Congo Actualité n. 411

LA TRÈS CONTROVERSÉE DÉSIGNATION DE RONSARD MALONDA À LA TÊTE DE LA PROCHAINE ÉQUIPE DE LA COMMISSION ÉLECTORALE (2ème Partie)

SOMMAIRE

1. QUE S’EST-IL RÉELLEMENT PASSÉ?
a. Retour sur les dessous d’un cocktail explosif
b. Une interview à l’abbé Donatien Nshole
c. Une interview au pasteur Sony Kafuta Rockman
2. UNE CLARIFICATION SUR LE PROCESSUS LÉGALEMENT PRÉVU PAR LA LOI
3. UNE REQUÊTE D’ANNULATION
4. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DIT NE PAS ÊTRE DANS LES CONDITIONS D’INVESTIR RONSARD MALONDA

1. QUE S’EST-IL RÉELLEMENT PASSÉ?

a. Retour sur les dessous d’un cocktail explosif

Les huit confessions religieuses se sont réunies sur demande de la Présidente de l’Assemblée Nationale, pour désigner leur candidat commun à la CENI, étant donné que l’équipe de Corneille Nangaa est réputée démissionnaire.
Le mardi 2 juin, réunis au complexe scolaire Cardinal Monsengwo, les chefs des confessions religieuses ont confié à leur secrétariat technique la tâche de mettre ensemble les dossiers des candidatures reçues et de procéder à la présélection des meilleurs profils, pour faciliter la désignation du délégué commun à la CENI.
Le samedi 6 juin, les membres du Secrétariat technique de la plateforme se sont retrouvés à la Cathédrale du Centenaire protestant sous la direction de leur Coordonnateur, l’abbé Donatien Nshole. Le Secrétariat technique réunit 24 dossiers des candidatures avant d’en sélectionner 6 sur base du CV et, particulièrement, du niveau d’études et de l’expérience du candidat dans le domaine électoral. Il s’agit de:
– Sylvain Lumu (De l’espace Grand Kasaï)
– Dénis Kadima (De l’espace Grand Kasaï
– Jérôme Mbonso (Du Grand Kasaï)
– Cyrile Ebotoko (Du Grand Equateur et présenté comme candidat de la CENCO)
– Remy Eale Bosela (Du Grand Equateur, présenté comme candidat de l’ECC)
– Ronsard Malonda (Du Kongo Central, endossé par l’église Kimbaguiste).
Le lundi 8 juin e le mardi 9 juin, les chefs des confessions se retrouvent à nouveau au complexe scolaire Cardinal Monsengwo pour recevoir le rapport du Secrétariat technique et désigner leur candidat commun. Ils ont approuvé le rapport du Secrétariat technique concernant les 6 candidats présentés et ont entamé les discussions pour la désignation de leur candidat commun. Pendant les débats, trois candidatures ont été éliminées.
Après échanges, il n’a pas été possible de dégager un consensus sur le choix d’un candidat sur les trois restés en lice. D’où, la décision des catholiques de retirer leur candidat Cyrille Ebotoko, pour faciliter les négociations. Cependant, selon l’abbé Donatien Nshole, «cela ne veut pas dire que la CENCO puisse accepter n’importe qui, car le peuple congolais attend de nouveaux animateurs de la CENI qui puissent redonner confiance à cette institution d’appui à la démocratie. Pour le peuple congolais, il n’est pas question de reconduire le système qui nous a mis dans cette situation».
Par la suite, après avoir constaté la persistance du blocage, la CENCO a remis sur la table des discussions la candidature de Cyrille Ebotoko, vu que la raison de son retrait n’était plus justifiée.
Le vendredi 12 juin, six confessions religieuses: la Communauté islamique, l’Église kimbanguiste, l’Union des églises Indépendantes du Congo, l’église de Réveil du Congo, l’Église Orthodoxe et l’Armée du Salut ont publié un communiqué à l’insu de l’Église catholique et de l’ECC. Selon certaines informations, 3 candidats des 6 présentés par le secrétariat technique ont été accusés d’être portés par une force politique et de ce fait, pour réussir le pari d’une désignation consensuelle, ils ont été écartés. C’est ainsi que seulement trois candidats restaient en lice: Ronsard Malonda, Eale Bosela et Cyrille Ebotoko. Faute de consensus autour d’un seul candidat, l’Église catholique a retiré la candidature de Cyrille Ebotoko, pour essayer de mettre fin à l’impasse. Ainsi, 2 candidats vont rester en lice.
Par la suite, il a été prouvé que l’un des deux candidats restants, en l’occurrence le Révérend Professeur Eale Bosela,  est dans une affiliation politique – Alternative pour la République – qui l’a aligné comme candidat aux élections législatives de 2018, dans la circonscription électorale de Bolomba, province de l’Equateur. Selon les six confessions religieuses, «de ce qui précède, ce candidat ne pouvait plus compter comme personnalité indépendante de la Société civile». À ce moment, toujours selon les six confessions religieuses, on a effectué un vote à main levée, à l’issue duquel Ronsard Malonda a obtenu 6 voix sur 8, deux (les catholiques et les protestants) ayant voté pour Eale Bosela.
«Par la suite, le cardinal président de la séance a ramené le candidat de la CENCO, retiré auparavant, pour le même exercice, mais sa candidature a été rejetée par vote à main levée, où elle n’a obtenu que 2 voix sur 8» ont-elles précisé. Ainsi, le candidat Ronsard Malonda Ngimbi, qui a obtenu 6 voix, est resté seul en lice.
Tirant les conséquences de ce fait, les 6 chefs des confessions religieuses favorables à Ronsard Malonda l’ont désigné comme délégué commun des huit confessions religieuses à la CENI, version dénoncée par les catholiques et les protestants.
Sur la candidature de Ronsard Malonda qui est le secrétaire exécutif national de la CENI sortant,
le Secrétaire général de la CENCO, l’abbé Donatien Nshole, a déclaré que «la CENCO et l’ECC s’opposent farouchement à cette candidature, pour la simple raison que c’est un choix de la continuité du système de la CENI que nous avons tous décrié. Ce n’est pas à cause du manque de technicité ou de manque de professionnalisme du candidat. Mais, c’est simplement le fait que c’était lui, la plaque tournante du point de vue technique, l’artifice de tout ce qui a été boutiqué et dont les conséquences sévissent encore aujourd’hui dans la gouvernance».
L’abbé Donatien Nshole a reconnu que c’était une erreur de vouloir mettre la désignation des animateurs de la CENI avant la réforme de cette institution: «Je le reconnais. C’est une erreur de vouloir mettre la charrue avant les boeufs. Nous étions quelque peu piégés. On nous a fait croire que les autres composants de la société civile s’étaient réunis et avaient déjà leurs candidats. Ce qui ne me semble pas vrai. Voilà pourquoi, pour la CENCO, il faut aujourd’hui donner la priorité à la réforme électorale, qui pourra aussi prendre en compte la façon de désigner les membres de la CENI, en tenant compte des expériences passées. Pour nous, c’est ce qui doit venir avant la désignation des candidats».[1]

