Congo Actualité n. 416

LA COALITION FCC / CACH:

DIVISÉE SUR TOUTES LES QUESTIONS,

MAIS UNIE POUR GARDER LE POUVOIR

SOMMAIRE

1. TOUT CHANGE, POUR QUE RIEN NE CHANGE
a. Un projet de réforme judiciaire met le feu aux poudres
b. Ceni: le FCC tisse sa toile pour 2023
c. Jeu de chaises musicales dans l’armée congolaise
d. Cacophonie à la cour constitutionnelle: le 1er président a présenté sa démission puis fait un démenti
2. VERS UN BLOCAGE INSTITUTIONNEL PERMANENT
a. La bataille pour le contrôle de la Cour constitutionnelle
b. Le bras de fer pour le contrôle de l’armée et de la justice
c. Passe d’armes autour de la présidence de la CENI
d. Le président de la Cour constitutionnelle sur la touche
e. Les militants UDPS et FCC dans l’incompréhension

1. TOUT CHANGE, POUR QUE RIEN NE CHANGE

a. Un projet de réforme judiciaire met le feu aux poudres

Le mois de juin, trois propositions de loi sur le fonctionnement de la justice ont été présentées à l’Assemblée nationale par les députés Aubin Minaku et Garry Sakata, provoquant des manifestations à Kinshasa et en province. Ce projet, initié par le Front Commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila, vise à placer les magistrats sous la coupe du ministre de la Justice. L’opposition dénonce un coup de force pour tenter de contrôler l’appareil judiciaire en plein procès des 100 jours et à 3 ans de la prochaine présidentielle.
Pour le défenseur des droits de l’homme, Jean-Claude Katende, «les membres du FCC ont peur d’éventuelles poursuites judiciaires» à la suite du procès des 100 jours qui a vu condamné à 20 ans de prison Vital Kamerhe, le directeur de cabinet du président Tshisekedi. Selon lui, «ces propositions des lois permettent le contrôle des magistrats du Parquet par le ministre de la Justice, qui sera toujours membre du FCC jusqu’à la fin de cette mandature». La nouvelle loi va en effet autoriser le ministre de la Justice «à nommer des magistrats proches du FCC ou de faire révoquer ou d’envoyer à la retraite tout magistrat hostile au FCC», dénonce Jean-Claude Katende.
La réforme judiciaire portera également sur la Cour constitutionnelle, organe de contrôle du processus électoral. En effet, c’est la Cour constitutionnelle qui valide les candidatures et les résultats des scrutins. La Cour constitutionnelle est composée de 9 membres dont 3 choisis par le Président de la République, 3 par le Parlement et 3 par le Conseil Supérieur de la Magistrature. Le Parlement est sous contrôle du FCC et grâce à la nouvelle loi Minaku, les 3 juges du Conseil Supérieur de la Magistrature ne pourront être désignés sans l’accord du ministre de la Justice, qui est aussi membre du FCC. La plateforme pilotée par Joseph Kabila contrôlera donc 6 des 9 juges de la Cour constitutionnelle pour les élections de 2023.[1]

