Congo Actualité n. 420

L’INSTALLATION DU BOURGMESTRE DE LA COMMUNE RURALE DE MINEMBWE AU SUD KIVU (1)

SOMMAIRE

1. INTRODUCTION
2. UNE MISE EN PLACE IMPROVISÉE ET VITE CONTESTÉE
3. LE DÉBAT SUR LES QUESTIONS JURIDIQUES
4. LA POSITION DU CHEF DE L’ÉTAT
5. L’INTERPELLATION DU MINISTRE DE LA DÉCENTRALISATION DEVANT LE PARLEMENT

1. INTRODUCTION

L’installation du bourgmestre de la commune rurale de Minembwe à l’Est de la République démocratique du Congo (RDCongo) fait polémique et ravive les tensions communautaires et politiques. Une chance pour la paix pour les uns, de l’huile sur le feu pour les autres… Au Sud-Kivu, l’installation de Gad Mukiza comme bourgmestre de la commune de Minembwe le 28 septembre dernier, continue de diviser les Congolais. Au coeur de la controverse, les tensions entre Banyamulenge rwandophones et Babembe « autochtones », qui provoquent depuis plusieurs mois un regain de violence dans les territoires de Fizi, Uvira et Mwenga. Le 10 août dernier, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme en RDCongo (BCNUDH) a dressé un bilan partiel de cette crise sécuritaire : au moins 95 villages détruits et 110.000 personnes déplacées.
Les groupes «autochtones» contestent la création de la commune de Minembwe et de leur maire, Gad Mukiza, un Banyamulenge. Son adjoint, un Babembe, n’a d’ailleurs pas participé à la cérémonie d’installation du maire. Les milices d’autodéfense locales Maï-Maï considèrent Minembwe comme une occupation de leurs terres ancestrales par les Banyamulenge.
La création de cette commune ramène les Babembe à la fin des années 1990, pendant la seconde guerre du Congo, explique Judith Verweijen sur le site de Kivu Security. Selon elle, «l’administration rebelle du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), soutenu par le Rwanda, avait créé le territoire de Minembwe. Ce territoire répondait à un souhait de longue date des Banyamulenge, à qui les autorités coloniales avaient refusé une chefferie ou un groupement». La chercheuse note alors que la création du territoire de Minembwe «semblait confirmer une théorie du complot selon laquelle les Banyamulenge seraient à l’avant-garde d’une invasion étrangère tentant d’exproprier et de déplacer les groupes « autochtones » et d’usurper leur autorité locale».
Ironie du sort, c’est l’actuel ministre de la Décentralisation, Azarias Ruberwa, président de l’ancienne rébellion du RCD, qui procédait à l’installation du bourgmestre de Minembwe le 28 septembre. Pour une partie de la classe politique congolaise, Minembwe devient le symbole d’un projet de « balkanisation » de l’Est de la RDC par le Rwanda voisin.[1]

2. UNE MISE EN PLACE IMPROVISÉE ET VITE CONTESTÉE

Le 28 septembre, le ministre de la défense Aimé Ngoy Mukena s’est rendu à Minembwe, dans le territoire de Fizi (Sud-Kivu), avec une délégation gouvernementale pour une mission de pacification. La délégation était composée de députés nationaux, du gouverneur du Sud-Kivu Théo Ngwabidje, de son ministre provincial de l’intérieur Lwabandji Lwasi Ngabo, du chef d’État-major général de l’armée, le général Célestin Mbala et de généraux de l’armée. L’objectif était de tenter de trouver des solutions à l’insécurité répandue dans les hauts et moyens plateaux de Minembwe, Uvira et Mwenga ravagés par les violences communautaires depuis plusieurs années. Aimé Ngoy Mukena a mené une mission similaire en Ituri et à Beni.
À cette occasion, le bourgmestre de la commune rurale de Minembwe, Gad Mukiza, et son adjoint ont été installés officiellement par le ministre provincial de l’intérieur du Sud-Kivu. Lors de cette cérémonie, on a remarqué la présence aussi du ministre de la décentralisation Azarias Ruberwa.  Le bourgmestre Gad Mukiza, membre de la communauté des banyamulenge, était présent, mais son adjoint, membre de la communauté des babembe, était absent. Le bourgmestre de Minembwe et son adjoint avaient été nommées depuis le début de l’année 2019 avec ceux des villes de Baraka, Uvira et Kamituga, déjà en fonction. D’autres communes rurales créées n’ont jamais reçu d’animateurs.
Toutefois, cette installation des nouveaux animateurs de la commune rurale de Minembwe intervient alors que les populations autochtones congolaises, considérant  la communauté rwandophone, dite Banyamulenge, comme une communauté composée de refugiés et d’immigrés rwandais, détenteurs donc de la nationalité rwandaise et dépourvus, par conséquent, de la nationalité congolaise, la soupçonnent d’avoir des visées territoriales et sécessionnistes vis-à-vis de cette partie de la RDC.  En effet, une partie de la population locale pense que la cérémonie d’installation du bourgmestre de Minembwe est liée à un plan qui date depuis longtemps et qui consiste à faire de cette partie du Congo un État indépendant qui sera peuplé par la minorité rwandophone dite Banyamulenge. Par conséquent, depuis près de 4 ans, l’entité de Minembwe est secouée, par une crise sécuritaire sans précédent. Des milices mai-mai, opposées à l’érection de Minembwe comme commune rurale, s’affrontent à une coalition des groupes armés Ngumino, Makanika, Twigwaheno et Adroid. [2]

