Sans naïveté ni fléchissements

Editorial Congo Actualité n. 199– Par la Reseau Paix pour le Congo

 

Libération presque totale du territoire occupé.

La presque totalité du territoire précédemment occupé par le Mouvement du 23 Mars (M23), un groupe armé soutenu par le Rwanda et l’Ouganda, est désormais sous le contrôle des FARDC, l’armée nationale de la République Démocratique du Congo (RDCongo), à l’exception de trois localités (Mbuzi, Chanzu et Runyonyi) situées dans une zone stratégique près de la frontière avec le Rwanda et l’Ouganda. En six jours seulement (25-31 octobre), l’armée a libéré les cités les plus importantes: Kibumba, Kiwanja, Rutshuru, Rumangabo et Bunagana. Beaucoup de combattants du M23 se sont rendus ou ont fui vers le Rwanda et l’Ouganda. Le nombre de ceux qui opposent encore de la résistance varie entre deux cents à trois cents.

À la base d’un succès.

Nombreux sont ceux qui se demandent comment tout cela a pu se passer en si peu de jours.
Il y a plusieurs raisons:

– la forte pression de la population, de la société civile et des autorités locales sur le président Kabila et la Mission de l’ONU en RDCongo (Monusco), afin d’entreprendre une action militaire musclée contre le M23,

– une certaine réorganisation de l’armée congolaise  avec la nomination du général François Olenga comme chef d’État Major de l’Armée de Terre (Décembre 2012), du général Lucien Bahuma Ambama comme chef de la région militaire du Nord-Kivu (Juin 2012), et du colonel Mamadou Moustafa Ndala en tant que commandant de deux bataillons URR (unité de réaction rapide), le 321ème  et le 322ème, formés par des instructeurs belges. Ces nominations ont conduit à l’amélioration de la coordination du commandement, des renseignements et de la logistique,

– l’entrée de la Monusco dans le mécanisme de contrôle des frontières avec le Rwanda et l’Ouganda, créé au sein de la Conférence Internationale pour la Région des Grands Lacs (CIRGL),
– la pression exercée par l’ONU et la Communauté Internationale sur le Rwanda, accusé de soutenir militairement le M23, de lui procurer de nouvelles recrues, y compris des mineurs d’âge, et d’envoyer ses troupes sur le territoire congolais en appui du même M23,

– le soutien logistique apporté à l’armée régulière congolaise par la Monusco et, surtout, par a brigade d’intervention, créée per la résolution 2098 du Conseil de sécurité de l’ONU.

L’ordre du M23 pour cesser les hostilités: un piège?.

Maintenant, il s’agit de confirmer ces succès militaires avec de succès sur le plan politique.

En effet, après avoir été suspendues le 21 octobre dernier, les négociations ont repris  entre le gouvernement congolais et le M23 à Kampala, des négociations qui devraient s’achever pas tellement par un accord entre les belligérants, mais plutôt avec un véritable traité de fin des hostilités. Pour la réussite de ces négociations, il ne suffit pas que le président de l’aile politique du M23 ordonne aux troupes de son mouvement de cesser les hostilités, afin de «favoriser le dialogue politique» à Kampala. Il s’agit là d’un piège car, tant qu’il maintient le contrôle sur les trois dernières localités, il pourrait s’en servir pour maintenir la pression sur les négociations en cours et, si nécessaire, pour se réorganiser et attaquer de nouveau. Il serait nécessaire que le M23 dépose les armes et ses troupes entre les mains de l’armée régulière ou de la Monusco et qu’il déclare officiellement son auto- dissolution en tant que groupe armé. Seulement alors, après avoir résolu la question militaire, les négociations pourraient se poursuivre sur le plan politique.

Trois problèmes majeurs, sans impunité.

