait les forces armées terrestres, a été suspendu et « éloigné ». La corruption semble avoir également été stoppée et les troupes se sont soudainement trouvées approvisionnées, nourries et payées.
– Afrikarabia: Un nouveau scénario est donc en train de s’écrire dans la région?
– Thierry Vircoulon: Il y a une nouvelle donne sur le plan de la politique régionale : la mise en place de l’accord d’Addis-Abeba. Cet accord implique la « non-interférence » des pays voisins au Congo. Une ligne rouge a été clairement fixée pour le Rwanda et l’Ouganda. Pour le moment, Kigali a décidé de lâcher le M23. Mais à moyen terme, on peut se demander si cette position va durer.
– Afrikarabia: Comment faire pour transformer cette victoire militaire en victoire politique et installer une paix durable?
– Thierry Vircoulon: La solution politique, c’est l’accord d’Addis-Abeba de février 2013 : non-ingérence des voisins, envoie d’une force internationale pour neutraliser les groupes armés et nécessité de faire des réformes pour le gouvernement congolais. Cet agenda est en train d’être mis en œuvre. Le règlement politique du problème ce n’est pas un accord entre un groupe armé et le gouvernement congolais à Kampala, mais la mise en oeuvre de l’accord d’Addis-Abeba.[7]
2. LE M23 PASSE LA FRONTIÈRE
Le 6 novembre, le chef de la Monusco, Martin Kobler, a déclaré que, après la défaite du M23, les Nations unies allaient aider à renforcer le contrôle des frontières, pour empêcher armes et rebelles de passer dans les pays voisins.[8]
Le 7 novembre, un haut responsable militaire ougandais sous couvert de l’anonymat, a annoncé que le chef militaire du M23, Sultani Makenga, ainsi que 1.500 combattants du M23, ont franchi la frontière et se trouvent entre les mains de l’armée ougandaise. Toutefois, il n’a pas précisé la localisation du chef rebelle. Il a également refusé de clarifier si Sultani Makenga était ou non libre de ses mouvements et s’il avait formellement fait acte de reddition aux autorités ougandaises. De son côté, le porte-parole de l’armée ougandaise, Paddy Ankunda, a indiqué qu’environ 1.500 rebelles du M23 étaient entrés en Ouganda et s’étaient rendus à l’armée ougandaise, mais n’a pas confirmé la présence de Sultani Makenga parmi eux. Ils ont remis leurs armes aux forces ougandaises et ils « sont cantonnés dans la zone de Mgahinga, dans le département de Kisoro« , dans le coin sud-ouest de l’Ouganda, frontalier de la RDC et du Rwanda, a-t-il ajouté. Le porte-parole du gouvernement ougandais, Ofwono Opondo, a affirmé: «Jusqu’à présent, nous avons reçu à peu près 1 600 commandants et combattants du M23 qui ont traversé la frontière depuis trois semaines en groupes de dix, vingt ou trente, y compris leur commandant, le général Sultani Makenga».[9]
Un expert militaire a remis en doute le chiffre de 1500 membres du M23 donné par l’armée ougandaise. Selon lui, pourraient être inclus dans ce chiffre des membres des familles de rebelles ou des combattants du M23 se trouvant déjà précédemment en Ouganda. Il faut rappeler que, au plus fort de la rébellion, le M23 disposait de 1500 hommes.
