MOUVEMENT DU 23 MARS (M23): DE MOINS EN MOINS EN UNIFORME MILITAIRE ET DE PLUS EN PLUS EN TENUE CIVILE
SOMMAIRE
1. LE MOUVEMENT DU 23 MARS (M23)
a. Le simulacre du retrait du M23 de plusieurs localités occupées
b. Négociations M23 – Gouvernement: le premier y est favorable, le deuxième y est contraire
2. LA FORCE MILITAIRE RÉGIONALE DE L’EAC AU NORD KIVU
a. Le déploiement du contingent ougandais
b. Une sorte de cohabitation entre la force militaire régionale de l’EAC et le M23
c. Les démissions du Commandant de la force militaire régionale de l’EAC
3. LA LOI INSTITUANT LA RÉSERVE ARMÉE DE LA DÉFENSE
4. UNE NOUVELLE « PROVOCATION » DU PRÉSIDENT RWANDAIS PAUL KAGAME
1. LE MOUVEMENT DU 23 MARS (M23)
a. Le simulacre du retrait du M23 de plusieurs localités occupées
Le Mouvement du 23 mars (M23) s’est retiré de plusieurs localités et cités qui étaient jadis sous son occupation. Il s’agit entre autres de Bunagana, Rutshuru-centre, Kiwanja, Rumangabo, Kishishe, Bambo, Kibirizi, Tchengerero, Kinyandonyi et Tongo, dans le territoire de Rutshuru. Le M23 a également quitté d’autres agglomérations comme Kibumba et Buhumba dans le territoire de Nyragongo; Karuba, Mushaki, Kirolirwe, Kitchanga, Mweso, dans le territoire de Masisi, etc.
Cependant, toutes ces entités officiellement cédées à la force militaire régionale de l’EAC restent interdites d’accès à l’armée congolaise, suite aux conditions imposées par le même M23. En outre, certaines sources déplorent le maintien de plusieurs positions du M23 sur les axes Kibumba-Rumangabo, où se sont déjà déployés les contingents kenyans et sud-soudanais. La situation est identique sur l’axe Bunagana-Rutshuru-Kiwanja, où se déploient progressivement, les troupes ougandaises de l’EAC.[1]
Le 15 avril, des délégués du mécanisme de vérification et de la force militaire régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) ont constaté que des combattants du M23 sont encore présents à Bunagana et à Tchengerero. L’EAC parle d’un retrait partiel. De nombreuses sources locales le disaient déjà et de nouvelles confirmations l’étayent. Pour rappel, il était attendu que le M23 devait se retirer des zones conquises endéans le 30 mars, selon le calendrier actualisé de retrait annoncé par la facilitation angolaise.[2]
Le 18 avril, une équipe de journalistes s’est rendue dans plusieurs localités des groupement de Nyiragongo et de Rutshuru, pour vérifier l’effectivité ou non du retrait du M23 des zones occupées. Contrairement aux annonces officielles, les combattants du M23 ne se sont pas vraiment retirés de certaines agglomérations conquises. C’est le cas notamment du territoire de Nyiragongo, proche de Goma, où le M23 avait annoncé, en décembre dernier, son retrait de Kibumba. Presque quatre mois après, le M23 est toujours présent à Kibumba et à Buhumba, deux groupements de plusieurs villages, à la frontière entre la RDC et le Rwanda. «Les rebelles se déguisent en civils pour tromper la vigilance de la population et des autorités», ont témoigné sous anonymat certains habitants de Kibumba. Des soldats du M23 en tenue civile ont été vus aussi à Kilolirwe, à Rumangabo et à Bunagana, dans le territoire de Rutshuru.
Au centre de Kibumba, l’ambiance n’est pas comme d’habitude. Quelques personnes seulement sont visibles et la plupart d’entre elles exercent le petit commerce le long de la RN2.