Tout commence avec la « caravane de la paix ». Il s’agit, en fait, d’une délégation mixte conduite par le ministre de la Défense Nationale de la République Démocratique du Congo avec plusieurs élus nationaux et quelques notabilités des provinces touchées par l’insécurité.
La délégation avait comme itinéraire Bunia en Ituri, Beni au Nord-Kivu, Minembwe-Kipupu au Sud-Kivu, Muliro et Kipushi au Tanganyika et encore Lubumbashi-Kasumbalesa au Haut-Katanga. Elle avait pour missions d’écouter les autorités administratives, politiques et militaires, la société civile et les différentes couches de la population, pour pouvoir trouver des pistes de solutions à la crise sécuritaire, etc. Dans les premières étapes, la délégation ne connaît aucun problème, tout roule comme sur des roulettes. Le message de paix est lancé et la caravane avance. Arrive alors le tour du Sud-Kivu.
Le ministre de la décentralisation Azarias Ruberwa n’est pas dans la délégation constituant la caravane de la paix dans les provinces à insécurité. Pourtant, il arrive à l’aéroport de Kavumu avec le Gouverneur du Sud Kivu, Théo Ngwabidje Kasi, pour se retrouver plus tard à Minembwe dans le cadre d’une autre mission, notamment celle de l’installation du bourgmestre et son adjoint.
A Minembwe, plusieurs membres de la délégation du ministre de la Défense constituant la “caravane de la paix” n’ont aucun programme sur une éventuelle installation de l’animateur de la commune. Pourtant, ce programme se retrouve au rendez-vous. Les remous commencent en ce moment-là.
Sur les réseaux sociaux, le député Pardonne Kaliba, qui faisait partie de la délégation du ministre de la Défense, affirme: «Je ne suis pas allé à Minembwe dans une mission pour l’installation du bourgmestre. C’est à Kavumu que nous avons rencontré le ministre Ruberwa avec le Gouverneur du Sud-Kivu. À ce moment-là, ils sont les seuls à connaitre leur mission pour l’installation des animateurs de la commune. Ni moi, moins encore le ministre de la défense n’étions au courant de leur programme. Nulle part la délégation du ministre de la Défense a fait mention de l’installation de cette fameuse commune de Minembwe. C’est là que nous nous sommes rendu compte que le ministre de la Décentralisation, Azaras Ruberwa, était venu pour installer le bourgmestre de Minembwe. Cette installation a été faite frauduleusement. C’est un complot de Ruberwa».
Le ministre de l’intérieur de la province du Sud Kivu, Lwabanji Lwasi Ngabo, reconnait que la cérémonie n’était pas prévue. Toutefois, selon lui, il fallait profiter de sa présence sur le terrain pour procéder à cet acte purement administratif: «Croyez-moi, il s’agit d’une coïncidence. Je vous dis que je n’avais pas les textes pour constituer le procès-verbal. Je devais me référer à des textes que je n’avais pas sur moi, car ce n’était pas prévu. J’ai été averti à 22 heures et je partais le matin suivant. C’est une coïncidence pure et simple. De là, j’ai demandé qu’on me communique par Whatsapp les textes nommant le bourgmestre et ceux qui le notifiait». Le ministre rejette l’idée d’une installation dans la “précipitation”.  Pour lui, rien n’a été précipité. D’ailleurs, fait-il remarquer, le bourgmestre en question était déjà en fonction depuis longtemps: «Ce n’est pas de la précipitation. Le bourgmestre de Minembwe était là depuis longtemps. C’est moi qui suis l’autorité compétente et qui ai procédé à l’installation officielle du bourgmestre de Minembwe. C’est un acte simplement administratif. Ça pouvait se faire ce jour-là ou plus tard», a-t-il dit, expliquant que ni Ruberwa, ni Mukena n’étaient concernés par la cérémonie.
Plusieurs sources dans la délégation reconnaissent le malaise né de la décision d’installer officiellement le bourgmestre de la commune rurale de Minembwe; une installation qui “n’était pas prévue”.
A la Présidence de la République, c’est le total embarras. Un conseiller du Président Tshisekedi et membre de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), parti présidentiel pense que cette situation a été “boutiquée” par le 1er ministre et le PPRD: «Un dossier aussi sensible comme celui-là devait être au moins discuté en Conseil des Ministres, mais cela n’a pas été le cas. Le Président n’en sait rien».[3]

Le 2 octobre, lors d’un point de presse, le ministre provincial de l’intérieur du Sud-Kivu, Lwabanji Lwasingabo, a affirmé que c’est lui qui a procédé à l’installation officielle des animateurs de Minembwe et non la délégation du gouvernement central conduite par le ministre de la Défense Aimé Ngoy Mukena, qui était à Minembwe pour une mission de la paix.
Toutefois, une certaine opinion ne comprend pas comment sur les dix communes rurales créées en 2015, seuls le bourgmestre de la commune de Minembwe et son adjoint ont été nommés et installés. «Ça nous créé beaucoup des problèmes», reconnait le ministre Lwabanji, qui indique avoir écrit au gouvernement central pour que les animateurs des neuf autres communes soient désignés et installés, mais rien n’est fait. En attendant, des habitants trouvent que la nouvelle commune de Minembwe bénéficie d’un favoritisme qui ne dit pas son nom et plusieurs y voient un « sale coup » concocté par des autorités au sommet du pays.[4]

Le 3 octobre, le porte-parole du gouvernement, Jolino Makelele, a affirmé que «Azarias Ruberwa est le ministre de la Décentralisation. Il est compétent pour tout ce qui touche les entités territoriales décentralisées. Nous avons trouvé un projet déjà en place. On n’a fait que finaliser ce qui avait déjà été décidé depuis 2013. Sur la présence massive des autorités tant politiques que militaires et diplomatiques, le porte-parole du gouvernement a déclaré que «ça a été un hasard de calendrier. Il y avait un projet de tournée de hauts responsables politiques accompagnés des élus locaux et des responsables de l’Armée pour aller sensibiliser la population sur tout ce que le gouvernement a fait  pour mettre fin à la guerre et pour l’inviter à ne pas adhérer aux thèses sécessionnistes».[5]