Il y a encore trois problèmes majeurs à résoudre: l’amnistie pour les membres du M23, la réintégration des soldats du M23 dans l’armée régulière et ​​l’intégration des cadres politiques du M23 dans la vie politique du Pays. Ces trois mesures devraient être appliquées au cas par cas, sur une base individuelle et non collective.

Quant à l’amnistie, elle ne devrait pas être accordée aux membres du M23 qui sont déjà soumis à des sanctions de l’ONU et des Etats-Unis, à ceux qui sont mentionnés dans les différents rapports de l’ONU et des ONG, nationales et internationales, pour la défense des droits de l’homme, car ils sont considérés comme responsables de crimes de guerre (massacres de populations civiles, … ) et de crimes contre l’humanité (viols, enrôlement de mineurs d’âge, … ) et ceux qui en ont bénéficié d’autres fois dans le passé.

À propos de l’intégration dans l’armée régulière, il faudrait en exclure ceux qui ne peuvent pas bénéficier de l’amnistie, les militaires étrangers, notamment les Rwandais et les Ougandais qui ont été infiltrés dans les rangs du M23, ceux qui ont été déjà radiés de l’armée, ceux qui ne sont pas disposés à servir le Pays dans des provinces de l’Etat autres que le Nord-Kivu et le Sud Kivu, loin de la frontière avec le Rwanda et l’Ouganda, ceux qui possèdent la double nationalité, ce qui n’est pas conforme à la Constitution congolaise, ceux qui en ont bénéficié d’autres fois dans le passé, au moment de l’intégration des troupes du RCD et du CNDP.

À propos de l’intégration des cadres politiques du M23 dans la vie politique du Pays, l’on devrait exclure ceux qui ne peuvent pas bénéficier de l’amnistie, ceux qui avaient abandonné les institutions politiques de leur gré et ceux qui en ont été éloignés par les organes compétents.

D’autre part, la possibilité offerte au M23 de se transformer en parti politique est très ambiguë et insuffisante, puisque même le RCD et le CNDP s’étaient, à leur tour, transformés en partis politiques, sans toutefois être en mesure d’éviter le risque de nouvelles «rébellions». Il faudrait rappeler que, avec l’accord signé à Goma le 23 Mars 2009, le CNDP, d’où provient le M23, s’était lui aussi engagé à se transformer en parti politique et à poursuivre ses revendications au niveau politique et par voie pacifique mais, comme l’on vient de le constater, les choses ont évolué différemment. Étant donné que, dans une démocratie, l’on obtient le pouvoir non par la force des armes, mais à travers les élections, le M23 pourrait décider d’entrer dans un parti politique déjà existant ou se transformer en un nouveau parti, en vue de s’inscrire dans le cycle électoral aux différents niveaux: local, provincial et national.

En plus des aspects politiques et militaires, il y a un autre aspect à prendre en considération: celui de la justice. Ceux qui se sont rendus coupables de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et violations des droits de l’homme devraient rendre compte de leurs actes devant la justice.

Aux origines de la guerre.

Enfin, il faudra résoudre les causes profondes de la guerre à l’Est de la RDCongo:
– l’ingérence politique et militaire du Rwanda et de l’Ouganda dans les affaires intérieures de la RDCongo,
– leur implication dans la déstabilisation de l’Est de la RDCongo à travers la création des successives pseudo rébellions,

– leur participation dans le commerce illégal des ressources minières de la RDCongo qui alimente leurs économies et finance les activités des groupes armés,

– la politique d’installation de populations rwandaises dans les zones abandonnées par les autochtones forcés de fuir les combats …

Les successives rébellions, l’AFDL, le RCD, le CNDP et le M23 ne sont que des pions dans les mains du régime rwandais et ougandais et aux puissances de l’économie mondiale. L’on devra, donc, intensifier la pression, pour qu’il respecte tous les accords internationaux qu’il a signés, dont l’accord de Addis-Abeba, parrainé par l’ONU, l’Union Africaine et l’ensemble de la Communauté Internationale.