LA DESTITUTION DU BUREAU DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE
SOMMAIRE
1. SIX PÉTITIONS POUR LA DÉCHÉANCE DU BUREAU DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE
a. Le dépôt des pétitions
b. Les résultats du vote en plénière
c. Quelques réactions
2. LE DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DEVANT LE PARLEMENT RÉUNI EN CONGRÈS
3. LA CLÔTURE DE LA SESSION PARLEMENTAIRE DE SEPTEMBRE
1. SIX PÉTITIONS POUR LA DÉCHÉANCE DU BUREAU DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE
a. Le dépôt des pétition
Le 2 décembre, le député national Muhindo Nzangi, membre de la coalition LAMUKA, a annoncé que plus de 250 députés, dont presque une centaine du Front Commun pour le Congo (FCC), ont signé six pétitions, pour faire tomber le bureau de l’Assemblée nationale présidé par Jeanine Mabunda. Selon lui, «avec ces signatures, la majorité absolue des députés qui composent l’Assemblée nationale a retiré sa confiance au bureau de l’Assemblée nationale. Par conséquent la requalification de la majorité au niveau du parlement est effective». Il a aussi précisé que: «il ne s’agit pas seulement d’une pétition contre le bureau, mais d’une pétition pour la requalification de la majorité au Parlement. Tous les députés qui ont répondu présents à l’appel du chef de l’État ont signé le document qui va requalifier la majorité au Parlement. Donc ce n’est pas une pétition ordinaire comme on a toujours fait». Par conséquent, il a demandé à Felix Tshisekedi de prendre en compte cette donne dans le discours qu’il s’apprête à prononcer après les consultations: «Il est donc possible pour le chef de l’Etat aujourd’hui de tenir compte de cette dynamique interne à l’Assemblée nationale, pour désigner l’informateur qui pourra identifier de manière formelle cette majorité au niveau de l’assemblée nationale».[1]
Le 3 décembre, le député Boniface Balamage Nkolo, deuxième Vice Président de l’Assemblée Nationale et membre du FCC, a réagi à la pétition initiée contre les membres du bureau de cette institution. Il a dénoncé une démarche politicienne orchestrée, selon lui, par une famille politique, pour obtenir un affaiblissement de l’Assemblée nationale et une nouvelle majorité parlementaire. Il a par ailleurs indiqué que l’appartenance à la majorité parlementaire ou à l’opposition se fait par déclaration écrite des groupes parlementaires faite au Bureau de l’Assemblée nationale au début de la législature et ce, pour toute la durée de la législature, conformément au Règlement de l’Assemblée nationale.[2]
Le 4 décembre, dans un communiqué, les signataires des six pétitions ont annoncé qu’ils vont déposer leurs documents le jour suivant, le 5 décembre. Le document annonçant ce dépôt est contresigné par les députés Adèle Kahinda pour le compte du groupe parlementaire AFDC-A, Daniel Mbau pour le compte MLC, Dieudonné Bolengetenge pour le compte d’Ensemble, Martin Tshipama et Léon Mubikayi.[3]
Le 5 décembre, à la veille du discours du Président de la République au Peuple congolais, après ses consultations des différentes forces politiques et sociales, un groupe de députés nationaux s’est rendu au Palais du peuple pour déposer les pétitions contre les membres du bureau de l’Assemblée nationale dirigé par Mabunda. Empêchés de déposer leurs pétitions suite à la fermeture des bureaux, les députés nationaux signataires ont fait appel à un huissier de justice, Gabriel Akila, qui leur a promis de les transmettre à qui de droit. Seulement dans la soirée, après plusieurs heures d’attente, les députés pétitionnaires ont pu finalement déposer les pétitions auprès du rapporteur adjoint du bureau et du secrétaire général de l’Assemblée nationale. Les signataires des pétitions, ont fustigé la fermeture de tous les bureaux de l’Assemblée nationale. La présidente de cette institution, Jeanine Mabunda, a affirmé que le samedi est un jour non ouvrable pour l’administration de cet organe. Du côté du Cap pour le Changement (CACH), plateforme dont Félix Tshisekedi est autorité morale, l’on rejette cette affirmation. D’après Peter Kazadi, le samedi est un jour où les administrations publiques fonctionnent jusqu’à 13 heures.[4]
Les députés signataires des pétitions en faveur de la déchéance du bureau de l’Assemblée nationale reprochent notamment à Jeanine Mabunda, présidente de cette chambre, « l’opacité » dans la gestion des finances de l’Assemblée nationale. Un d’entre eux, Paulin Maembo Gelingi, auteur de l’initiative, fustige le « manque du contreseing » de la questeur aux retraits d’argent à la banque: «Sur le plan de faute grave, il y a l’opacité de gestion des finances de l’Assemblée nationale. Donc, les finances de l’Assemblée nationale sont gérées par une seule personne qui s’appelle Jeanine Mabunda. Dans le chèque pour effectuer des opérations bancaires, le contreseing n’existe pas alors que, dans les institutions et les organisations modernes, on ne peut gérer l’argent de l’institution comme si c’était votre propre argent de poche. Et pour besoin de transparence et de bonne gouvernance, il faut que les documents financiers soient gérés par deux personnes, notamment la questeur et elle qui est la présidente. Mais, elle a retiré la signature de contreseing à madame la questeur. Elle est restée seule maître pour retirer l’argent à la banque»[5].