b. Une interview à l’abbé Donatien Nshole

Dans une interview, le secrétaire général de la Conférence Épiscopale Nationale de la RD Congo (CENCO), l’Abbé Donatien Nshole, a illustré comment on est arrivé à l’entérinement, par l’Assemblée nationale, de la candidature de Ronsard Malonda à la présidence de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI).
A un certain moment, on reçoit un message provenant du Bureau de l’Assemblée Nationale, selon lequel les confession religieuses seraient en retard, pour n’avoir pas encore présenté leur candidat pour la nouvelle équipe de la CENI, tandis que les partis politiques et les autres composantes de la société civile l’auraient déjà fait, ce qui se révélera être un mensonge. En réalité, les confessions religieuses étaient en train de travailler sur des propositions relatives aux  reformes électorales.
À propos du profil des candidats à la CENI, elles avaient aussi établi trois critères: expertise en matière électorale, indépendance vis-à-vis des politiciens, capacité de résister aux pressions. On avait demandé à chaque confession religieuse de présenter un candidat ayant ce profil-là. On prévoyait donc 8 candidats. En ce qui concerne la méthodologie, on avait insisté sur la nécessité d’arriver à un consensus, laissant le vote comme dernier recours.
Toutefois, quand on a commencé les travaux, on s’est retrouvés avec 24 candidats, alors que le confessions religieuses sont huit.
La Cenco était arrivée avec un candidat, en la personne de Cyrille Ebotoko, membre de la Commission Justice et Paix. La consigne du président de la CENCO, Mgr Marcel Utembi, était qu’on ne devait pas le soutenir à tout prix, s’il y avait un autre candidat répondant au profil qu’on avait établi.
Les protestants de l’Église du Christ au Congo (ECC) ont présenté Rémy Eyale.
Les autres 22 candidats n’étaient pas des candidats présentés par une confession religieuse. Il s’agissait plutôt  d’un bloque de candidats dans le cadre de la Commission d’Intégrité et de Médiation Électorales (CIME), une plateforme des confessions religieuses. Un nombre si élevé de candidats a compliqué la donne. Il a donc fallu faire une présélection. On a confié cette tâche a un secrétariat technique, où il y a les représentants de toutes le confessions religieuses, pour examiner le curricula de chacun d’entre eux, en ce qui concerne les aspects de l’expertise et du professionnalisme. Chacun disait oui ou non. A ce niveau, le candidat de la CENCO  a été le seul à obtenir 8 avis favorables sur 8.
Le secrétariat technique a retenu six candidatures. Malonda est resté sur la liste des candidats pour son professionnalisme et son expertise. À ce stade, il y avait 6 candidats et 8 confessions religieuses. La Cenco avait sa candidature. L’ECC avait sa candidature. Parmi les autres 4 candidats, seulement Malonda a été supporté par l’Église kimbanguiste.
Il suffisait que chaque confession restante se prononce sur tel ou telle autre candidature sur les six.
Au moment des échanges, bizarrement, les autres cinq confessions religieuses ne connaissaient pas les 3 autres candidats. Parmi ces trois autres candidats, le délégué de la COMICO, Idriss Kateta, propose de prendre la candidature de Dénis Kadima, mais son chef spirituel et représentant légal de la Communauté Islamique, Cheik Abdallah, a dit non.
Delphin Elebe, délégué de l’Église Kimbanguiste, a alors désigné Ronsard Malonda  Il a parlé de son expertise et de sa connaissance de la Ceni.
C’est à ce moment-là que Delphin Elebe a introduit la donne géopolitique. Ronsard Malonda est du Bas Congo, la Présidence de la République est assumée par un Kasaïen, l’Équateur est représenté à l’Assemblée nationale et l’Est est représenté au Sénat. On a tenu compte de cela. Mais le cardinal Ambongo a dit que, dans un forum des confessions religieuses, on ne doit pas évoquer ni la donne géopolitique, ni la donne tribale. Tout ca quand on parlait de Malonda. Bien que la Cenco se soit opposée à ce que l’on se réfère à la tribu d’origine pour traiter les candidatures, les trois candidats originaires du Kasaï ont été écartés, d’autant plus que personne ne les connaissait.