«La vie coûte cher ici. Un petit bol de haricot qui coûtait entre 1 000 et 2 000 FC se négocie actuellement à 5 000 FC, voire plus. Le haricot vient de Mulimbi dans le Bwito. D’autres quantités viennent du Rwanda. Plusieurs produits vendus ici proviennent du Rwanda car, ici, tout le monde avait fui et donc on ne pouvait plus aller cultiver les champs. Au moins 90% de tous ces petits commerçants viennent du Rwanda. Les gens d’ici sont seulement le 10%. Moi, par exemple, chaque soir, je suis obligée de rentrer à Kanyaruchinya, parce que la sécurité n’est pas encore garantie», dit une vendeuse qui ne souhaite pas être aperçue en train de parler avec des journalistes par peur des représailles car ici les rebelles sont toujours présents. Presque partout dans le territoire de Nyiragongo, on a vu plusieurs habitations fermées, des boutiques, des écoles et des structures sanitaires vandalisées et saccagées.
Le constat est tout autre à Rugari et même à Kisigari (en territoire de Rutshuru), où le M23 avait occupé la base militaire stratégique de Rumangabo. La région est contrôlée par les contingents Kényan et Sud-soudanais. Ici, nombre de déplacés sont rentrés chez eux et les activités socio-économiques ont progressivement repris, inclus le marché de Kabaya. «Le M23 est parti, mais on ne sait pas où il s’est retiré», chuchotent certains habitants.
Le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) a recensé près de 50 000 déplacés qui sont retournés dans leurs milieux dans le territoire de Rutshuru, après avoir fui les combats entre les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et le M23. Ces anciens déplacés proviennent des sites de Kanyaruchinya et de Don Borco Ngangi près de Goma. Ces mouvements de retour constatés depuis plus d’un mois, soit entre le 13 mars et le 1er avril, font suite à une accalmie précaire sur le terrain. «Nous sommes rentrés quand nous avons appris que le M23 s’est retiré de chez nous. Au moins 80% de la population de Rumangabo est déjà de retour. Mais, pour dire vrai, certains étaient déjà retournés quand le M23 occupait encore la zone, parce qu’ils se disaient, mieux vaut aller mourir dans nos champs que de continuer à souffrir dans les camps des déplacés», a confié un habitant de Rumangabo.[3]
Le 20 avril, dans un communiqué, la société civile du Nord-Kivu a dénoncé la perception des taxes routières par le M23 dans certaines localités qu’ils occupe avec l’appui de l’armée rwandaise. Selon le communiqué, «les forces terroristes du M23-RDF continuent non seulement à occuper les zones qu’elles devaient quitter au profit des forces de l’EAC, mais aussi à tracasser la paisible population, au vu et su de la force de l’EAC, en érigeant des barrières sur les axes routiers. Ils font payer des taxes dont les montants varient entre 300 et 600 dollars américains, pour le passage d’un camion en aller comme au retour, et les motos payent 10.000FC».[4]
Le 22 avril, lors d’une conférence de presse tenue à Goma, le gouverneur de province du Nord-Kivu, le général Constant Ndima, non seulement a qualifié de “simulacre” le semblant de retrait du M23 de certaines zones occupées, mais il a aussi dénoncé la reprise, par le M23, de certaines positions antérieurement abandonnées dans quelques localités des territoires de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo et cela, malgré le déploiement des troupes de l’EAC. Le jour précédent, en conseil des ministres, le ministre de la Défense, Jean Pierre Bemba, avait indiqué que le M23 continue de renforcer ses positions dans les territoires de Rutshuru, Nyiragongo et Masisi, notamment le long de la RN2, en recevant des renforts en provenance de Runyonyi, Chanzu et Sabinyo.[5]
Dans les territoires de Rutshuru, Nyiragongo et Masisi (Nord-Kivu), l’administration civile installée par le M23 pendant la période d’occupation continue de fonctionner, même dans les zones où le M23 est supposé s’être retiré. C’est l’un des éléments qui confirme que le M23 ne s’est pas vraiment retiré des zones auparavant conquises. A Kibumba (territoire de Nyiragongo), Katambara Kariwabo chef de groupement nommé par le M23 continue d’exercer ses fonctions même après le départ présumé de cette rébellion. Le constat est pareil à Rumangabo (territoire de Rutshuru) où Nzamuye Musanganya Salomon, assume pleinement les fonctions de chef ad intérim de l’agglomération de Kabaya. À Bunagana, une ville située sur la frontière avec l’Ouganda et à environ 100 Km de Goma dans le territoire de Rutshuru, la douane est gérée par des agents de service nommés par le M23, qui y a installé une administration parallèle.[6]
b. Négociations M23 – Gouvernement: le premier y est favorable, le deuxième y est contraire
Le 10 avril, dans un communiqué, le porte-parole politique du M23, Laurence Kanyuka, a déclaré que le M23 s’est progressivement retiré de plusieurs localités suite aux recommandations des dirigeants régionaux et partenaires internationaux qui ont notamment appelé à la cessation des hostilités et au retrait du M23 dans ses positions d’avant juin 2022. Toutefois, il a rappelé que le retrait du M23 n’est pas une fin en soi, mais une étape importante pour créer les conditions favorables à la tenue d’un dialogue politique avec le gouvernement congolais.