Plusieurs sources ont estimé que ceux qui résistaient encore sur la colline de Chanzu, le dernier bastion du M23, n’étaient pas plus nombreux que 400/450 hommes. Entre 100 et 300 d’entre eux, dirigés par Sultani Makenga, auraient choisi de s’installer côté ougandais de la frontière. Une centaine d’autres aurait trouvé refuge du côté du Rwanda avec à leur tête, Innocent Kaina, dit India Queen, l’un des commandants du M23 les plus redoutés. Une information démentie par Séraphine Mukantabana, la ministre rwandaise en charge des Réfugiés. De son côté, l’ambassadeur du Rwanda aux Nations unies, Eugène Gassana, a admis que son pays avait reçu 51 blessés du M23 et qu’ils sont assistés par la Croix Rouge. De son côté, la Croix-Rouge rwandaise a avancé le chiffre de 95 blessés, actuellement soignés à l’hôpital de Gisenyi, une localité de l’ouest du pays frontalier avec la République démocratique du Congo. Selon Angelique Murungi, en charge des opérations à la Croix-Rouge rwandaise, 51 rebelles sont arrivées mardi 5 novembre et 25, mercredi 6 novembre, provenant de Kinigi. Dix-neuf blessés de guerre avaient été déjà été admis à l’hôpital la semaine dernière.[10]
Pour le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, ce nombre est trop élevé compte tenu des pertes enregistrées par la rébellion lors des derniers combats avec les militaires congolais. «Nous avons plus de 400 rendus. Il y a 700 qui sont au Rwanda (ceux de Runiga), il y a d’autres qui sont tombés sur le champ de bataille», indique-t-il, affirmant que le nombre de ces combattants oscille entre 100 et 150. Le gouverneur explique que l’annonce de l’arrivée de plus de mille rebelles du M23 en Ouganda est une «stratégie du M23 et ses alliés» pour intégrer au sein des FARDC «des éléments rwandais ou ougandais».[11]
Sultani Makenga est sous le coup des sanctions de l’ONU qui l’accuse d’être responsable de violations graves des droits de l’Homme, notamment des meurtres, massacres, viols, mutilations, enlèvements, recrutement d’enfants et commerce illégal de ressources minérales. Tutsi, issu de parents originaires du Masisi, Sultani Makenga est né, selon l’ONU, le 25 décembre 1973 dans le territoire de Rutshuru, dans le Nord-Kivu, où il a grandi. Emmanuel Sultani Makenga a passé l’essentiel de sa vie militaire dans des rébellions diverses qui ont déchiré la région depuis une vingtaine d’années. En 1990, comme de nombreux Tutsi, il s’enrôle en Ouganda dans le Front patriotique rwandais (FPR), la rébellion tutsi qui prend le pouvoir à Kigali à la fin du génocide de 1994. Intégré ensuite dans l’armée rwandaise, il y gagnera le grade de sergent. Il a combattu ensuite au sein de forces rwandaises lors des deux guerres du Congo (1996-1997, puis 1998-2003). Pendant la seconde guerre du Congo (1998-2003), au début du conflit, il participe au pont aérien organisé par le chef d’état-major, James Kabarebe, aujourd’hui ministre de la Défense rwandais, pour prendre Kinshasa par l’ouest, afin d’en déloger le président congolais Laurent-Désiré Kabila. Après un passage par la guérilla du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma), il rejoint la rébellion tutsi du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda, dont il devient assez vite le dauphin. En 2009, il est parmi les chefs rebelles signataires de l’accord de paix prévoyant l’intégration du CNDP au sein de l’armée congolaise. En avril 2012, il participe à la création du M23, avec Bosco Ntaganda.[12]
Le 8 novembre, le gouvernement ougandais a annoncé que les combattants du M23, réfugiés en Ouganda ne seront pas remis aux autorités de Kinshasa avant qu’un accord de paix ne fixe leur sort en matière de réintégration et réinsertion. « Ils ne sont pas prisonniers. Ce sont des soldats fuyant la guerre, donc nous les accueillons et les aidons, comme nous l’avons fait pour des soldats de l’armée de RDC plus tôt dans l’année« , a déclaré le colonel Paddy Ankunda, porte-parole du ministère ougandais de la Défense et de l’armée ougandaise, en ajoutant que «ceux qui refuseraient, après un accord de paix, de rentrer en RDC, seront remis au Haut-Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés (HCR) qui décidera s’ils peuvent prétendre au statut de réfugiés».[13]
3. LES POURPARLERS ENTRE LE GOUVERNEMENT ET LE M23 À KAMPALA
a. Vers la signature d’un accord?