C’est ainsi qu’on a maintenu trois candidats (Rémy Eyale, soutenu par l’ECC; Cyrille Ebotoko, appuyé par la Cenco et Ronsard Malonga, présenté par l’Église Kimbanguiste), sans pour autant arriver à un consensus, car chacun tenait à son candidat. Pour faciliter le consensus, sur proposition du cardinal Ambongo, la Cenco a retiré la candidature de Cyrille, qui avait été cotée 8 sur 8 au niveau du secrétariat technique. Après le retrait de Cyrille Ebotoko, il restait 2 candidats: celui des protestants, soutenu par la Cenco aussi, et Malonda, candidat des Kimbanguistes, mai refusé par la CENCO. Par rapport à la candidature de Malonda, le cardinal a dit que ce serait un insulte pour le peuple congolais, car sur lui repose un problème d’intégrité, puisqu’il fait partie d’une CENI malhonnête, qui n’a pas su organiser des élections démocratiques et transparentes.
Entre- temps, ceux qui tenaient à Malonda,  ont apporté un argument de taille contre le candidat des Protestants, en disant qu’il avait été candidat sous le label d’un parti politique, en occasion des élections législatives de 2018. Sur les deux (Rémy Eyale et Ronsard Malonga) il y avait blocage.
A ce moment le Cardinal Ambongo a dit que, si les deux candidatures restées posaient problème, alors on remet sur la table la candidature de Cyrille Ebotoko, puisqu’aucun grief n’était porté contre lui. La différence entre être retiré et être refusé est évidente. En outre, la candidature de Cyrille Ebotoko  avait été retirée volontairement pour faciliter le consensus et pour ça, vu que cette raison n’existait plus, on l’a remise sur la table. Comme il n’y avait rien à reprocher au candidat de la Cenco, l’ECC a appuyé sa candidature. Les autres se sont fâchés.
Alors le cardinal a posé la question qui veut que la candidature de Malonda reste sur la table des discussion? Six ont répondu oui. Le cardinal a posé une deuxième question: qui veut que la candidature de Eyale demeure elle aussi sur la table des discussions? Trois ont répondu oui. Un a soulevé la main 2 fois. Il s’agit de Sony Kafuta. Troisieme question: qui est pour que le candidat de la Cenco reste sur la table des discussions? De nouveau, 3 ont répondu oui. Sony Kafuta a levé la main pour la troisième fois. C’est ca que quelqu’un appelle vote. Comment comprendre que quand on est en train de élire une personne parmi trois candidats, une personne puisse voter 3 fois? C’est logique? Sony Kafuta a bien compris qu’il ne s’agissait pas d’un vote par élimination, mais qu’il s’agissait plutôt d’une méthodologie pour se prononcer sur les trois personnes. Il est malhonnête dire qu’il s’agissait d’un vote.
Une autre preuve qui démontre qu’il ne s’agissait pas d’un vote c’est que Cheick Abdallah, constatant le blocage, même après ce qu’on appelle vote, a suggéré au cardinal de prendre en considération les 3 autres candidatures qu’on n’avait pas traité. Alors, comment expliquer cela si le processus de vote était déjà clôturé? Le cardinal lui a répondu qu’il n’était pas possible car, auparavant, tous avaient dit de ne pas les connaître.
Malgré l’absence de consensus, le cardinal n’a pas voulu passer directement au vote et il a arrêté la session, dans l’espoir que l’on puisse arriver à un consensus pendant les jours suivants.
Après cela, les six qui soutenaient la candidature de Malonda sont allés se retrouver au siège de la CIME, situé  dans l’édifice de la Ceni. Prenant en considération le fait que six avaient manifesté la volonté de désigner Malonda, ont transformé cette constatation en vote, avec un PV signé par on ne sait qui, puisque ni le président, ni le vice président des confessions religieuse ne l’ont pas signé.[2]