b. Ceni: le FCC tisse sa toile pour 2023

Le Front Commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila continue d’imposer son tempo à la vie politique congolaise. Ultra-majoritaire à l’Assemblée national et au Sénat, la plateforme de l’ancien président Joseph Kabila a réussi à faire entériner par l’Assemblée nationale la nomination du nouveau président de la Commission électorale (CENI), Ronsard Malonda. Un passage au forceps, alors que la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) et les protestants de l’Église du Christ au Congo (ECC) avaient rejeté la désignation de l’actuel numéro 2 de la centrale électorale, en remplacement du très contesté Corneille Nangaa, architecte des élections frauduleuses de 2018.
Ronsard Malonda n’est pas un inconnu à la CENI. En poste à la Commission depuis plus de 15 ans, il était depuis 2015 secrétaire exécutif national auprès de Corneille Nangaa. En tant que numéro 2 de la Commission, Ronsard Malonda était aux premières loges du tripatouillage électoral de 2018.
Au coeur du contentieux électoral: une élection sans chiffre, réduisant les résultats à une simple liste de gagnants. Le site internet de la CENI est resté désespérément vierge de tous résultats détaillés du scrutin, bureau de vote par bureau de vote, comme cela doit être le cas.
Selon la Cenco qui avait déployé plus de 40.000 observateurs et des fuites de la Commission électorale dans la presse, Félix Tshisekedi ne serait arrivé qu’en troisième position, après Emmanuel Ramazani Shadary, candidat du FCC et surtout Martin Fayulu, candidat de LAMUKA, vrai vainqueur de la présidentielle. Mais un accord scellé entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi avant la publication des résultats devait changer la donne : le FCC de Joseph Kabila se réservait les pleins pouvoirs à l’Assemblée, au Sénat, dans les Assemblées provinciales, et laissait une présidence vidée de sa substance à Félix Tshisekedi.
La CENI est donc présentée par l’opposition comme la seule coupable d’une élection fabriquée de toute pièce, sans aucun recours possible, puisque sans chiffre.
La désignation de Ronsard Malonda en remplacement de Corneille Nangaa ne passe pas pour l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), qui estime que «ce choix est une prime à la fraude électorale» orchestrée par la CENI, dont Ronsard Malonda est secrétaire exécutif national.
La Synergie des missions d’observation citoyenne des élections (SYMOCEL), demande à l’Assemblée nationale de «surseoir l’entérinement de Ronsard Malonda» et estime que «il est impérieux de réformer d’abord la CENI, avant de désigner ses nouveaux dirigeants, pour garantir un processus électoral crédible».
Plusieurs autres mouvements citoyens comme La Lucha, Filimbi ou Les Congolais debout exigent également un audit complet de la CENI avant une réforme profonde de l’institution, accusée d’être sous l’influence de Joseph Kabila. De nombreuses voix estiment que, avec le choix de Ronsard Malonda, c’est de nouveau Joseph Kabila qui va manoeuvrer dans les coulisses de la présidentielle de 2023.[2]

c. Jeu de chaises musicales dans l’armée congolaise

Le Président de la République Félix Tshisekedi a essayé de remanier tant soit peu la chaîne de commandement de l’armée. A son arrivée à la présidence, Félix Tshisekedi avait promis de « déboulonner » le système Kabila, accusé de contrôler encore l’armée congolaise. Par petites touches, le nouveau chef de l’Etat, qui évolue dans un environnent institutionnel largement dominé par le FCC de Joseph Kabila, tente de reprendre en main les FARDC dont il est pourtant le chef suprême.
Les nombreuses nouvelles nominations au sein de l’armée régulière restent prudentes, et s’apparentent le plus souvent à de simples permutations. Le président Tshisekedi épargne tout d’abord le chef d’état-major général Célestin Mbala, nommé pourtant en 2018 par Joseph Kabila. Les principaux changements interviennent au niveau de l’inspection générale de l’armée. Le général John Numbi est remplacé par le général Gabriel Amisi, qui bénéficie pour l’occasion d’une promotion au rang de général d’armée.
John Numbi semble le grand perdant de cette permutation, puisqu’il serait désormais sans affectation. L’ancien chef de la police congolaise est placé sous sanctions internationales depuis plusieurs années, tout comme son remplaçant, Gabriel Amisi. Numbi est soupçonné d’être le commanditaire de l’assassinat du militant des droits de l’homme, Floribert Chebeya et de son chauffeur Fidèle Bazana, alors que Gabriel Amisi, alias Tango Four, est accusé par Washington et Bruxelles « d’entraves au processus électoral et d’atteinte aux droits humains » dans les dernières années du régime Kabila, entre 2015 et 2018. Félix Tshisekedi troque donc un général sous sanctions internationales par un autre officier également sous sanctions. Toutefois, la Voix des sans voix (VSV), l’ONG de Floribert Chebeya, espère que la mise à l’écart de John Numbi soit l’occasion de sa « mise à la disposition de la justice ». Pour l’instant, on en est encore loin.
Pour seconder Gabriel Amisi à l’inspection générale des armées, Félix Tshisekedi a nommé le général Muhindo Akili Mundos, également sous sanctions internationales. Enfin, une promotion a étonné de nombreux observateurs : celle du général Fall Sikabwe au poste de chef d’état-major de l’armée de Terre. La nomination en 2015 de cet officier avait provoqué l’arrêt de la coopération des casques bleus de la Monusco avec l’armée congolaise au Nord-Kivu. Fall Sikabwe était alors accusé de violations des droits humains. Et plus récemment, il avait été soupçonné d’avoir détourné les soldes de ses soldats dans l’Est du pays.
Dans l’entourage présidentiel, on vante la mise à l’écart de John Numbi, réclamée de longue date par la communauté internationale et les Etats-unis. On affirme également que la nomination de Tango Four et de Mundos à l’inspection générale des armées, les place dans des fonctions « moins opérationnelles et plus administratives ». Toutefois, certains officiers nient que ce rôle soit «moins opérationnel», car l’inspection générale constitue « le cœur de l’armée », « la tour de contrôle », c’est « le gendarme de l’armée » qui enquête, sanctionne, mais aussi attribue et dispatche les effectifs. Ceux qui pensent que ces deux généraux, accusés de nombreuses violations des droits de l’homme et de corruption, ont été rangés dans un placard, loin du terrain, en seront pour leur grade.
Les opérations de terrain sont confiées aux généraux Célestin Mbala, confirmé chef d’état-major général des armées, Jean-Claude Yav, chef d’État-major général adjoint en charge des opérations et renseignements, Fall Sikabwe, Chef d’État major de la Force terrestre, Philémon Yav, commandant de la 3e zone de défense, qui comprend l’ancienne Province orientale et l’ancien Kivu, Obed Rwibasira, sous-chef d’état-major en charge des opérations, John Luboya, commandant de la 1ere zone à Kinshasa, Pacifique Masunzu, commandant de la deuxième zone de défense à Lubumbashi.
Enfin, pour certains militaires, l’arrivée de Franck Ntumba à la «maison militaire» de la Présidence viserait à marginaliser François Beya, conseiller spécial de Félix Tshisekedi en matière de sécurité et  toujours suspecté de défendre les intérêts de Joseph Kabila, malgré son étiquette kasaïenne.
Pour les soutiens de Félix Tshisekedi, il s’agit de « petites victoires » qui démontrent que le président reprend peu à peu la main sur l’armée. Les moins optimistes n’espèrent pas de grands changements à la suite des ce remaniement dans l’armée régulière. Les plus critiques se trouvent au sein même des FARDC. «Rien de nouveau, on prend les mêmes et on recommence», commente une source sécuritaire, qui explique que Joseph Kabila aussi avait plusieurs fois écarté momentanément des officiers, avant de les réintégrer plus tard à d’autres fonctions. Cela avait notamment été le cas de Gabriel Amisi après la reculade face au M23, où de John Numbi, mis au vert de la police après le meurtre de Floribert Chebeya, avant de réapparaître quelques années plus tard à l’inspection générale. Enfin, ce qui agace profondément dans les rangs des FARDC, c’est qu’une fois de plus, «les compétences et le niveau de cursus des nominés n’a pas été pris en compte». Ce qui laisse une impression amère chez certains officiers: «on a l’impression que tout change, pour que rien ne change».[3]

