LA LAVERIE ITSCI
Enquête sur un programme de diligence raisonnable apparemment impliqué dans le blanchiment de minerais de conflit.
Global Witness – Avril 2022 – 3ème partie sur 3. [1]
SOMMAIRE
3. ROLE D’ITSCI AU RWANDA
3.1 Le blanchiment a grande échelle de minerais de contrebande en provenance de RDC
3.1.1 L’incitation à la contrebande par le programme ITSCI
3.1.2 Un manque de transparence qui dissimule les disparités entre la production minière du Rwanda et ses exportations
3.1.3 Le commerce de minerais de contrebande évince les initiatives minières
3.1.4 ITSCI ignore les minerais introduits frauduleusement au Rwanda
3.1.5 Le déploiement d’ITSCI en RDC réduit le passage illégal de minerais d’origine douteuse vers le Rwanda, mais simplifie leur blanchiment en RDC
3.2 Les premiers profiteurs du programme ITSCI
3.2.1 Minerals Supply Africa (MSA)
3.2.2 Le réseau d’entreprises de Chris Huber au Rwanda
4. DES MINERAIS D’ORIGINE DOUTEUSE ENTRENT DANS LES CHAINES D’APPROVISIONNEMENT INTERNATIONALES
4.1 Des minerais de conflit en provenance de RDC et faisant l’objet de trafics intègrent les chaînes d’approvisionnement internationales
4.2 Des minerais congolais introduits frauduleusement au Rwanda intègrent les chaînes d’approvisionnement internationales
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
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3. LE ROLE D’ITSCI AU RWANDA
Pendant la deuxième guerre du Congo (1998–2003), le Rwanda a joué un rôle très important dans les pillages des minerais en République Démocratique du Congo (RDC), qui ont servi à financer la machine de guerre rwandaise.
Dans ce chapitre, nous examinerons comment des minerais de contrebande en provenance de RDC ont continué à être massivement introduits frauduleusement au Rwanda, malgré la présence de l’Initiative de la chaîne d’approvisionnement de l’étain (ITSCI) dans les deux pays. Certains éléments suggèrent même que le programme ITSCI a dopé ces activités illégales, notamment durant ses premières années, période sur laquelle se concentrera ce chapitre. Au lieu d’assurer la traçabilité de minerais extraits en toute légalité dans des régions libres de conflits et d’atteintes aux droits humains, ITSCI pourrait avoir dissimulé la provenance de minerais d’origine douteuse et facilité leur blanchiment, tout en offrant un vernis de légitimité à l’opération.
3.1 Le blanchiment a grande échelle de minerais de contrebande en provenance de RDC
3.1.1 L’incitation à la contrebande par le programme ITSCI
Alors que le travail d’ITSCI en RDC a démarré lentement, le programme a été déployé bien plus rapidement au Rwanda. Si le premier projet pilote d’ITSCI a été lancé à la mine de Kalimbi, dans la province du Sud-Kivu, en RDC, en 2010, celle-ci a été la seule à faire partie du programme jusque fin 2013. Au Nord-Kivu, une autre province de RDC où les minerais ont grandement contribué aux conflits, le déploiement d’ITSCI n’a commencé qu’en 2014.
Au Rwanda, c’est en 2010 que le programme ITSCI a été lancé. En avril 2011, il couvrait d’ores et déjà l’ensemble des mines et exportateurs légaux de 3T du pays. En 2012, 97 % de toutes les exportations de 3T étaient étiquetés par ITSCI.
Comme en RDC, l’Association Internationale de l’étain (ITA) a travaillé avec Pact pour la mise en œuvre du programme ITSCI au Rwanda.
Global Witness s’est entretenue avec un ancien responsable de Pact qui était responsable du projet ITSCI au Rwanda entre 2011 et 2014. À l’époque, il était chargé de contrôler si le nombre d’étiquettes distribuées aux mines par l’Office de la géologie et des mines, le partenaire public d’ITSCI, était en adéquation avec leur production.
Bien souvent, lorsque lui ou son équipe se rendaient dans une mine pour l’inspecter, il n’y avait pas d’exploitants au travail. Cependant, comme il l’a expliqué à Global Witness, ces mines recevaient bien des étiquettes de la part de l’Office de la géologie et des mines. En se basant sur ses propres observations et sur les données de production d’avant le lancement du système ITSCI, il estime que, au début du programme ITSCI, seuls environ 10 % des minerais exportés par le Rwanda y avaient réellement été extraits, le reste étant des minerais de contrebande introduits de RDC avant leur exportation. Au cours des années qui ont suivi, la production nationale a augmenté, sous l’effet du travail de promotion de l’exploitation minière effectué par les pouvoirs publics rwandais.
Mais la contrebande a elle aussi grimpé, si bien que le volume des minerais d’origine rwandaise dans les exportations s’élevait encore à environ 10 %, selon l’ancien responsable de Pact.
Le fait que personne n’ait stoppé l’introduction frauduleuse de minerais dans la chaîne d’approvisionnement d’ITSCI au Rwanda, aux côtés d’autres facteurs, n’a fait qu’encourager la contrebande de minerais de RDC.
De plus, lorsqu’en 2012, la RDC a rendu obligatoire la traçabilité des minerais «3T» exportés, la lenteur du déploiement du système ITSCI en RDC, compte tenu du contexte difficile, a signifié que la plupart des minerais ne pouvaient plus être exportés légalement. Ce fait a constitué une incitation supplémentaire à faire passer illégalement des minerais vers un pays où ceux-ci pouvaient être frauduleusement étiquetés avant d’être exportés.
