LA FIN DE LA COALITION ENTRE LE FRONT COMMUN POUR LE CONGO (FCC) ET CAP POUR LE CHANGEMENT (CACH)
SOMMAIRE
1. LE DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
2. LA DÉCLARATION DU FRONT COMMUN POUR LE CONGO (FCC)
3. LES DIFFÉRENTES RÉACTIONS
4. ENTRE NOUVELLE MAJORITÉ PARLEMENTAIRE ET DISSOLUTION DU PARLEMENT
1. LE DISCOURS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Le 6 décembre, dans son adresse à la Nation, le Président de la République, Félix Tshisekedi, a annoncé la nomination prochaine d’un informateur qui aura pour mission celle d’identifier une nouvelle coalition majoritaire au niveau de l’Assemblée nationale. Dans son discours, il a exposé les différentes propositions lui présentées au cours des consultations et les a regroupées selon les thématiques suivantes: paix et sécurité, gouvernance démocratique et état de droit, loi électorale et commission électorale, indépendance et bonne administration de la justice, finances publiques et climat des affaires, emploi des jeunes et rôle des femmes, développement et infrastructures, santé et instruction. Ensuite, il a ainsi poursuivi:
«Toutes les attentes, les interrogations et les inquiétudes exprimées lors des consultations … ont été pris en compte et ont fait l’objet de ma profonde réflexion.
J’en ai retenu que, d’une part, le Gouvernement de coalition institué au lendemain de l’alternance politique intervenue en janvier 2019 n’a pas permis de mettre en œuvre le programme pour lequel vous m’aviez porté à la magistrature suprême et que, d’autre part, il n’a pas été capable de répondre aux attentes et aux aspirations de notre peuple.
Les consultations ont également mis en évidence, à une écrasante majorité, le rejet de la coalition
entre le Front Commun pour le Congo et le Cap pour le Changement. Cette triste conclusion intervient après deux années d’efforts inlassables, de patience et d’abnégation pour préserver l’essentiel au sein de la coalition. Deux années de grâce qui n’auront malheureusement pas réussi à éviter une situation de crise persistante et de défiance inacceptable entre les institutions de la République, dont je suis le seul garant.
Comme j’ai eu à vous le dire le 23 octobre dernier, nous n’avons pas le droit de prendre en otage le devenir de notre Nation, à cause de querelles politiciennes et de repositionnement. Je ne peux, en conséquence, me résoudre à demeurer dans le statu quo et l’immobilisme. Le temps n’est plus propice aux atermoiements, ni aux discussions stériles, ni encore moins aux intérêts partisans. Les replis tactiques et les combats d’arrière-garde n’ont plus aucun sens. Ce moment historique nous impose de prendre nos responsabilités, en vue d’instaurer un Etat de droit et de démocratie, conformément à la mission que vous m’avez confiée.
C’est pourquoi, j’ai décidé de faire porter le grand projet de refondation du pays par l’ensemble des forces vives politiques et sociales que compte notre pays, au sein d’une Union Sacrée de la Nation.
Par Union Sacrée, j’entends une nouvelle conception de la gouvernance basée sur les résultats dans l’intérêt supérieur de la Nation.
Ainsi, pour rendre effectives et concrétiser les réformes nécessaires, la majorité parlementaire actuelle s’étant effritée, une nouvelle majorité est nécessaire. En conséquence, j’ai décidé de nommer un INFORMATEUR, conformément aux dispositions de l’article 78, alinéa 2, de la Constitution. Il sera chargé d’identifier une nouvelle coalition réunissant la majorité absolue des membres au sein de l’Assemblée Nationale.
C’est avec cette nouvelle coalition que le Gouvernement, qui sera mis en place au plus vite, conduira son action durant le reste du quinquennat, suivant Ma vision, dans le but de répondre aux aspirations du peuple.
Au cas contraire, fort de ce que les raisons de dissolution sont réunies en ce qu’il existe effectivement une crise persistante, cristallisée notamment par le refus du parlement de soutenir certaines initiatives du Gouvernement, comme ce fut le cas lors de la prestation de serment des membres de la Cour Constitutionnelle, j’userai des prérogatives constitutionnelles qui me sont reconnues, pour revenir vers vous, peuple souverain, et vous demander cette majorité.