Le 4 novembre, les envoyés spéciaux des Nations Unies (Mary Robinson et Martin Kobler), de l’Union Européenne (Koen Vervaeke), de l’Union Africaine (Boubacar Diarra) et des Etats-Unis (Russel Feingold) pour la région des Grands Lacs ont pour leur part «exhorté le M23 à renoncer à sa rébellion comme déjà convenu». Ils ont également demandé au gouvernement de la RDC de «s’abstenir de toute action militaire à ce stade». Dans un communiqué, les Envoyés spéciaux exhortent le mouvement rebelle et le gouvernement congolais à poursuivre leur engagement pour faire aboutir le processus politique par un accord final et de principe qui garantirait le désarmement et la démobilisation du M23 et l’obligation de rendre compte pour les abus des droits de l’homme commis. Les envoyés spéciaux exhortent par ailleurs tous les signataires de l’accord cadre de Addis Abeba pour la paix et la sécurité et la coopération à renouveler leur engagement pour sa mise en œuvre, notamment en faisant avancer un dialogue politique entre les pays clés de la région.[14]
Le 4 novembre, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, dans un communiqué publié depuis Kinshasa, a affirmé que «le M23 doit faire une annonce claire, nette et sans ambiguïtés de la fin de la rébellion armée qu’il lancé voici près de vingt mois dans le Nord-Kivu. Ce qui est attendu, ce n’est pas une cessez-le-feu. C’est la fin de toute activité militaire du M23». De leur part, les délégués de la partie gouvernementale ont réitéré à Kampala leur demande aux responsables du M23 d’ordonner à leurs troupes de faire la reddition, de déposer les armes sans condition et de cesser toute activité militaire et, donc, de mettre fin à l’existence de leur mouvement. La facilitation ougandaise prépare un dernier communiqué final qui sera en principe signé par les deux parties. Le gouvernement de Kinshasa est resté ferme et intransigeant sur plusieurs points notamment sur l’intégration militaire et l’amnistie qui doivent être étudié au cas par cas. Selon l’esprit de l’accord voulu par le gouvernement, l’amnistie sera conditionnelle et «chaque membre du M23 devra faire une déclaration comme acte d’engagement qu’il ne reprendra plus les armes». L’intégration aussi se fera au cas par cas. Le gouvernement souhaite que le cantonnement des troupes du M23 se fasse en deux étapes. D’abord au Nord-Kivu, ensuite viendra le déploiement des ces militaires M23 sur le reste du pays pour leur intégration au sein des Fardc.[15]
Le 4 novembre, dans un communiqué, la rébellion du M23 annonce qu’elle est prête à signer l’accord de paix avec le gouvernement congolais proposé par la médiation ougandaise le dimanche 3 novembre à Kampala. Le mouvement rebelle précise qu’il est disposé à signer cet accord sans condition et à tout moment, «étant donné que cet accord reste l’expression de la volonté de toutes les parties au dialogue».[16]
Le 5 novembre, depuis Pretoria (Afrique du Sud), les participants au sommet de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), ont lancé un appel aux rebelles du M23, pour qu’ils renoncent à la rébellion, afin de permettre la signature rapide d’un accord de paix. Dans un communiqué diffusé par le gouvernement sud-africain à l’issue d’un sommet régional, les dirigeants de 18 pays africains, dont plusieurs chefs d’Etat, ont affirmé que «le sommet conjoint a noté que l’ensemble des onze questions en discussion dans le cadre du Dialogue de Kampala ont fait l’objet d’un accord et que les parties sont prêtes à signer un accord, à condition que le M23 annonce publiquement qu’il renonce à la rébellion … Après quoi, le gouvernement (congolais) devrait faire une déclaration publique signifiant son acceptation. Cinq jours après, la signature formelle d’un accord devrait intervenir». Le président congolais Joseph Kabila était présent à ce sommet, ainsi que son homologue ougandais, Yoweri Museveni. Le Rwanda, accusé de soutenir les rebelles, était représenté par sa ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo.[17]