3.1.2 Un manque de transparence qui dissimule les disparités entre la production minière du Rwanda et ses exportations
Global Witness et d’autres organisations ont régulièrement souligné que les chiffres d’exportation de minerais rwandais ne pouvaient correspondre de manière plausible à la production de son secteur minier, somme toute relativement limité. Le Groupe d’experts de l’ONU a lui aussi régulièrement recensé le passage illégal de minerais «3T» entre la RDC et le Rwanda et d’autres pays voisins, ce qui expliquerait, dans une large mesure, ces différences. Un aperçu épisodique des données de production vient confirmer cette hypothèse. Le fossé entre les chiffres d’exportation de minerais et la production nationale est particulièrement frappant dans le cas du coltan.
Un expert du secteur qui a travaillé au Rwanda et s’est rendu dans la plupart des concessions minières estime que la production totale de coltan rwandaise issue des concessions minières tourne autour de 5-7 tonnes par mois, plus un volume inférieur provenant de mines ne faisant pas partie de concessions officielles. Même si les opinions des experts divergent quant aux quantités de coltan extraites au Rwanda, il est peu probable que le total avoisine les 1 000 – 2 400 tonnes de coltan que le Rwanda exporte chaque année depuis 2012 et qui ont fait du Rwanda le premier exportateur de coltan au monde en 2014.
Un autre expert du secteur a expliqué que, dans le cadre de discussions informelles, des agents de l’État travaillant pour l’Office rwandais des mines, du pétrole et du gaz avaient confirmé que les chiffres d’exportation de 3T rwandais dépassaient de loin la production des mines du pays.
Le gouvernement rwandais dément avec véhémence ces accusations, sans pour autant avancer de preuve du contraire. En effet, les pouvoirs publics rwandais ne publient pas de données sur la production minière.
ITSCI ne publie pas non plus de données de production à l’échelle des mines, alors que nombre d’entreprises extractrices publient leurs données de production sur leur site Web, bien souvent avec fierté. Le secret entretenu par ITSCI autour de données élémentaires va à l’encontre de ses déclarations de 2011 lorsque, en quête de soutien à l’international, ITSCI avait présenté un plan sur cinq ans à la Securities and Exchange Commission des États-Unis, dans lequel elle promettait de rendre publique toute une série de données, y compris, dans le cas de la RDC, les données de production par mine, le nombre d’exploitants par mine, les poids achetés et vendus par centre de négoce et le prix de vente moyen des minerais.
3.1.3 Le commerce de minerais de contrebande évince les initiatives minières
Un expert du secteur a indiqué à Global Witness qu’il avait effectué une cartographie des mines de coltan rwandaises en 2016, mais qu’il n’avait trouvé que peu de sites, et ce, avec une production très limitée. Selon lui, même les sites prometteurs n’étaient souvent pas très actifs, car il était bien plus économique d’acheter des étiquettes et des minerais de RDC que d’investir dans des exploitations minières légales au Rwanda. L’ancien exploitant d’une mine rwandaise a expliqué à Global Witness qu’il était moins cher d’acheter des minerais de contrebande que d’en extraire, puisque ceci implique diverses dépenses (machines, équipements de protection pour les exploitants, taxes, etc.). Ceci suggère que le fait de laisser des minerais de contrebande transiter par le Rwanda a évincé les initiatives minières de bonne foi dans le pays.
3.1.4 ITSCI ignore les minerais introduits frauduleusement au Rwanda
Encore actuellement, les rapports du Groupe d’experts de l’ONU dénoncent régulièrement la contrebande de minerais, notamment de coltan, de la RDC vers le Rwanda. À de nombreuses reprises, des minerais de contrebande ont été transportés directement à des centres de négoce en banlieue de Kigali, où ils sont étiquetés. L’exploitant d’une mine au Rwanda a expliqué le fonctionnement des trafics en ces termes: «Les étiquettes sont une marchandise: on les achète et on les vend. Tous les détenteurs d’une licence d’extraction se voient remettre des étiquettes et peuvent les revendre». Dans certains cas, les étiquettes sont revendues des années plus tard, a-t-il ajouté.
Comme l’a expliqué l’ancien responsable de Pact mentionné auparavant, les horaires de travail d’ITSCI étaient de 8 h 00 à 17 h 00, mais les minerais étaient transportés frauduleusement entre 17 h 00 et 8 h 00.
Il a aussi indiqué à Global Witness qu’ITA omettait souvent de publier les informations sur les alertes impliquant de grandes entreprises. Il a précisé qu’il signalait régulièrement des problèmes de passage illégal de minerais de la RDC vers le Rwanda à ITA, mais celle-ci sélectionnait ensuite les rapports qu’elle souhaitait publier. Selon lui, ITA a publié certains rapports sur des incidents en lien avec de petites entreprises, dont certaines ont dû fermer par la suite.par contre, elle aurait protégé les entreprises exportant les plus grands volumes de minerais de contrebande, telles que Minerals Supply Africa (MSA) et Tawotin. «MSA et d’autres auraient dû être fermées», explique-t-il, ajoutant que cela aurait équivalu à fermer l’ensemble du Rwanda, l’exploitation minière étant le premier secteur d’exportation du pays.