Le 13 octobre, dans une interview, Azarias Ruberwa a apporté sa version au sujet de l’installation du bourgmestre de Minembwe: «La décision a été prise au Conseil des ministres pour que nous allions à deux, avec le ministre de la défense, une grande délégation, plutôt pour des raisons de sécurité et de paix. Jamais dans l’ordre de mission et jamais dans les faits, je n’ai installé le bourgmestre … On me l’a attribué de façon extrêmement abusive et mensongère. Nous sommes à Minembwe avec le ministre de la défense, le Chef de l’Armée et bien d’autres officiers et dix députés nationaux, le gouverneur du Sud-Kivu et le ministre provincial de l’intérieur. Nous tenons des réunions sur le plan de la sécurité. Il y a aussi le bourgmestre de Minembwe, qui fonctionne comme tel depuis environ deux ans, ayant été notifié par le gouverneur après sa nomination en mai 2019». Selon Azaria Ruberwa, ce sont les autorités provinciales qui ont décidé d’installer le bourgmestre: «Il s’agit d’une formalité administrative qui n’a pas une grande importance même dans la loi, c’est plutôt psychologique. Au cours de ce séjour, la société civile et la population ont posé une question: « On a installé les maires des villes d’Uvira, de Baraka et de Kamituga, mais le bourgmestre de Minembwe notifié au même moment, n’est toujours pas installé ». Le gouverneur et le ministre provincial leur ont donné raison: « Car vous l’avez demandé, nous n’avons pas besoin de rentrer à Bukavu pour revenir ici pour ça. Nous le ferons le matin ». C’est ainsi que le ministre provincial de l’intérieur a agi devant le gouverneur».[6]

  • Des avis favorables.

Le 28 septembre, le gouverneur du Sud-Kivu, Théo Ngwabidje, a déclaré que l’installation des nouveaux animateurs de Minembwe, issus des communautés différentes, pourra permettre l’instauration de la paix dans cette entité et il a demandé à tous les enfants de toutes les communautés de revenir à Minembwe, car «les Fuliro, les Bembe, les Nyindu, les Banyamulenge… nous sommes tous des enfants de la province du Sud-Kivu».[7]

Le 29 septembre, un ancien député national, Enock Sebineza, a affirmé que, malgré les tensions perceptibles, il s’agit d’une opportunité: «C’est un pas dans la bonne direction pour rapprocher les services aux administrés qui faisaient par exemple 150 kilomètres pour enregistrer une naissance ou trouver un document administratif. Une entité décentralisée pour un développement local intégré».[8]

Le 4 octobre, dans une interview, le directeur de cabinet honoraire au ministère provincial de l’intérieur du Sud-Kivu, Josué Boji, a affirmé qu’il était important et urgent d’ériger la commune de Minembwe, pour rassurer une meilleure administration de la population. Ayant coordonné la commission chargée de délimiter les différentes communes et villes au Sud-Kivu, Mr Boji a souligné que, à l’époque, une personne devait quitter Minembwe pour aller chercher un simple acte de mariage à Uvira. Pour lui, c’est à cause des problèmes administratifs qu’il a été décidé depuis 2013 de créer des communes rurales et nouvelles villes pour permettre à la population de bénéficier de services administratifs. L’ancien directeur de cabinet au ministère provincial de l’intérieur du Sud Kivu conseille à la classe politique d’éviter les contradictions inutiles qui sont en train de ramener la province en arrière. Pour lui, dans la logique de la décentralisation, les communes sont la voie que le pays a choisie pour assurer la meilleure administration.[9]

  • D’autres contraires.

L’érection de Minembwe comme Commune ne fait pas l’unanimité. Plusieurs acteurs socio -politiques et des organisations indépendantes identifient la nouvelle Commune de Minembwe comme l’une des causes des conflits armés dans la région.

Le député Bulambo Kilosho, élu de Mwenga, s’est montré très suspicieux des visées entretenues derrière la question de la création de la commune contestée de Minembwe. Il a pour cela demandé la suppression du décret créant la commune contestée de Minembwe et la déclaration de nul effet de l’installation de son bourgmestre.[10]

Le député Éric Ngalula a affirmé que la question de l’installation du Bourgmestre de la commune rurale de Minembwe, dans la province du Sud-Kivu, lui rappelle les guerres de 1996 et 1998, quand les ingrédients d’une balkanisation du Pays étaient déjà réunis, mais il a ajouté que ce plan a échoué suite à l’unité nationale et à la vigilance de la population. Selon cet élu de Lupatapata, dans le Kasaï-Oriental, pour le compte de l’UDPS, ce plan ne pourra pas réussir, ni aujourd’hui ni demain.[11]

Le député national Gratien de Saint-Nicolas Iracan a affirmé que l’installation du bourgmestre de Minembwe était précipitée. Selon cet élu de Bunia, il fallait plutôt annoncer les démarches devant aboutir à cette installation: «Nous pensons que c’était trop tôt pour pouvoir installer le bourgmestre de la commune rurale de Minembwe. Le moment n’était pas indiqué pour procéder à cette installation. Il fallait d’abord l’annoncer et se rassurer que toute la réglementation en la matière au niveau des ministères sectoriels soit réunie pour pouvoir procéder à cette installation».
Il a cependant suggéré que les spéculations de tous les sens autour de Minembwe ne priment pas sur le climat sécuritaire précaire qui sévit dans les territoires de Fizi, Mwenga et Uvira depuis désormais trois ans: près de 400 morts, 150.000 déplacés internes, 311 villages incendiés, 25,179 maisons incendiées, 57 centres de santé détruits, 264.396 têtes de bétails emportées ou tuées». M. Iracan était membre de la délégation officielle qui a fait la tournée sécuritaire dans certaines zones chaude de l’est du pays, dont Minembwe. Il a aussi assisté à l’installation du bourgmestre de cette commune rurale.[12]