d. Cacophonie à la cour constitutionnelle: le 1er président a présenté sa démission puis fait un démenti.

Cette cacophonie est née à la suite de deux lettres du président de la cour, Lwamba Bindu Benoît.
Dans sa première lettre n°214/CC/CAB-PRES/06/00/2020 datée du 27 juin 2020 et adressée au juge de la Cour constitutionnelle avec copie pour information au Président de la République, le président du Conseil Supérieur de la magistrature présente sa démission.
Évoquant des raisons de convenance personnelle, Benoît Lwamba juge sa démission conforme aux dispositions des articles 28 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013, portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle, 9 et 10 de l’ordonnance n°16/070 du 22 août 2016 portant dispositions relatives au statut particulier des membres de la cour constitutionnelle.
En même temps, dans une autre lettre du 27 juin 2020 référencée n°215/ CC/CAB-PRES/06/00/2020 ayant comme objet : « ma démission » et adressée au Chef de l’état, Benoît Lwamba porte à la connaissance du Chef de l’État de sa démission aux fonctions de président et membre de la cour constitutionnelle.
Les membres de la Cour constitutionnelle dans un procès verbal de prise d’acte de la démission d’un membre de la cour constitutionnelle, réunis en assemblée plénière en l’absence du juge Ubulu Pungu, disent avoir reçu en original la lettre de démission de Benoît Lwamba. N’ayant trouvé aucun motif de nature à contrarier cette démission, «prenons acte de la démission de Monsieur Lwamba Bindu Benoît de ses fonctions de président de la cour constitutionnelle et membre de cette cour».
Coup de théâtre, dans une lettre du 10 juillet 2020 et signée depuis Bruxelles, le même Benoît Lwamba dément sa démission au poste de premier président de la Cour constitutionnelle.
«Contrairement aux informations répandues dans les réseaux sociaux, faisant état de ma démission à la présidence de la cour constitutionnelle de la République, je tiens à préciser qu’il ne s’agit là que des rumeurs contre lesquelles j’apporte un démenti», peut-on lire sur cette lettre. Et de poursuivre: «En effet, me trouvant au Royaume de Belgique pour des soins de santé, je confirme être jusque-là détenteur du mandat en cours en cette dernière qualité, qui n’expire qu’au mois d’avril 2021».[4]