Selon lui, les auditeurs d’ITSCI avaient connaissance des disparités entre la production rwandaise de coltan et ses chiffres d’exportation. Cependant, les rapports d’audit d’ITSCI sur MSA pour 2013-2014, sur Tawotin pour 2014 et sur Wolfram Mining and Processing (WMP) pour 2014, qui sont trois grandes entreprises dont il a été signalé qu’elles étaient impliquées dans l’exportation de grandes quantités de minerais de contrebande, comprennent la même affirmation: aucun élément ne porte à croire que l’entreprise serait «impliquée dans […] toute déclaration fausse et frauduleuse quant à la provenance des minerais» ou aurait «soutenu des groupes armés non étatiques». Tout cela soulève cette question: ITA prend-elle au sérieux la question des minerais de contrebande?
3.1.5 Le déploiement d’ITSCI en RDC réduit le passage illégal de minerais d’origine douteuse vers le Rwanda, mais simplifie leur blanchiment en RDC
Le blanchiment de minerais «3T» illégaux en provenance de RDC était et, dans une moindre mesure, est encore, une opération très rentable pour le Rwanda. Tandis que la RDC perd des droits d’exportation sur les minerais de contrebande, le Rwanda prélève ses propres droits sur les minerais exportés, qui sont de 4 % depuis 2014. En 2014, le Rwanda a ainsi perçu 174 millions de dollars grâce aux minerais «3T», ce qui représentait près d’un quart de ses recettes d’exportation pour la même année. Les chiffres d’exportation rwandais, notamment pour le coltan et le tungstène, ont augmenté pendant l’extension du système ITSCI au Rwanda jusqu’en 2013-14. Cependant, après un pic en 2013 (pour le coltan) et 2014 (pour la cassitérite et le tungstène), les chiffres d’exportation ont diminué. En 2019, les recettes générées par les exportations de minerais «3T» étaient tombées à moins de 10 % des recettes totales d’exportation du pays.
Des chercheurs ainsi qu’un expert du secteur soulignent que les volumes de minerais introduits frauduleusement au Rwanda en provenance de RDC ont baissé (même si la contrebande n’a pas cessé complètement) depuis le déploiement du système ITSCI en RDC, ce qui explique sans doute la diminution observée des exportations de minerais «3T».
Compte tenu de la poursuite du passage frauduleux de minerais congolais au Rwanda à des fins d’étiquetage puis d’exportation, le programme ITSCI est devenu pour beaucoup de responsables du ministère des Mines de RDC un outil leur permettant de veiller à ce qu’une part croissante des minerais «3T» provenant de RDC (qu’ils proviennent de mines validées ou non) intègrent les voies légales et que le pays bénéficie des recettes fiscales correspondantes. Ceci se reflète dans les données d’exportation de coltan: les exportations de RDC ont en effet augmenté en flèche entre 2013 et 2017, tandis que les exportations totales des deux pays sont restées relativement stables.
Cependant, le devoir vu comme «patriotique» par les responsables de RDC d’étiqueter autant de minerais «3T» que possible signifie qu’ils ont ainsi permis et simplifié l’introduction dans le système d’importants volumes de minerais provenant de mines non validées, y compris de mines contribuant à des conflits armés. Au lieu de veiller à la traçabilité promise des minerais exempts de tout lien avec des conflits, des agissements illégaux et des atteintes aux droits humains, le programme ITSCI semble avoir été utilisé pour blanchir et approuver à la va-vite des minerais de contrebande et, bien souvent, de conflits.
3.2 Les premiers profiteurs du programme ITSCI
3.2.1 Minerals Supply Africa (MSA)
MSA, qui avait pour PDG l’homme d’affaire britannique David Bensusan, aujourd’hui décédé, a été constituée au Rwanda en 2008. Pendant longtemps, MSA a été le principal exportateur de minerais «3T» en provenance du pays. Depuis 2008, l’entreprise est la propriété de Cronimet Central Africa AG, une société dont le siège social est situé en Suisse. Dénommée «3T International AG» depuis février 2020, elle est en liquidation depuis septembre 2020. Pendant tout ce temps, 3T International AG et, avant elle, Cronimet Central Africa AG étaient indirectement détenues par la société allemande Cronimet Holding GmbH.
En 2009, un an avant le lancement d’ITSCI au Rwanda, le Groupe d’experts de l’ONU a signalé qu’environ 70 % des exportations de MSA provenaient de RDC et environ 30 % du Rwanda. Le groupe d’experts a précisé que les deux tiers des minerais de MSA provenant de RDC n’avaient pas été déclarés auprès des autorités de RDC. D. Bensusan a grandement contribué à la création d’ITSCI, dont MSA a été l’un des membres fondateurs. Suite à l’implantation d’ITSCI au Rwanda, les exportations de minerais 3T par MSA ont explosé entre 2011 et 2013, toutes officiellement étiquetées comme étant des minerais rwandais. En 2013, MSA était responsable de près d’un tiers de tous les minerais «3T» exportés du Rwanda.
Pendant la période de 2009-16, si MSA a effectivement vendu des minerais «3T» extraits au Rwanda, seule une toute petite partie de ses exportations provenait de ce pays, le reste étant des minerais de contrebande de RDC. Contrairement aux affirmations de MSA dans son business plan de 2014, où elle prétendait avoir cessé d’acheter des minerais de RDC depuis avril 2011, une source a indiqué que bon nombre des poids lourds qu’elle avait vu entrer sur le site MSA de Kigali entre 2011 et 2015 pour décharger des minerais étaient immatriculés en RDC.
