SOMMAIRE
ÉDITORIAL: MACHINE À VOTER → UN NŒUD GORDIEN ENCORE À DÉNOUER
1. LA COMMISSION ÉLECTORALE: LES PREMIÈRES RÉCEPTIONS DE MACHINES À VOTER, URNES ET CABINES ÉLECTORALES
2. L’OPPOSITION: CONTRE LA MACHINE À VOTER ET LE FICHIER ÉLECTORAL, MAIS ENCORE SANS CANDIDAT UNIQUE À LA PRÉSIDENTIELLE
3. LE COMITÉ LAÏC DE COORDINATION (CLC)
4. LA COMMISSION TECHNIQUE CENI / CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
5. LE MEETING DE LUBUMBASHI
6. LA SOCIÉTÉ CIVILE
ÉDITORIAL: MACHINE À VOTER → UN NŒUD GORDIEN ENCORE À DÉNOUER
1. LA COMMISSION ÉLECTORALE: LES PREMIÈRES RÉCEPTIONS DE MACHINES À VOTER, URNES ET CABINES ÉLECTORALES
Le 25 septembre, au Palais du Peuple, il y a eu une réunion du Comité de Liaison, cadre de concertation qui réunit la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et les mandataires régulièrement accrédités des Partis et Regroupements politiques légalement reconnus. L’objectif de cette réunion était principalement d’évaluer l’évolution du processus électoral à plus au moins 87 jours de la tenue des scrutins.
S’agissant de la logistique, le président de la CENI, Corneille Nangaa, a signalé que 109 containers de 40 pieds et 2 de 20 pieds venant de la Chine et contenant des isoloirs, des urnes et de l’encre indélébile sont en train d’être transportés par voie maritime. 5 containers sont déjà réceptionnés à Goma dans la Nord Kivu, 8 à Bunia dans la province de l’Ituri, 3 sont partis de Bunia pour Kisangani dans la province de la Tshopo, 8 réceptionnés à Kinshasa, 48 sont arrivés depuis vendredi dernier au port international de Matadi dans la province du Kongo Central et 31 autres sont en route pour d’autres hubs principaux.
Il a aussi annoncé que 180 containers en provenance de la Corée du Sud contenant des machines à voter sont en route, dont 133 sont attendus au courant du mois d’octobre. D’ores et déjà 24 containers contenant des machines à voter sont attendus le 05 octobre prochain à Matadi.
En outre, 15 containers en provenance de l’Inde contenant des panneaux solaires pour toutes les antennes de la CENI sont attendus à Matadi à partir du 15 octobre prochain.[1]
Le rapporteur de la CENI, Jean-Pierre Kalamba, a précisé que les bateaux transportant les machines à voter vont accoster dans trois ports, ceux de Matadi, de Mombasa au Kenya et de Dar es-Salaam en Tanzanie en vue de faciliter leur déploiement: «Les machines sont en train d’arriver. D’ici le 5 octobre, plus ou moins 180 conteneurs nous arrivent à Matadi. Les machines arrivent suivant le programme tracé. Nous recevrons une partie à Mombasa pour servir l’axe Nord-Est, c’est-à-dire à partir de Goma, Beni, Butembo pour aller jusqu’à Kisangani et Buta. Il y en a qui nous arrivent par Dar es-Salaam pour aller jusqu’au Katanga et à Bukavu. Le Katanga va servir Lualaba jusqu’à Dilolo et du Kasaï jusqu’à Ilebo en remontant aussi par Kamina, Kabongo, Kabalo et partir aussi vers Kindu». Selon le programme initial de la CENI, le premier grand lot de machines à voter devait arriver en RDC entre le 9 et le 12 septembre et deux autres livraisons étaient prévues du 18 au 23 septembre et le 6 octobre. C’est au total pas moins de 106.000 machines à voter qui seront déployées.
