Congo Actualité n. 425

LES CONSULTATIONS DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE POUR UNE UNION SACRÉE DE LA NATION (2)

SOMMAIRE

1. LA DERNIÈRE ÉTAPE DES CONSULTATIONS
2. PISTES D’ANALYSE ET PERSPECTIVES D’AVENIR

1. LA DERNIÈRE ÉTAPE DES CONSULTATIONS

Le 14 novembre, lors d’un entretien avec sa base de Tshangu (Kinshasa), le président national du parti Nouvel Elan, Adolphe Muzito, a expliqué les raisons de sa non participation aux consultations menées par le chef de l’État.
«Le Président Félix Tshisekedi pose mal le problème de la crise, car il la réduit à la divergence de vues entre lui (CACH) et son partenaire Joseph Kabila (FCC), sur l’accord qui les lie. Ainsi, il débouche sur une fausse thérapie qui vise à créer une nouvelle alliance ou une nouvelle majorité appelée union sacrée en remplacement à la première, qui lui permettrait de mieux gouverner», explique Adolphe Muzito.
Pour lui, cette crise est la résultante du problème d’illégitimité et d’illégalité de l’ordre institutionnel, et ne peut être résolu que par un consensus de toutes les parties prenantes. Il a expliqué que seul le consensus entre les parties prenantes à la crise congolaise, à savoir FCC, CACH et LAMUKA, pourra permettre de résoudre le problème d’illégitimité et d’alliance contre-nature qui a, d’après lui, mis à la tête du pays, un monstre institutionnel, à savoir un président sans majorité parlementaire et dépossédé de ses fonctions régaliennes. «Toutes les parties prenantes à la crise congolaise dégageraient un consensus autour des réformes structurelles comme préalables aux élections générales anticipées. Cette option à l’avantage de mettre fin à l’illégitimité et à une alliance contre-nature», a indiqué Adolphe Muzito.
Il déconseille au président Félix Tshisekedi de tenter la dissolution de l’Assemblée nationale ou le débauchage d’un groupe de députés pour vouloir former une nouvelle majorité parlementaire.
Car, prévient-il, au sujet de la dissolution de l’Assemblée nationale, rien ne garantit que le président Félix Tshisekedi gagnerait par les urnes une nouvelle majorité parlementaire, alors qu’au sujet du débauchage, cette option ne va pas non plus résoudre la crise puisque les débouchés resteraient toujours manipulables et capables à tout moment, de revenir sur leur décision.[1]

Le 17 novembre, dans une déclaration, 22 députés provinciaux du Front Commun pour le Congo du Sud-Kivu ont rappelé au président de la République de son obligation de respecter la constitution et l’accord de la coalition CACH-FCC. Le groupe députés provinciaux FCC ont réitéré, par ailleurs, leur attachement et loyauté envers Joseph Kabila, le chef de leur plateforme politique.[2]

Le 18 novembre, après sa rencontre avec le Président Félix Tshisekedi dans le cadre des ses consultations nationales, l’ancien candidat à la présidentielle en 2011 et  président du parti Ensemble Changeons le Congo (ECCO), Adam Bombole, a déclaré soutenir la fin de la  coalition entre Front commun pour le Congo (FCC) et Cap pour le changement (CACH): «Cet accord était quelque chose qui s’imposait au début du mandat du président. Il n’y avait pas une solution palliative à l’époque. Mais je crois qu’aujourd’hui cet accord doit être déconsidéré, pour évoluer maintenant avec un nouvel accord en s’ouvrant à plusieurs autres forces politiques, de façon à ce que le pays soit géré de manière concertée, sans sabotage, sans croque en jambe».[3]

Le 18 novembre, à Kinshasa, le caucus des députés du Sud-Kivu a demandé au chef de l’État de nommer un informateur, pour identifier la nouvelle majorité au niveau de l’Assemblée nationale. D’après ces élus, la coalition FCC-CACH ralentissait plutôt la marche du pays.[4]