Le 5 décembre, le député Daniel Nsafu, membre de l’AMK et signataire des pétitions, a déclaré: «Depuis très longtemps le Congo a perdu le sens de la nation. Nous ne sommes plus une nation, nous sommes un État autorité morale. Cela veut dire que nous sommes en face de ce que moi j’appelle le bicéphalisme au sommet de l’Etat. Il s’agit de deux têtes au sommet de l’Etat. Il ne faut pas qu’il ait deux têtes dominantes. Avec ça on tombe sur ce que les politologues appellent liquéfaction, la disparition du Congo». Et d’ajouter: «Coup de chapeau à Félix Tshisekedi qui a compris que le bicéphalisme nous conduisait tout droit à la liquéfaction. Il faut dire au revoir à la majorité de Kabila, pour trouver une nouvelle majorité qui doit nous permettre de sortir le Congo du gouffre. Le Congo n’est pas une nation, il faut faire du Congo une nation». Se réclamant toujours proche de Martin Fayulu, il explique les raisons de son action en faveur de Félix Tshisekedi: «Dans cette démarche, quiconque qui refuse d’accompagner Tshisekedi est un ennemi du Congo».[6]
Le 5 décembre, Daniel Mbau, un député national du Mouvement de Libération du Congo (MLC) et signataire des pétitions contre le bureau de l’Assemblée nationale dirigé par Jeanine Mabunda, a affirmé que une nouvelle majorité est en train de se former: «Aujourd’hui, c’est le tournant de l’histoire. Au fait, il y a une nouvelle majorité qui est en train de se construire et d’émerger. Aujourd’hui, c’est le moment de la cristallisation de grands espoirs de tout le peuple Congolais. Nous allons procéder au dépôt des pétitions en bonne et due forme. Sur le plan juridique, conformément à l’article 31, c’est le doyen d’âge et les deux collègues les moins âgés qui vont convoquer et présider la plénière au cours de laquelle nous statuerons sur les mérites de ces pétitions et la conséquence logique est déjà connue: Il s’agit d’un désaveu politique et ce désaveu va juridiquement se cristalliser en termes de déchéance».[7]
Le 5 décembre, après les dépôts des pétitions, la députée Geneviève Inagosi, membre du Front Commun pour le Congo (FCC), plateforme politique de l’ancien chef d’État Joseph Kabila, a affirmé que l’appartenance à la majorité ou à l’opposition parlementaire se déclare au début de la législature: «L’appartenance à la majorité ou à l’opposition se déclare au début de chaque législature. Vouloir fabriquer une nouvelle majorité à coup de corruption (certains députés auraient touché 5000$, 7000$ et 9000 $) est une violation grave du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Toutes ces agitations visent à déstabiliser notre institution. A qui va profiter cette crise?».[8]
Le 5 décembre, dans un communiqué publié dans la soirée, le bureau de l’Assemblée nationale a dénoncé des actes violents commis par une centaine de militants qui ont accompagné une vingtaine de députés venus déposer les pétitions contre le Bureau de l’Assemblée nationale. À en croire ce communiqué, les violations commises sont: «agressions physiques contre certains députés nationaux présents; enlèvement vers une destination inconnue et séquestration du Secrétaire Général de notre administration; violation du siège de l’Assemblée nationale par les militants précités qui ont procédé à des violences physiques, menaces et insultes contre le personnel de notre institution dont l’enceinte est inviolable conformément à l’article 7 de notre règlement intérieur. Plusieurs blessés sont malheureusement à déplorer et destruction du bureau du courrier du Rapporteur Adjoint pour le contraindre à accuser réception des différentes pétitions».[9]
Le 6 décembre, le Bureau de l’Assemblée nationale a invité les députés nationaux à une plénière prévue pour le lendemain 7 décembre à 13H00. Il s’agirait de l’examen et de l’adoption du rapport de la commission de suivi et d’évaluation de la chambre basse du parlement sur les auditions des directeurs généraux de la Société nationale d’Electricité (SNEL) et de la Régideso, à propos du délestage du courant électrique et de la non fourniture d’eau. Le bureau Mabunda semble vouloir continuer le travail en dépit de la crise en cours.