3. LE DÉBAT SUR LES QUESTIONS JURIDIQUES

Le 2 octobre, lors d’un point de presse organisé au gouvernorat de la province, le ministre provincial de l’intérieur du Sud-Kivu, Lwabanji Lwasingabo, s’est exprimé pour fixer l’opinion sur la récente installation officielle des animateurs de la commune Rurale de Minembwe.
Le ministre Lwabanji a dit qu’il ne sait pas pourquoi les gens s’agitent et veulent créer le flou sur l’existence de la commune rurale de Minembwe. Pour lui, la commune Rurale de Minembwe est bien délimité et ne touche à aucune autre entité.
Lwabanji a indiqué que c’est depuis 2013 que l’ancien premier ministre de la RDC Matata Mponyo a pris le décret-loi numéro 13/029 qui avait créé 15 communes rurales. Il s’agit de Bulambika, Hombo, Minova et Nyabibwe pour le territoire de Kalehe; de Sange, Luvungi et Kiliba pour le territoire d’Uvira; de Minembwe, Misisi, Baraka et Swima pour le territoire de Fizi; de Nyangezi et Kamanyola pour le territoire de Walungu, et de Kavumu pour le territoire de Kabare.
Ce décret sera suspendu en 2015, par le conseil de ministre, en estimant qu’il y avait des agglomérations qui ne remplissaient pas des conditions pour devenir des villes ou des communes rurales. Toutefois, dans ce conseil des ministres, il sera décidé que la surséance soit levée pour 10 communes rurales sur les 15 qui étaient initialement créés, dont Minembwe. Par conséquent, ce conseil de ministre adopte un décret qui reconnait 10 communes rurales sur les 15 qui étaient initialement crée, dont Minembwe.
Dans ses annexes, ce même décret fixe les limites de chaque commune. Pour la commune de Minembwe, le ministre de l’intérieur indique que, selon ce décret, elle est limitée au Nord par le Ruisseau Kalungi et la Rivière Minembwe, au sud par le Ruisseau Sarah et la Rivière Kabanja, à l’Est par la chaine de Mukoko et la forêt Rugemero et à l’Ouest par la rivière Matenganya.
Le ministre provincial de l’intérieur du Sud-Kivu précise que toutes ces limites se trouvent bien dans le territoire de Fizi et pas dans d’autres territoires. Selon lui, la commune de Minembwe n’a qu’une superficie de 10 km2, ne touche pas le territoire de Mwenga ni le territoire d’Uvira encore moins le territoire de Walungu et n’arrive pas jusqu’à Baraka, Bilalo Mbili, Kamanyola.
Selon Lwabanji Lwasingabo, c’est le 28 novembre 2018 que le vice-premier ministre et ministre de l’intérieur du gouvernement de Bruno Tshibala, Henry Mova Sakanyi, a désigné et affecté le bourgmestre de Minembwe et son adjoint. Ils seront notifiés le 1er février 2019 par le secrétaire général au ministère de l’intérieur. Le 20 février de la même année c’est le Gouverneur de province Claude Nyamugabo qui les notifie et, dès ce moment, ils ont pu atteindre leurs postes.
Le ministre provincial de l’intérieur a ajouté que c’est depuis 2019 qu’il recevait déjà des rapports signés par les responsables de cette commune et que, le 28 septembre 2020, il n’a fait que poser un acte administratif.[13]

Le 6 octobre, l’ancien ministre du développement rural, Justin Bitakwira, a dit de ne pas reconnaître la commune de Minembwe: «Dans la province du Sud-Kivu, Minembwe est un village du territoire de Fizi, secteur de Lulenge et n’a pas plus de 2 mille habitants pour être érigé commune rurale, comme l’exige la loi. Il faut au moins 20 mille habitants. Par conséquent, Minembwe ne remplit pas les conditions pour devenir commune rurale».
Ce député d’Uvira (Sud Kivu) a rappelé qu’il faut l’avis conforme de l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu pour autoriser l’érection de cette commune: «En 2013, un décret avait été pris par l’ancien Premier ministre Matata Ponyo créant la commune de Minembwe. Mais avant d’y arriver, il fallait l’avis de l’Assemblée provinciale». Mis entre parenthèses en 2015 par le Conseil des ministres, pour calmer la tempête soulevée, le décret de Matata avait été curieusement « déverrouillé » en 2018 par un décret de Bruno Tshibala, alors Premier ministre.
Justin Bitakwira a en outre relevé que, «au Sud Kivu, il y a plus de 20 communes à installer. Pourquoi seulement Minembwe? N’installer que les autorités de Minembwe est suspect. S’ils avaient commencé avec les autres communes, le problème ne se poserait pas». Cet ancien ministre, cadre du FCC, y voit une idée de «balkanisation du pays à partir de Minembwe».
En effet, la population suspecte la minorité rwandophone dite Banyamulenge d’entretenir des visées territoriales et sécessionnistes contre cette partie de la RDC. Deuxièmement, la commune contestée aurait élargi ses limites pour toucher les patrimoines des ethnies environnantes.[14]

Selon le caucus des députés nationaux du Sud-Kivu, le décret numéro 013/029 du 13 JUIN 2013 créant la commune de Minembwe est inconstitutionnel, car il n’a pas reçu «préalablement l’avis favorable» de l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu, comme requis de la l’article 46 de la loi organique numéro 08/016 du 17 octobre 2008, portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées. C’est pour cela qu’il demande au Premier ministre de prendre un arrêté portant «élagage de Minembwe de la liste des communes conférées à la province du Sud-Kivu».[15]