2. VERS UN BLOCAGE INSTITUTIONNEL PERMANENT

Commission électorale, Cour constitutionnelle, réforme judiciaire, remaniement dans l’armée… le tandem Tshisekedi-Kabila n’est d’accord sur rien. Les différends au sein de la coalition au pouvoir paralysent les institutions et le gouvernement, au  risque de déborder dans la rue.
Pas une semaine ne se passe en République démocratique du Congo (RDC) sans qu’un nouveau désaccord n’éclate dans l’étrange coalition contre-nature qui allie Félix Tshisekedi et l’ancien président Joseph Kabila. Au coeur de cette guerre de tranchée : un nouveau chef de l’Etat porté à la présidence par des élections contestées, sans pouvoir effectif, qui cherche à s’émanciper; et son prédécesseur, ultra-majoritaire au parlement qui ne rate aucune occasion de lui savonner la planche dans l’espoir de revenir dans le fauteuil présidentiel.
Dans ce jeu de dupe basé sur un accord politique secret de partage du pouvoir, la plateforme présidentielle Cach de Félix Tshisekedi bute systématiquement sur la majorité FCC de Joseph Kabila… et inversement. Lorsque l’un dit noir, l’autre pense blanc. Et la liste des désaccords est tellement longue que l’on se demande quelles sont les sujets qui font consensus au Conseil des ministres, en dehors (peut-être) de la lutte contre le Covid-19.

a. La bataille pour le contrôle de la Cour constitutionnelle.

Dernier épisode en date, le refus de deux juges de la Cour constitutionnelle de siéger à la Cour de cassation après leur nomination par Félix Tshisekedi. Noël Kilomba Ngozi Mala et Jean Ubulu Pungu, n’ont en effet pas prêté serment cette semaine au Palais de la Nation. Les deux juges récalcitrants affirment ne pas avoir été consultés et avoir appris leur changement d’affectation devant leur poste de télévision. Les deux magistrats avancent enfin un autre argument selon lequel le président Tshisekedi n’était pas en mesure de procéder à ces nominations touchant à la Cour constitutionnelle.
Derrière ce bras de fer, il faut noter que les deux juges « rebelles » avaient été nommés par Joseph Kabila et étaient en poste pendant la crise pré et post-électorale de 2015 à 2018. Ce sont ces mêmes juges qui avaient validé le «glissement» des dernières élections générales, écarté la candidature de Jean-Pierre Bemba et invalidé des députés de l’opposition avant de revenir sur leur décision, contrairement à ce que prévoit la Constitution qui rend leurs arrêts irrévocables. Mais c’est surtout cette même Cour qui décidera qui pourra concourir ou non pour la présidentielle de 2023 et qui tranchera les litiges post-électoraux. On comprend donc un peu mieux pourquoi leur départ pour la Cour de cassation inquiète le FCC qui espère bien récupérer le fauteuil présidentiel dans 3 ans.

b. Le bras de fer pour le contrôle de l’armée et de la justice.

Le changement d’affectation de ces deux magistrats n’est pas le seul point de désaccord des récentes ordonnances présidentielles du 17 juillet dernier, qui ont essentiellement concerné un vaste remaniement dans l’armée congolaise. Le Premier ministre FCC, Sylvestre Ilunga, en a contesté la légalité, affirmant que ces ordonnances n’avaient pas été présentées en Conseil des ministres et ne reconnaissant pas la contre-signature de son vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur au bas du document. Cet épisode avait provoqué l’ire du FCC de Joseph Kabila, qui avait crié au «non respect des procédures» et avait jeté ses militants dans les rues pour dénoncer «une dérive dictatoriale». Le FCC redoute en fait que ce jeu de chaises musicales dans l’armée finisse par affaiblir l’influence de Joseph Kabila au sein des FARDC.
Mais le président Tshisekedi n’est pas le premier à tenter d’imposer ses décisions contre l’avis de son turbulent «partenaire». Fin juin, le FCC avait essayé de faire passer en force une réforme judiciaire visant à davantage contrôler les magistrats par le ministre FCC de la justice.
Les trois textes de lois avaient provoqué la colère de l’opposition congolaise dans la rue, mais aussi de l’UDPS de Félix Tshisekedi, censée pourtant être en coalition avec le FCC! Dans ce dossier, le parti présidentiel accusait le ministre de la justice d’avoir omis de présenter le texte en Conseil des ministres avant de l’envoyer à l’Assemblée nationale. Décidément, une bien mauvaise habitude au sein de la coalition au pouvoir. Félix Tshisekedi a tout de même fini par obtenir la démission du ministre de la justice Célestin Tunda.

c. Passe d’armes autour de la présidence de la CENI.