Selon trois sources du secteur minier, MSA présentait les mines exploitées par H&B Mining Company Ltd dans le district de Rwamagana, près de Kigali, comme étant ses plus productives. Cependant, selon une estimation de référence de Pact datant d’octobre 2011, que Global Witness a consulté, ces mines ne produisaient que 57 kg de coltan et 160 kg de cassitérite par jour. Même si les 40 exploitants comptés par Pact travaillaient tous les jours de l’année et que l’exploitation se faisait en continu, les mines n’auraient pas pu produire plus de quelque 20 tonnes de coltan et 60 tonnes de cassitérite par an, soit environ 6 % du coltan et de la cassitérite exportés par MSA du Rwanda en 2012.
3.2.2 Le réseau d’entreprises de Chris Huber au Rwanda
Un autre négociant qui a vraisemblablement utilisé le programme ITSCI nouvellement instauré pour blanchir des minerais est Chris Huber. Celui-ci a ou a eu des relations étroites avec un certain nombre d’entreprises de minerais 3T au Rwanda, y compris Rwanda Rudniki, Tawotin Ltd et Wolfram Mining and Processing (WMP).
Entre 2007 et 2014, C. Huber a été impliqué dans une joint-venture avec l’entreprise minière Rwanda Rudniki, qui représentait la société Niotan Ltd (renommée Refractory Metals Mining Company Limited ou RMMC en 2008), sise à Hong Kong.
Les concessions de Rwanda Rudniki ne produisaient que des quantités modestes de minerais «3T»: pour les années 2012 et 2013 prises ensemble, la production totale n’était que de 15,5 tonnes de coltan et de 16,5 tonnes de cassitérite environ, selon des documents non publiés de Rwanda Rudniki consultés par Global Witness. Pourtant, selon un autre document non publié, l’entreprise a exporté des volumes bien plus importants de minerais étiquetés ITSCI durant cette même période, à savoir près de 120 tonnes de cassitérite et 232 tonnes de coltan en 2012 et 67 tonnes de cassitérite et 157 tonnes de coltan en 2013. Une source avec une connaissance de première main du sujet a expliqué à Global Witness que Rwanda Rudniki n’achetait pas de minerais d’autres mines du Rwanda. Comment Rwanda Rudniki peut-elle s’être procuré des étiquettes ITSCI pour 18 fois plus de minerais que les volumes produits par ses propres mines? En réalité, selon cette même source, la plupart des minerais exportés par Rwanda Rudniki étaient des minerais de contrebande en provenance de RDC.
Une autre entreprise avec laquelle C. Huber entretenait des liens étroits est Tawotin Ltd. Selon deux sources du secteur, C. Huber serait le propriétaire effectif de Tawotin, tandis que Boniface Mbanza, président de Rwanda Rudniki, était indiqué comme directeur général à partir de 2018. À la même date, B. Mbanza était également directeur général et membre du conseil d’administration de Nitora Rwanda Ltd, dont Chris Huber était associé fondateur. Conformément à des données consultées par Global Witness, en 2013Tawotin a exporté 430 tonnes de coltan et 42 tonnes de cassitérite, toutes étiquetées ITSCI. En 2016, la société a exporté 211 tonnes de coltan, 68 tonnes de tungstène et une tonne de cassitérite, toutes étiquetées ITSCI. Rien qu’entre janvier et octobre 2017, elle a exporté 250 tonnes de coltan, 22 tonnes de tungstène et 5 tonnes de cassitérite, là encore toutes étiquetées ITSCI. Toutefois, compte tenu de la production faible de coltan au Rwanda, il semble peu probable que ces volumes de minerais aient pu tous provenir du pays. Une source du secteur a expliqué à Global Witness avoir régulièrement vu des négociants, dont elle a reconnu certains comme étant congolais, arriver avec du coltan sur le site de Tawotin.
La troisième entreprise entretenant des liens étroits avec C. Huber est WMP, dont il est membre du conseil d’administration, selon un document du registre du commerce rwandais datant de 2021. Selon des données consultées par Global Witness, WMP a exporté 84 tonnes de cassitérite et 110 tonnes de tungstène en 2012, ainsi que 154 tonnes de cassitérite et 36 tonnes de tungstène en 2013, 57 tonnes de cassitérite et 40 tonnes de coltan en 2016 et 98 tonnes de tungstène et 27 tonnes de cassitérite entre janvier et octobre 2017, toutes étiquetées ITSCI.
Selon l’estimation de référence de Pact sur la cassitérite, les mines WMP avaient une capacité de 79 kg par jour environ, soit moins de 29 tonnes par an dans les meilleures conditions.
Corroborant le soupçon de blanchiment semé par ces données, une source du secteur a révélé à Global Witness que des personnes ayant des connaissances de première main lui avaient dit que WMP achetait des minerais de contrebande.
Cette même source a expliqué à Global Witness sur la base de ses propres connaissances de première main que, pour justifier sa soi-disant production élevée de minerais rwandais, Chris Huber gérait un certain nombre de «mines factices», à savoir des mines inactives ou peu actives auxquelles étaient attribués les minerais de contrebande dans les registres d’ITSCI.