Le 18 novembre, dans une interview, le porte-parole du bureau politique du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), Patrick Nkanga, à la question: «Dans l’hypothèse de la fin de coalition gouvernementale, une nouvelle majorité doit être identifiée par un informateur désigné par le président de la République?», a répondu: «Nommer un informateur postérieurement à l’investiture du gouvernement serait une incongruité juridique et une inconstitutionnalité de plus. L’article 78 alinéa premier de la constitution ne fait aucunement obligation au président de la République de nommer un informateur, avant de nommer le premier ministre. La mission d’information n’est prévue que dans le cadre de l’alinéa 2, si une majorité parlementaire n’est pas perceptible par le président de la République, au travers ses moyens discrétionnaires. Nommer un informateur en ce moment, alors qu’il existe un gouvernement en plein exercice qui jouit de la pleine confiance de la majorité parlementaire, réitérée lors du vote du projet de loi des finances pour l’exercice 2021, aura un mérite, celui de semer une confusion institutionnelle et fonctionnelle. Et dans l’hypothèse de la fin de la coalition, la conséquence directe et logique serait que le CACH quitte le gouvernement. La majorité parlementaire existe. L’ordonnance du président de la République nommant le premier ministre l’a clairement située».[5]

Le 21 novembre, le président fédéral de Le Centre de Germain Kambinga a déclaré que seul le dialogue entre le Président de la République Felix Tshisekedi et son prédécesseur Joseph Kabila peut sortir du pays de la crise politique en cours et a appelé les organisations de la société civile à soutenir ce dialogue.[6]

Le 21 novembre, le fondateur du Parti Travailliste et haut cadre du Front Commun pour le Congo (FCC), Steve Mbikayi, a appelé à une rencontre Félix Tshisekedi – Joseph Kabila, à la fin des consultations présidentielles, pour harmoniser les vues au sujet de la crise politique qui sévit actuellement entre les deux camps au pouvoir (FCC et CACH), afin d’éviter que le pays bascule dans une crise majeure. D’après le ministre des Actions Humanitaires et Solidarité Nationale, il est préférable qu’il y ait un rapprochement politique entre le FCC et le CACH pour faire la paix et continuer à travailler pour l’intérêt du peuple Congolais. En outre, Steve Mbikayi a fait savoir que la crise politique actuelle tire ses origines notamment de la nomination des 3 nouveaux juges à la Cour Constitutionnelle. D’après le FCC, a-t-il souligné, le Chef de l’État n’a pas respecté la procédure prévue par la constitution. Réagissant par rapport au prétendu blocage des actions du président de la République Félix Tshisekedi, le ministre Mbikayi a affirmé qu’il n’y a pas de blocage dans le fonctionnement du Gouvernement, car le programme est du gouvernement et, par conséquent, l’exécutif national ne peut pas bloquer son propre programme.[7]

Le 21 novembre, au cours d’un meeting organisé dans la commune de Mont-Ngafula à Kinshasa, l’Union pour la Nation Congolaise (UNC) a réitéré son soutien au président de la République Félix Tshisekedi et a également exprimé son attachement aux principes de l’Accord du 23/11/2018 créant la plateforme électorale Cap pour le Changement (CACH).[8]

Le 23 novembre, le Collectif des présidents des Assemblées provinciales a salué l’initiative du chef de l’État, celle d’associer toutes les forces vives du pays, en vue de créer l’Union sacrée de la Nation. «Nous avons estimé que cette union sacrée devra être inclusive, en tenant compte notamment de tous les acquis de la coalition FCC-CACH qui ont visé le bien-être de la population», a déclaré le député provincial Kamweni.[9]

Le 24 novembre, une délégation du regroupement politique Action Alternative pour le Bien-être et le Changement (AAB), membre du Front Commun pour le Congo (FCC),  a été reçue par le chef de l’État Félix Tshisekedi, dans le cadre des consultations présidentielles. À l’issue de la rencontre, Bienvenu Akilimali, président du parti politique Fraternité Congolaise (FRACO), a appelé les autres membres du FCC à rejoindre l’initiative du président Tshisekedi. Il a, par la même occasion, dénoncé et fustigé le système de la « pensée unique », qui, d’après ses dires, est instauré au Front Commun pour le Congo.[10]