Entretemps, les pétitionnaires estiment que l’actuel bureau est désavoué et ne pourra surtout pas convoquer une plénière. En effet, en vertu de l’article 34 alinéa 2, points 7 et 8 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, seule la Présidente de l’Assemblée nationale détient le pouvoir de convoquer les députés aux séances et de présider les séances plénières, à moins qu’elle ne soit personnellement mise en cause par une pétition (article 31 alinéa 7 du règlement intérieur).[10]
Le 7 décembre, les militants du Cap pour le Changement (CACH) et certains autres de l’opposition ont pris d’assaut le siège du Parlement, pour empêcher la plénière de s’y tenir. Les députés UDPS et alliés ont fait irruption dans la salle, non pas pour les travaux mais pour éviter à la plénière de se tenir. Le Perchoir de l’Assemblée nationale a été renversé, afin d’empêcher la présence du bureau, qu’ils considère comme démissionnaire, après le dépôt des pétitions. Dans ces conditions, la plupart des députés ont été empêchés à entrer au sein de l’hémicycle. Certaines sources renseignent que le FCC avait l’intention d’amorcer une procédure visant à rejeter en bloc les pétitions introduites contre le bureau. Enfin, le bureau de l’Assemblée nationale a renvoyé la plénière à une date ultérieure.[11]
Le Bureau de l’Assemblée nationale a décidé de suspendre la tenue des plénières et des activités en commissions jusqu’à nouvel ordre, «conformément à l’article 31 alinéa 9 du Règlement intérieur». Dans un communiqué signé par le 2e vice-président de l’Assemblée nationale, le député Boniface Balamage et publié dans la soirée, il explique que c’est suite à l’aggravation des troubles organisés par les députés UDPS et alliés. «Le Bureau de l’Assemblée nationale rappelle que seule la Présidente a le pouvoir exclusif de convoquer les plénières sur pied de l’article 31 alinéa 7 du Règlement intérieur», explique le communiqué.[12]
Tard dans la nuit et à l’issue d’une longue réunion à laquelle ont pris part 275 députés pétitionnaires, parmi lesquels Jean-Marc Kabund, président a.i de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social, (UDPS), le secrétaire général de l’Assemblée nationale, Jean Nguvulu Khoji a, dans un communiqué, convoqué une plénière prévue le jour suivant, le 8 décembre. D’après le communiqué, ladite plénière aura un seul point à l’ordre du jour: installer le bureau d’âges, en vue d’examiner toutes les pétitions initiées contre les membres du bureau de la chambre basse du Parlement, dirigé par Jeanine Mabunda: « Conformément à l’article 31 alinéa 6 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, le Secrétaire Général à l’Assemblée nationale invite les Honorables Députés nationaux à prendre part à la séance plénière de ce mardi 08 décembre 2020, à 11 heures précises. Un seul point est inscrit à l’ordre du jour, à savoir: l’installation du Bureau d’âges en vue de l’examen des pétitions initiées contre les membres du Bureau de l’Assemblée nationale ».[13]
b. Les résultats du vote en plénière
Le 8 décembre, au cour de la plénière convoquée par le secrétaire général de l’Assemblée nationale et à laquelle ont participé 279 députés, on a installé le bureau d’âges dirigé par le doyen des députés, Mboso Nkodia (78 ans), assisté des deux députés les plus jeunes: Gael Bussa (27 ans) et Aminata Namasiya (27 ans), tous du FCC. Ils vont travaillé avec cinq experts (venus du groupe des pétitionnaires) et cinq autres (du camp des non pétitionnaires) pour déterminer la procédure à suivre. Mboso Nkodia a reconnu aux membres du bureau Mabunda le droit de préparer leur défense et a appelé les députés à faire preuve de respect, de transparence, d’amour, de dignité et de décence. Après son installation, le bureau d’âges de l’Assemblée nationale a annoncé que l’examen des pétitions déposées contre l’équipe Mabunda se fera le jeudi 10 décembre.[14]
Le 10 décembre, les députés nationaux se sont réunis en séance plénière pour examiner les six pétitions contre les six membres du bureau. Avec 469 députés présents sur les 500, le quorum est atteint. Les signatures récoltées sont au nombre de: 250 contre la présidente, 234 contre le 2e vice-président, 253 contre le rapporteur, 248 contre le rapporteur adjoint, 247 contre le questeur et 229 contre le questeur adjoint.