Mais, jusqu’ici, Kinshasa exclut toujours toute négociation avec le M23. Cette position a de nouveau été réitérée le 9 avril par Serge Tshibangu, mandataire spécial du chef de l’Etat à l’EAC: «Nous ne sommes pas en train de négocier avec le M23, car tout a été bien défini par le communiqué de Luanda du 23 novembre 2022. Ce communiqué stipulait le cessez-le-feu immédiat et sans conditions du M23, son retrait des localités occupées vers ses positions initiales du mont Sabinyo, en vue de son adhésion au Programme de Désarmement, Démobilisation et Réintégration sociale».[7]
Le 13 avril, le Président Félix Tshisekedi a réaffirmé son refus d’un dialogue politique avec le M23: «Il n’est pas question d’un dialogue politique avec le M23. Tout simplement parce que c’est par ce genre de dialogue qu’il profite de la situation pour infiltrer dans les Institutions de l’État, y compris dans l’armée, certains de ses éléments qui, plus tard, vont créer des revendications fallacieuses et justifier son agression de la RDC». Félix Tshisekedi s’est aussi exprimé au sujet de l’avenir du M23: «Le M23 sera pré-cantonné à Kitshanga, où se trouve une base de la Monusco et une piste d’aviation. Après leur désarmement, les combattants du M23 seront déplacés vers un site que nous sommes en train d’aménager près de Kindu, au Maniéma, où ils iront en cantonnement. La condition pour aller à Kindu, c’est qu’ils soient d’abord identifiés et désarmés Dès là, nous les préparerons à s’introduire dans le processus de DDR communautaire».
Suite à ces propos, le porte-parole politique et chef du département de la communication et des médias du M23, Lawrence Kanyuka, a déclaré: «Tant qu’il n’y aura pas de dialogue politique direct entre le M23 et le Gouvernement de Kinshasa, il n’y aura pas non plus de cantonnement, désarmement et démobilisation».[8]
Le 18 avril, le coordonnateur national du P-DDRCS (Programme désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation), Tomy Tambwe, a indiqué que deux sites seront érigés pour le pré-cantonnement des combattants du M23: un à Kitshanga pour ceux qui sont dans le territoire de Masisi et un autre près de Jomba pour ce qui concerne le territoire de Rutshuru. «Pour leur cantonnement, ils seront transférés à Kindu», a ajouté M. Tambwe, en précisant que «la réinsertion ne se fera pas à Kindu, mais dans leurs milieux d’origine. S’il est de Masisi c’est vers Masisi, s’il est Rutshuru il sera vers Rutshuru, mais cela ne concerne que les Congolais. Les rwandais et les ougandais seront rapatriés et ça sera fait dans la phase du pré-cantonnement». Mais on en est pas encore là, le M23 n’ayant pas respecté les échéances fixées par l’EAC dans son calendrier planifiant son retrait des agglomérations occupées.[9]
2. LA FORCE MILITAIRE RÉGIONALE DE L’EAC AU NORD KIVU
a. Le déploiement du contingent ougandais
Selon le gouvernement congolais, dans le cadre du déploiement de la force militaire régionale de l’EAC, les troupes ougandaises sont censées récupérer et contrôler dans le territoire de Rutshuru les agglomérations suivantes: Tchengerero, Bunagana, Rwanguba, Matebe, Rutshuru-centre, Kiwandja. Les burundais sont en charge du territoire de Masisi (Mushaki, Karuba,Kirolirwe, Kitchanga et Mweso), les kenyans sont censés se déployés dans le territoire de Nyiragongo (Kibati, Kibumba, Rumangabo, Rugari, etc.). Les Sud-Soudanais, eux, sont chargés de Katale et de Rumangabo.[10]
Le 3 avril, un premier contingent ougandais de la Force militaire régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) s’est finalement installé au centre de Bunagana. Des sources locales affirment cependant que le retrait annoncé des combattants du Mouvement du 23 mars (M23) de cette cité frontalière avec l’Ouganda ne s’est pas totalement achevé. Selon plusieurs sources, la situation de Bunagana reste très confuse. Les militaires ougandais de l’EAC cohabitent, contre toute attente, avec les membres du M23. Plusieurs sources déplorent que la gestion des mouvements migratoires à la douane de Bunagana continue à se faire jusqu’à présent par le M23. L’administration civile installée par le M23 serait toujours en place et des combattants du M23 occuperaient encore les maisons de certains habitants en fuite, après en avoir cassé les portes.