c. Une interview au pasteur Sony Kafuta Rockman

Après l’interview de l’abbé Donatien Nshole sur ce qui s’est passé réellement sur le processus de la désignation de Ronsard Malonda à la tête de la Ceni, la place était au Révérend Pasteur Sony Kafuta Rockman, le président de l’Église de réveil du Congo sur les plateaux de Télé 50 à Kinshasa. Selon le Pasteur Sony Kafuta, le vote a bel et bien eu lieu et les autres candidats plus méritants ont été écartés par le Cardinal qui, par ses prises de position, a fait que Ronsard Malonda soit enfin désigné. Il dénonce le tribalisme, le régionalisme et même la volonté de vouloir contrôler la CENI de la part del’Église catholique et de l’Église du Christ du Congo ECC). Beaucoup d’autres révélations faites étaient en défaveur de ces deux Églises. Pour lui, les chefs spirituels de ces églises sont au service des puissances étrangères qui ont toujours voulu maintenir la RDC sous leur domination et entraver sa démocratie ainsi que son développement.
Jean Marie Kassamba, un journaliste qui participait à l’interview, a même affirmé que l’Eglise catholique n’a jamais accepté la dernière cession pacifique du pouvoir et qu’elle voudrait donc que la prochaine élection soit à ses ordres pour, peut-être, appliquer le plan de Génève qui n’a pas eu lieu. En amont, il y a donc eu un projet de candidature pro Lamuka, via l’Eglise catholique, qui veut maintenant remettre tout à zéro, pour revenir à la case de départ: mettre en cause la légitimité de Felix Tshisekedi et façonner le gestionnaire de la Ceni à ses couleurs, en imposant un candidat de son choix.
Sony Kafuta Rockman a d’abord rappelé que l’Église du Réveil en RD Congo est membre de la plateforme des confessions religieuses. À noter que la présidence et la vice présidence de cette plateforme des confessions religieuses sont confiées respectivement à la CENCO et à l’ECC. Composée de huit membres, la plateforme dispose aussi d’un secrétariat technique, coordonné par l’Abbé Nshole (de la Cenco). Chaque confession religieuse y est représentée par un technicien.
Cinq points:
– 1. La présidente de l’Assemblée nationale avait invité les chefs des confessions religieuses pour leur dire que c’était le temps de présenter leur candidat. Si l’Eglise catholique et l’ECC avaient comme préoccupation majeur celle de la réforme électorale, c’est à ce moment là qu’elles auraient dû le dire à la présidente de l’Assemblée nationale, en lui signifiant aussi que l’on n’allait pas lui présenter aucun candidat. Cela n’a pas été dit ce jour-là et l’Abbé Nshole, coordonnateur du secrétariat technique, demandera même quelques jours pour qu’on puisse le désigner.
– 2. Le secrétariat technique s’est réuni à la cathédrale du centenaire des protestants Il avait reçu 24 candidatures. Sur base du critère de la préparation technique, on a examiné les différents curricula reçus et on a éliminé 18 candidats. Parmi les 6 candidats restés il n’y avait que 2 candidats seulement des confessions religieuses: celui des catholiques (CENCO) et celui des protestants (ECC). Tous les candidats de autres 6 confessions religieuses ont été éliminé lors de la présélection. Pourtant, l’Eglise du Réveil avait présenté 3 candidats, l’Armée du Salut 2 candidats, Comico 1 candidat. Les autres 4 candidats restés dans la course étaient des candidats indépendants de la société civile.
– 3. Le 8 juin, lors de la rencontre des chefs des 8 confessions religieuses, le cardinal Fridolin Ambongo nous a donné une information: parmi le 6 candidats  retenus, il y en a 3 qui sont proches de l’actuel Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi et, derrière eux, il y a un lobbing politique. Or, selon notre principe interne, on ne peut pas prendre quelqu’un qui à un lobbing politique, à cause de l’indépendance de la CENI. On est donc resté avec 3 candidats.
Le cardinal a continué en disant que chaque confession religieuse doit parrainer un candidat, car celui que nous allons présenter ce sera le candidat des confessions religieuses. Puisque les candidats de 6 confessions religieuses étaient déjà tombés, Elebe, délegué de l’Eglise Kimbanguiste, a levé la main pour parrainer Ronsard Malonda, qui a ensuite été appuyé par le représentant des Eglises indépendantes du Congo.