La présidente de l’Assemblée Jeanine Mabunda est accusée par les pétitionnaires de: opacité dans la gestion des finances; l’accumulation du non payement de frais parlementaires; mépris à l’égard de la plénière, organe suprême de l’Assemblée nationale; inscription de sujet à l’ordre du jour sans les soumettre aux conseils des présidents et violations répétées de la constitution et du règlement intérieur.
Le deuxième vice-président de l’Assemblée nationale est accusé principalement de: défaillance dans la gestion de la sécurité sociale des députés nationaux et incapacité de la mise en œuvre des moyens d’information de contrôle de l’Assemblée nationale.
Le rapporteur de l’Assemblée nationale est accusée de: convocation des plénières à des heures indues, violation répétée de l’article 10 qui indique que les documents de travail sont distribués 48h avant et refus de mettre les procès-verbaux des plénières à la disposition des élus.
Le questeur de l’Assemblée nationale est accusée de: incompétence dans l’exercice de ses prérogatives règlementaires, incapacité à gérer les finances de l’Assemblée nationale et incompétence dans l’élaboration du budget de l’Assemblée nationale.
La présidente de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, a rejeté en bloc toutes ces accusations, en affirmant qu’elles sont fausses. A propos de la mauvaise gestion financière manifestée par la suppression de contreseing, elle rejette l’accusation, en expliquant que l’Assemblée nationale a pu fonctionner même quand elle était absente. Selon elle, les députés de différentes sensibilités ont audité la gestion de l’Assemblée nationale et le rapport a été adopté en plénière. En ce qui concerne sa non-participation à la cérémonie de la prestation de serment des juges de la Cour constitutionnelle, elle a fait remarquer que la décision était prise par la conférence des présidents.
Enfin, à son nom propre et à celui de tout le bureau Jeannine Mabunda a demandé aux députés de les excuser, s’ils ont commis des mauvais actes durant leur gestion et les a invité à «rejeter» cette pétition.
Malgré ça, 281 députés sur les 483 votants ont voté pour sa destitution et 200 ont rejeté la pétition.
L’on a enregistré un bulletin nul et une abstention.
Le deuxième vice-président de l’Assemblée nationale, Boniface Balamage a été déchu avec 265 voix favorables à la pétition et 215 voix contraires.
Le rapporteur, Musao Kalombo, a été destitué par le vote de 260 députés.
Le rapporteur adjoint, Jacques Lungwana, a été destitué par le vote de 279 députés.
La questeur, Machozi Alfani, elle aussi a subi le même sort.
La pétition contre le sixième membre du bureau visé n’a pu être examiné, ce dernier étant malade et hospitalisé à Kinshasa.
Ces résultats de vote ouvrent donc la voix a des prochaines élections des membres du bureau définitif de l’Assemblée nationale.[15]
c. Quelques réactions
Le président du parti politique Ensemble pour la République, Moïse Katumbi, s’est rapidement exprimé via Twitter après la destitution du bureau de l’Assemblée nationale: «Félicitations aux députés pour ce vote historique. Ils ont répondu aux attentes de la population et honoré la mémoire de nos martyrs. Il n’y a plus d’obstacles pour conduire une politique en faveur de la population et mettre en œuvre les propositions issues des consultations».
Le député Gratien Iracan félicite ses collègues députés nationaux qui ont fait usage de leur liberté de conscience en votant massivement pour la pétition contre Jeanine Mabunda à la tête du Bureau de l’Assemblée nationale. L’élu de Bunia (Ituri) se projette déjà dans la prochaine étape. Il imagine que l’objectif sera de faire tomber le gouvernement Ilunkamba.[16]
Le député national Delly Sessanga, président du parti politique Envol, estime que le départ du bureau Mabunda était opportun au regard du climat qui ne favorisait pas le débat au sein de l’Assemblée nationale: «Aujourd’hui il s’est passé ce que le peuple attend depuis longtemps, Nous nous sommes débarrassés de ce bureau qui était un frein à un débat démocratique au sein de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui c’est un tournant dans l’histoire de ce pays, un tournant dans l’histoire de ce parlement car, à partir d’aujourd’hui, on peut voir les choses différemment, sur la question des réformes, sur la question du fonctionnement des institutions, sur la collaboration des institutions entre elles».