Depuis novembre, la force de l’EAC s’est déployée à Kibati, Kibumba, Rugari, Rumangabo, puis Mushaki, Sake, Kilolirwe et Kitshanga.[11]
Le 8 avril, un deuxième contingent de l’armée ougandaise est arrivé à Rutshuru-centre, chef-lieu du territoire de Rutshuru, à 70 Km de Goma. Toutefois, selon des habitants sur place, en ville et dans les environs il y a encore une présence remarquée de combattants du M23.
Le 10 avril, les autorités militaires ougandaises ont annoncé leur déploiement à Kiwanja dans le même territoire de Rutshuru, après le retrait du M23 de la cité.[12]
Le 1er mai, les militaires ougandais sont arrivés à Mabenga, située à plus de 90 kilomètres au Nord de Goma, dans le territoire de Rutshuru. Le contingent ougandais est ainsi présent à Bunagana, Chengerero, Rutshuru et Kiwanja. Selon l’EAC, il a pour mission de renforcer la protection des civils et d’ouvrir la route Bunagana-Rutshuru-Rumangabo-Goma. Kinshasa pour sa part attend plus, c’est-à-dire l’application du mandat offensif en cas de non retrait du M23, comme convenu dans les différents accords. De son côté, l’EAC se dit satisfaite du déroulement de la mission et note que «le déploiement de ses troupes dans l’est de la RDC a permis le respect du cessez-le-feu».[13]
b. Une sorte de cohabitation entre la force militaire régionale de l’EAC et le M23
Le 15 avril, malgré le constat de non retrait du M23 de Bunagana et de Tchengerero, les officiers de l’armée ougandaise présents depuis le 31 mars dernier dans cet espace dans le cadre de la force militaire régionale, ont estimé qu’on ne devrait pas recourir à l’usage de la force contre le M23, étant donné que, selon eux, le mandat des troupes ougandaises n’est pas offensif: «Notre mission initiale est d’occuper certaines des positions que le M23 a cédées à l’East African Force en tant que force neutre, au lieu de l’armée congolaise que le M23 considère comme un ennemi dans sa politique interne. Nous nous rendons donc dans la région de Bunagana-Rutshuru, non pas pour combattre le M23, mais pour agir en tant que force neutre pendant que les Congolais mettent à profit cette période pour régler leurs problèmes politiques».[14]
Le 20 avril, dans un communiqué, le président de la société civile du Nord-Kivu, John Banyene, a constaté le déploiement de troupes de la force militaire régionale de l’EAC dans des localités où le M23 ne s’est pas complètement retiré et a donc dénoncé une sorte de cohabitation ou de cogestion entre la force militaire régionale de l’EAC et les terroristes du M23-RDF. Face à cette situation, la société civile forces vives du Nord-Kivu a invité le Président de la République et le Premier ministre à fixer l’opinion nationale sur le mandat exact de la force de l’EAC déployée à l’Est de la RDC, plus précisément au Nord-Kivu.
Les éléments de la force de l’EAC occupent ce jour, plusieurs positions anciennement contrôlées par le M23/RDF, dans la province du Nord-Kivu. Il s’agit de Kibumba et Buhumba, dans le territoire de Nyiragongo; de Rumangabo, Bunagana et Kiwanja, dans le territoire de Rutshuru; de Kilolirwe, Kitshanga, Mweso et Mushaki, dans le territoire de Masisi.[15]
Le 21 avril, dans une correspondance adressée au gouverneur du Nord Kivu, le Comité Laïc de Coordination (CLC), une structure associative des chrétiens catholiques, s’est opposé à une éventuelle prorogation du mandat des forces de l’EAC déployées dans cette province.