A ce stade, il y avait trois candidatures: Ronsard Malonda, Eale Bobela et Cyrille Ebotoko.
On a fait la lecture des leurs CV et on a demandé que chaque confession religieuse soutienne une candidature. La seule candidature qu’on a commentée est celle de Malonda.
Elebe dira: Malonda est jeune, il a beaucoup d’expérience, ayant travaillé pour la CENI au cours des trois cycles électoraux et étant actuellement secrétaire exécutif national de la CENI. C’est un expert international. Elebe a poursuivi en disant que, du point de vue géopolitique, si le président de la République est du Kasai et la présidente de l’Assemblée nationale est de l’Equateur, il est opportun donner une chance au Kongo central pour la présidence de la CENI.
Le cardinal a dit: nous ne pouvons pas prendre Ronsard Malonda, car il est un chrétien catholique pratiquant, mais c’est lui qui a été la pièce maitresse, en 2018, qui a occasionné la fraude et la tricherie, afin que l’actuel Chef de l’Etat soit au pouvoir. Il dira que, en tant que chrétien catholique, Ronsard n’a pas dénoncé, ni démissionné. On ne peut pas le prendre. C’est là que la tension est montée dans la salle. Cette logique n’a pas été assumée par les six autres confessions religieuses qui se sont constituée en collectif de avocats pour défendre la cause de Malonda. C’est à ce moment qu’un des experts a dit que Malonda n’était pas un décideur car, en tant que secrétaire exécutif, il était un simple technicien administratif. Les décideurs se trouvent dans la plénière de la Ceni: la majorité, l’opposition et la société civile. La responsabilité est collective.
À ce moment, le cardinal a retiré le candidat de la Cenco, Cyrille Ebotoko, au profit de Eale Bosela, car il avait bien compris la position des autres six confessions religieuses.
Entre temps, un autre a révélé que Eale Bosela était un candidat malheureux à la députation de 2018 au nom d’un parti politique mais, par la suite, on a appris que, après les élections, il avait écrit une lettre de démission de ce parti. Nous sommes restés avec deux candidats: Ronsard Malonda et Eale Bosela. A ce point le cardinal a suspendu la séance.
– 4. Le 9 juin, on a continué les travaux. Le cardinal avait déjà préparé les bulletins de vote pour les utiliser au cas d’absence de consensus. Il a récupéré Ebotoko Cyrille qu’il avait retiré le jour précédent et l’a remis en compétition. Le cardinal a dit: comme on ne parvient pas à un consensus autour d’un candidat, les chefs des confessions religieuses doivent se prononcer et il a ajouté: nous allons faire un exercice démocratique. Alors le cardinal a commencé avec le nom de Ronsard Malonda. 6 confessions religieuses sur 8 ont levé la main. Il a prononcé le nom de Heale. 2 confessions religieuses, l’ECC et la Cenco, ont levé la main.  Le cardinal a prononcé le nom de Cyrille Ebotoko. Trois ont levé la main: le délégué des Catholiques, celui de l’ECC et moi-même, car son CV m’avait impressionné, d’autant plus que, lors de la présélection au niveau du secrétariat technique, il avait obtenu 8 avis favorables sur 8. Le vote a donc eu lieu, mais selon la modalité de la main levée. S’il faut faire des calculs: Malonda 6 sur 8, Eyale 2 sur 8 et Cyrille 3 sur 8. Est-ce-que il fallait continuer encore? C’’était fini. C’était la conclusion. Nous avons conclu avec une prière et nous sommes sortis.
– 5. Après, les chefs des six confessions religieuses nous sommes allés à notre siège de la CIME et nous avons fait l’état de lieu. Nous étions en plénière, puisque la majorité des membres étaient là. Nous avons pris la décision de faire le PV de ce qui s’était passé. Nous avons laissé la place pour les signatures du Président et du vice président. Le lendemain, nous avons suivi un communiqué où notre président et le vice président n’ont pas dit la vérité: ils ont dit que nous n’avions ni trouvé de consensus, ni voté. C’est ce qui nous a poussé à déposer notre PV au Bureau de l’Assemblée Nationale.[3]