Le 9 octobre, dans un communiqué de presse, le mouvement citoyen Filimbi a affirmé avoir mené une analyse juridique minutieuse sur la procédure ayant abouti à la création de la commune de Minembwe. Il apparaît, selon Filimbi, assez clairement que la commune de Minembwe a été créée de manière illégale: «L’une des conditions préalables pour créer une « Commune » est d’obtenir un avis conforme de l’Assemblée Provinciale. À ce sujet, le Décret n° 13/029 du 13 juin 2013 conférant le statut de commune à l’agglomération de Minembwe indique que l’avis conforme de l’Assemblée Provinciale du Sud-Kivu est contenu dans la décision n°09/200/PLEINIERE/ ASPRO/SK du 07 octobre 2009, se rapportant à la proposition du Gouverneur de la province du Sud-Kivu du 09 juin 2009 relative à l’érection de certaines agglomérations de la Province du Sud-Kivu en Communes. Au regard de cette information, nous nous sommes donc procuré la décision n. 09/200 prise par l’Assemblée provinciale en date du 7 octobre 2009. À notre très grande surprise, elle n’inclut pas la commune de Minembwe sur la liste des communes recommandées par l’Assemblée Provinciale. Par conséquent, force est de conclure que la création de la Commune de Minembwe par le Décret n°13/029 du 13 juin 2013 conférant le statut de commune à l’agglomération de Minembwe est non conforme à l’article 46 al.2 de la loi organique n°08/16 du 7 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des Entités Territoriales Décentralisées».
C’est pour cela que Filimbi a proposé l’abrogation du décret-loi n°13/029 du 13 juin 2013 conférant le statut de commune à l’agglomération de Minembwe et exigè aussi la démission d’Azarias Ruberwa, ministre de la Décentralisation, dont l’implication partisane dans un acte irrégulier comme celui de l’installation du bourgmestre de Minembwe, n’est pas à démontrer.[16]

Le 9 octobre, l’Inter-Mutuelles et Associations du Sud-Kivu (IMASKI), qui regroupe les communautés de cette province, a exprimé son indignation en rapport avec la création de la commune de Minembwe et l’installation de ses animateurs. Dans une déclaration, ces associations affirment que la création de la commune de Minembwe n’a pas respecté les 3 conditions nécessaires, à savoir: être une agglomération de plus de 20.000 habitants; être proposée par le ministre en charge des affaires intérieurs; recevoir l’avis conforme de l’Assemblée provinciale.
Au titre des recommandations, l’IMASKI demande que:
– Soit reporté le décret n° 18/020 du 30 mai 2018 portant levée de la surséance de l’exécution des dispositions des décrets conférant le statut de ville et commune à certaines agglomérations;
– Soient annulés les décrets n° 13/020 à 13/030 du 13 juin 2013 conférant les statuts de ville et commune à certaines agglomérations;
– Soit rapporté l’arrêté n°25/CAB/MIN/MININTERSEC/HMS/075/2018 du 20 novembre 2018 portant désignation de bourgmestre et bourgmestre adjoint de la commune de Minembwe car illégal;
– Soit révoqué le ministre Azarias Ruberwa pour abus de pouvoir et haute trahison;
– Soit débattu en Conseil de Ministres la question de communes rurales, afin de donner pouvoir au gouvernement d’agir en conséquence;
– Soient initiés les opérations d’identification et de recensement de la population congolaise;
– Soient renforcées la surveillance et la protection des frontières de la République Démocratique du Congo;
– Soient préservées la paix et la cohabitation pacifique dans le respect des lois et coutumes congolaises.[17]

Le 13 octobre, l’ancien premier ministre Adolphe Muzito est revenu sur une série des décrets ayant attribué à certaines agglomérations de la province du Sud-Kivu, le statut de commune. Dans son exposé, il a expliqué qu’en 2009, le gouverneur du Sud-Kivu, avait proposé à l’assemblée provinciale de confier le statut de commune à certaines agglomérations. Mais dans son «avis conforme», l’organe délibérant du Sud-Kivu n’avait pas retenu Minembwe. Alors qu’il était premier ministre, Adolphe Muzito affirme avoir signé un décret en 2012 se basant sur l’avis conforme de l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu, en attribuant le statut de commune à certaines agglomérations. Minembwe n’était donc pas concerné.
En conférence de presse, Adolphe Muzito a déclaré: «En juin 2013, par décret, sur proposition du ministre compétent de l’intérieur, le Premier ministre Matata abroge le décret de son prédécesseur Adolphe Muzito et prend un autre décret. Il reprend l’avis conforme de l’assemblée provinciale du Sud-Kivu et confère le statut de ville et commune à certaines agglomérations du Sud-Kivu, en incluant Minembwe, dont les frontières sont fixées dans le même décret. Par décret du 22 juillet 2015, le premier ministre Matata décide de surseoir à l’exécution du décret sus évoqué. En mai 2018, le Premier ministre Bruno Tshibala, sur proposition des ministres Henri Mova et Azarias Ruberwa, décide de lever la surséance des dispositions de tous les décrets. Dans son arrêté du 20 novembre 2018, il prend un autre décret relatif, entre autre, à la désignation du bourgmestre  de la commune rurale de Minembwe et de son adjoint».
Enfin, Adolphe Muzito a proposé de rapporter le décret de Matata Ponyo à défaut de l’annuler:
«Ce décret aurait dû être rapporté ou résilié, à défaut d’être annulé à la suite d’un recours juridictionnel auprès du Conseil d’Etat dans les délais légaux, qui malheureusement sont déjà dépassés. A ce stade, pour anéantir tous les effets dans le passé, ce décret doit purement et simplement être rapporté par l’autorité appropriée, pour respecter la forme et la compétence. Il ne devrait donc pas être abrogé, au risque d’un vide juridique, mais plutôt rapporté, en vue de la réactivation du décret de février 2012». Et d’ajouter: «Toutefois, dans la mesure où l’agglomération de Minembwe remplirait les conditions de fond pour être érigée en commune, une concertation entre les communautés locales est nécessaire pour dégager un consensus qui conduirait l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu à émettre cette fois-là, un avis conforme, car il s’agit ici des terres, du foncier pour raison de paix».[18]