Dans cette lettre, le CLC rappelle que le mandat de la force militaire régionale de l’EAC a expiré depuis le 31 mars dernier. Il s’interroge donc sur quelle pourrait être la base juridique qui pourrait permettre à l’EAC de se maintenir sur le sol congolais au-delà du délai légal.
Le coordonnateur urbain du CLC à Goma, Jackson Kitambala a estimé que le mandat de la force régionale ne peut être prorogé que s’il est offensif: «Aucune prorogation ne doit être acceptée, si ce mandat n’est pas offensif et clair, car des mandats flous parviennent toujours à nous mettre dans une situation de confusion. En outre, le mandat de cette force doit prévoir le déploiement des FARDC dans les zones abandonnées par le M23». Il a aussi rappelé qu’aucune négociation politique, spécifique ou spéciale, avec le M23 ne sera tolérée. Jackson Kitambala a également proposé l’organisation d’une enquête mixte, gouvernement- EAC-Nations Unies et Forces vives de la société civile, pour attester le retrait du M23 des zones autrefois occupées.[16]
Le 24 avril, au cours d’un point de presse, le ministre kényan des Affaires étrangères, Alfred Mutua, a affirmé que les troupes kényanes déployées en RDC dans le cadre de la force régionale de l’EAC, n’ont pas pour mission de combattre le M23 ou un quelconque groupe armé. A l’en croire, leur mission serait plutôt de créer un corridor qui permet d’avoir un sentiment de sécurité entre l’armée congolaise et le M23, pour qu’ils puissent déposer leurs armes et entamer des négociations de paix. Comme on peut le constater, pendant que les autorités congolaises parlent d’un mandat offensif d’imposition de la paix, tous les autres pays membres de l’EAC évoquent une mission de interposition ou de maintien de la paix.[17]
Le 27 avril, réagissant aux propos de son homologue du Kenya, le vice-Premier ministre et ministre congolais des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, a déclaré que «dire que la force régionale de l’EAC ne vient pas combattre les groupes armés, dont le M23, c’est dire totalement le contraire de ce qui a été prévu dans le cadre des processus de paix di Nairobi (Kenya – 21 avril 2022) et de Luanda (Angola – 23 novembre 2022)».[18]
c. Les démissions du Commandant de la force militaire régionale de l’EAC
Le 28 avril, le général Jeff Nyagah, commandant de la force régionale de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (EAC) déployée dans la partie orientale de la RDC, a présenté sa démission. Dans une correspondance adressée au secrétaire général de l’organisation, il estime que sa sécurité n’est plus garantie. Il accuse des membres d’une entreprise militaire et de sécurité privée que Kinshasa présente comme des instructeurs de l’avoir intimidé, en plaçant des dispositifs de surveillance à l’aide notamment des drones autour de sa résidence en janvier dernier. Il se dit également victime d’une vaste campagne de diabolisation sur sa gestion du cas M23. Ses accusations vont plus loin. Il affirme que le gouvernement congolais n’assure pas les coûts administratifs des bureaux du quartier général de la force régionale, des logements des officiers d’état-major, et mêle l’électricité ainsi que les salaires du personnel civil.