2. UNE CLARIFICATION  SUR LE PROCESSUS LÉGALEMENT PRÉVU PAR LA LOI

Le 7 juillet, invité dans le Magazine interaction dénommé: le Rendez-Vous des auditeurs, diffusé chaque jour sur les ondes de Canal Congo Télévision et Radio Liberté Kinshasa ( CCTV- RALIK), l’un des experts reconnus en matière électorale dans le pays, le professeur Jacques Djoli, député national du Mouvement de Libération du Congo (opposition) et ancien vice président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) pendant le cycle électoral de 2011, a déploré le processus qui a conduit à l’entérinement de Ronsard Malonda par le bureau de l’Assemblée nationale comme choix de la société civile pour le poste de président de la CENI.
Jacques Djoli a tenu à clarifier l’opinion sur le processus légalement prévu par la loi, en ce qui concerne la désignation des animateurs de la CENI: «Aucune disposition légale ne permet aux confessions religieuses de désigner le président de la commission électorale nationale indépendante».
Se fondant sur les articles 10, 12, 13 ,22 de la loi organique, régissant la CENI, Jacques Djoli a fait savoir que la désignation du président de la CENI ne devient possible qu’à l’issue du choix de tous les trois membres de la composante société civile: «Ce sont les trois délégués de la société civile qui sont habilités à se réunir pour dégager un consensus sur le nom de celui d’entre eux qui va occuper le siège de la présidence de la CENI, après une première réunion (assemblée générale) qui sera convoquée et présidée par le secrétaire exécutif de cette institution d’appui à la démocratie. Ainsi, ni les confessions religieuses ni le bureau de l’Assemblée nationale et moins encore la chambre basse du parlement, personne n’avait le pouvoir, comme certains ont cru à tort, de désigner Ronsard Malonda».
Jacques Djoli a également attiré l’attention du public sur le fait de ne pas confondre le cas de remplacement à celui de désignation du président de la CENI, comme ce fut le cas à l’époque par Corneille Nangaa: «On ne doit pas confondre le cas particulier de remplacement de Corneille Nangaa qui avait succédé à feu Abbé Malu Malu. Lorsqu’il s’agit du remplacement d’un membre, cela ne crée pas de problème, car on doit juste compléter. Mais quand on veut renouveler l’ensemble du bureau et de la plénière de la CENI, la loi énumère les procédures à respecter. Et ces procédures sont telles que la majorité désigne 6 membres , l’opposition 4 et la société civile 3 pour faire un total de 13 membres. Les noms de tous les 13 délégués choisis par la majorité, l’opposition et la société civile – selon leur crédibilité et moralité – doivent être envoyés à l’Assemblée nationale pour le processus d’entérinement. A ce titre, il est institué, selon le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, une commission chargée de vérifier si tous les critères prévus par la loi ont été respectés par les composantes. Ensuite, le rapport de la commission est présenté et approuvé par la séance plénière. Ce n’est qu’après cette étape que l’Assemblée nationale peut alors entériner les noms de tous nouveaux animateurs et non pas d’un seul délégué choisi dans les conditions irrégulières».
S’appuyant sur les différents rapports d’évaluation du processus électoral des différents organismes nationaux et internationaux, le renouvellement des animateurs de la CENI ne pourrait en principe intervenir qu’après certains préalables, dont l’évaluation du processus électoral de 2018, mais aussi et surtout la modification de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la CENI. D’où, selon Jacques Djoli, la nécessité de recourir à quelques pistes de solution, comme celle d’envisager des réflexions au sein de la classe politique, pour déboucher aux réformes constitutionnelles pouvant redonner de la confiance à toutes les parties prenantes, en marge des élections de 2023.[4]