Le 24 novembre, le regroupement politique Action Alternative pour le Bien-être et le Changement (AAB), membre du Front Commun pour le Congo (FCC), a dénoncé une tentative de manipulation de l’opinion et a dit n’avoir jamais été invité aux consultations nationales initiées par le chef de l’État. Selon le député national Boniface Balamage Nkolo, 2è Vice – Président de l’Assemblée Nationale et Président du parti politique Eveil de la Conscience pour le Travail et le Développement (ECT), 1ère force politique de AAB, les députés Bienvenue Akilimali et Aimée Mongo ont déjà démissionné de AAB et leur participation à une quelconque activité politique ne les engage qu’eux-mêmes. Le député national Boniface Balamage Nkolo a affirmé que «Bienvenu Akilimali a été exclu du Regroupement AAB depuis le 12 novembre 2020 pour tentative de corruption et de débauchage des Honorables Députés Nationaux et certains Membres du Collège des Présidents AAB (l’audio qui a circulé sur la toile faisant foi). De sa propre initiative, Aimé Mongo avait démissionné du Regroupement AAB depuis le 9 novembre 2020 … Ces deux personnalités, dont l’opportunisme politique n’est plus à démontrer et qui du reste ne sont ni Député ni Sénateur, ne peuvent aucunement engager le Regroupement Politique AAB». En tant que deuxième force politique au sein du Front Commun pour le Congo, le regroupement politique AAB a réaffirmé « son indéfectible loyauté » et « son soutien inconditionnel et sans réserve » à l’ancien président de la République et chef du FCC, Joseph Kabila Kabange.[11]

Le 24 novembre, Peter Kazadi, membre du comité d’organisation des consultations présidentielles, a annoncé que «le FCC a finalement demandé d’être reçu par le Chef de l’État». Selon d’autres sources proches du parti présidentiel, le Front Commun pour le Congo en général, et le PPRD en particulier, devraient être consultés ce même 25 novembre, dernier jour des consultations.[12]

Le 25 novembre, la Conférence des présidents du Front Commun pour le Congo (FCC) s’est réunie en urgence à Kinshasa, pour examiner l’invitation du Protocole d’État en vue de prendre part aux consultations politiques. À la fin de cette réunion, le FCC s’est dit non concerné par ces consultations. Toutefois, il a déclaré de rester disposé à dialoguer avec le Président de la République dans le cadre de l’accord qui lie les deux parties et dans le respect de la constitution.
Voici la lettre adressée au Président de la République:
«Nous avons reçu ce mercredi 25 novembre, à 11h20 deux invitations anonymes non signées et non scellées, émanant de votre service de protocole, adressées aux Regroupements politique membres du Front Commun pour le Congo ( FCC) les invitant à prendre part le même jour à 15h00, aux consultations annoncées le 23 octobre 2020, par votre Autorité.
En réponse aux précité, les présidents des regroupements, membres du FCC, ont l’honneur de porter à votre connaissance ce qui suit:
* Les présidents des regroupement notent que les dites invitations sont adressées aux regroupements en lieu et place du FCC, qui est la famille politique partenaire, partie à l’Accord de coalition.
* Le FCC, majorité parlementaire, réaffirme sa disponibilité de dialoguer avec le Président de la République.
* Dès lors, considérant les résultats des dernières élection générales do 30 décembre 2018, ce dialogue ne pourrait se faire utilement que dans le cadre des structures et mécanismes prévus par l’Accord de coalition majoritaire, constituée à l’issue des dites élections.
* Les Regroupements politiques membres du FCC tiennent en outre à s’assurer que toute recherche de solution à la crise se fera conformément à la constitution et aux lois de la République».
Il s’agit d’une lettre qui prend à contre pied ce que Peter Kazadi, membre du comité d’organisation des consultations présidentielles, avait annoncé le jour antérieur.[13]