Jean-Pierre Kalamba a souligné que la CENI a planifié l’arrivée des isoloirs, des urnes, des formulaires pour les procès verbaux et pour les résultats e des autres matériaux électoraux, de telle sorte qu’au plus tard le 18 décembre, ces matériels soient dans les différents sites de formations sis dans les chefs-lieux des territoires, parce que c’est là où ceux qui iront ouvrir les bureaux de vote devront les prendre.[2]
Le 4 octobre, 48 conteneurs de kits électoraux sont arrivés dans la province du Kongo Central via le port de Matadi. Bernadine Kitondo, secrétaire éxécutif Provincial de la CENI au Kongo Central, a affirmé que «la CENI est techniquement très avancés par rapport aux préparations des élections en cours. On vient de réceptionner les kits de bureaux des votes, les différentes fiches qu’on va utiliser dans chaque bureau de vote ainsi que des isoloirs et des urnes».[3]
Le 6 octobre, à Matadi (Kongo Central), le président de la CENI, Corneille Naanga, a réceptionné un premier lot de 20 conteneurs de 12.000 machines à voter, sur un total prévu de 135.000 exemplaires. Dans cette occasion, Corneille Nangaa a déclaré que «du 6 au 30 octobre, on va recevoir des matériels électoraux chaque trois jours. Jusqu’au mois de novembre. Il ne restera qu’une petite partie qu’on acheminera par avion». Il a assuré que «le 23 décembre il y aura élections et tout le monde ira voter».[4]
Le 7 octobre, lors d’une conférence de presse à Matadi, Corneille Nangaa a déclaré qu’aucune machine (à voter) ne sera connectée à internet lors du scrutin du 23 décembre. Il a précisé que «la machine est un ordinateur avec un système Android et toutes les options y sont incorporées. On peut les connecter à internet ou les déconnecter, c’est comme le téléphone. Nous sommes dans un pays où on suspecte tout. Il faudrait qu’on ne les connecte pas à d’autres machines ou serveur. Elles vont travailler en mode local. Le comptage se fera manuellement avec les bulletins qui seront dans l’urne et, après cela, il y aura des procès-verbaux qui seront signés manuellement comme cela a toujours été le cas». La déconnexion des machines était une des recommandations qui ont été faites par les experts britanniques à l’issue de leur mission d’audit de la machine à voter.[5]
Le 12 octobre, le vice-président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Norbert Basengezi, a annoncé le décaissement par le gouvernement, en ce début du mois d’octobre, d’un montant de 56 millions de dollars pour le financement des élections du 23 décembre. Norbert Basengezi a souligné que la somme totale décaissée par l’Etat, pour les trois scrutins, est de plus de 300 millions de dollars. Le coût total pour l’organisation des élections du 23 décembre est estimé à plus de 432 millions de dollars. Le numéro 2 de la CENI a également annoncé que, pour faciliter le déploiement des matériels électoraux dans les sites de vote, «la CENI va réceptionner 220 nouveaux camions, 5 hélicoptères et deux gros porteurs d’ici le 20 octobre».[6]
2. L’OPPOSITION: CONTRE LA MACHINE À VOTER ET LE FICHIER ÉLECTORAL, MAIS ENCORE SANS CANDIDAT UNIQUE À LA PRÉSIDENTIELLE
Le 3 octobre, les 7 candidats de l’opposition à l’élection présidentielle, invalidés et retenus, à savoir Bemba, Tshisekedi, Katumbi, Fayulu, Kamerhe, Matungulu et Muzito ont décidé de mettre en place une commission thématique pour résoudre l’épineux problème de la candidature commune de l’opposition. D’après un acteur de l’opposition qui a requis l’anonymat, cette commission a reçu pour mission de définir les modalités de la désignation du candidat commun notamment son profil, les modalités de la campagne et ceux du partage des responsabilités après les élections. Entre-temps, les négociations se poursuivent.[7]
Le 3 octobre, en ce qui concerne la candidature commune de l’opposition, Martin Fayulu Madidi, candidat au scrutin présidentiel, s’est dit confiant aux pourparlers entamés par les leaders de l’opposition: «Oui pour un candidat commun. Nous sommes en discussion d’abord pour un programme commun, ensuite nous allons définir de commun accord les critères et procéder à la désignation. Je respecterai la décision du groupe».