Un jour, C. Huber a dépêché la source aux côtés d’un employé de Tawotin sur au moins quatre mines factices où l’employé de Tawotin a recueilli des «preuves» d’exploitation minières pour ITSCI. Une supercherie y était organisée tous les deux mois: des personnes du voisinage étaient alors réunies et habillées en mineurs avec des casques pour donner l’impression que les mines étaient actives. Une fois quelques photos prises, celles-ci étaient renvoyées chez elles. La source, un ingénieur des mines de formation, a noté que les soi-disant mines auxquelles il s’est rendu étaient une carrière de gravier, une carrière de pegmatite vide, un affleuremement de granit utilisé pour la production de briques et un site alluvial en pleine forêt. Selon la source, aucune des mines visitées ne produisait de minerais «3T».
4. DES MINERAIS D’ORIGINE DOUTEUSE ENTRENT DANS LES CHAINES D’APPROVISIONNEMENT INTERNATIONALES
Comme l’a montré ce rapport, il existe des preuves convaincantes que d’importants volumes de minerais introduits frauduleusement, faisant l’objet de trafics et contribuant potentiellement à des conflits armés et à des atteintes aux droits humains intègrent la chaîne d’approvisionnement d’ITSCI en RDC et au Rwanda, après avoir été blanchis. Ces minerais poursuivent ensuite leur route vers les marchés internationaux.
4.1 Des minerais de conflit en provenance de RDC et faisant l’objet de trafics intègrent les chaînes d’approvisionnement internationales
En 2020 et 2021, les entreprises d’export Établissements Rica (Éts Rica), CDMC, SOGECOM et Congo Jia Xin (CJX) ont toutes acheté des minerais étiquetés à Lubuhu, selon la base de données du ministère des Mines consultée par Global Witness. Une grande partie des minerais étiquetés à Lubuhu provenait de la mine de Lukoma, qui est occupée par des milices.
En 2020, SOGECOM et les Éts Rica ont également acheté des minerais de Nzibira, théâtre de l’étiquetage de minerais de conflit provenant de la mine de Lukoma et de mines autour de Luyuyu, ainsi que des minerais de la mine de Chigubi, où des enfants ont été vus au travail.
En 2020 et au premier trimestre 2021, CDMC a transmis ses minerais du Sud-Kivu à Star Dragon Corporation Ltd, une entreprise dont le siège social est situé à Hong Kong, SOGECOM à Halcyon Inc., à Dubaï, et CJX à Noviva DWC LLC, également à Dubaï. Les Éts Rica ont expédié leurs minerais du Sud-Kivu à Thaisarco, en Thaïlande, entre janvier et juillet 2020 et à Malaysia Smelting Corporation (MSC), en Malaisie, entre juillet 2020 et mars 2021, selon des données des pouvoirs publics de RDC. MSC et Thaisarco comptent parmi les plus grandes fonderies de minerais «3T» de la région africaine des Grands Lacs et bon nombre de marques internationales indiquent que ces deux fonderies font partie de leur chaîne d’approvisionnement en 3T. Tesla, Motorola, Apple et Intel, par exemple, ont cité MSC et Thaisarco parmi leurs fournisseurs en 2020.
Depuis 2018 et 2019 respectivement, CDMC et SOGECOM ont acheté de grandes quantités de minerais provenant de la concession de SMB à Rubaya et transportées illégalement à la concession de SAKIMA. En 2019 et 2020, la concession de SMB a été le théâtre d’incidents mortels et d’autres atteintes aux droits humains. Tout comme dans le cas des minerais de Lubuhu, CDMC a à nouveau exporté ses minerais à Star Dragon Corporation Ltd en 2018-2020. Selon des statistiques des pouvoirs publics, SOGECOM a exporté son coltan à Halcyon Inc. en 2019 et 2020, hormis une petite quantité destinée à Giangzhou, dont le siège est également situé à Dubaï. En 2020, le Groupe d’experts de l’ONU a indiqué que SMB exportait des minerais ayant des liens avec les actes de violence perpétrés dans sa concession à Jiujiang Jinxin Non-ferrous Metals Co Ltd, Cheng Du Metallic Materials Co Ltd et Kalon Resources Limited.
Selon le Groupe d’experts de l’ONU, des minerais extraits dans les mines de Biholo et de Kamatale, dans le territoire de Masisi, dans le Nord-Kivu, où l’exploitation minière a profité à des groupes armés en 2019, ont régulièrement été vendus à SAKIMA, pour être revendus à CDMC. Une fois de plus, en 2019, les minerais de CDMC du Nord-Kivu ont été transmis à Star Dragon Corporation à Hong Kong, qui a des liens avec John Crawley et Chris Huber.
Les entreprises sont tenues d’évaluer et de réduire les risques dans leurs chaînes d’approvisionnement, comme le prévoit le Guide OCDE sur le devoir de diligence. Ce cadre considère les fonderies, notamment, comme un point de contrôle de la chaîne d’approvisionnement des minerais et métaux, ayant une bonne vue d’ensemble et une influence sur la chaîne d’approvisionnement en amont et pouvant facilement peser sur leurs fournisseurs. Si ces entreprises identifient des risques, elles doivent mettre en place des mesures de réduction de ces risques, voire suspendre leurs relations avec leurs fournisseurs, s’il existe tout risque que des matériaux contribuant à des conflits armés ou à des atteintes graves aux droits humains intègrent leur chaîne d’approvisionnement.