Le 25 novembre, le chef de l’État Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo a clôturé ses consultations par l’audience accordée à la délégation de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), conduite par son président a.i Jean-Marc Kabund.
D’après Jean-Marc Kabund, «le peuple a constaté que le président Félix Tshisekedi a une volonté politique, chose qui a manqué aux dirigeants politiques de ce pays depuis son accession à l’indépendance. Et cette volonté politique se matérialise par des actes concrets, notamment la gratuité de l’enseignement,  création d’un État de droit et l’indépendance de la justice».
Selon Jean-Marc Kabund, le Président Tshisekedi et son parti, l’UDPS, travaillent pour déboulonner un régime de “prédation” installé en RDC depuis 1960: «L’humanité retiendra que Félix Tshisekedi est en train de réussir un coup auquel personne ne pouvait s’attendre: déboulonner un système qui est installé depuis 1960, un système basé sur la prédation et qui ne prenait pas en considération ni le Congolais, ni le Congo».
L’ex Premier vice-président de l’Assemblée nationale a affirmé que la page de la coalition FCC-CACH est complètement tournée: «Nous avons dit au Président Tshisekedi, de manière claire et à haute voix, que l’Union pour la démocratie et le progrès social voudrait qu’il tourne la page de la coalition FCC-CACH.  Nous lui avons aussi dit que, depuis que ces consultations ont commencé, nous avons senti la volonté des Congolais de s’unir autour de lui dans le cadre de l’Union sacrée, afin de faire décoller ce pays. Il n’y aura ni cohabitation, ni coalition dans ce pays, il faut tourner la page».[14]

2. PISTES D’ANALYSE ET PERSPECTIVES D’AVENIR

La tension entre le Front Commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila et le Cap pour le Changement (Cach) de Félix Tshisekedi ne baisse pas. La famille politique de l’actuel président de la République veut mettre un terme à la coalition. Elle soutient que les conflits avec le regroupement politique de Joseph Kabila ne permettent plus au gouvernement de coalition de travailler dans la sérénité. Les proches de Félix Tshisekedi ont par exemple ciblé ces derniers temps le ministre des Finances, José Sele Yalaghuli. Ils accusent ce membre du FCC de Joseph Kabila de bloquer plusieurs initiatives de Félix Tshisekedi. Ce que dément l’intéressé.
Lors des meetings, dans les médias et sur les réseaux sociaux, des proches de l’actuel président allèguent que José Yalaghuli sabote l’action de Félix Tshisekedi. Marcellin Bilomba, conseiller principal du chef de l’État pour les affaires économiques, évoque par exemple la paie des fonctionnaires de l’Etat: «Il n’a pas payé dans le temps les salaires de fonctionnaires. Il a préféré payer les factures fournisseurs des groupes des sociétés qui sont proches de ses protecteurs: l’ancien président Joseph Kabila et l’ancien Premier ministre Matata Ponyo».
Des accusations que rejette José Sele Yalaghuli qui explique que les dépenses contraignantes comme les salaires sont traités en priorité. Seulement, l’ordre de priorité, dit-il, veut qu’aujourd’hui les militaires sont les premiers à toucher leurs salaires, suivis des policiers, des enseignants et des médecins. Il fait également remarquer plusieurs contraintes. Par exemple, note t-il, l’enveloppe salariale qui était de 300 milliards de francs congolais l’année dernière est passée à 420 milliards, alors que l’effectif de fonctionnaires est passé de 1,2 million d’agents à plus de 1,4 million d’agents cette année. Le ministre des finances dénonce la mauvaise foi de la part de l’entourage du chef de l’Etat. Il va plus loin et cite des actions menées dans le Kasai, la région d’origine de Félix Tshisekedi, comme par exemple le projet de relance de la Société minière de Bakwanga (Miba) dans le Kasai: «Toutes les instructions, parfois personnelles, du chef de l’Etat en ce qui concerne tel ou tel type de dépenses sont rencontrées. Je donne l’exemple de la Miba. C’est moi qui ai proposé au président de la République de relancer la Miba».[15]

