Les élections du 30 décembre 2018 → une première évaluation et trois priorités pour un processus électoral plus dynamique

Editorial  Congo Actualité n. 379 – par le Réseau Paix pour le Congo

Avec l’organisation des élections indirectes des sénateurs nationaux et des gouverneurs de province, respectivement le 15 mars et le 10 avril, le cycle électoral aux niveaux national et provincial est pratiquement terminé. Il est donc utile de procéder à une première évaluation.

Première priorité: l’organisation des élections locales

Convaincus que, dans une dynamique démocratique, les changements politiques ont lieu à partir de la base et par le biais des élections, il conviendrait de songer déjà à la préparation des prochaines élections locales. Selon le calendrier électoral, elles auraient dû être convoquées le 18 mars et organisées le 22 septembre prochain. Il est donc déjà très tard, mais cela ne peut pas constituer une raison pour les jeter dans l’oubli. D’autant plus que la commission électorale dispose déjà dune grande partie des moyens matériels pour les organiser (kits pour l’enregistrement des nouveaux électeurs, urnes, isoloirs et machines à voter).
Puisque les élections locales n’ont jamais été organisées, la Commission électorale devrait en faire une priorité et pourrait les prévoir, en tenant compte du rythme électoral proposé ci-dessus,
pour le premier trimestre de 2021, c’est-à-dire vers le milieu de la législature actuelle (Présidence de la République et Parlement). Ainsi, la Commission électorale pourrait disposer d’environ deux ans et demi pour préparer les prochaines élections présidentielles, législatives nationales et législatives  provinciales, prévues constitutionnellement pour la fin de 2023.

Deuxième priorité: le retour à des élections présidentielles à deux tours

Après avoir constaté les limites inhérentes à des élections présidentielles à suffrage universel direct à un seul tour et les nombreuses difficultés rencontrées en organisant trois scrutins dans le même jour, comme le 30 décembre dernier, il faudrait songer à un nouveau calendrier électoral pour l’ensemble des élections.
En particulier, en ce qui concerne le premier point, on peut constater que, dans un contexte de faible participation et d’élections à majorité simple, on risque que le Président de la République soit élu par un groupe minoritaire de citoyens. En outre, il convient de noter que, selon la Constitution de 2006, le Président de la République était élu à la majorité absolue et, si cette majorité n’était pas atteinte, on devait organiser un second tour, pour départager les deux candidats ayant obtenu les meilleurs scores. Dans ce deuxième tour, le Président de la République était élu à la majorité simple des votes. En 2011, suite à une révision constitutionnelle très controversée, le Parlement avait établi que le Président de la République était élu à la majorité simple lors d’une élections à un seul tour.
Sachant que la législature actuelle s’achèvera à la fin de l’année 2023, on pourrait songer à un calendrier électoral prévoyant un cycle électoral en trois étapes, comme prévu dans la Constitution de 2006: 1) premier tour de l’élection présidentielle, combiné avec les législatives nationales, 2) deuxième tour de l’élection présidentielle, combiné avec les législatives provinciales, 3) élections locales.
Considérant que, comme prévu par la constitution de 2006, le deuxième tour de l’élection présidentielle doit avoir lieu quinze jours après le premier tour, il s’ensuit que les élections législatives nationales et provinciales doivent, elles aussi, se dérouler dans le même délai. Par contre, les élections locales pourraient être organisées à mi-parcours de la législature en cours, c’est-à-dire deux ans et demi à peu près avant les élections présidentielle et législatives suivantes.
Ce rythme électoral obligerait la Commission électorale à mettre à jour le fichier électoral (listes des électeurs) tous les deux ans et demi, avant chaque échéance électorale, sans toutefois procéder à une nouvelle opération d’enregistrement et d’enrôlement de tous les électeurs.
Avec un registre électoral déjà constitué, la Commission électorale devrait transmettre à chaque centre d’inscription et d’enrôlement les listes des électeurs respectifs, les afficher au public, les publier sur son site Web et, en collaboration avec les autorités locales, apporter les modifications nécessaires ( élimination des noms des électeurs décédés, enregistrement des jeune mineurs ayant atteint l’âge requise pour voter, changement de domicile, …).
Le retour au schéma électoral prévu par la constitution de 2006 impliquerait une nouvelle révision de la constitution et de la loi électorale en vigueur, ce qui devrait être l’une des priorités du Parlement actuel.

Troisième priorité: la restructuration de la Commission électorale

Enfin, il serait souhaitable que l’actuel Parlement procède à une révision courageuse de la loi sur l’organisation et le fonctionnement de la Commission électorale, en vue d’une majeure indépendance de celle-ci par rapport au pouvoir exécutif.
Selon la loi en vigueur, la Commission électorale est composée de treize membres. Dix membres sont désignés par les forces politiques au sein de l’Assemblée nationale: six délégués, dont deux femmes, sont désignés par la Majorité et quatre délégués, dont une femme, sont désignés par l’Opposition. Les trois autres membres sont désignés par la Société civile parmi les confessions religieuses, les organisations féminines de défense des droits de la femme et les organisations d’éducation civique et électorale. La CENI comprend deux organes: l’Assemblée plénière et le Bureau.
L’Assemblée plénière comprend tous les membres de la CENI
Le Bureau de la CENI est composé de six membres: un président, issu de la Société civile; un Vice-président, issu de la Majorité; un Rapporteur, issu de l’Opposition politique; un Rapporteur adjoint, issu de la Majorité; un Questeur, issu de la Majorité; un Questeur-adjoint, issu de l’Opposition politique.
Pour une institution d’appui à la démocratie, telle que la Commission électorale, cette composition apparait trop politique et très favorable à la majorité, au détriment de l’opposition et de la société civile.
On pourrait donc songer à une composition différente. Sur un total de treize membres de la plénière, cinq pourraient être désignés par la société civile, quatre par la majorité et quatre par l’opposition. En ce qui concerne les six membres du bureau, deux pourraient être choisis parmi les délégués de la société civile, deux parmi les délégués de la majorité et deux parmi les délégués de l’opposition. Chacune des trois composantes (société civile, majorité et opposition) aurait droit à un titulaire et à un adjoint.
Cette composition plus paritaire et équitable pourrait contribuer à une majeure indépendance de la commission électorale et à une meilleure transparence, notamment en ce qui concerne la publication des résultats électoraux, qui devrait être effectuée de façon plus détaillée (bureau de vote par bureau de vote, circonscription électorale par circonscription électorale). non seulement dans les centres de vote, mais aussi sur son site Web, ce qui n’a pas été fait lors des élections présidentielle, législatives nationales et législatives provinciales du 30 décembre dernier.