A propos de la machine à voter, il est demeuré ferme et a dit respecter la loi électorale qui interdit l’usage de la machine à voter: «nous ne pouvons pas aller aux élections avec la machine à voler. Il faut s’en tenir au calendrier et à la loi électorale. Le boycott n’est pas dans notre vocabulaire, mais il n’y aura pas d’élections le 23 décembre si les exigences du peuple congolais ne sont pas rencontrées, c.à.d. pas de fictifs et pas de machine à voler».
Au sujet de la transition sans Kabila, en cas de la non tenue des élections, Martin Fayulu a réaffirmé que cette voix reste la meilleure. Pour Martin Fayulu, au cas où la Ceni n’organisait pas les élections à la date prévue, il serait mieux de faire partir le président Kabila et trouver une opportunité d’imposer la transition sans Kabila: «Le 23 décembre est une date butoir pour M. Kabila. Il doit partir et alors nous allons instaurer la Transition sans lui».[8]
Le 6 octobre, sept leaders de l’opposition (Vital Kamerhe, Félix Tshisekedi, Martin Fayulu, Freddy Matungulu, Pierre Lumbi, Delly Sesanga et Adolphe Muzito) ont adressé un mémo commun à la délégation du conseil de sécurité des Nations unies en visite à Kinshasa.
Quatre pages dans lesquelles ils affirment que «l’actuel processus électoral conduit par la CENI n’accorde aucune garantie, car il est pris en otage par le pouvoir en place». Ils rappellent leur détermination à participer au processus électoral et à désigner un candidat unique de l’opposition si «les élections sont inclusives, libres, crédibles et transparentes».
Les leaders de l’opposition passent ensuite en revue une série de points qui démontrent la volonté de l’Etat de ne pas permettre une organisation sereine et crédible de ce scrutin du 23 décembre prochain. Un bilan bien sombre qui comprend l’instrumentalisation de certaines institutions de l’État (pour empêcher Moïse Katumbi de rentrer au pays) et de la CENI (disqualification des candidats Bemba et Muzito, imposition de la machine à voter, refus de réviser le fichier électoral,…). Les leaders de l’opposition insistent aussi sur le fait que le régime illégitime de Joseph Kabila n’a pas les moyens de ses ambitions et est incapable d’organiser seul ce scrutin par manque de moyens.
Fort de ces constat les 7 leaders de l’opposition proposent une série de solutions:
«- l’abandon de la machine à voter, introduite dans le processus en cours en violation de la loi,
– le nettoyage du fichier électoral, en éliminant les plus au moins 10 millions d’enrôlés sans empreintes digitales,
– la mise en œuvre immédiate des mesures de décrispation politique prévue par l’accord de la Saint-Sylvestre,
– la participation effective des candidats exclus ou invalidés pour des raisons politiques,
– l’accréditation et le déploiement des observateurs de l’ONU, UE, UA et autres,
– l’appui financier, matériel et logistique de l’ONU,
– le déploiement d’une force pour sécuriser le processus électoral, les candidats et les populations,
– la participation effective de la Monusco dans l’ensemble du processus électoral».