Le 5 novembre, après avoir été chassé par les armes des dernières positions qu’il occupait, le M23 a annoncé, dans un communiqué, la fin de sa rébellion. La direction du M23 «annonce […] qu’elle a décidé, à dater de ce jour, de mettre un terme à sa rébellion et de poursuivre, par des moyens purement politiques, la recherche des solutions aux causes profondes qui ont présidé à sa création», indique le communiqué signé du chef de la branche politique du mouvement, Bertrand Bisimwa. «A cet effet, tous les chefs militaires de la rébellion sont priés de préparer les hommes des troupes au processus de désarmement, démobilisation et réinsertion sociale dont les modalités sont à convenir avec le gouvernement» de la RDCongo, ajoute ce bref communiqué. Le gouvernement congolais avait fait de cette annonce publique une condition sine qua non pour pouvoir espérer la signature d’un accord politique susceptible de mettre un terme définitif au conflit l’opposant au M23.[18]
Le 5 novembre, le ministre porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende Omalanga, a déclaré qu’aucun accord ne sera signé entre le gouvernement congolais et la rébellion du M23 à Kampala (Ouganda) mais plutôt une déclaration devant conclure les pourparlers. Pour le ministre, ce mouvement rebelle s’est auto-dissout en déclarant mettre fin à sa lutte armée et ne constitue plus un interlocuteur valable pour la signature d’un accord quelconque avec le gouvernement. Il a donc annoncé qu’«une certaine harmonisation de vues est intervenue à Kampala sur 11 clauses de ce qui sera la Déclaration de Kampala. Nous préférons cette terminologie à celle d’accord, étant donné qu’on ne peut pas signer un accord avec quelque chose qui a cessé d’exister, car s’étant auto dissous. Cette Déclaration devra conclure les pourparlers de Kampala entre le Gouvernement et le désormais ex mouvement armé M23».[19]
Le 6 novembre, le Représentant spécial du secrétaire général des nations Unies en RDC, Martin Kobler, a pris acte de la décision du M23 et il a affirmé que: «c’est la fin d’une étape historique. Le plus grand à faire maintenant est la restauration de l’autorité de l’Etat dans tous les territoires libérés», en insistant sur la présence de la police, de l’armée et des éléments judiciaires ainsi que des services de base (santé, enseignement, transports …). Il est revenu sur la solution politique pour finaliser les Accords de Kampala, mais il a réaffirmé qu’il n’y aura pas d’amnistie pour ceux qui ont commis des crimes de guerre et contre l’humanité, le recrutement d’enfants dans l’armée, le viol et autres violations de droits de l’homme. Il n’a pas manqué de saluer le succès militaire enregistré sur terrain par les FARDC au Nord-Kivu. Il a aussi invité tous les groupes négatifs à déposer les armes, avant que les FARDC passent au ratissage.[20]
Roger Lumbala, chef adjoint de la délégation du M23 à Kampala a annoncé la transformation de son mouvement rebelle en parti politique. Mais ce n’est encore qu’une déclaration qui doit être matérialisée d’abord dans des actes et ensuite par un Arrêté d’agrément du ministre de l’Intérieur. C’est alors que le M23 deviendra effectivement un parti politique. Une chose est de déclarer la mue d’une rébellion qui a sur les mains le sang des dizaines de personnes tuées et exécutées , des femmes et des fillettes systématiquement violées et prises en esclaves sexuels, des enfants enrôlés de force dans sa milice, le pillage des richesses naturelles, une autre est d’assumer cette volonté.