Le Guide OCDE sur le devoir de diligence recommande aux fonderies et entreprises intervenant en amont d’effectuer, dans le cadre de leur travail de diligence raisonnable, des évaluations sur le terrain et de consulter diverses sources d’information (contacts locaux, publications de l’ONU, médias, ONG et analyses de marché, entre autres).
Compte tenu des failles du système de diligence raisonnable d’ITSCI, ces précautions sont d’autant plus importantes pour les entreprises achetant des minerais «3T» auprès de sources adhérant au programme ITSCI.
Cependant, une analyse de l’OCDE de 2018 a révélé que bon nombre de fonderies se fiaient uniquement à ITSCI et ne remettaient pas en question ses évaluations. Bon nombre d’entreprises en aval font confiance au Processus d’Assurance de Minerais Responsables (RMAP) de l’Initiative pour des Minerais Responsables (RMI) pour les fonderies et les affineries qui, lui aussi, se repose largement sur ITSCI. En fait, RMI accepte ITSCI comme mécanisme d’assurance en amont, pour permettre aux fonderies et aux affineries de prouver qu’elles respectent bien la norme RMI, lorsqu’elles s’approvisionnent dans des zones de conflit ou à haut risque.
Cette dépendance vis-à-vis des mécanismes d’assurance en amont est extrêmement problématique, compte tenu du fait qu’ITSCI n’est pas en mesure d’offrir un service de traçabilité et de diligence raisonnable fiable, comme il a été démontré dans le présent rapport.
4.2 Des minerais congolais introduits frauduleusement au Rwanda intègrent les chaînes d’approvisionnement internationales
Au Rwanda, entre 2011 et 2017, les trois entreprises liées à Chris Huber: Rwanda Rudniki, Tawotin et Wolfram Mining and Processing (WMP), auraient toutes trois exporté des minerais vraisemblablement de contrebande à la Malaysia Smelting Corporation (MSC) et East Rise, la société de J. Crawley, dont le siège est à Hong Kong.
Dans le cas de Rwanda Rudniki et de WMP, Wolfram Bergbau und Hütten (WBH), dont le siège est en Autriche, est également mentionné comme acheteur.
Lorsqu’elle opérait au Rwanda, la Minerals Supply Africa (MSA) envoyait presque tous les minerais qu’elle exportait à sa société mère, Cronimet Central Africa AG, ce qui lui permettait de dissimuler le véritable acheteur des minerais, puisque les documents d’exportation rwandais ne précisent que l’acheteur direct. Cependant, un document des pouvoirs publics rwandais consulté par Global Witness mentionne la Malaisie comme «itinéraire» en 2011 et 2012, ce qui suggère que la Malaysia Smelting Corporation ( MSC) pourrait s’être fait livrer de grandes quantités de ces minerais. Le document mentionne également l’usine métallurgique d’Ulba, au Kazakhstan, comme acheteur de plusieurs cargaisons en 2012. Deux sources du secteur ont confié à Global Witness que MSC s’était procuré des minerais auprès de MSA entre environ 2010 et le début de l’année 2015 au moins, tout comme les entreprises chinoises Ningxia Orient Tantalum Industry Co, Ltd (OTIC) et Yunnan Tin Company, selon ces mêmes sources.
Bon nombre de marques internationales ont indiqué avoir comme fournisseurs MSC, WBH, OTIC et Yunnan Tin Company pendant la période de 2013 à 2017. Hewlett-Packard, par exemple, a indiqué s’être fournie auprès de MSC entre 2013 et 2017, et Nokia et Blackberry ont indiqué WBH comme fonderie dans leur chaîne d’approvisionnement en 2013, ce qui signifie que ces quatre marques sont susceptibles de s’être procuré des produits contenant des minerais «3T» provenant de l’une des entreprises liées à C. Huber.
Malgré les nombreux éléments de preuve publiés montrant que des volumes importants de minerais congolais ont été introduits frauduleusement au Rwanda pendant des années, bon nombre de rapports de diligence raisonnable d’entreprises consultés par Global Witness montrent que celles-ci ont omis d’identifier, de réduire et de signaler ce risque comme prévu par les exigences de l’OCDE.
Deux sources du secteur minier ont indiqué à Global Witness avoir constamment prévenu des délégations d’entreprises internationales, y compris d’Apple et d’Intel, dès 2013 qu’elles estimaient qu’environ 90 % des minerais exportés du Rwanda étaient issus de la contrebande et qu’elles leur en avaient apporté des preuves. Parmi les autres entreprises qu’elles avaient prévenu du risque important de se voir livrer des minerais de contrebande en provenance de RDC en s’approvisionnant auprès du Rwanda figuraient les entreprises d’électronique Motorola et Samsung et les fabricants de composants électroniques KYOCERA AVX Component Corporation (KAVX, anciennement AVX Corporation) et Kemet. Ces mêmes sources ont également confié à Global Witness avoir rencontré MSC, Ningxia Orient Tantalum Industry Co Ltd et Yunnan Tin Company et leur avoir dit qu’il était avéré qu’elles achetaient des minerais de contrebande.