Les rapports entre le Président Félix Tshisekedi et son allié principal, l’ancien Président Joseph Kabila, se sont drastiquement détériorés. Les deux hommes forts de Kinshasa seraient liés par un accord dit confidentiel et devenu très encombrant pour eux. Cet accord n’aurait été autre chose qu’un moyen de passer outre les résultats de l’élection présidentielle de 2018, que le candidat de la plateforme LAMUKA aurait remporté. Depuis, les deux alliés ne cachent plus leur malaise et leur méfiance mutuelle face à leurs arrangements antérieurs.
Pour le Président Félix Tshisekedi, il s’agit surtout de se libérer d’un allié qui lui coûte cher soit politiquement que financièrement. Dernièrement, l’un des ses conseillers principaux a fait savoir que l’ancien Président est pris en charge sur la cote budgétaire de la présidence de la République et qu’il y’a plus de 5.000 gardes pour protéger sa famille et ses biens à travers le pays. Chez l’actuel Président, il faut donc mettre fin à cet accord.
Pour l’ancien Président Joseph Kabila et ses partisans, c’est une forme de trahison contre des engagements pris.
Le problème va plus loin, car le Président Félix Tshisekedi est contrôlé politiquement par une majorité parlementaire acquise à son ancien allié. Il est dans un gouvernement au sein duquel ses marges de manœuvre sont réduites, car la plupart des Ministres proviennent du FCC.
Le Président Félix Tshisekedi s’est lancé dans une démarche pour se tailler une majorité parlementaire, en essayant de débaucher dans les rangs de son allié principal et de rassembler l’opposition. Il a entamé des consultations nationales en vue de mettre sur pied une union sacrée de la nation congolaise.
Entre-temps, les conseils des Ministres ont été suspendus depuis le 23 octobre 2020, ce qui rend impossible toute prise de décisions. Par ailleurs, la plupart des écoles ont décidé de fixer les frais scolaires, se passant de la promesse du Président de la République de financer la gratuité de l’enseignement, qui peine à se poursuivre après la crise économique causée par la pandémie du coronavirus.
Mais que donne finalement un accord politique, que les élections ne peuvent pas donner?
Dans les milieux de la présidence, les intentions sont claires: il faut se faire une majorité parlementaire confortable pour poursuivre le chemin dans une nouvelle dynamique ou à défaut, il faut dissoudre le parlement et convoquer des élections législatives anticipées.
Dans le camp du FCC, on ne l’entend pas de cette manière là. Lors d’une dernière déclaration, celui-ci s’est dit prêt pour des élections générales anticipées, y compris la présidentielle.
En effet, les dispositions constitutionnelles permettent à un Président de dissoudre le parlement en cas de conflits avec le parlement et, en même temps, elles autorisent aussi le parlement à mettre le Chef de L’État en accusation et à rechercher sa déchéance, en cas de haute trahison.
Pour le moment, dans les deux camps, toutes les cartes sont réunies.
Si le Président utilisait la paralysie persistante du gouvernement pour la transformer en une crise avec le parlement, le camp du FCC, majoritaire, concevrait aussi la nomination des trois juges à la cour constitutionnelle comme une haute trahison.
Beaucoup d’analystes pensent que les deux camps pourraient s’accorder sur la démarche d’aller en avant et se séparer à l’amiable en optant pour des élections générales. Mais, auparavant, il faut qu’ une requête en interprétation des articles de la Constitution soit introduite à la cour constitutionnelle pour permettre à un tel scénario de se produire.
Dans le camp de l’opposition politique, le discours est resté le même: celui de casser la coalition FCC-CACH pour organiser des nouvelles élections.[16]