Les membres de la délégation du Conseil de Sécurité ont rencontré le président de la République, le Premier ministre et les vices Premier ministre, le président de la CENI, des candidats de la majorité et de l’opposition, des membres de la CENCO et des représentants de la société civile.[9]
3. LE COMITÉ LAÏC DE COORDINATION (CLC)
Le 5 octobre, dans un communiqué, le Comité Laïc de Coordination (CLC) a annoncé, pour le dimanche 7 octobre, le début de sa campagne nationale contre la machine à voter et le fichier électoral, jugé “corrompu” du fait des irrégularités enregistrées lors du recensement de plus de 10 millions d’électeurs. Le CLC a choisi de débuter cette campagne le 7 octobre car il d’agit d’une date d’importance stratégique, retenue par le calendrier électoral pour «le démarrage de l’opération d’impression, de conditionnement et de livraison des bulletins de vote, des procès-verbaux et des fiches de résultat», en attendant «le déploiement de ces matériaux à partir du 16 novembre vers les sites de formation». Le CLC a avancé dix raisons pour dire non à la machine à voter, entre autres:
– La loi électorale ne prévoit pas l’organisation des élections avec la machine à voter;
– Le calendrier électoral n’a pas prévu l’utilisation de la machine à voter, mais l’impression des bulletins papier du 7 octobre au 15 novembre;
– La machine à voter pose un problème de fiabilité, puisqu’on ignore ce que renferment ses logiciels qui n’ont pas été audités. Le choix de l’électeur n’est pas à l’abri de modifications volontairement programmées;
– Cet outil ne garanti pas le secret de vote, car beaucoup d’électeurs non instruits, et/ou non formés à son utilisation, devront être assistés par les agents du bureau de vote, ce qui pose le problème du secret du vote;
– Il y a risque de bourrage des urnes par les agents électoraux. En effet, en prévoyant une moyenne de 3 minutes pour que chaque électeur puisse effectuer son opération de vote et en sachant que le bureaux de vote resteront ouverts 11 heures (de 7h00 à 18h00) , un bureau de vote ne pourra faire voter que 220 électeurs, au lieu des 660 annoncés sur base d’une moyenne d’1 minute pour chaque électeur. Par conséquent, on ne pourra pas faire voter tout le monde dans les temps. Comme les théoriques 660 électeurs par bureau de vote ne sont pas intégrés dans la base de données de la machine, «il y a risque de bourrage des urnes par les agents électoraux qui pourront voter à l’infini avec les bulletins disponibles»;
– La CENI n’a prévu qu’une seule machine à voter de réserve pour un centre de vote ou pour 5 machines placées. Ce qui ne rassure pas en cas de panne de 2 ou 3 machines;
– Enfin, le CLC doute de la capacité de la Ceni à former d’ici au 23 décembre 232 formateurs de formateurs, 21.000 techniciens informaticiens (dont l’existence-même au Congo est jugée hypothétique) et 453.408 agents des bureaux de vote.[10]
4. LA COMMISSION TECHNIQUE CENI / CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
Le 4 octobre, à Kinshasa, le président de la CENI, Corneille Nangaa, s’est entretenu avec les candidats à la présidentielle. La réunion, à l’initiative de la Céni, a abordé les sujets d’inquiétudes concernant le processus électoral, notamment la machine à voter et le fichier électoral.
Au cours de cette réunion, qui a duré environ quatre heures, les candidats de l’opposition ont une fois de plus rejeté l’usage de la machine à voter, cet outil de vote par écran tactile dénommé par l’opposition machine à tricher et, du reste, pas prévu ni dans le calendrier électoral, ni dans la loi électorale, ni dans la constitution qui, cette dernière, dans son article 237, interdit le recours au vote électronique lors des élections en cours. Pour la CENI, par contre, il n’y a pas d’autre alternative envisageable s’il faut respecter l’échéance du 23 décembre 2018.
Les opposants ont également demandé que soient extirpés des listes électorales les 16,6 % d’électeurs enrôlés sans empreintes digitales qu’ils considèrent comme électeurs fictifs. Là encore, la CENI a estimé que c’était un faux débat étant donné que la loi n’exclut pas du processus électoral les électeurs concernés par ce cas. Ils ont aussi affirmé que la Céni portera seule la responsabilité en cas de non-tenue d’élections inclusives, transparentes, crédibles et apaisées le 23 décembre.
À l’issue de cette rencontre, Corneille Nangaa a affirmé que «la CENI et les candidats se sont mis d’accord pour qu’une commission technique soit mise en place pour approfondir toutes ces questions. Le tout dans le but de concilier les impératifs techniques de faire adhérer tout le monde au processus, mais aussi de faire en sorte que le 23 décembre l’élection se tienne».
Sur les 21 candidats président de la République, 17 ont pris part à cette réunion, entre autres : Emmanuel Ramazani Shadary, Vital Kamerhe, Martin Fayulu, Samy Badibanga et Freddy Matungulu. En déplacement à l’étranger, Félix Tshisekedi a été représenté par Jacquemain Shabani.[11]
Le 5 octobre, le président de la CENI, Corneille Nangaa, a indiqué que la commission technique qui sera mise en place comme convenu avec les 21 candidats à la présidentielle, n’aura pas pour but de négocier les décisions de la CENI, notamment sur l’usage ou non de la machine à voter.