A la suite de l’Accord de paix de Goma de mars 2009, le CNDP aussi s’était transformé en parti politique. Il a même glané quelques députés nationaux dans l’actuelle législature, suite aux élections législatives. Ce qui n’a pas empêché son aile militaire intégrée dans l’armée nationale et dirigée par le général Bosco Tanganda de lancer une nouvelle mutinerie qui s’est vite muée en rébellion dénommée le M23. Le CNDP est un parti politique de la Majorité présidentielle. Tout ceci montre qu’il est difficile de troquer le battle-dress de maquisard contre le costume cravate de politique et montrer patte blanche dans la population.
Roger Lumbala Tshitenga est exactement le prototype de rebelle incorrigible. Il ne peut pas changer. L’homme est un ancien du Rcd-Goma, une création du Rwanda, avant d’aller au Rcd/N installé dans son empire d’Isiro sous la coupole de l’Ouganda avec rang de «général d’armée».
Après le Dialogue intercongolais, le Rcd-N, son mouvement politico-militaire est transformé en parti politique. Deux fois son Président nationale Lumbala Tshitenga est élu à la députation nationale. Mais cela ne l’a pas empêché de rejoindre le M23, une autre création du Rwanda, alors que comme député, il disposait d’une tribune officielle qui lui permettait de parler au nom du peuple.[21]
Le 8 novembre, le gouvernement ougandais, médiateur dans la crise qui oppose les autorités de la RDCongo et la rébellion du M23, a annoncé que les deux parties parapheront un accord de paix lundi 11 novembre.[22]
Dix mois de négociations auraient permis d’aboutir à 11 articles sur lesquels les deux parties se seraient entendues. A commencer par cet engagement du gouvernement congolais à adopter très vite une loi d’amnistie générale pour faits de guerre et crimes insurrectionnels. En revanche, l’amnistie de toute personne accusée de crime de guerre, crime contre l’humanité ou crimes sexuels serait exclue. Concrètement, cela signifie qu’environ 80 membres de la rébellion, dont ses principaux commandants, seraient exclus de l’amnistie et pourraient être poursuivis.
En face, le M23 s’engagerait à renoncer définitivement à la lutte armée. En échange, il serait autorisé à devenir un parti politique. Selon la présidence ougandaise, l’accord prévoirait un examen au cas par cas de la possibilité, pour les ex-rebelles qui le souhaitent, de réintégrer l’armée congolaise: «L’accord détaillera comment chaque cas sera traité. Il y a les combattants sous sanctions américaines ou onusiennes, ceux qui veulent être réintégrés dans l’armée et ceux qui veulent rentrer chez eux», explique Ofwono Opondo, porte-parole de la présidence ougandaise. Kinshasa exigerait que ceux qui veulent réintégrer l’armée acceptent de s’engager, par écrit, à ne plus prendre les armes contre le gouvernement. Et là encore, c’est une nouveauté: Kinshasa veut se réserver le droit d’affecter ces personnes où elle le souhaite sur son territoire et non pas exclusivement dans l’Est comme ça a toujours été le cas avant. Des surprises et des négociations de dernière minute sont encore possibles, notamment sur la qualification même de cet accord, déclaration ou accord de paix.
Au Congo, l’opinion est largement défavorable à la signature d’un accord de paix alors que le pays a gagné la guerre. Un petit parti d’opposition, Les Forces acquises au changement (FAC), a ainsi déclaré dans un communiqué que la signature d’un accord équivaudrait à une trahison du peuple congolais. Enfin, la pression internationale est forte pour qu’après des mois de négociations un accord soit effectivement signé.[23]
b. Pas forcément: pour une situation changée, des solutions différentes
Le 11 novembre, le gouvernement ougandais, médiateur dans les pourparlers, a annoncé que la délégation de RDC avait « renoncé à signer un accord avec le M23 » et que les pourparlers étaient reportés « sine die« . La délégation de Kinshasa a « tardivement demandé un changement des termes de l’accord, nous avons ajourné en conséquence la signature de cet accord« , a expliqué le porte-parole du gouvernement ougandais, Ofwono Opondo.