Le moment est ainsi venu de réunir toutes les bonnes volontés, quelles que soient leurs origines politiques, idéologiques ou ethniques, pour donner un nouvel élan à notre destin national dans l’Union Sacrée de la Nation».[1]
Le 7 décembre, au lendemain de son message à la Nation, le chef de l’État Félix Tshisekedi Tshilombo a reçu à la Cité de l’Union Africaine située dans la commune de Ngaliema, le premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. D’après certaines sources, le chef de l’État aurait demandé au premier ministre de déposer sa démission, pour qu’un nouveau chef de gouvernement soit nommé à l’issue de l’identification de la nouvelle majorité parlementaire par l’informateur. Il sied de noter que le président Tshisekedi ne peut nommer un nouveau premier ministre aussi longtemps que celui qui est en fonction n’a pas démissionné. Selon certains membres du Front commun pour le Congo, le premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, qui avait été nommé le 20 mai 2019. ne va pas démissionner puisque bénéficiant encore de la confiance de la majorité parlementaire.[2]
2. LA DÉCLARATION DU FRONT COMMUN POUR LE CONGO (FCC)
Le 30 novembre, dans une déclaration publique, les députés nationaux du Front Commun pour le Congo (FCC) avaient déjà affirmé que «la majorité parlementaire est bien identifiée pour une législature complète, conformément à l’article 26 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, déclaré conforme à la Constitution par la Cour Constitutionnelle … Elle (la majorité) est physiquement présente par le biais des signatures des 305 députés présents à Kinshasa, reprises en annexe de cette déclaration et le sera chaque fois que de besoin, comme pour les différents votes au sein de la plénière». Les députés du FCC avaient aussi condamné les manœuvres de certains acteurs politiques « bien-identifiés », visant à changer la majorité parlementaire par la corruption. En affirmant détenir les preuves de leurs allégations, ils avaient menacé de traduire en justice les auteurs de ces actes. Il faut remarquer que certains acteurs de Cap pour le Changement (CACH) avaient appelé le Président Félix Tshisekedi à nommer un informateur censé identifier la majorité, qui selon eux, n’est pas clairement définie. D’autres, par ailleurs, avaient appelé à l’organisation d’élections anticipées.[3]
Le 6 décembre, dans une interview accordée après la décision prise par le chef de l’État de nommer un informateur, pour identifier une nouvelle coalition au sein de la majorité parlementaire, François Nzekuye, député national du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), a affirmé que cette initiative viole la constitution et le règlement intérieur de l’Assemblée nationale: «Le président de la République oublie que le règlement intérieur de l’Assemblée nationale dit que les regroupements et partis politiques choisissent d’être dans la majorité ou dans l’opposition au début du mandat et pour tout un mandat. Donc, il y a eu une infraction vis-à-vis de ce qui est prescrit dans le règlement, qui est conforme à la constitution. C’est au début du mandat qu’il aurait dû nommer un informateur pour identifier la majorité. Il avait fait confiance à la majorité FCC-CACH, tenant compte du nombre important de députés que cette coalition avait et, aujourd’hui, il est tenu d’aller jusqu’à la fin de son mandat avec cette majorité. Toute autre initiative est une violation de la constitution». Selon cet élu du PPRD, «la majorité existe et le Président n’a aucun élément qui lui prouve qu’il y a une nouvelle majorité. Le fait qu’il y ait une pétition de 250 députés ne signifie pas que la majorité n’existe pas. On peut aussi affirmer que le bureau de l’Assemblée nationale n’est pas encore tombé, car le bureau ne peut tomber qu’à la fin d’un vote».[4]
Le 7 décembre, le Front Commun pour le Congo (FCC), famille politique de l’ancien président Joseph Kabila, a donné sa position vis-à-vis du discours prononcé la veille par le président Félix Tshisekedi:
«Le FCC note que les conclusions unilatérales du président de la République violent gravement la constitution et servent de prétexte pour liquider, par l’instauration d’un régime dictatorial au service d’un pouvoir personnel, les institutions démocratiquement établies aux termes des dernières élections générales du 30 décembre 2018. En effet:
– La désignation d’un informateur, là où existe un gouvernement de plein exercice, soutenu par une majorité confortable, est une violation flagrante et intentionnelle de la constitution. La constitution ne reconnaît pas au président de la République, la compétence de démettre le gouvernement.