Le député national Patrick Muyaya Katembwe a déclaré que la chute du bureau Mabunda consacre la deuxième alternance, après celle de janvier 2019 entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi. Pour lui, désormais les intérêts du peuple doivent être au centre de toute action des politiques.
La députée nationale Henriette Wamu a affirmé que le vote contre le bureau Mabunda est l’expression du basculement de la majorité et la consécration de l’union sacrée de la nation prônée par le Chef de l’Etat Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo: «Ce qui s’est passé aujourd’hui prouve à suffisance que la majorité a changé de camp. La majorité n’est plus celle qu’on pensait. Aujourd’hui la majorité est dans l’Union sacrée. C’est un signal fort qui vient d’être lancé pour prouver à suffisance que l’Union sacrée est là pour soutenir la vision du Chef de l’État».[17]
Dans une interview, Jean-Pierre Lihau, député national du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), un des signataires des pétitions contre le bureau de l’Assemblée nationale, a déclaré être heureux d’avoir dit non au “mot d’ordre” de sa famille politique et d’avoir écouté la voix du peuple. Pour cet élu de Bumba, la majorité de députés nationaux ont décidé de rompre avec l’ancien système, pour se tourner vers l’avenir: «Un grand jour pour notre pays! Une majorité nette des députés a décidé de rompre avec le passé et de se tourner résolument vers l’avenir. Avec ce basculement inédit, c’est une nouvelle page qui s’ouvre pour notre pays. L’enjeu n’est évidemment pas de changer des personnes pour conserver des pratiques décriées. Il faut rénover le travail parlementaire, pour qu’il soit au service des Congolais».
Dans une interview, Paul Tshilumbu, député national de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), a déclaré que la déchéance du Bureau de l’Assemblée nationale est le début du déboulonnement de ce système qui, selon lui, a opprimé le peuple pendant plusieurs décennies.
Dans un message publié sur son compte Twitter, le président a.i de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), Jean-Marc Kabund, a affirmé qu’une page sombre de l’histoire de la République démocratique du Congo s’est refermée à travers la destitution de Jeanine Mabunda et des membres du bureau de l’Assemblée nationale. Selon lui, cet événement consacre aussi l’ouverture d’une autre page de l’histoire du pays qui sera écrite par les Congolais qui aspirent au changement.[18]
Le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) a reconnu la défaite du Front Commun pour le Congo (FCC) à travers le vote en faveur de la destitution de Jeanine Mabunda et de son bureau: «Courage camarades. On ne gagne pas à tous les coups. Redressons nos têtes rapidement. La douleur est profonde, mais elle ne doit pas nous ébranler. Continuons la lutte».
Ces réactions ont été partagées par plusieurs autres cadres de la famille politique de Joseph Kabila.
«Hommage à Jeanine Mabunda pour avoir dirigé l’Assemblée Nationale. Je reste convaincu que ce n’est qu’une bataille qui a été perdu par le FCC. D’autres étapes nous attendent et le FCC continuera sa lutte pour la Démocratie, la souveraineté nationale et la refondation de la nation», a écrit Félix Kabange Numbi sur son compte Twitter.
Le député Musao Kalombo Mbuyu Célestin, désormais ancien rapporteur de l’Assemblée nationale a déclaré: «Notre sort est scellé. La Plénière souveraine de notre Chambre législative a tranché. Nous fléchissons face à la sentence de nos Collègues, du moins dans leur majorité. Pour la mère patrie, nous ne lâcherons pas le noble combat de défendre les valeurs et l’intérêt supérieur».[19]
Le Président du Parti Travailliste et cadre du Front Commun pour le Congo (FCC), Steve Mbikayi, a également réagi au sujet de la destitution du Bureau de l’Assemblée nationale sur son compte Twitter: «Nous avons combattu le bon combat et nous avons perdu. Nous nous arrangeons en ordre de bataille pour continuer la lutte. Nous nous battrons pour remonter la pente, nous ne sommes pas de ceux qui renient leur identité, nous allons affronter le tout en restant debout».