Kinshasa, forte de sa victoire militaire face au M23, a jusqu’au bout refusé la mention spécifique du mot « accord » entre la RDCongo et le M23 dans le texte. Selon le ministre ougandais de la Défense Crispus Kiyonga, la médiation avait prévu de faire signer aux deux parties un accord déjà scellé début novembre (bien novembre), juste avant l’annonce du dépôt des armes du M23. Mais, a-t-il reconnu, « la situation a changé sur le terrain ». Aujourd’hui, il ne s’agit plus de signer un accord entre deux parties mais entre « un vainqueur, le Congo, et un vaincu, l’ex-rébellion du M23 » et un « problème de langage » s’est posé. «Il est important que (…) le texte qui sortira puisse refléter que nous avons affaire à un gouvernement légitime d’un pays souverain, d’un côté, et à une force négative, une rébellion qui a cessé d’exister, de l’autre. Il n’y a pas d’accord à signer avec quelqu’un qui n’existe plus», a expliqué le ministre congolais des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda. Il a ajouté rechercher un accord qui « puisse aider à consolider la paix », précisant que « Donc nous prendrons le temps qu’il faut pour se mettre d’accord, s’il y a lieu de se mettre d’accord« . Le M23 a reproché à Kinshasa d’être revenu sur l’accord conclu le 4 novembre alors que lui-même avait fait sa part du chemin avec sa « déclaration de fin de rébellion ».[24]
Kinshasa a considéré que le document présenté par la facilitation ougandaise sous forme d’accord, à signer avec le M23, mettait en mal les intérêts de son pays et ne pouvait plus accorder des concessions à une pseudo-rébellion qui s’était déjà auto-dissoute. A l’Hôtel Sheraton de Kampala, le facilitateur ougandais, Crispus Kiyonga, a tenté en vain de convaincre Tshibanda de signer l’accord. Il l’a amené même chez Museveni à Entebbe et là aussi, le chef de la diplomatie congolaise n’a pas accepté qu’un gouvernement légitime soit placé au même niveau d’une ancienne rébellion. Les autorités congolaises ont rappelé que la victoire militaire ne sera jamais volée au peuple congolais.
François Mwamba, le coordonnateur du mécanisme national de suivi de l’accord-cadre d’Addis-Abeba et membre de la délégation gouvernementale a affirmé que «On avait prévenu la facilitation ougandaise qu’il n’était plus question d’accorder des nouvelles concessions au M23. Ils doivent signer une déclaration finale où ils s’engagent officiellement à ne plus exercer les activités militaires. Un point, c’est tout. Intégration en bloc, amnistie générale, ca n’existe plus, ils se trompent».