– Le FCC rappelle que dès la constitution de la coalition FCC-CACH constatée par le communiqué conjoint FCC-CACH du 6 mars 2019 qu’il avait une majorité absolue issue des élections de 338 députés nationaux sur les 500 qui composent l’Assemblée nationale, à laquelle se sont juste greffés 47 députés du CACH. Depuis lors, cette majorité a été systématiquement confirmée, y compris il y a quelques jours à l’occasion du vote de budget 2021 présenté par le gouvernement. Dès lors, nonobstant les multiples actes de corruption avérés à l’endroit des députés nationaux opérés par le CACH, affirmer que cette majorité s’est effrité est sans fondement et contraire à la constitution.
– Le Gouvernement reste soutenu par une large majorité qui vient de le démontrer à travers le vote du budget de l’exercice 2021. Il revient plutôt au CACH de tirer toutes les conséquences de la décision de mettre fin à la coalition annoncée par son autorité morale, en se retirant du gouvernement central et des gouvernements provinciaux auxquelles il participe ce qui entraîne d’office la cohabitation. Cependant, le FCC rappelle que la finalité de l’accord de coalition signée par l’autorité du FCC et du CACH était la paix, la stabilité et le développement du pays.
– Justifier le projet prémédité d’une dissolution de l’Assemblée nationale en dehors de toute crise persistante entre le gouvernement et l’Assemblée nationale en prétextant d’une prétendue divergences sur la question de la prestation des nouveaux juges nommés illégalement à la Cour Constitutionnelle, alors que, par ailleurs, le Gouvernement et l’Assemblée Nationale avaient le même point de vue sur cette problématique, c’est non seulement falsifier la vérité, mais aussi une tentative de violation grave et intentionnelle de la constitution. La menace de dissolution de l’Assemblée nationale constitue une intimidation qui n’a pas lieu d’être dans une démocratie, étant entendu que les condition de cette dissolution, pourtant clairement définies dans la Constitution, ne sont pas réunies. Si le Président de la République estime qu’il y a matière à contestation de légitimité des Députés nationaux, le FCC rappelle que ces derniers et le Président de la République sont issus des scrutins combinés et que cette problématique induirait logiquement l’organisation des élections générales anticipées (présidentielles, législatives nationales et législatives provinciales).
– De ce qui précède:
Le FCC prend acte de la décision du président de la République de mettre fin a la coalition, avec les conséquences qui s’imposent pour le CACH.
Le FCC ne se sentant nullement concerné par les annonces inconstitutionnelles du Chef de l’Etat, les rejette en bloc. Il assure son ferme soutien au Premier ministre et à son gouvernement ainsi qu’aux bureaux de l’Assemblée nationale et du Senat.
Le FCC appelle la population à rester mobilisée contre la tentative en cours de hold-up de sa volonté souverainement exprimée dans les urnes en confiant la majorité parlementaire au FCC».[5]
Le 7 décembre, dans une interview, le rapporteur du bureau politique du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), Patrick Nkanga, réagissant à la possibilité de dissoudre le parlement évoquée par le président Tshisekedi, a affirmé que les conditions juridiques et politiques ne sont pas réunies pour un tel scénario. Pour lui, il s’agit d’un moyen qu’a trouvé le président de la République pour faire pression sur les élus afin de se construire une majorité qui lui serait plus docile.
Q: En l’absence de la démission du premier ministre, la nomination annoncée d’un informateur par le président Tshisekedi est-elle constitutionnelle?