3. UNE REQUÊTE D’ANNULATION

L’11 juillet, le député national Jean-Baptiste Muhindo s’est adressé à la Présidente de l’Assemblée Nationale avec une lettre de mise en demeure pour exiger l’annulation de la décision sur base de laquelle le Bureau de l’Assemblée a soumis à la plénière du 2 juillet l’entérinement de la désignation de Ronsard Malonda en qualité de président de la CENI.
En effet, cette décision a été prise en violation de l’article 23 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale et des articles 12 et 23 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la CENI.
1. L’article 23 du règlement intérieur stipule que « l’assemblée plénière est compétente pour, entre autre, adopter l’ordre du jour et entériner la désignation des membres de la CENI ».
Pour rappel, dans son communiqué du 1er juillet convoquant la plénière de l’Assemblée Nationale pour le 2 juillet, le rapporteur indique que l’ordre du jour comportait un seul point, à savoir : « poursuite des travaux : rapport de la commission défense et sécurité et adoption des recommandations ». Au cour de la plénière qui s’est tenue bien après 16 heures, un deuxième point a été ajouté à l’ordre du jour séance tenante, à savoir: « interpellation du Vive premier Ministre et Ministre de l’Intérieur, Gilbert Kakonde ».
Après épuisement des points inscrits à l’ordre du jour ainsi adoptés, Vous avez présenté sous un format de communiqué du Bureau, une nouvelle matière relative aux tractations entre les confessions religieuses en rapport avec la désignation de leur représentant à la CENI, allant jusqu’à inviter les députés présents dans la salle à procéder à l’entérinement de Ronsard Malonda en qualité de président de la CENI.
L’irrégularité de la présentation de cette matière sous la forme d’un communiqué du Bureau se prouve par la procédure d’entérinement telle que reprise à l’article 49 de notre règlement intérieur qui dispose: « À l’initiative du Bureau, l’assemblée plénière crée une commission spéciale chargée de donner des avis sur l’entérinement des membres de certaines institutions publiques ».
Quant à la lecture par le rapporteur de l’Assemblée nationale des prétendus procès verbaux qu’auraient établi les dites confessions religieuses, ceux-ci n’auraient pas été mis à la disposition des députés nationaux, en violation de l’article 70 du règlement intérieur qui dispose: « Les documents à soumettre aux délibérations des membres de l’assemblée plénière sont distribués 48 heures au moins avant les séances, sauf cas d’urgence ».
Etant donné la controverse entre les confessions religieuses autour de cette question, le respect absolu de l’impératif de mise en place d’une commission spéciale chargée de donner des avis sur l’entérinement des membres de la CENI (article 49) ainsi que la soumission des procès verbaux y afférents aux députés (article 70) auraient permis à l’Assemblée Nationale de se prononcer en toute clarté.
2. L’article 12 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la CENI dispose: « La désignation des membres de la CENI est entérinée par l’Assemblée nationale ». Contrairement à la procédure de remplacement d’un membre en cas de vacance telle que prévue à l’article 15 de la même loi, l’entérinement de l’article 12 concerne tous les treize membres de la CENI.
Encore plus. L’article 23 de la loi sur la CENI dispose : « l’assemblée plénière se réunit en séance inaugurale dans les 15 jours qui suivent l’investitures des membres de la CENI. La séance d’ouverture est présidée par le secrétaire exécutif national ». Ceci sous-entend que, à l’occasion de cette séance inaugurale, le Bureau de la CENI n’est pas encore constitué; ce qui justifie la présidence de la dite séance par le secrétaire exécutif national, en attendant que les 13 membres de la plénière de la CENI puissent constituer leur Bureau de manière autonome.
Il s’en suit que l’entérinement singulier du membre désigné par les confessions religieuses en qualité de président de la CENI est en marge des articles 12 et 23 sus-évoqués.
De ce qui précède, je vous mets en demeure d’annuler, dans les 3 jours à compter de la réception de la présente, la décision du Bureau de l’Assemblée Nationale d’avoir soumis à la plénière l’entérinement de la désignation de Ronsard Malonda en qualité de président de la CENI, en violation des articles 23, 49 et 70 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale et des articles 12 et 23 de la loi organique sur l’organisation et le fonctionnement de la CENI.[5]

4. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DIT NE PAS ÊTRE DANS LES CONDITIONS D’INVESTIR RONSARD MALONDA

Le 17 juillet, dans une correspondance, non datée et non signée, adressée à Jeanine Mabunda, présidente de l’Assemblée nationale, le Président de la République, Félix Tshisekedi, a refusé d’investir Ronsard Malonda comme président de la CENI. Cette réponse du Chef de l’Etat fait suite à la correspondance de la présidente de l’Assemblée nationale lui demandant d’investir le prochain président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
Dans sa lettre, Félix Tshisekedi a répondu: «Votre lettre n’est accompagnée d’aucun soubassement, notamment les procès-verbaux de désignation et d’entérinement (de Ronsard Malonda) évoqués dans votre précitée et tous autres documents y relatifs».
Le chef de l’État a constaté que «l’information selon laquelle Ronsard Malonda a été désigné à l’issue d’un processus interne aux confessions religieuses est fortement contestée, en fait comme en droit, par certains membres de cette composante». Il a notamment cité « l’Église catholique, l’Église du Christ au Congo et l’Église Kimbanguiste ».
Dans la même correspondance Félix Tshisekedi a noté que l’entérinement par l’Assemblée nationale de Ronsard Malonda a été à la base de plusieurs mouvements des contestations à travers le pays: «Par ailleurs, je ne puis manquer de noter que l’annonce de la désignation et de l’entérinement dans ces conditions contradictoires d’un membre de la composante Confessions religieuses à la CENI, a conduit à des mouvements des contestations observés à travers le pays». Et à Félix Tshisekedi de conclure: «En considération de ces éléments, l’information me donnée en l’état, ne me met pas dans les conditions de disposer conformément à la loi » et d’investir Ronsard Malonda comme président de la CENI».[6]

[1] Cf Politico.cd, 06.07.’20  https://www.politico.cd/grand-angle/2020/07/06/rdc-designation-de-malonda-comment-les-catholiques-se-sont-fait-avoir.html/64210/
[2] Cf vidéo https://www.youtube.com/watch?v=D4bZ-_Jq_LM&feature=youtu.be
[3] Cf CongoForum.be, 15.07.’20; vidéo : https://www.congoforum.be/fr/2020/07/affaire-malonda-quand-la-contradiction-entre-les-confessions-religieuses-conduit-les-pasteurs-au-paroxysme-du-ridicule-congoforum/
[4] Cf Jean Médard Liwoso – Politiquerdc.net, 07.07.’20
[5] Cf https://audf-rdc.org/index.php/2020/07/12/enterinement-de-la-designation-du-president-de-la-ceni-mise-en-demeure-lancee-au-bureau-de-lassemblee-nationale-par-hon-muhindo/
[6] Cf Jordan Mayenikini – Actualité.cd, 17.07.’20; Thierry Mfundu – Politico.cd, 17.07.’20