Le 20 octobre, à Kinshasa, le député Katembo Mbusa Tembos Yotama a déposé au conseil d’Etat la requête en annulation du décret du premier ministre n°13/029 du 13 juin 2013, conférant le statut de ville et commune à certaines agglomérations du pays, dont Minembwe, au Sud-Kivu. Selon l’élu de Butembo Ville, sa démarche est purement judiciaire et fondée sur la violation de la loi sur les entités territoriales décentralisées, principalement l’article 46 qui fixe la procédure à suivre pour cette fin. La requête du député Katembo Mbusa Tembos Yotama est portée contre la République démocratique du Congo (RDC) prise en la personne du Premier Ministre, au regard de l’illégalité et l’irrégularité dans la procédure et les conditions instituées pour ériger plusieurs agglomérations en commune.[19]

4. LA POSITION DU CHEF DE L’ÉTAT

Le 7 octobre, à Goma, au cours d’une audience accordée aux députés provinciaux du Nord et du Sud Kivu, le Président de la République, Félix Tshisekedi, leur a promis d’ordonner au Vice-premier ministre et ministre de l’intérieur, Gilbert Kankonde, la suspension de l’installation récente des animateurs de la commune rurale controversée de Minembwe en territoire de Fizi et la mise en place d’une commission d’experts non originaires du coin, pour des études de faisabilité.[20]

Le 8 octobre, lors d’une conférence de presse à Goma, le Chef de l’État, Felix Tshisekedi, a annoncé d’avoir décidé de «annuler ce qui a été fait jusqu’ici pour Minembwe» et de mettre sur pied une commission d’experts scientifiques non originaires du lieu, avec mission de retracer toutes les limites du territoire de Fizi, au Sud-Kivu.[21]

Le 9 octobre, au cours de la réunion du conseil des ministres, le Président de la République, Félix Tshisekedi, est revenu sur la situation de tension actuelle, particulièrement dans les Hauts-Plateaux, consécutive à l’installation officielle des autorités de la Commune rurale de Minembwe, dans la Province du Sud-Kivu. Selon le compte rendu du conseil des ministre, «fort des éléments recueillis à l’issue des entretiens qu’il a eus avec les différentes couches sociales de la région, notamment les élus nationaux et locaux, les autorités civiles et militaires et les représentants de la Société Civile et, tenant compte du risque imminent de déstabilisation et d’exacerbation de l’animosité entre les populations des Hauts Plateaux, en tant que Garant du bon fonctionnement des Institutions, le Chef de l’État a réitéré sa décision d’annulation de l’ensemble du processus d’installation  ici décriée».
Pour ce faire, il a décidé la mise en place, dans les meilleurs délais, d’une commission composée d’experts scientifiques non originaires, avec mission de clarifier les choses, de retracer toutes les limites des communes concernées de Hauts Plateaux en vue de dégager des propositions de solution appropriées à prendre.[22]

Le 9 octobre, la délégation des députés provinciaux du Sud-Kivu qui ont rencontré le président de la République à Goma a fait savoir que le chef de l’Etat n’a fait qu’exécuter la volonté de la représentation provinciale qui, depuis longtemps, avait sollicité la surséance de la décision créant cette commune, étant donné qu’elle n’avait pas requis l’avais favorable de l’organe délibérant.
Répondant à la question de savoir pourquoi seule la commune rurale de Minembwe fait débat sur une dizaine d’autres qui étaient créées par un même décret, la délégation a fait savoir que la décision du chef de l’Etat annulant la commune de Minembwe s’étend aussi aux autres communes créées par le décret de 2013, car selon elle, certaines d’entre elles ne respectaient pas toutes les conditions requises. Selon cette délégation, les experts qui vont mener les études de faisabilité vont le faire aussi pour toutes les autres communes de la province.[23]

Le 12 octobre, dans une interview, le bourgmestre de la commune rurale de Minembwe, Gady Mukiza, a dit se plier à la décision du chef de l’État et  a indiqué qu’il reste sous ordre des hautes autorités du pays. Il a par ailleurs affirmé qu’il n’a pas encore reçu le document annulant son installation: «Nous avons été installés par le ministre provincial de l’intérieur en présence du gouverneur de province et d’autres autorités au niveau national. Jusque-là, nous n’avons pas sur papier un document annulant le procès verbal de notre installation. Ce que les autorités vont dire, c’est ce que nous allons faire». Le bourgmestre de la commune rurale de Minembwe a cependant dénoncé les déclarations de certaines personnes qui qualifient la communauté Banyamulenge « d’envahisseurs ».[24]

Sur twitter, le député Juvénal Munubo, de l’UNC, a affirmé: «Pour la paix à Minembwe, je pense que les solutions sont: le renforcement de la présence et de la capacité des Forces Armées République Démocratique du Congo; un dialogue intercommunautaire entre les banyamulenge, les babembe, les bafuliro et le banyindu et une diplomatie parlementaire sous-régionale CEPGL». Dans les hauts et moyens plateaux de Minembwe, Uvira et Mwenga, les conflits sont alimentés par l’existence aussi de forces négatives étrangères provenant de certains Pays limitrophes, ce qui justifierait la proposition d’une diplomatie parlementaire. En tant que rapporteur de la commission défense et sécurité de l’Assemblée nationale, Juvénal Munubo et d’autres députés avaient accompagné le ministre de la défense, Ngoy Mukena dans une tournée partie de Bunia (Ituri), jusqu’à Bukavu et Minembwe (Sud Kivu), en passant par Beni et Goma (Nord Kivu).[25]