R: Le Président de la République a levé l’option de nommer un informateur pour, semble-t-il, identifier une nouvelle majorité, suite à l’effritement de la majorité actuelle. Nous aurions voulu savoir sur quelle base irréfutable le Président de la République aurait mesuré cet effritement car, quoi qu’il en soit, la Majorité parlementaire existe. Je serais tenté de dire que c’est de bonne guerre que le Président de la République tente d’avoir une majorité qui lui soit plus acquise. Mais là où le bât blesse, c’est que la mission assignée à cet informateur n’est pas celle d’identifier la Majorité, mais plutôt celle de construire une nouvelle Majorité différente de celle qui existe actuellement. Toutefois, cette mission n’est pas celle dévolue à « l’informateur de droit » conformément à l’article 78 alinéa 2 de la Constitution.
Q: Le chef de l’Etat a menacé de dissoudre l’assemblée nationale en cas de non requalification de la majorité. Qu’en pensez vous?
R: Les conditions juridiques pour qu’il le fasse ne sont pas réunies. C’est donc impossible. Aucune dissolution ne sera possible, car il n’est répertorié, à ce jour, aucune crise entre le Gouvernement et l’assemblée Nationale. C’est seulement une pression politicienne exercée sur les élus du Peuple, pour faire peser sur leurs têtes la « sacrée peur » de la dissolution. Il n’en est rien, il n’en sera rien.
Q: Qu’y a-t-il de positif dans le discours du Président ?
R: Il a répertorié un certain nombre de problèmes de fond, qui appellent des Institutions de la République ainsi que des acteurs politiques des solutions promptes et des réflexions profondes.[6]
3. LES DIFFÉRENTES RÉACTIONS
Le 1er décembre, Rodrigue Muamba, président de la Ligue des jeunes de Le Centre, parti de Germain Kambinga, actuel vice-ministre de la Formation professionnelle, Arts et Métiers, avait déclaré que la requalification de la majorité parlementaire et la dissolution de l’Assemblée nationale sont des options impossibles du point de vue réglementaire et constitutionnel: «Une requalification de la majorité nous semble plutôt impossible, tout comme une dissolution de l’Assemblée nationale, parce que la condition constitutionnelle n’est pas réunie. Donc, à partir de ce moment là, c’est une hypothèse à mettre de côté». En outre, ce cadre du Centre de Germain Kambinga avait rappelé que le FCC est prêt à aller en cohabitation, mais compte tenu de la crise actuelle, notamment sanitaire, cela risquerait d’aggraver encore les choses: «La cohabitation est l’une des pires options, vu le contexte de la crise sanitaire et économique actuelle. Le dialogue est la voie la mieux indiquée maintenant». En insistant sur le fait que l’Union sacrée de la Nation est impossible sans le FCC, il a proposé une rencontre entre le président de la République Félix Tshisekedi et son prédécesseur Joseph Kabila, pour décanter l’actuelle situation de crise.[7]
Le 6 décembre, dans un tweet, le président d’Ensemble pour la République, Moïse Katumbi, a écrit: «Le Président de la République vient d’apporter une réponse claire et précise aux attentes du peuple congolais. Je salue son courage et sa lucidité. J’appuie sa volonté de placer la population au cœur de ses préoccupations et de chercher les voies et moyens de répondre à ses besoins».[8]
Le 6 décembre, le Mouvement de Libération du Congo (MLC) a salué la détermination et la fermeté exprimées par le chef de l’Etat lors de son adresse à la nation. Dans un communiqué signé par son président, Jean-Pierre Bemba, le MLC dit partager les préoccupations exprimées lors des consultations telles que déclinées par le chef de l’Etat, Felix Antoine Tshiseki : la paix, la sécurité, le renforcement de la démocratie et de l’état de droit, la crédibilisation du processus électoral, l’indépendance de la justice, la construction des infrastructures, l’emploi des jeunes, l’amélioration des finances publiques et du climat des affaires, la planification du développement. Le MLC souscrit à l’Union sacrée pour la Nation prônée par le Chef de l’État en vue de la cohésion nationale.[9]
Le 6 décembre, dans une déclaration, le Groupe de 13 personnalités politiques et sociales signataires de l’appel du 11 juillet, «a félicité le président de la République qui, par son discours, a pris la mesure de la gravité de la crise et en a tiré les conséquences idoines, en engageant la communauté nationale dans la voie de la recherche du consensus à travers l’Union sacrée de la Nation». Ce groupe est, entre autres, composé de Delly Sesanga, Patrick Muyaya, Claudel Lubaya, Jacques Djoli, Henri-Thomas Lokondo et Daniel Mukoko Samba.[10]
Le 6 décembre, à l’issue du discours du Président de la République Félix Tshiseked, le Prof. André Mbata, Constitutionnaliste et député de l’UDPS, parti présidentiel, a présenté 6 possibles scénarios.
