Avant qu’il ne soit trop tard

Editorial Congo Actualité n. 192 – Par la Reseau Paix pour le Congo

 

L’ONU se prononce sur l’origine des obus

Le 21 août, après un mois de trêve, les combats ont repris entre l’armée congolaise (FARDC) et le Mouvement du 23 mars (M23), un groupe armé soutenu militairement par le Rwanda voisin. Les combats se sont déroulés autour de Kibati, Mutaho et Kanyarucinya, à environ 15 km au Nord de Goma, chef lieu du Nord-Kivu, dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDCongo).

Ce qui a caractérisé cette nouvelle série de combats c’est la chute d’obus non seulement sur la ville congolaise de Goma et ses quartiers de périphérie, mais aussi sur Gisenyi, ville rwandaise située tout près de la frontière avec la RDCongo, et ses alentours.

Le Rwanda a tout de suite accusé l’armée congolaise d’être à l’origine de la chute de ces obus sur son territoire, en menaçant d’être prêt à intervenir pour la sécurité de sa population et de son territoire. Cette version a été démentie avec force par les autorités militaires et gouvernementales congolaises, selon lesquelles c’est le M23 même qui aurait lancé les obus sur le territoire rwandais. C’est cette dernière version qui a été accréditée par l’ONU suite à un rapport du Sous-secrétaire général pour les opérations de maintien de la paix, Edmond Mulet, rapport présenté au Conseil de sécurité à l’occasion d’une réunion à huis clos, le 29 août, sur la situation actuelle de la RDCongo.

En ce rapport, Edmond Mulet affirme que la MONUSCO (Mission des Nations Unies en RDCongo) a pu constater « des tirs d’artillerie du M23 » sur le Rwanda et qu’il n’a jamais vu l’armée congolaise (FARDC) tirer sur le Rwanda. Les tirs d’artillerie venaient “de zones où les FARDC ne sont pas présentes”, a-t-il déclaré, en précisant que, selon les seules observations de tirs qui sont effectués, « les obus lancés contre le Rwanda viennent des positions tenues par le M23. » Edmond Mulet a en outre affirmé qu’en «ces derniers jours» des militaires rwandais se sont infiltrés en RDCongo. Le 30 août, dans un communiqué, même le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a confirmé que ce sont les rebelles du M23 qui ont tiré vers le Rwanda.

 

A la recherche de prétextes de guerre

L’objectif de la stratégie du lancement des obus sur le territoire rwandais de la part du M23, déjà expérimentée dans les combats du mois de juillet, pourrait être celui d’offrir à l’armée rwandaise un prétexte «plausible» pour pouvoir entrer officiellement en territoire congolais. Cette opération servirait non seulement à couvrir la présence actuelle de militaires rwandais dans les rangs du M23, moyennant l’arrivée «officielle» de troupes rwandaises nouvelles, mais aussi à provoquer une guerre au niveau «international» entre l’armée congolaise et l’armée rwandaise.

Cela mettrait la Monusco dans une situation sur terrain tout à fait nouvelle, où « les principes fondamentaux du maintien de la paix, y compris le consentement des parties, l’impartialité et le non-recours à la force, sauf en cas de légitime défense ou pour la défense du mandat » (Introduction de la Résolution 2098 de l’ONU) et le mandat actuel d’« empêcher l’expansion de tous les groupes armés, de les neutraliser et de les désarmer de façon à contribuer à réduire la menace que constituent les groupes armés pour l’autorité de l’État et la sécurité des civils dans l’est de la RDCongo » (Résolution 2098, n. 12b) se montreraient tout à fait inadéquats.

L’objectif final de cette stratégie serait celui de bloquer tout genre d’opérations de la part de la Brigade d’intervention de la Monusco à côté des FARDC et d’obtenir, probablement, non seulement son retrait de la RDCongo, mais aussi celui de tout le contingent de la Monusco. Ainsi, le Rwanda aurait toutes les portes ouvertes sur le Nord-Kivu et même au-delà.

 

Le courage nécessaire

Pour contrer cette stratégie, il ne suffit plus de se borner à condamner un générique “appui externe” à l’M23, sans nommer les pays qui le fournissent, le Rwanda et l’Ouganda : il faut plutôt prendre urgemment des mesures concrètes et adéquates.

Le 23 août, par exemple, le Représentant permanent de la RDCongo à l’ONU, l’ambassadeur Ignace Gata Mavita, dans sa lettre a Mme Maria Cristina Perceval, Présidente du Conseil de sécurité pour le mois d’août, a demandé au Conseil de sécurité de

– Condamner fermement les attaques de la force négative M23 et ses alliés sur les populations civiles de Goma et ses environs;

– Ordonner le retrait immédiat et sans conditions des unités régulières de l’armée rwandaise du territoire de la RDCongo ;

– Inviter le Rwanda à respecter les engagements auxquels il a librement souscrit, conformément aux prescrits de l’Accord-cadre signé à Addis Abeba, le 24 février 2013 ;

– Considérer les actes criminels commis par la force négative M23 et leurs commanditaires comme crimes de guerre et crimes contre l’humanité, et demander à la CPI de les traiter comme tel.

D’autres organisations pour la défense des droits humains avaient déjà proposé de:

– décréter un embargo sur les armes destinées au Rwanda;

– suspendre l’importation de minerais (cassitérite, wolfram, coltan et or), du Rwanda, souvent provenant de la zone de conflit dans l’Est de la RDCongo ;

– décréter des sanctions (gel des comptes bancaires et interdiction de voyager à l’étranger) contre les personnalités politiques et militaires citées dans les divers rapports du groupe d’experts des Nations Unies pour la RDCongo.