En RDC, la grogne sociale monte et le peuple, dont la majorité vit avec moins de 2$ par jour et sans opportunités d’avenir, ne tient pour responsable que le Front Commun pour le Congo (FCC) de l’ancien Président Joseph Kabila qui, pour lui, détient inexorablement les clés pour décanter la situation mais qui, par contre, veut punir le Président en exercice. Si agir ainsi pour coincer le chef de l’Etat est une stratégie politique élaborée pour prouver son inefficacité à gouverner, elle a échoué parce que le peuple a déjà identifié là où se trouve le problème et la sanction risque d’être très sévère.
La situation économique de la RDC est telle que la plus part de gros investissements appartiennent au cercle d’amis de l’ancien Président Joseph Kabila et des membres de sa famille. Ces derniers sont capables de manipuler à souhait les facteurs et les indicateurs économiques pour renforcer davantage la crise et faire échec à la politique de l’actuel Président de la République. Cela semble être la stratégie mise en place. Le peuple n’en peut plus et la pression retourne vers le FCC.
Le temps avance et le FCC demande des élections anticipées qu’il n’est pas sûr de gagner, le souvenir des années de malheur étant encore vivant.
Au sein du FCC, chacun a les élections futures dans sa tête et certains perçoivent la situation actuelle comme une sorte de lutte pour la survie personnelle et politique. Plusieurs perçoivent que se défaire publiquement de l’ancien Président Joseph Kabila est très dangereux, car ils ne savent pas ce qui va se passer après. D’autres, par contre, ont commencé à s’amender sans faire du bruit. C’est exactement ce qui se passe avec certains ténors du FCC comme Pius Muabilu, Bahati Lukwebo et autres. Ainsi, on parlait avant de 338 députés du FCC et dans une publication récente, on ne parle plus que de 219 députés. Cette tendance peut accélérer le départ de plusieurs personnes du FCC, jusqu’à se rendre compte que le bloc suinte de partout et qu’il n’existe plus que de nom. Ceci est un indicateur palpable de la quête de positionnement individuel et collectif en perspective des échéances à venir. Ainsi, l’actuelle stratégie de l’ancien Président Joseph Kabila et de sa famille politique pourrait s’avérer suicidaire et ressembler aux dernières heures de Hitler dans son bunker.[17]

Le Président congolais Félix Tshisekedi est actuellement à la croisée de chemins, entre faire une union sacrée suivant sa conception et faire des élections générales anticipées comme le lui demandent ses anciens partenaires du FCC mais le Président se heurte à un double défi.
Premier défi: il doit montrer qu’il est un homme intègre et éthique, parce que le débauchage est un acte politique qui n’est pas éthique et se rapproche plus de l’immoralité. Si d’une façon naturelle, il y’a recomposition des alliances politiques pour des raisons qui échappent aux uns et aux autres dans le cadre d’un rééquilibrage politique dicté par la nature, c’est normal mais, même dans ce cas, il y’a toujours comme une sorte d’arrière pensée qui sert de fil conducteur. Est-ce que le Président Félix Tshisekedi peut tenter de faire le débauchage qu’il a longuement critiqué hier? Ce schéma, quoi que politiquement immoral, paraît moins coûteux et moins périlleux.
Le deuxième défi est le choix que le Président peut faire, celui de convoquer des élections anticipées comme le lui demandent ses anciens partenaires du FCC, jaloux de leur majorité acquise.
Le mandat du Président Tshisekedi est entaché de beaucoup d’accusations de tribalisme d’État et cela continue de diviser l’opinion publique. Cette tendance est actuellement renforcée par un certain comportement hautain affiché par les personnes de l’ethnie du Président. Il y’a comme une sorte de limitation de droit à la critique dans l’espace public. Les gens sont souvent pris à partie par les membres de l’ethnie du Président et d’autres subissent des violences pour avoir critiqué le Président Tshisekedi. Si le régime Tshisekedi ne s’amende pas à temps, il pourra subir un boycott général dans tout le pays en cas d’élections générales anticipées.
L’autre problème du Président Tshisekedi est son parti politique, l’UDPS, qui est devenu une masse informe. La bataille pour son contrôle s’est poursuivie après le décès d’Etienne Tshisekedi, l’un des ses fondateurs historiques. Plusieurs hommes forts sont nés au sein de ce parti, ce qui fait qu’il pourra voler en éclats du jour au lendemain. Ces hommes forts sont prêts à diviser plutôt qu’à unifier. Les divisions profondes au sein de ce parti font que le pari d’une élection de Tshisekedi soit peu probable. Par conséquent, ce parti ne semble pas prêt pour des élections anticipées.
Pour que le Président Tshisekedi envisage son élection, il doit s’inscrire dans une logique d’alliance élargie. Il ne pourra pas compter uniquement sur son parti et son premier cercle. La question qui demeure est celle de savoir si les autres accepteront de s’allier avec lui, à un moment où la nature leur offre une chance inattendue, leur permettant de se positionner comme étant la voie du milieu entre l’actuel Président Félix Tshisekedi et l’ancien Président Joseph Kabila.[18]