– Premièrement il y aura la signature de l’ordonnance portant nomination d’un informateur.
– Deuxièmement, il y aura requalification et identification de la majorité parlementaire, après élection d’un nouveau Président de l’Assemblée nationale.
– En troisième lieu, il y aura nomination d’un nouveau premier ministre.
– La Présentation du programme du gouvernement sera le quatrième acte qui arrivera.
– Au cas où le gouvernement est rejeté, on revient pour la seconde fois.
– S’il n’est toujours pas investi, c’est-à-dire, il y a crise persistante entre le gouvernement et l’Assemblée nationale et ceci donnera le pouvoir Constitutionnel au Président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale.[11]
Le 7 décembre, dans une déclaration, le regroupement politique Coalition des Démocrates (CODE) de Jean-Lucien Bussa, cadre du Front Commun pour le Congo (FCC), a dit avoir suivi avec attention le discours du chef de l’État. La CODE a dit avoir noté avec intérêt les « options majeures » liées aux réformes politiques et à la préservation des acquis démocratiques, notamment la restauration de l’élection présidentielle à deux tours, la modification de la loi électorale précisément sur le seuil de l’éligibilité, la double nationalité et la territoriale des non-originaires. Aussi, la CODE a annoncé qu’elle soutiendra toute réforme s’inscrivant dans cette dynamique et dans le strict respect de la constitution et des lois de la République.[12]
Le 7 décembre, dans un tweet, le président de l’Alliance des Forces Démocratiques du Congo et alliés (AFDC-A), le sénateur Bahati Lukwebo, a écrit: «Le discours du Président Tshisekedi redonne l’espoir au peuple congolais. L’AFDC-A l’accompagnera dans la réalisation des objectifs y évoqués, en adhérant à l’Union Sacrée de la Nation».[13]
Le 8 décembre, le porte-parole de la Dynamique pour une sortie de crise (DYSOC), Lisanga Bonganga, a déclaré que la menace du Président Félix Tshisekedi, brandie aux députés nationaux, de dissoudre l’Assemblée nationale est un « chantage odieux ». Il a affirme que cette intimidation n’honore pas la fonction présidentielle, car «le Président Félix Tshisekedi pousse le pays vers un saut dans l’inconnu. Il laisse ainsi la population dans une situation d’incertitude et de désespoir en cette fin d’année». Pour Lisanga Bonganga, la désignation d’un informateur est « un coup d’état constitutionnel », qui risque d’aggraver la crise et mettre en veilleuse le fonctionnement du gouvernement: «l’annonce de la désignation imminente d’un informateur, alors qu’il y a un Premier ministre en fonction, non démissionnaire, et non destitué par l’Assemblée nationale, est une violation de la Constitution». La DYSOC plaide donc pour des concertations directes entre Joseph Kabila, Martin Fayulu et Felix Tshisekedi sous les bons offices des confessions religieuses traditionnelles comme la voix idoine pour sortir de cette crise.[14]
4. ENTRE NOUVELLE MAJORITÉ PARLEMENTAIRE ET DISSOLUTION DU PARLEMENT
Le véritable objectif des consultations menées par le Président Felix Tshisekedi: tenter de trouver un majorité alternative qui permettrait à sa famille politique de se passer de son encombrant partenaire, Joseph Kabila. Toutefois, ce dernier avait pris soin de se doter d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, avant de céder son trône au successeur qu’il avait choisi. Tshisekedi et Kabila ont donc été contraints de cogérer la RDC depuis la passation de pouvoir du 24 janvier 2019. Mais, depuis près de deux ans, les tensions succèdent aux tensions.