L’autre pomme de discorde entre le FCC et Cach, avec 2023 pour ligne de mire, concerne la désignation polémique de Ronsard Malonda à la présidence de la Commission électorale (CENI).
Le nom de l’actuel numéro 2 de la centrale électorale a en effet été entériné par l’Assemblée nationale après un vote contesté par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) et les protestants de l’Église du Christ au Congo (ECC). L’UDPS redoute que Ronsard Malonda ne soit qu’un pion de Joseph Kabila à la CENI. L’opposition et la société civile réclament une réforme complète de la Commission et un président plus consensuel. Le président Tshisekedi a d’ailleurs fait savoir qu’il bloquait pour le moment le nom de Ronsard Malonda.

d. Le président de la Cour constitutionnelle sur la touche.

Dans la bataille qui oppose Tshisekedi et Kabila, le premier voulant rester au pouvoir et le second souhaitant y revenir, l’actuel président congolais n’a pas uniquement tenté de se débarrasser des deux juges de la Cour constitutionnelle Kilomba et Ubulu. Mi-juillet, un autre feuilleton rocambolesque a secoué la Cour constitutionnelle, avec la démission surprise de son président Benoît Lwamba. On accuse en effet Félix Tshisekedi d’avoir poussé vers la sortie ce magistrat sous sanctions internationales après les élections chaotiques de 2018.
Certains ont en effet douté de la réelle volonté de Benoît Lwamba de jeter l’éponge après la publication de deux démentis par son propre directeur de cabinet. Sans attendre le retour de Benoît Lwamba, en soin en Belgique, le président Tshisekedi a précipité la chute du magistrat en «accusant réception» du procès verbal de démission du président de la Cour. Dans ce dossier également, Félix Tshisekedi tente d’écarter un possible gêneur à sa réélection.

e. Les militants UDPS et FCC dans l’incompréhension.

Résultat de ce bras de fer permanent entre Tshisekedi et Kabila : des militants des deux camps déboussolés et une action gouvernementale au point mort. Du côté de l’UDPS, la base accepte de moins en moins les coups de boutoir de leurs coalisés du FCC et ne comprend pas pourquoi leur champion n’arrive pas à « déboulonner » plus vite le système Kabila. Il faut dire que les progrès sont inexistants en matière de sécurité ou d’amélioration des conditions de vie, ce qui commence à décevoir beaucoup de Congolais, emballés par les promesses présidentielles.
Du côté du FCC, c’est également l’incompréhension des militants et des caciques du camp Kabila qui ne comprennent pas pourquoi ils doivent composer avec ce président sans majorité à l’Assemblée nationale, au Sénat et dans les Assemblées provinciales. Et les tensions entre les deux camps face au blocage institutionnel virent parfois à un inquiétant affrontement par manifestations interposées. Les militants des deux camps ont visiblement toujours du mal à intégrer le scénario improbable de partage du pouvoir imposé par Joseph Kabila et Félix Tshisekedi.[5]

La coalition au pouvoir est divisée sur plusieurs questions notamment sur les réformes électorales qui, d’après le FCC ne doivent qu’avoir lieu dans le cadre institutionnel, et donc le parlement où il a la majorité écrasante. La nomination des juges à la Cour constitutionnelle n’a pas enchanté le camp Kabila non plus. Ce dernier accuse même Félix Tshisekedi de vouloir instaurer la dictature au pays.
Toutefois, le 26 août, lors d’une conférence de presse, ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, Jolino Makelele, a déclaré: «La coalition FCC-CACH se consolide davantage autour des questions d’intérêt national et ce en dépit des différentes tensions compréhensibles qui peuvent exister entre différentes sensibilités … La coalition demeure unie autour d’un idéal commun, afin de consolider la cohésion nationale selon la vision du président de la république Félix Tshisekedi qui, au mois de juillet dernier, avait encore affirmé que l’heure n’était pas à la rupture entre FCC et CACH».[6]

[1] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia.com, 24.06.’20
[2] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia.com, 05.07.’20
[3] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia.com, 18 et 22.07.’20
[4] Cf Thierry Mfundu – Politico.cd, 11.07.’20
[5] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia.com, 08.08.’20
[6] Cf Actualité.cd, 26.08.’20