Dans une interview, le professeur Gabriel Banza Malale, enseignant de droit à l’université de Lubumbashi, et député provincial du FCC dans le Haut-Katanga, a affirmé que plusieurs députés nationaux du Front Commun pour le Congo (FCC), plateforme de Joseph Kabila, ont adhéré à l’Union Sacrée de la nation prônée par le Président Félix Tshisekedi, par la crainte de perdre leur place, si le Chef de l’État décidait de donner suite à sa menace de dissoudre l’Assemblée Nationale.
Le député national et cadre du PPRD François Nzekuye a affirmé que certains de ses collègues leur ont voulu faire passer un message et que, par conséquent, il faut une réorganisation de la plateforme FCC: «Nous avons perdu. La plupart des députés qui ont fait tomber le bureau Mabunda sont du FCC. Il y a certains de nos collègues avec qui nous avons cheminé ensemble depuis de longues années et qui, peut-être, ne veulent plus le continuer. Il y en a aussi, comme dans toute société, qui sont des mécontents et qui nous ont passé un message par ce vote. Nous allons en tenir compte pour nous réorganiser, afin de gagner à nouveau lors des élections des nouveaux membres du bureau définitif».[20]
Pour Patrick Nkanga, rapporteur du bureau du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), il est temps d’opérer de grands changements au sein du parti et du Front Commun pour le Congo (FCC), la plateforme politique de Joseph Kabila.
Le communicateur du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) et du Front Commun pour le Congo (FCC), Papy Tamba, a réclamé la démission de Néhémie Mwilanya à la coordination du FCC. «L’heure de se remettre en cause au FCC et au PPRD a sonné. La démission du coordonnateur Néhémie Mwilanya devrait se faire dès aujourd’hui, avant de poursuivre avec les autres. Ne pas le faire me paraît suicidaire», a-t-il tweeté.[21]
2. LE DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DEVANT LE PARLEMENT RÉUNI EN CONGRÈS
Le 14 décembre, le Président de la République Félix Tshisekedi Tshilombo s’est adressé à la nation, devant le parlement réuni en congrès.
Le Chef de l’Etat a expliqué que la coalition FCC-CACH était “devenue paralysante” au regard de sa vision qui était axée notamment sur les réformes à opérer en vue de reconstruire le pays:
«Dans cette optique, j’avais pris devant notre peuple l’engagement d’opérer des réformes courageuses et ambitieuses qu’impose la reconstruction de notre pays. Mais, je savais que le seul vouloir n’allait pas suffire. Il fallait établir un cadre politique et institutionnel qui soit propice à leur mise en œuvre. Et que, dans le même élan, j’ai formulé le vœu qu’ensemble, dans le cadre de notre Coalition, mon prédécesseur et moi-même allions relever les défis qui s’imposaient à nous tous en tant que citoyens de ce beau pays. En effet, telle qu’elle était pensée après les élections de 2018, la coalition FCC – CACH avait pour vocation non seulement de garantir une alternance pacifique et éviter à notre pays des conflits majeurs, mais aussi de servir de catalyseur pour que l’action du Gouvernement puisse mieux rencontrer les attentes de la population.
Malheureusement, la réalité des faits est que, malgré les efforts que j’ai déployés, les sacrifices que j’ai consentis et les humiliations que j’ai tolérées, cela n’a pas suffi à faire fonctionner harmonieusement cette coalition. Cela n’a pas non plus empêché l’émergence de difficultés de tous ordres au sein de celle-ci, rendant ainsi aléatoire la concrétisation du changement tant réclamé par notre peuple».
Face à cette situation qui menaçait à la longue le fonctionnement normal des Institutions dont il est le garant, le Président de la République a dit:
«Il me fallait absolument réagir, mieux agir, ce que j’ai fait en trois temps:
● Tout d’abord en lançant, le 23 octobre 2020, un appel à tous mes compatriotes, toutes tendances confondues, de nous rassembler dans une UNION SACREE de la NATION, autour de Principes, de Valeurs et d’Actions dédiés au service de la population;
● Ensuite, me fondant sur les prérogatives que me confère l’article 69 de notre Constitution, j’ai engagé de larges consultations des forces vives de la nation à travers des leaders les plus représentatifs de la Société Civile et de la classe Politique, afin de recueillir leurs avis et éventuelles recommandations sur les solutions de sortie de crise;
● Enfin, par mon message à la Nation du 6 décembre dernier, j’ai rendu public les décisions que j’avais prises, enrichies par les apports de différents groupes et personnalités consultés.