Pour mettre un terme à la coalition FCC – CACH tant décriée par le peuple congolais, Félix Tshisekedi a annoncé qu’il va nommer un informateur, «conformément aux dispositions de l’article 78, alinéa 2, de la Constitution». C’est à partir de cette ligne de son discours que le président de la République montre les limites légales de sa sortie. Le président peut en effet désigner un informateur s’il n’y a pas de majorité parlementaire. Or, cette majorité existe déjà. Chaque parti et chaque regroupement de la majorité se sont inscrits formellement dans cette majorité au début de la législature. Par conséquent, la désignation d’un informateur quand un gouvernement est en place, relève du surréalisme.
S’il avait voulu être cohérent dans sa démarche, le président aurait dû demander ou exiger la démission du Premier ministre de son gouvernement. «S’il avait agi de la sorte, il aurait vraiment posé un geste courageux», explique un juriste congolais. «Ici, il annonce qu’il va nommer un informateur mais sans affronter l’exécutif, ce doit être un première mondiale». La Constitution congolaise prévoit que cette mission d’information est de trente jours renouvelable une seule fois.
En outre, le président Tshisekedi brandit la menace de la dissolution des chambres, après avoir prévenu les députés que le futur gouvernement qui sera en place le sera pour le reste de la législature. Le chômage serait donc promis à ceux qui ne rejoindraient pas l’équipe. La constitution congolaise, dans son article 148 prévoit bien que le président de la République peut dissoudre l’Assemblée nationale en cas de «crise persistante entre le gouvernement et l’Assemblée nationale».
Une dissolution qui se fait « après consultation du Premier ministre et des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ». Des consultations que le président de la République n’évoque pas et, bien plus étonnant, l’exemple qu’il donne pour justifier la «crise persistante» est sans cohérence. D’abord parce que le président est parvenu à imposer ses juges à la Cour constitutionnelle (ce qui enlève la notion de «persistante»), ensuite parce que dans le cas de cette nomination, la « crise » ne se situait pas entre le gouvernement et l’Assemblée nationale mais bien entre le président Tshisekedi et l’Assemblée nationale. La démarche présidentielle n’est donc absolument pas conforme aux prescrits de la Constitution.
Enfin, l’article 148, alinéa 3 de la Constitution prévoit que, «à la suite d’une dissolution de l’Assemblée nationale, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) convoque les électeurs en vue de l’élection dans le délai de 60 jours suivant la date de publication de l’ordonnance de dissolution de l’Assemblée nationale». Souci, la nouvelle Ceni qui aurait dû être mise sur pied en 2019 est toujours dans les limbes. En imaginant que le président Tshisekedi parvienne à dissoudre les chambres en passant en force, il se retrouverait donc en face d’une Ceni démissionnaire mais toujours pas caduque car sans successeur. La Ceni de Corneille Nangaa serait donc chargée d’organiser ce scrutin. A moins bien sûr de s’éloigner des prescrits de la constitution, ce qui s’apparenterait à un coup d’Etat institutionnel, même s’il devait être soutenu par une large frange de l’opposition, voire de la population.[15]
[1] Cf Texte complet du discours: https://actualite.cd/2020/12/06/discours-de-felix-tshisekedi-lissue-des-consultations-integralite
[2] Cf Reagan Ndota – Ouraganfm.cd, 07.12.’20
[3] Cf Actualité.cd, 30.11.’20; Prince Mayiro – 7sur7.cd, 30.11.’20
[4] Cf Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 06.12.’20
[5] Cf Radio Okapi, 07.12.’20; Fonseca Mansianga – Actualité.cd, 07.12.’20; Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 07.12.’20; Actu24.cd, 07.12.’20
[6] Cf 7sur7.cd, 07.12.’20
[7] Cf Jephté Kitsita et Christel Insiwe – 7sur7.cd, 01.12.’20
[8] Cf Actualité.cd, 06.12.’20
[9] Cf Radio Okapi, 07.12.’20 ; Roberto Tshahe – 7sur7.cd, 06.12.’20
[10] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 06.12.’20
[11] Cf Thierry Mfundu – Politico.cd, 07.12.’20
[12] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 07.12.’20
[13] Cf Ivan Kasongo – Actualité.cd, 07.12.’20
[14] Cf Radio Okapi, 09.12.’20
[15] Cf Hubert Leclercq – Lalibre.be/Afrique, 07.12.’20