5.  L’INTERPELLATION DU MINISTRE DE LA DÉCENTRALISATION DEVANT LE PARLEMENT

Le 2 octobre, le député national Muhindo Nzangi a déposé, au bureau de l’Assemblée nationale, une motion d’interpellation du ministre d’État en charge de la décentralisation, Azarias Ruberwa, pour qu’il puisse fournir  plus d’explications sur l’intronisation “suspecte” du Bourgmestre de Minembwe car, selon lui, il aurait usé de son autorité, afin d’imposer l’installation de la commune rurale de Minembwe dans le Sud-Kivu. À en croire Muhindo Nzangi, l’acte posé par le ministre de la décentralisation, lui-même issu de la minorité rwandophone dite Banyamulenge, peut aggraver les relations entre les Congolais et aboutir à un plan de balkanisation du pays.
Dans cette correspondance, le député a écrit: «Profitant de son autorité, le ministre d’État, ministre de la décentralisation et réformes institutionnelles impose l’installation singulière de la commune rurale de Minembwe, tambour battant, y associant une forte délégation politique, militaire et diplomatique, acte de haute portée politique et symbolique qui risque d’envenimer les relations entre les congolais dans la région d’une part, et raviver les suspicions d’un déclenchement du processus de balkanisation d’une partie du pays d’autre part. Il y a plus de 270 communes dont les Bourgmestres n’ont pas encore été installés. Pourquoi Azarias Ruberwa doit-il accorder un attachement particulier à la commune de Minembwe? Il doit nous donner des explications. C’est pourquoi, conformément à l’article 193 du règlement d’ordre intérieur, je sollicite auprès de l’assemblée l’interpellation du ministre d’Etat, pour qu’il fournisse des explications sur son acte qui frise un conflit d’intérêt».
Ce parlementaire élu pour le Nord Kivu e proche de Moïse Katumbi a dit craindre pour l’unité du pays, étant donné que  l’actuel ministre de la décentralisation et réformes institutionnelles, Azarias Ruberwa, était à la tête du  Mouvement Rassemblement des Congolais pour la Démocratie (RCD), qui avait créé le territoire de Minembwe, incluant plusieurs entités des territoires de Fizi, Mwenga et Uvira. Après la réunification du pays, sous pression de la population locale, le territoire avait été dissout. Muhindo Nzangi a par ailleurs rappelé que par décision du gouvernement, prise dans la réunion du conseil des ministres du 22 juillet 2015, il avait été décidé la surséance de l’exécution du décret du 13 juin 2013.[26]

Le 8 octobre, au cours d’une plénière agitée, l’Assemblée nationale a jugé opportune l’initiative de Muhindo Nzangi d’interpeller le ministre d’État en charge de la décentralisation Azarias Ruberwa à propos de la commune rurale de Minembwe controversée. Les députés de l’opposition ont, au cours de la même plénière, manifesté contre l’installation de la commune rurale de Minembwe et de ses animateurs. Ces élus tenaient à mains des calicots sur lesquels l’on pouvait lire: «Pas de Congo sans Minembwe», «Minembwe n’est pas à vendre». Comme la plénière s’est déclarée favorable à cette interpellation, Ruberwa devrait se présenter devant l’Assemblée nationale pour s’expliquer. Après ses explications, l’auteur de l’interpellation, le député Muhindo Nzangi se prononcera s’il est convaincu ou pas. Il a aussi la possibilité de transformer son interpellation en motion de défiance s’il s’estime non convaincu par les explications de Ruberwa.[27]

Le 19 octobre, le Ministre de la Décentralisation et des Réformes institutionnelles, Azarias Ruberwa Manywa, s’est expliqué devant les députés au sujet de l’installation de Gad Mukiza comme bourgmestre de la commune rurale de Minembwe le 28 septembre dernier.
Le ministre a expliqué que sa présence à Minembwe était dans le cadre de la caravane de la paix initiée par Ngoyi Mukena, son collègue de la défense nationale. Il a ajouté que cette mission était autorisée par le conseil des ministres, en précisant: «Ma mission était nationale et je l’ai exécutée en âme et conscience». À propos de l’installation du bourgmestre, il a affirmé: «Le sujet de l’interpellation est une matière qui relève légalement et constitutionnellement de la province. Il n’est pas approprié qu’un ministre au niveau national, tel que je suis, réponde des actes posés, en présence du Gouverneur, par le ministre provincial compétent, qui a la question dans ses attributions. D’ailleurs, l’installation de la Commune de Minembwe intervient environs deux mois après l’installation d’autres ETD du Sud-Kivu». Devant les députés, Azarias Ruberwa a lu le procès-verbal signé par le gouverneur Théo Kasi lors de l’installation de Gad Mukiza comme bourgmestre de Minembwe. Le ministre a même expliqué que c’est Gad Mukiza, qui était en fonction depuis deux ans, qui avait fait le briefing sécuritaire devant la délégation venue de Kinshasa. Il a aussi répondu aux accusations de balkanisation: «Il s’agit d’une accusation sans fondement. Je ne me reconnais ni de près ni de loin dans ce concept. Dans tous les cas, il s’agit d’une pure invention».
Le ministre de la décentralisation et réformes institutionnelles a été interpellé par le député national Mohindo Nzangi sur l’installation du Bourgmestre de la commune rurale de Minembwe, un acte  qui aurait amplifié, selon lui, les tensions communautaires et les soupçons de Balkanisation de la RDC. [28]