Le président national du parti Nouvel Elan, Adolphe Muzito, a évoqué cinq scénarios  sur lesquels pourraient déboucher les consultations initiées par le président Tshisekedi. Il s’agit de:
* 1er scénario
Tshisekedi échoue dans le recrutement de nouveaux députés en vue de former une nouvelle majorité parlementaire et donc il ne pourra pas conclure un nouvel accord, parce qu’il n’aura pas réussi à mobiliser suffisamment des députés en faveur de son Union sacrée. Il se verrait dans l’obligation de rentrer auprès de Kabila, pour continuer leur accord, sans perspectives d’une quelconque réforme institutionnelle. Ce scénario affaiblira davantage Mr F. Tshisekedi et réduira davantage sa capacité de réaliser sa vision.
* 2è scénario
Le Président Tshisekedi réussit à recruter quelques députés, à augmenter son poids au sein de l’Assemblée nationale ainsi que son quota au sein de la coalition FCC-CACH, mais n’arrive ni à avoir une majorité parlementaire ni à avoir le contrôle de ses fonctions régaliennes, dont la défense et la justice ainsi que la gestion des finances et des mines. Dans ce cas de figure encore une fois, Mr Tshisekedi ne pourra pas matérialiser son programme économique et social. La crise dans le pays ne trouvera pas un début de solution.
* 3è scénario
Mr F. Tshisekedi réussit à requalifier la majorité parlementaire, en obtenant l’adhésion à son union sacrée, de quelques députés du FCC et/ou de LAMUKA, en supposant que Mr Kabila serait prêt à renoncer à leur alliance. Toutefois, Kabila veut sauvegarder l’accord de coalition pour gouverner ensemble, afin de faire porter à Mr F. Tshisekedi la responsabilité du bilan négatif de la législature lors de la prochaine présidentielle. D’autre part, la requalification de la majorité parlementaire devrait nécessairement aboutir à une démission du premier ministre, qui est du FCC, à moins que Mr Tshisekedi ne puisse décider d’opérer un coup de force ou de faire tomber le gouvernement à la suite du vote de la motion de censure par la nouvelle majorité parlementaire de fait qu’il aurait constituée. La démission du premier ministre est le seul acte qui peut donner l’opportunité à Mr F. Tshisekedi de désigner un informateur, qui pourrait identifier la supposée nouvelle majorité. Cette option ne va pas non plus résoudre la crise, puisque les débauchés resteraient toujours manipulables et capables à tout moment, de revenir sur leur décision. Aussi Mr F. Tshisekedi aura du mal à rivaliser avec Kabila sur le terrain du débauchage des députés en termes d’expérience en la matière et de la disposition des moyens financiers.
* 4è scénario
Mr F. Tshisekedi lève l’option de dissoudre l’Assemblée Nationale par un coup de force, puisque du point de vue constitutionnel, une ordonnance de dissolution de l’Assemblée nationale est soumise à un contreseing du premier ministre qui est du FCC.
Cette option présente les inconvénients suivants:
– Les élections anticipées ne concerneront que les législatives et non la présidentielle, pourtant l’institution Président de la République est aussi concernée par la crise de légitimité.
– La difficulté voire impossibilité d’organiser les élections législatives dans les soixante jours, d’où une situation d’inconstitutionnalité.
– À défaut d’organiser les élections dans les soixante jours, nous entrerons dans une période d’exception où le président pourrait s’approprier les compétences du Parlement avec risque d’une dérive dictatoriale.
– Au cas où les législatives étaient organisées dans les soixante jours, il n’y a pas de garantie que Mr Tshisekedi gagnerait par les urnes une majorité parlementaire pour rentrer dans une situation normale, d’un Président de la République disposant d’une majorité parlementaire et de ses fonctions régaliennes.
* 5è scénario
Dans ce scénario, toutes les parties prenantes à la crise congolaise dégageraient un consensus autour des réformes structurelles comme préalables aux élections générales anticipées (Voir Plan de sortie de crise du Président élu Martin Fayulu). Cette option a l’avantage de mettre fin à l’illégitimité et à une alliance contre-nature qui a mis à la tête du pays, un monstre institutionnel, à savoir un président de la République sans majorité parlementaire et sans maitrise des fonctions régaliennes.[19]