En réalité. selon une source gouvernementale, le départ du Général Jeff Nyagah était demandé par Kinshasa. Il est accusé par les autorités congolaises de n’être pas ferme sur sa position vis-à-vis du M23 et sur le mandat de la force régionale. Le président Kenyan William Ruto l’a rapidement remplacé par le Général-Major Alphaxard Muthuri Kiugu.[19]
Le 29 avril, le porte-parole des Forces armées de la République démocratique du Congo, le général Sylvain Ekenge, a déclaré que ce que l’on reproche au général Jeef Nagah c’est une sorte de «cohabitation pacifique» avec le M23. Selon lui, Jeef Nagah n’a pas réussi ni à empêcher les multiples renforts de l’armée rwandaise au M23, ni à mettre en œuvre les processus de paix de Nairobi (Kenya( et de Luanda (Angola). Le général Sylvain Ekenge a aussi exclu que la sécurité du général Jeff Nyagah ait été menacée par des «mercenaires» recrutés par le gouvernement congolais: «D’abord, ce ne sont pas des mercenaires. Ce sont des instructeurs roumains légalement recrutés par le gouvernement Congolais pour encadrer les militaires dans les centres d’entraînement. La sécurité de Jeef Nagah n’a jamais été menacée. Sa première résidence était mitoyenne à celle des instructeurs. Il s’est alarmé pour rien sur la présence dans la parcelle voisine des antennes de communication». Composée de troupes du Kenya, de l’Ouganda, du Burundi et du Soudan du Sud, la force de l’EAC est critiquée par les Congolais pour son inefficacité, car elle ne combat pas le M23, alors que son mandat est offensif. Cela fait penser à une complicité. Selon la Société Civile du Nord Kivu, cette force avait été annoncée comme une force de « imposition de la paix », mais on constate qu’elle est devenue une simple force de « interposition » entre l’armée congolaise et les troupes du M23 appuyées par l’armée rwandaise.[20]
3. LA LOI INSTITUANT LA RÉSERVE ARMÉE DE LA DÉFENSE
Le 20 avril, les députés ont adopté le projet de loi instituant la réserve armée de la défense en République Démocratique du Congo. C’est Gilbert Kabanda, ministre de la recherche scientifique et ancien ministre de la défense qui a présenté l’économie de ce projet loi. Après débat, ce projet de loi a été voté à l’unanimité par tous les 384 députés ayant pris part au vote.
La réserve armée de la défense est composée de:
– Militaires de carrière retraités et des différents services de sécurité;
– Démobilisés du service militaire obligatoire;
– Démobilisés du service militaire contractuel;
– Volontaires civils engagés dans la défense du pays et de son intégrité territoriale face à une menace ou à une agression extérieure conformément aux articles 63 et 64 de la Constitution.
Les catégories des personnes précitées forment le Corps de la réserve et bénéficient d’une formation et d’un entraînement spécifiques.
Pendant la durée de leur prestation, ils bénéficient du solde et des avantages prévus pour les éléments des Forces armées de la République Démocratique du Congo.
Pour intégrer ce corps, le ministre Kabanda a expliqué qu’il faut: être de nationalité congolaise; être âgé d’au moins 18 ans; avoir une bonne aptitude physique et jouir d’une bonne moralité; et n’avoir pas été condamné pour crime de guerre, crime contre l’humanité ou génocide.
Alors que le ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire, Muhindo Nzangi avait affirmé, au cours d’une conférence de presse tenue à Goma, que toutes les milices locales seront légalisées et équipées comme l’armée congolaise pour faire face à l’agression rwandaise, pour le député Claudel André Lubaya, la loi instituant la réserve armée de la défense risque d’aller à l’encontre de la résolution votée par la plénière de l’Assemblée Nationale faisant interdiction d’enrôler les éléments des groupes armés dans l’armée régulière. «L’adoption de ce projet aura comme conséquence la légalisation des groupes armés et leur intégration d’office au sein des FARDC, avec tout ce que cela comporte comme danger. L’idéal, c’est de construire, former, équiper et organiser l’armée, au lieu de donner un statut légal à des milices», a-t-il martelé.
Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a précisé que les réservistes ne deviennent pas des militaires, parce que ce n’est pas un service permanent, mais circonstanciel. Ceux qui voudront intégrer l’armée, ils devront suivre un cursus militaire approprié.
Le projet de loi instituant la réserve armée de la défense a été adopté en seconde lecture par les Sénateurs lors de la plénière du 4 mai 2023. Sur 109 sénateurs que compte le Sénat, 82 ont pris part au vote: 81 ont voté oui et un seul s’est abstenu.[21]
4. UNE NOUVELLE « PROVOCATION » DU PRÉSIDENT RWANDAIS PAUL KAGAME
Le 16 avril, au cours d’une conférence de presse organisée lors de sa visite au Bénin, le Président rwandais Paul Kagame s’est exprimé sur la question relative au M23: «Le problème du Congo, le problème de la région ou encore le problème du Rwanda n’est pas le M23. Le M23 est la résultante des plusieurs autres problèmes qui n’ont pas été résolus depuis des décennies». À ce propos, Paul Kagame a affirmé qu’une partie des terres rwandaises avaient été attribuées au Congo par le colonisateur et que, selon lui, cette situation est à la base des conflits qui perdurent depuis des décennies dans l’Est de la RDC: «Les frontières qui ont été tracées durant la période coloniale ont affecté et divisé nos peuples. Une partie du Rwanda a été donnée au Congo, le sud à l’Ouganda, etc. Vous pouvez remonter dans l’histoire. Aujourd’hui, nous connaissons là où il y a le nœud du problème».