En effet, comme cela est ressorti dans mon dernier message à la Nation, j’ai noté une forte convergence entre la très grande majorité des parties consultées et moi-même sur la nécessité de:
► Rompre avec une coalition FCC – CACH devenue paralysante pour l’action du Gouvernement;
► Nommer un Informateur aux fins d’identifier une coalition, conformément à l’alinéa 2 de l’article 78 de la constitution;
► Procéder à la formation d’un Gouvernement d’Union Sacrée de la Nation qui travaillera en harmonie avec le Chef de l’Etat;
► Mettre en œuvre les réformes issues des consultations dont la plupart sont les mêmes que celles voulues par le Président de la République et contenues dans le Programme du Gouvernement».
À propos de la crise à laquelle on a assisté au sein de l’Assemblée nationale, le Chef de l’État a dit que «son dénouement démocratique exemplaire à travers le traitement et le sort réservé à la pétition engagée par les Députés de tous bords contre l’ancien Bureau, constitue un indice sérieux de maturité politique. Ce fait tend à démentir une certaine doxa populaire qui soutient encore que le sort de notre pays ne peut s’inscrire que dans le sang, la violence, les rébellions, les assassinats et autres coups d’Etat. Le moment est donc venu de comprendre qu’il n’y a d’alternative à la construction démocratique que dans la paix et la concorde nationale, aussi laborieuse soit-elle. Que l’on soit de la majorité ou de l’opposition, chacun doit jouer sa partition dans l’amour du pays et de son Peuple, et dans le respect des institutions».[22]
3. LA CLÔTURE DE LA SESSION PARLEMENTAIRE DE SEPTEMBRE
Le 11 décembre, après la destitution de l’équipe dirigée par Jeanine Mabunda, le député national Delly Sesanga, président du parti politique Envol et membre du Groupe de 13 personnalités signataires de l’appel du 11 juillet dernier, a affirmé que le constituant a limité les pouvoirs et encadré dans le temps et certaines modalités les missions du Bureau d’âge de l’Assemblée nationale et que l’ouverture et la clôture des sessions parlementaires relèvent de la compétence du bureau définitif. Par conséquent, selon lui, on ne peut pas confier au bureau d’âge les missions de clôture et d’ouverture des sessions que la Constitution réserve au seul Bureau définitif. Il a donc plaidé pour la poursuite de l’actuelle session budgétaire au-delà du 15 décembre, jusqu’à l’installation du bureau définitif de l’assemblée nationale, pour ne pas violer la Constitution.[23]
Le 12 décembre, lors d’une conférence de presse organisée à Kinshasa, le député du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), Fidèle Likinda, a affirmé que le bureau déchu de Jeanine Mabunda est pour le moment le seul habilité à assurer la gestion des affaires courantes jusqu’à l’élection et à l’installation effective du prochain bureau définitif. «C’est le bureau sortant qui continue à expédier les affaires courantes», a expliqué le député Likinda, en affirmant qu’aucune disposition légale n’autorise le bureau d’âge à organiser les élections, ni à clôturer la session en cours. C’est donc, selon lui, au bureau Mabunda de le faire: «Jusqu’au moment où nous parlons, nous avons un bureau que nous avons élu et qui ne sera remplacé que par un autre bureau élu. La mission du Bureau d’âge est d’arbitrage, et sa mission est finie. C’est le bureau sortant qui va convoquer l’élection du nouveau bureau».