Corneille Nangaa a précisé que cette structure, censée résoudre certaines questions techniques liées aux élections qui divisent encore les acteurs politiques, devra plutôt procéder à des vérifications approfondies sur les recommandations des experts internationaux quant au processus électoral. Selon Corneille Nangaa, «la commission technique n’a pas été proposée pour négocier les décisions de la CENI, mais pour procéder aux vérifications approfondies qui ont été exigées par les recommandations de l’OIF et de la Fondation britannique en ce qui concerne la machine à voter».[12]
Le 10 octobre, la réunion de la commission technique, composée par les membres du bureau de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI ) et les 21 candidats à la magistrature suprême, s’est terminée en queue de poisson. Cette commission avait été instituée pour poursuivre les discussions au sujet du fichier électoral, de la sécurisation du processus électoral, du financement des élections et de la machine à voter.
Les candidats membres de l’opposition ont préalablement exigé au président de la Ceni, Corneille Nangaa, de leur démontrer d’abord la valeur juridique et légale de la machine à voter car, selon eux, cet outil n’est repris ni dans la loi électorale ni dans le calendrier électoral du 5 novembre 2017. Cette demande a été rejetée par Corneille Nangaa, qui a préféré passer directement à l’expérimentation de la machine. C’est ainsi que certains candidats sont restés, tandis que ceux de l’opposition et/ou leurs représentants ont quitté la salle. Parmi ces derniers: Martin Fayulu, Théodore Ngoy, Seth Kikuni, Vital Kamerhe et Jacquemin Shabani (représentant de Félix Tshisekedi).
Au sortir de la réunion, Théodore Ngoy, candidat à la présidence de la République, a expliqué, selon le point de vue des candidats de l’opposition, le contenu et le contexte des échanges avec Corneille Nangaa: «La réunion s’est terminée en queue de poisson. La majorité de candidats pensent qu’il faut vider la question de savoir si la machine à voter est une décision légale ou illégale, avant d’examiner sa fiabilité sur le plan technique. On a discuté tout ce temps sur cette question. Nous avons dit que cette machine n’est pas légale et nous l’avons démontré». Il a également expliqué le contexte de la fin de cette réunion: «Curieusement à la fin, le président Corneille Nangaa nous a dit: ceux qui ne veulent pas qu’on ait une discussion technique sur la machine à voter peuvent partir. Ceux qui veulent qu’on l’expérimente, ils peuvent rester. De notre part, nous ne pouvions pas discuter des aspects techniques sur une machine pour laquelle il n’y a pas de consensus autour de sa légalité».
D’après le Président de l’Écidé et Coordonnateur de la Dynamique de l’opposition, Martin Fayulu, les candidats président et le Bureau de la CENI ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur deux questions cruciales, notamment la machine à voter et le fichier électoral: «La réunion s’est terminée en queue de poisson. Aucun compromis n’a été trouvé sur la machine à voter. Corneille Nangaa voulait qu’on passe directement à la commission technique. Nous lui avons dit qu’on doit d’abord démontré la légalité de cette machine. Elle n’a aucune base légale. Sur les deux questions, celle de la machine à voter et celle du fichier électoral, on ne s’est pas mis d’accord». Quant à la poursuite des discussions entre les parties prenantes au processus et la CENI, Martin Fayulu a indiqué qu’il n’y a pas une autre réunion en vue pour l’instant.
De son côté, Norbert Basengezi, vice-président de la CENI, a affirmé qu’il s’agit d’une forme de pression qu’exercent les opposants. Il ne s’est pas attardé sur la machine à voter mais, au sujet du fichier électoral, il a redit que la loi autorise l’enrôlement des personnes en situation d’handicap et de celles avec des empreintes illisibles.