En 2013, Apple a affirmé par écrit qu’elle effectuait une cartographie de sa chaîne d’approvisionnement pour déceler tous minerais de conflits et que ses «fournisseurs [faisaient] appel à des sources de tantale ne contribuant pas aux conflits». La même année, Intel a indiqué par écrit qu’elle n’avait pas pour objectif de cesser d’acheter des minerais provenant de zones de conflit, mais plutôt qu’elle essayait d’acheter ses minerais auprès de sources ne finançant ni directement ni indirectement des groupes armés ou profitant à ces derniers. Et pourtant, Apple et Intel, deux entreprises largement perçues comme des leaders de l’approvisionnement responsable, ont continué à se procurer des minerais «3T» du Rwanda et n’ont pas signalé dans leur rapport annuel aucun risque d’acheter des minerais de contrebande en provenance de RDC.
CONCLUSION
Global Witness a montré comment le programme ITSCI, qui joue un rôle central dans la certification des minerais de la région, semble avoir manqué de manière éclatante l’objectif qu’il s’était fixé, à savoir d’assurer la traçabilité des minerais de source responsable. Comme le montrent les éléments recueillis, d’importants volumes de minerais en provenance de mines non validées en RDC, y compris de mines contribuant aux conflits armés, aux atteintes aux droits humains et au travail des enfants, intègrent la chaîne d’approvisionnement du programme. De plus, nombreux sont les minerais entrant dans le programme qui ont vraisemblablement fait l’objet de trafics ou sont issus de la contrebande.
Les contrôles d’ITSCI ne semblent pas empêcher ce phénomène et dans certains cas, l’initiative nie même l’existence de minerais d’origine frauduleuse dans le système, alors même que ceci est bien documenté depuis des années.
Il existe un conflit d’intérêts patent au sein des associations professionnelles de l’étain et du tantale, qui représentent certains des plus puissants négociants de ces métaux et qui, au même temps, gèrent un programme censé empêcher la vente sur les marchés internationaux des minerais issus de la contrebande ou produits de manière peu éthique ou illégale. Dans un contexte où ce sont les exportateurs de la région des Grands Lacs qui payent le gros des coûts du programme ITSCI, la structure financière d’ITSCI crée des incitations aux effets pervers qui ne font que saper sa fonction de contrôle. Parce qu’ITSCI prétend offrir un service de traçabilité, ses membres peuvent continuer à acheter des minerais «3T» d’origine douteuse provenant de la première région mondiale de coltan qu’ils ne pourraient pas revendre sans ce système.
Il apparaît que, dès le début, cette vaste initiative internationale qui avait pour but d’améliorer la gouvernance du secteur minier dans la région des Grands Lacs et de mettre en place des chaînes d’approvisionnement en minerais responsables en provenance de la région, avec l’implication de l’ONU, de l’OCDE et de la CIRGL, entre autres, a été sapée. Des sources du secteur suggèrent que ce système a été établi alors qu’il était clair qu’il finirait par approuver à la va-vite des minerais d’origine douteuse, abusant ainsi de la confiance que confiait la communauté internationale à la coalition réunie autour d’ITA, et ce, alors même que bon nombre de ses membres ont fait preuve de pratiques souvent irresponsables par le passé.
L’échec spectaculaire des services de traçabilité et de diligence raisonnable d’ITSCI mis en évidence par le présent rapport montre clairement que la démarche de l’autocontrôle est vouée à l’échec dans la gouvernance des chaînes d’approvisionnement. Lorsque l’on demande au loup de surveiller la bergerie, il ne faut pas s’étonner des conséquences. Plutôt que de miser sur l’autoréglementation, il faut demander des comptes à la filière sur la base de règles strictes de diligence raisonnable et imposer des sanctions en cas d’infractions.
Cependant, cet échec n’est pas que celui d’ITSCI. Les minerais d’origine douteuse présents dans ses chaînes d’approvisionnement ont été achetés par de grandes fonderies et sont présents dans des produits de marques très connues. Malgré les signaux qui auraient dû les alerter, les soi-disant «leaders» de l’approvisionnement responsable ont omis de réagir. Résultat: les consommateurs restent dans le noir ou n’ont pas d’autre choix que celui de continuer à acheter des produits, dont la production a pourtant un impact désastreux pour les populations et la planète.
Le fait qu’ITSCI a échoué à gérer un système de traçabilité efficace ne signifie en rien que le principe même de traçabilité des minerais de conflits est voué à l’échec. La gestion par un acteur indépendant livrerait sans doute de meilleurs résultats, mais l’expérience des dix années passées montre bien que certains problèmes sont inhérents à cette démarche. Un tel système ne peut fonctionner qu’avec le soutien des pouvoirs publics et des autres parties prenantes tout au long des chaînes d’approvisionnement en minerais en RDC, au Rwanda et dans les pays producteurs et utilisateurs.
En outre, la gouvernance des chaînes d’approvisionnement requiert sans doute une formalisation des mines artisanales et une promotion d’un développement économique pérenne des communautés minières et des populations des pays producteurs de manière plus générale. Les coûts du système doivent également être répartis de manière équitable, plutôt que d’être supportés essentiellement par les plus pauvres. Il convient également de se demander ce qui doit advenir des matériaux exclus de la chaîne d’approvisionnement de minerais produits de manière responsable, une question malheureusement souvent ignorée par le système actuel.
RECOMMANDATIONS
International Tin Association and TantalumNiobium International Study Center:
> Réformer la structure de gouvernance du système ITSCI, pour éviter les conflits d’intérêts entre ses membres et les fonctions de traçabilité et de diligence raisonnable du système;
> Publier les données de production détaillées par mine pour les minerais étiquetés par ITSCI ainsi que d’autres informations qu’ITSCI a promis de rendre publiques;
> Coopérer avec les enquêtes indépendantes au sujet des failles structurelles et systémiques du programme ITSCI.