Jean Damascène Bizimana, ministre rwandais de l’Unité Nationale et de l’Engagement Civique, est aussi revenu sur cette question au Sénégal lors de la conférence organisée à l’occasion de la journée nationale des héros du Rwanda. Selon lui, «le Rwanda a été diminué. Le problème que nous subissons actuellement avec des accusations infondées contre le Rwanda tirent leurs sources du dérapage de la conférence de Berlin en 1885, quand le territoire rwandais comprenait le Bufumbira, le Ndorwa et le Mpororo jusqu’au lac Albert et qui ont été donnés à l’Ouganda. Il comprenait aussi Rutshuru, Bunyabungo, Masisi, Gishali, Tongo et Idjwi, donnés au Congo. Tels sont des faits historiques absolument incontestables».[22]
Le 17 avril, à Goma devant la presse du Nord-Kivu, le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, a dénoncé « une nouvelle provocation » du Président rwandais Paul Kagame, selon qui une partie du territoire rwandais avait été cédée à la RDC.
Selon Patrick Muyaya, «maintenant que nous avons démontré clairement que les FDLR c’est un parfait faux prétexte pour envoyer ses troupes en RDC; maintenant qu’on a démontré que la question des réfugiés est une fausse question, d’autant plus qu’on n’a jamais dit non au retour de nos compatriotes qui sont là-bas, le discours de Kigali a totalement changé».
Patrick Muyaya a par ailleurs rappelé qu’un Accord de démarcation définitive des frontières entre la RDC et le Rwanda, représenté par James Kabarebe, ministre rwandais de la Défense, avait déjà été signé à Goma en juin 2018 et qu’il y a plus de réfugiés rwandais au Congo que des réfugiés congolais au Rwanda.[23]
[1] Cf Isaac Kisatiro – 7sur7.cd, 11.04.’23; Radio Okapi, 10.04.’23
[2] Cf Actualité.cd, 15.04.’23
[3] Cf Jonathan Kombi – Actualité.cd, 19.04.’23; Patrick Maki – Actualité.cd, 20.04.’23
[4] Cf David Mukendi – Politico,cd, 21.04.’23
[5] Cf Radio Okapi, 23.04.’23
[6] Cf Jonathan Kombi – Actualité.cd, 24.04.’23
[7] Cf Isaac Kisatiro – 7sur7.cd, 11.04.’23
[8] Cf Radio Okapi, 13.04.’23 ; Actualité.cd, 13.04.’23; Actualité.cd, 14.04.’23
[9] Cf Ivan Kasongo – Actualité.cd, 19.04.’23
[10] Cf Actualité.cd, 15.04.’23
[11] Cf Radio Okapi, 04.04.’23; Radio Okapi, 05.04.’23
[12] Cf Jonathan Kombi – Actualité.cd, 08.04.’23; Isaac Kisatiro – 7sur7.cd, 10.04,’23
[13] Cf Actualité.cd, 02.05.’23
[14] Cf Actualité.cd, 15.04.’23
[15] Cf David Mukendi – Politico,cd, 21.04.’23
[16] Cf Radio Okapi, 22.04.’23
[17] Cf Carmel Ndeo – Politico.cd, 27.04.’23
[18] Cf Radio Okapi, 28.04.’23
[19] Cf Actualité.cd, 28.04.’23
[20] Cf Patrick Maki et Sonia Rolley – Actualité.cd, 29.04.’23
[21] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 21.04.’23; Carmel Ndeo – Politico.cd, 21.04.’23; Clément Muamba – Actualité.cd, 05.05.’23
[22] Cf Actualité.cd, 16.04.’23; Monge Junior Diama – Politico.cd, 16.04.’23
[23] Cf Radio Okapi, 17.04.’23