A quelques semaines de la tenue des élections fixées au 23 décembre prochain, certains candidats exigent le retrait de la machine à voter, pour garantir la crédibilité des scrutins. En revanche, la CENI campe sur sa position et tient à utiliser cette technologie. «Pas de machine à voter, pas d’élections cette année», avait prévenu Corneille Nangaa.[13]
L’11 octobre, dans une déclaration politique publiée après avoir rencontré la CENI le mercredi 10 octobre 2018, l’Opposition politique congolaise réunie à Kinshasa:
«1. Réitère sa volonté et sa détermination d’aller à des élections transparentes, crédibles et inclusives le 23 décembre 2018.
2. Réaffirme son exigence de vider au niveau du cadre de concertation (CENI – Candidats Président de la République) les deux questions préjudicielles en rapport avec la légalité de la machine à voter et la radiation de près de 10 millions d’électeurs sans empreintes du fichier électoral, avant la mise en place de la Commission technique.
3. Informe l’opinion que, en dépit de sa bonne volonté, aucune de ces questions n’a pu trouver de solution du fait du refus, par le président de la CENI, d’en discuter.
4. En appelle, par conséquent, au peuple congolais de se mobiliser dans le cadre du programme d’actions qu’elle a préparé, pour exiger l’impression des bulletin de vote manuel, conformément à la loi électorale et au calendrier publié par la CENI.
5. Confirme, dan ce cadre, les actions suivantes:
a. la tenue d’un grand meeting à Lubumbashi ce samedi 13 octobre 2018,
b. l’organisation de marches de protestation le 26 octobre 2018.
6. Invite toutes les forces acquises au changement ainsi que la Société Civile à s’approprier le processus électoral, pour une alternance démocratique et une alternative de gouvernement le 23 décembre 2018».
Cette déclaration a été signée par Martin Fayulu et les délégués de Moïse Katumbi, Vital Kamerhe, Adolphe Muzito, Jean-Pierre Bemba, Felix Tshisekedi et Freddy Matungulu.[14]
Le 11 octobre, le président de l’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ), Georges Kapiamba, a déploré le fait qu’aucun consensus n’a toujours été trouvé en dépit des discussions entamées avec les candidats à la présidentielle en commission technique autour de cet outil de vote et du fichier électoral. Il a ainsi demandé à Corneille Nangaa, président de la CENI, d’engager un « débat sérieux » au sujet de la machine à voter: «Corneille Nangaa doit chercher à ouvrir un débat sérieux sur la machine à voter avec un fondement légal, de sorte à convaincre les parties prenantes. Avec son attitude complaisante pour cette technologie, les opposants ont l’impression de subir une imposition».[15]
Le 12 octobre, au cours d’un entretien accordé à la Radio Okapi, Jean-Pierre Kalamba, rapporteur de la CENI a déclaré que l’usage de la machine à voter pour les scrutins du 23 décembre prochain est légal. Selon lui, l’usage de la machine à voter a pour base juridique les articles 47 et 55 de la loi électorale. «L’utilisation de la machine à voter à pour soubassement les articles 47 et 55 de la loi électorale stipulant que le scrutin peut être fait soit par bulletins de vote soit par voie électronique», a expliqué Jean-Pierre Kalamba, en précisant que seule la CENI est compétente pour choisir les moyens par lesquels les élections peuvent être organisées. «La CENI a déjà levée l’option. C’est une décision qui lui est reconnue constitutionnellement. Cependant, il lui revient de faire savoir aux parties prenantes les voies ou les moyens par lesquels les scrutins seront organisés, afin de garantir la transparence. Ce n’est pas donc une négociation politique» a-t-il fait savoir.[16]
5. LE MEETING DE LUBUMBASHI