L’interminable partage du gâteau! Tel serait le mobile voilé de l’engouement qu’on enregistre aux consultations initiées par le président de la République. Des centaines de personnalités et regroupements qui accourent vers le Palais de la Nation ont-ils vraiment une idée claire de ce que Félix Tshisekedi attend de cet exercice qui vise à former, au finish, l’Union sacrée de la nation ? Pas évident. Étant imbibés dans de mauvaises vieilles habitudes à la fin de chaque rencontre politique, les acteurs politiques – surtout eux – y vont pour arracher leur part de gâteau, au grand dam de l’intérêt de la population. En effet, l’engouement observé au Palais de la Nation n’est pas un simple fait du patriotisme. Loin s’en faut. La preuve, c’est que tout le monde, ou presque, qui sort de chez le chef de l’État appelle à la rupture avec l’actuelle coalition et au changement d’équipe gouvernementale. Ce n’est pas gratuit. Les politiciens congolais savent que depuis toujours, à l’issue de chaque négociation ou consultation, se dessine une nouvelle cartographie politique.
Du coup, chacun veut figurer dans  la nouvelle cour du roi : soit comme ministre, soit comme mandataire ou autre haut fonctionnaire de l’État. Déjà au départ de ces consultations, la Cenco craignait que le démon du partage des postes ne prenne le dessus sur l’intérêt d’une population qui n’a que trop souffert: «Nous avons de plus en plus l’impression que des politiques se préoccupent plus des postes à conserver ou à occuper qu’à l’intérêt supérieur de la nation».
Le chef de l’État devra veiller à ne pas tomber dans ce piège qui risque de creuser davantage un fossé entre lui et le peuple. Il devra rester fidèle à l’idée originelle de ces consultations, celle d’une Union sacrée de la nation comme une nouvelle forme de gestion qui fédère toutes les forces vives du pays autour d’un idéal commun, celui qui place en tête non les appétits gloutons d’une minorité au pouvoir, mais l’intérêt supérieur de la nation: «Le peuple d’abord!».[20]

[1] Cf Claude Sengenya – Actualité.cd, 15.11.’20; Prince Mayiro – 7sur7.cd, 16.11.’20
[2] Cf Justin Mwamba – Actualité.cd, 17.11.’20
[3] Cf Ivan Kasongo – Actualité.cd, 18.11.’20
[4] Cf Radio Okapi, 19.11.’20
[5] Cf 7sur7.cd, 19.11.’20
[6] Cf Radio Okapi, 22.11.’20
[7] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 23.11.’20
[8] Cf Actualité.cd, 21.11.’20
[9] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 23.11.’20
[10] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 25.11.’20
[11] Cf Actualité.cd, 24.11.’20
[12] Cf Thierry Mfundu – Politico.cd, 25.11.’20
[13] Cf Fonseca Mansianga – Actualité.cd, 25.11.’20
[14] Cf Ivan Kasongo – Actualité.cd, 26.11.’20; Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 26.11.’20
[15] Cf Patient Ligodi – RFI, 16.11.’20
[16] Cf L’Oiseau perché – Tamtam-news.net/rdc, 18.11.’20
[17] Cf L’Oiseau perché – Tamtam-news.net/rdc, 20.11.’20
[18] Cf L’Oiseau perché – Tamtam.nes.net/rdc, 20.11.’20
[19] Cf Prince Mayiro – 7sur7.cd, 16.11.’20
[20] Cf Le Potentiel – http://www.lepotentiel.cd/g?post=1540