Au palais présidentiel à Entebbe où le président ougandais, Yoweri Museveni avait planté le décor pour accueillir la cérémonie de clôture, c’était la déception. Les délégués de Kinshasa ont même refusé d’entrer dans la salle où se trouvaient les responsables politiques du M23 et les partenaires internationaux.[25]
Pour le Gouvernement, il n’est pas question de signer un accord avec un mouvement rebelle qui a été défait militairement et qui ne s’est pas encore constitué en parti politique conformément aux lois de la République. En tant que tel, le M23 ‘a pas de qualité de négocier et d’engager ses membres. Il n’est donc pas question de signer un accord entre parties, mais une simple déclaration constatant sa reddition.[26]
Le 12 novembre, la médiation ougandaise a affirmé que les pourparlers entre le gouvernement congolais et le M23 à Kampala vont se poursuivre. « Les deux parties sont toujours en Ouganda« , a annoncé le porte-parole du gouvernement ougandais, Ofwono Opondo, « car les pourparlers n’ont pas été officiellement interrompus« . Selon le porte-parole, le ministre ougandais de la Défense Crispus Kiyonga a poursuivi ses efforts de médiation avec les deux parties.[27]
Dans une déclaration conjointe, les Envoyés Spéciaux des Nations Unies et leurs homologues ont exprimé leurs regrets à l’annonce que les pourparlers de paix entre le groupe rebelle M23 et le gouvernement de la RDCongo n’avaient pu être conclus. « Les envoyés notent que les parties n’ont exprimé aucune divergence de vue sur les questions fondamentales figurant dans le projet de document. Toutefois, un accord sur le format (dudit document) n’a pas encore été obtenu. En dépit du changement de situation sur le plan militaire, il est important de parvenir à une conclusion politique du dialogue« , indique le communiqué, selon lequel « les envoyés exhortent les parties à résoudre leur différend relatif au format du document et à rester engagée en faveur d’un règlement pacifique du conflit ». « Les envoyés soulignent en outre que toute solution doit permettre d’établir les responsabilités des auteurs de crimes de guerre, crimes de génocide, crimes contre l’humanité , y compris ceux impliquant des violences sexuelles et le recrutement d’enfants-soldats, ainsi que toute autre violation flagrante des droits de l’homme« .
La déclaration conjointe a été rendue publique dans la soirée par l’envoyée spéciale du secrétaire général pour la région des Grands Lacs, Mary Robinson, son représentant spécial pour la RDC, Martin Kobler, l’envoyé spécial des Etats-Unis, Russ Feingold, le représentant spécial de l’Union africaine, Boubacar Diarra, et le Coordonnateur principal de l’Union européenne pour la région des Grands Lacs, Koen Vervaeke.[28]
[1] Cf Radio Okapi, 04.11.’13; AFP – Ntamugenga, 04.11.’13
[2] Cf RFI, 05.11.’13
[3] Cf AFP – Ntamugenga , 04/11/2013 (via mediacongo.net)
[4] Cf Radio Okapi, 05.11.’13 ; AFP – Kinshasa, 05.11.’13 (via mediacongo.net)
[5] Cf Radio Okapi, 06 et 09.11.’13
[6] Cf RFI, 04.11.’13
[7] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 06.11.’13
[8] Cf AFP – New York, 06.11.’13
[9] Cf AFP – Kampala, 07.11.’13; Radio Okapi, 07.11.’13; RFI, 07 et 08.11.’13
[10] Cf AFP – Kampala, 07.11.’13; Radio Okapi, 07.11.’13; RFI, 07 et 08.11.’13
[11] Cf Radio Okapi, 08.11.’13
[12] Cf AFP – Kampala, 07.11.’13; AFP – Goma, 8/11/2013 (via mediacongo.net)
[13] Cf AFP – Kampala, 08.11.’13
[14] Cf Radio Okapi, 04.11.’13; AFP – Ntamugenga, 04.11.’13
[15] Cf 7 sur 7.cd – Kampala, 04.11.’13; RTBF, 04.11.’13
[16] Cf Radio Okapi, 04.11.’13
[17] Cf AFP – Pretoria, 05.11.’13
[18] Cf AFP – Kinshasa, 05.11.’13
[19] Cf Radio Okapi, 06.11.’13 ; Le Potentiel – Kinshasa, 06.11.’13
[20] Cf Mathy Musau – Forum des As – Kinshasa, 07.11.’13
[21] Cf Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 07.11.’13
[22] Cf AFP – France 24, 08.11.’13; AFP – Radio Okapi, 08.11.’13
[23] Cf RFI, 11.11.’13
[24] Cf Emmanuel Leroux – AFP – Entebbe, 12.11.’13
[25] Cf 7 sur 7.cd – Kampala, 12.11.’13
[26] Cf L’Avenir – Kinshasa, 12.11.’13
[27] Cf AFP – Kampala, 12.11.’13
[28] Cf Xinua – New York (Nations Unies), 12.11.’13