Le 9 octobre, le maire de la ville de Lubumbashi, Ghislain Robert Lubaba Buluma, a donné son accord pour la tenue du meeting de la plateforme Ensemble pour le changement prévu le 13 octobre. Dans une lettre adressée aux responsables d’Ensemble, Robert Buluma a répondu positivement à la requête de la plateforme de Moïse Katumbi pour la tenue d’un rassemblement dans sa ville: «Tenant compte des échanges que, le 5 octobre dernier, vous avez eus directement avec les membres du comité restreint du conseil urbain de sécurité, je marque mon accord pour la tenue de cette matinée politique, sous réserve de l’acceptation de certaines dispositions». Robert Buluma exige notamment à l’opposition le respect du temps et l’encadrement des militants. Il les appelle à éviter des injures et d’autres propos discourtois à l’endroit des autorités.[17]
Le 12 octobre, le président de la plateforme Ensemble pour le Changement, Moïse Katumbi, a lancé un appel à la population de Lubumbashi pour prendre part au meeting de l’opposition programmé le 13 octobre prochain. Via un message vidéo posté sur son compte Twitter, Moïse Katumbi a affirmé: «Le meeting du 13 octobre à Lubumbashi sera historique, soyez nombreux pour dire trois stop: stop à l’absence d’inclusivité, stop à la machine à voter et stop à la tricherie. La RDC mérite des vraies élections. Ensemble, nous pouvons gagner et enfin regarder l’avenir avec confiance».[18]
Le 12 octobre, Jean-Bertrand Ewanga, cadre d’Ensemble pour le changement, a annoncé que les leaders des principaux partis de l’opposition [L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), le Mouvement de Libération du Congo (MLC), l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), Ensemble pour le changement… ] se rendront à Lubumbashi, pour participer au meeting prévu le samedi 13 octobre.[19]
Le 12 octobre, dans un communiqué publié dans la soirée, le Maire adjoint de la ville de Lubumbashi, Laurianne Kalombo, a fait savoir que le meeting de l’opposition prévu ce samedi à la Cité des Jeunes, située dans la commune de Kampemba, a été reporté à une date ultérieure.
D’après elle, cette décision a été prise pour des questions d’harmonisation avec les regroupements politiques de l’opposition, principaux organisateurs, et pour des raisons d’ordre sécuritaire. La lettre contenant cette décision a été remise à Me Sonvile Mukendi, cadre de Ensemble pour le changement. Selon celui-ci, la mairie voudrait une nouvelle harmonisation avant la tenue du meeting.[20]
D’autre part, l’opposition a confirmé la tenue de son meeting programmé pour ce samedi 13 octobre à Lubumbashi, où se trouvent déjà certains de ses leaders, dont Martin Fayulu, Adolphe Muzito, Eve Bazaiba, Delly Sesanga, Jacquemin Shabani, Christophe Lutundula et José Endundu. Dans un communiqué signé par le président du Rassemblement, Gabriel Kyungu wa Kumwanza, l’opposition «informe l’opinion qu’elle n’est pas officiellement saisie d’une lettre portant annulation de la manifestation et lance par conséquent un appel aux Lushois de ne pas céder à cette campagne d’intoxication, ourdie pour décourager la population. À cet effet, l’opposition politique affirme que la manifestation prévue ce 13 octobre 2018 est maintenue». Gabriel Kyungu explique l’interdiction du meeting par la mairie à cause de la présence de plusieurs ténors de l’opposition qui se sont rendus à Lubumbashi dans le but d’assister à la réunion politique.[21]
Le 13 octobre, le meeting a été empêché par la police qui, très tôt le matin, a encerclé le lieu où devait se tenir le meeting populaire de l’opposition ainsi que la résidence du coordonnateur régional de Ensemble Grand-Katanga, Gabriel Kyungu Wa-Ku-Mwanza. La police a saisi l’écran géant qui devait retransmettre le message de Moïse Katumbi Chapwe, président de Ensemble, aux militants de l’opposition et l’a emporté dans ses bureaux. Tout attroupement autour du terrain de la Cité des jeunes est interdit.
La police a dispersé les militants de l’opposition autour de la Cité des jeunes, où devait avoir lieu le meeting organisé par la plateforme « Ensemble pour le changement » de Moïse Katumbi.
Ces manifestants, des jeunes pour la plupart, réclamaient l’arrivée de Gabriel Kyungu. Après avoir brûlé des pneus sur place, ils ont été dispersés par les forces de l’ordre.