Pour sa part, le député Jacques Djoli, membre du Mouvement de libération du Congo (MLC) et constitutionnaliste, a affirmé que, un fois déchu, le bureau ne peut plus poser aucun acte à la tête de l’Assemblée Nationale. «Il est clair que, selon l’article 3 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, les fonctions d’un membre du bureau de l’Assemblée nationale prennent fin en cas de décès, de perte de la qualité ou de déchéance à la suite d’une pétition», a-t-il soutenu. Et de s’interroger: «Comment un membre du Bureau qui est totalement déchu peut être ressuscité pour présider une séance parlementaire? C’est une aberration». Pour lui, conformément au règlement intérieur et la Constitution, le bureau d’âge assume désormais le rôle du bureau provisoire, dont les attributions sont clairement définies dans l’article 114 de la Constitution.[24]
Le 15 décembre, le député national Tony Mwaba a rappelé que, dans l’article 31 du règlement intérieur de la chambre basse du parlement, il est dit que le bureau d’âge préside la plénière devant statuer sur les pétitions visant les membres du bureau. Le législateur de l’époque n’avait pourtant pas prévu le cas de figure où tous les membres du bureau seraient déchus et, pour cela, ce cas n’est pas pris en considération par le règlement intérieur. Le député Tony Mwaba a donc rappelé le principe juridique élémentaire: « ce qui n’est pas interdit est permis » et il a ajouté que, «si le règlement intérieur est silencieux sur ce point, il doit être complété par la pratique parlementaire. Donc, c’est le bureau d’âge qui va nous présider jusqu’aux élections des membres du bureau définitif». En ce qui concerne le sort du bureau déchu, Tony Mwaba est claire: «selon l’article 30, les membres d’un bureau déchu perdent leur qualité et ne peuvent plus revenir». Par conséquent, l’élu de la Lukunga a affirmé que «le bureau d’âge est dans ses prérogatives et est en train d’agir conformément au règlement intérieur».[25]
Le 15 décembre, saisie précédemment par le président du Comité d’âge, Mboso Nkodia, en interprétation de l’article 31 du Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale, la Cour Constitutionnelle a émis un arrêt d’habilitation, pour que le bureau d’âge puisse clôturer la session parlementaire de septembre et convoquer une session extraordinaire de l’Assemblée nationale. En tant que régulateur du bon fonctionnement des institutions publiques, le juge constitutionnel a estimé qu’il y a un vide qu’il faut combler, en demandant au bureau d’âge d’assurer la continuité et la gestion des affaires courantes jusqu’à l’installation du bureau définitif de l’Assemblée nationale. Cet arrêt vient fixer les esprits, car plusieurs députés estimaient que le bureau d’âge, mis en place après la déchéance de celui que dirigeait Jeanine Mabunda, n’était pas habilité à clôturer la session de septembre, ni à convoquer une session extraordinaire.[26]
Le 15 décembre, l’Assemblée nationale et le Sénat ont clôturé la session ordinaire de septembre, conformément à l’article 115 de la Constitution. À l’Assemblée nationale, la clôture a été présidée par le doyen d’âge Christophe Mboso, le bureau Mabunda ayant été récemment déchu. Au total, 307 députés étaient présents. Christophe Mboso a expliqué que le bureau d’âge va combler le vide créé après la destitution du Bureau précédent et il a annoncé une probable session extraordinaire, en vue de vider la pétition de déchéance du questeur adjoint qui était malade et d’élire les membres du bureau définitif.[27]
[1] Cf Ivan Kasongo Ndala – Actualité.cd, 02.03.’20; Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 02.12.’20
[2] Cf Lionel Kioni – Dépeche.cd, 03.12.’20
[3] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 04.12.’20; Actualité.cd, 05.12.’20
[4] Cf Roberto Tshahe et Merveil Molo – 7sur7.cd, 05.12.’20 ; Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 05.12.’20; Prince Mayiro – 7sur7.cd, 06.12.’20
[5] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 06.12.’20
[6] Cf Actualité.cd, 05.12.’20
[7] Cf Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 05.12.’20
[8] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 05.12.’20
[9] Cf Actualité.cd, 05.12.’20
[10] Cf Actualité.cd, 06.12.’20; Actualité.cd, 07.12.’20
[11] Cf Radio Okapi, 07.12.’20; Actualité.cd, 07.12.’20
[12] Cf Actualité.cd, 07.12.’20
[13] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 08.12.’20; Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 08.12.’20
[14] Cf Actualité.cd, 08.12.’20; Radio Okapi, 08.12.’20; Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 08.12.’20
[15] Cf Radio Okapi, 10.12.’20; Actualité.cd, 10.12.’20; Raphaël Ngandu – Politico.cd, 10.12.’20
[16] Cf Actualité.cd, 10.12.’20
[17] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 11.12.’20
[18] Cf Roberto Tshahe et Prince Mayiro – 7sur7.cd, 11.12.’20
[19] Cf Actualité.cd, 10 et 11.12.’20
[20] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 10.12.’20; José Mukendi – Actualité.cd, 13.12.’20; Berith Yakitenge – Actualité.cd, 11.12.’20;
[21] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 10.12.’20; Carmel Ndeo – Politico.cd, 11.12.’20;
[22] Cf Texte complet: https://actualite.cd/2020/12/15/rdc-discours-de-felix-tshisekedi-sur-letat-de-la-nation-2020-integralite
[23] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 11.12.’20
[24] Cf Radio Okapi, 12 et 13.12.’20
[25] Cf Berith Yakitenge Actualité.cd, 15.12.’20
[26] Cf Radio Okapi, 16.12.’20
[27] Cf Radio Okapi, 15.12.’20; Berith Yakitenge – Actualité.cd, 15.12.’20