Pouvoirs publics de la République Démocratique du Congo:
> Procéder à une évaluation approfondie et indépendante de la mise en œuvre du programme ITSCI et, en fonction de ses conclusions, envisager de révoquer le permis d’opérer du programme et étudier les possibilités de remplacer ITSCI par un programme géré par une institution indépendante;
> Sanctionner les personnels introduisant frauduleusement des minerais dans les programmes de traçabilité;
> Améliorer les liens entre les processus de diligence raisonnable et de traçabilité d’une part et la formalisation des mines artisanales et le développement économique local pérenne d’autre part, pour inciter les parties prenantes intervenant en amont à soutenir les chaînes d’approvisionnement responsables;
> Encourager le désarmement, la démobilisation et la réintégration des membres de groupes armés non étatiques;
> Sanctionner les membres de l’armée, notamment les officiers les plus hauts placés, qui profitent illicitement des minerais;
> Veiller à l’application de la règlementation relative aux rapports de diligence raisonnable des entreprises.
Pouvoir publics du Rwanda:
> Veiller à l’application des mesures pour intercepter les minerais de contrebande entrant sur le territoire national et les renvoyer dans leur pays d’origine;
> Démanteler les réseaux de contrebande;
> Publier les données clés pour chaque mine, y compris les données de production, le nombre d’exploitants, le lieu et le titulaire du titre minier;
> Œuvrer pour une généralisation des technologies analytiques par empreinte digitale («analytical fingerprint») permettant de déterminer la provenance des minerais «3T».
Exportateurs de minerais 3T en République Démocratique du Congo et au Rwanda:
> Exercer leur devoir de diligence raisonnable prévu par le Guide OCDE sur le devoir de diligence, y compris en identifiant et en réduisant les risques et en signalant de manière détaillée, tel que prévu par la loi, les risques encourus et les mesures prises pour réduire ces risques dans un rapport annuel;
> Utiliser les diverses sources d’informations secondaires disponibles et les compléter avec des informations dérivées de leurs propres contrôles sur le terrain dans leurs chaînes d’approvisionnement.
Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs:
> Évaluer de manière critique la mise en œuvre du Mécanisme régional de certification et réagir à tout abus.
Responsible Minerals Initiative:
> Réduire le recours à ITSCI et à d’autres mécanismes d’assurance en amont en demandant aux fonderies de mener leurs propres mesures de diligence raisonnable, dépassant la simple consultation des données de mécanismes d’assurance en amont;
> Affirmer clairement et publiquement, et ce, très visiblement sur leur site Web, la responsabilité des entreprises en matière de diligence raisonnable et les limites des programmes sectoriels;
> Rendre publics les documents détaillant les directives d’audit.
Pouvoirs publics des États-Unis:
> Veiller à l’application de la section 1502 de la loi Dodd–Frank au regard des entreprises se fournissant en minerais de la région africaine des Grands Lacs;
> Réexaminer de manière approfondie les rapports sur les minerais de conflit soumis par les entreprises et sanctionner les entreprises soumettant des rapports faux, incomplets ou trompeurs.
Commission européenne:
> Contrôler minutieusement les entreprises ayant fait l’objet d’audits et les entreprises membres de programmes sectoriels et les placer face à leurs responsabilités, pour veiller à ce qu’elles respectent toutes les exigences prévues par le Règlement sur les minerais et ne se limitent pas à leur seule adhésion à un programme ou à un audit pour prouver leur respect des obligations pertinentes;
> Réexaminer la mise en œuvre du Règlement sur les minerais, combler ses lacunes et assurer son application en imposant des sanctions.
États membres de l’UE:
> Passer proactivement au crible les importateurs de 3T sans les dispenser de tout contrôle sous prétexte qu’ils sont membres d’un programme ou s’approvisionnent auprès de fonderies ou d’affineries figurant sur une liste blanche;
> Révéler le nom des importateurs.
Union Européenne:
> Veiller à ce que la Directive sur le devoir de diligence des entreprises en matière de durabilité devienne un mécanisme efficace pour obliger les entreprises à rendre des comptes sur leur approvisionnement en minerais, et assurer que celle-ci ne soit pas compromise par le recours à des systèmes de vérification inefficaces menés par des tiers, par des exigences de transparence et de publication trop faibles, ainsi que par l’absence d’un engagement réel des parties prenantes.
Pays sans règlementation sur la diligence raisonnable en lien avec les minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque:
> Mettre en place une règlementation imposant des mesures de diligence raisonnable pour une chaîne d’approvisionnement responsable, conformément aux exigences du Guide OCDE sur le devoir de diligence et sanctionner les entreprises s’y dérobant.
Organisation de coopération et de développement économique:
> Réévaluer ITSCI et d’autres programmes sectoriels, en procédant à une évaluation sur le terrain pour vérifier que la mise en œuvre du programme répond bien aux exigences de l’OCDE.
Entreprises intervenant en aval:
> Exiger des rapports de qualité de la part des fournisseurs, étudier les risques identifiés, effectuer leur suivi et les signaler dans leurs rapports de diligence raisonnable annuels;
> Exercer leur devoir de diligence raisonnable et éviter autant que possible de se reposer uniquement sur les garanties des programmes sectoriels.
[1] [1] https://www.globalwitness.org/fr/itsci-laundromat-fr/