Au cours du débat après l’explication du ministre, les députés des du FCC et certains du CACH ont soutenu le ministre Ruberwa. Pour Fidèle Likinda du FCC, tous les actes posés dans le cadre de l’installation du Bourgmestre de la commune rurale de Minembwe ont été réguliers et légaux sur le plan de droit. Du côté de l’opposition, les actes posés par le ministre Ruberwa sont irréguliers. Pour le député Jacques Djoli du MLC, la Commune rurale n’existe pas en droit congolais. En effet, selon l’article 3, alinéa 3 de la constitution, « les entités territoriales décentralisées sont la ville, la commune, le secteur et la chefferie ». Nulle part on parle de communes urbaines ou rurales. En outre, le décret du premier ministre en 2013 avait violé l’avis conforme de l’Assemblée Provinciale du Sud-Kivu. D’où la nécessite de le rapporter. Le ministre Azarias Ruberwa a sollicité 48 heures  pour revenir répondre à toutes les préoccupations des élus nationaux.[29]

Parmi d’autres intervenants, on peut citer:
Amy Amatobe, ancien ministre de la Défense, qui estime que le débat sur Minembwe est plus un débat des limites territoriales et non pas identitaire;
Ève Bazaiba s’inquiète des revendications ascendantes et permanentes d’une certaine communauté: «Hier c’était la nationalité, qui a été finalement donnée en 1974. Aujourd’hui, c’est la terre qu’on réclame. Et demain ça sera quoi? Pourquoi les autres communautés ne réclament pas aussi leur propre terre, comme les pygmées?», s’est elle interrogée. Et d’ajouter: «Il y a risque, un jour, d’avoir un Lesotho ou un Vatican en pleine RDC. Cette question doit être abordée avec sincérité»;
Kabange Numbi, ancien ministre de la Santé, dit avoir suivi ce débat en tant que ministre depuis le début. Il estime que le dossier Minembwe est «l’arbre qui cache la forêt » et qu’en fait, plusieurs territoires et villes vont aussi connaître ce même problème de limitation territoriale, car ces limites sont vagues dans beaucoup de cas.[30]

Le gouvernement provincial du Sud-Kivu ne se reconnait pas dans les propos rapportés par Azarias Ruberwa. Selon Lwabanji Lwasingabo, le ministre provincial de l’intérieur du Sud-Kivu, c’est le Ministre d’État en charge de la Décentralisation et des Réformes institutionnelles, Azarias Ruberwa qui a pris l’initiative de l’installation, le 28 septembre, de Gad Mukiza, comme bourgmestre de cette commune controversée: «C’est le ministre de la Décentralisation, Azarias Ruberwa Manywa qui, alors que nous étions à table la nuit de notre arrivée à Minembwe le 27 septembre 2020, a demandé au Gouverneur de Province de procéder à l’installation du bourgmestre de cette commune rurale.
C’était en présence du ministre de la Défense nationale. Le gouverneur de Province a objecté poliment en relevant le caractère superflu de cette installation étant donné que le bourgmestre était déjà en fonction depuis février 2019. Qui plus est, cette activité ne figurait pas sur son agenda au départ de Bukavu. Le ministre d’Etat est revenu à la charge le lendemain matin, tout comme la communauté Banyamulenge, au cours de l’entretien que cette dernière a eu avec le ministre de la défense nationale». Au sujet du procès verbal d’installation, Lwabanji Lwasingabo a déclaré qu’il a été élaboré et signé le lendemain, séance tenante, dans la salle communale à Minembwe: «Le document en question n’avait pas de cachet et j’avais chargé le bourgmestre de faire saisir le texte du PV. C’est au retour de Minembwe que le PV est ressaisi sur papier avec en-tête de la province et cacheté». Enfin, le ministre provincial a ajouté: «La tendance pour le ministre d’État à vouloir se défausser sur le gouvernement provincial du Sud-Kivu est une façon pour lui de refuser d’assumer ses responsabilités devant Dieu et devant la nation représentée par ses élus réunis en plénière».[31]

[1] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia.com, 07.10.’20
[2] Cf Justin Mwamba – Actualité.cd, 28.09.’20
[3] Cf Richard Kaponirwe – Laprunellerdc.info, 05.10.’20
[4] Cf Thomas Uzima – Laprunellerdc.info, 03.10.’20
[5] Cf Thierry Mfundu – Politico.cd, 03.10.’20
[6] Cf Actualité.cd, 13.10.’20
[7] Cf Justin Mwamba – Actualité.cd, 28.09.’20
[8] Cf William Basimike – RFI, 30.09.’20
[9] Cf Kivutimes.com, 05.10.’20
[10] Cf Jean-Luc M. – Laprunellerdc.info, 04.10.’20
[11] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 04.10.’20
[12] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 05.10.’20
[13] Cf Thomas Uzima – Laprunellerdc.info, 03.10.’20
[14] Cf Ronsard Mikanda – Cas-info.ca, 06.10.’20
[15] Cf Ivan Kasongo – Actualité.cd, 08.10.’20
[16] Cf Jordan Mayenikini – Actualité.cd, 09.10.’20
[17] Cf Jordan Mayenikini – Actualité.cd, 09.10.’20
[18] Cf Ivan Kasongo – Actualité.cd, 13.10.’20
[19] Cf Radio Okapi, 21.10.’20
[20] Cf Bertin Bulonza – Laprunellerdc.info, 07.10.’20
[21] Cf Radio Okapi, 08.10.’20
[22] Cf Actualité.cd, 10.10.’20
[23] Cf Bertin Bulonza – Laprunellerdc.info, 09.10.’20
[24] Cf Déogratias Cubaka – 7sur7.cd, 12.10.’20
[25] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 29.09.’20
[26] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 03.10.’20; Richard Kaponirwe – Laprunellerdc.info, 03.10.’20
[27] Cf Berith Yakitenge – Actualité.cd, 09.10.’20
[28] Cf Actualité.cd, 19.10.’20
[29] Cf Radio Okapi, 20.10.’20
[30] Cf Thierry Mfundu – Politico.cd, 19.10.’20
[31] Cf Justin Mwamba – Actualité.cd, 20.10.’20; Déogratias Cubaka – 7sur7.cd, 20.10.’20