Dans l’après midi, la police a dispersé une marche improvisée par l’opposition. Les leaders de l’opposition étaient allés rencontrer le maire à son cabinet mais, malheureusement celui-ci n’était pas là. C’est en rentrant qu’ils ont improvisé cette marche, au niveau du marché Nzanza, pour mobiliser la population contre la machine à voter et la présence d’électeurs sans empreintes digitales dans l’actuel fichier électoral, mais ils ont été violemment dispersés.[22]
Le 14 octobre, après l’interdiction du meeting du jour précédent, la délégation de l’opposition venue de Kinshasa a essayé d’organiser une rencontre avec les militants de leurs partis, à la résidence de Gabriel Kyungu wa Kumwanza, suffisamment spacieuse. Un des candidats à la présidentielle, Martin Fayulu, a déclaré: «Nous sommes venus à Lubumbashi pour dire au peuple Congolais qu’il n’est nullement question d’utiliser la machine à voter et l’actuel fichier électoral lors des élections du 23 décembre prochain. Nous disons non à une parodie d’élections. Nous disons oui à des élections crédibles, c’est à dire sans machine à voter et sans fichier électoral corrompu. La machine à voter est interdite par la loi électorale dans son article 237 qui dit que le vote électronique est interdit pour les élections prochaines». Mais un dispositif important de la police déployé autour de la résidence de Kyungu wa Kumwanza a dispersé tout attroupement et interdit toute entrée ou sortie.[23]
6. LA SOCIÉTÉ CIVILE
Le 12 octobre, dans une déclaration publiée depuis Kinshasa, le Panel des experts de la société civile ont dénoncé «l’attitude de certains acteurs politiques RD. Congolais, qui veulent créer des échappatoires pour ne pas aller aux élections».
«Le PANEL des Experts de la Société Civile constate que, au moment où la CENI s’efforce à respecter le calendrier électoral, qu’elle exécute sans faille, certains acteurs politiques sont toujours dubitatifs quant à l’aboutissement heureux du processus électoral», a déclaré Dieudonné Mushagalusa, coordonnateur du Panel des experts de la société civile.
Par ailleurs, les Experts de la Société Civile demandent à la population Congolaise de «ne pas suivre l’attitude de ces acteurs politiques, qui ont peur de la sanction du peuple et qui cherchent, par tous les moyens, à accéder aux postes politiques par des voies autres que les élections. Tout simplement parce qu’ils ne sont pas prêts pour aller aux élections». Alors, poursuit Mushagalusa, «ils veulent traîner une certaine opinion avec eux pour saboter les élections et trouver ainsi une nouvelle manière de faire des négociations». Pour lui, ces acteurs politiques sont connus par leur attitude de tout refuser, en invoquant «tantôt la question de la machine à voter, tantôt la question du fichier électoral, tantôt la composition et le remplacement des membres de la CENI».[24]
Le 12 octobre, la Nouvelle Génération pour l’Émergence du Congo (NOGEC) a fustigé les marches de protestation contre la machine à voter, annoncées au 26 octobre prochain par l’opposition. Le secrétaire général de ce regroupement politique, Yvan Ilunga, a affirmé que «on a l’impression d’avoir en face une équipe qui n’a pas envie de jouer, qui s’adonne à des manœuvres dilatoires, alors qu’on est à moins de 3 mois des élections». Pour le secrétaire général de la NOGEC, les opposants ont tout simplement un agenda caché: «J’invite la population congolaise en général et la jeunesse en particulier, à faire attention à la manipulation. Les opposants savent ce qu’ils veulent. Ils ont un autre agenda caché, ils ont besoin d’un dialogue pour que nous allions dans une transition sans Kabila». Pour cela, la NOGEC et ses Alliés projettent un meeting du «renouvellement», le 20 octobre prochain, à Kinshasa, à la place YMCA.[25]
[1] Cf Ceni.cd, 25.09.’18
[2] Cf Fonseca Mansianga – Actualité.cd, 25.09.’18
[3] Cf Dany Kinda-N’zita – Actualité.cd, 05.10.’18
[4] Cf Fonseca Mansianga – Actualité.cd, 06.10.’18
[5] Cf Fonseca Mansianga – Actualité.cd, 07.10.’18
[6] Cf Justin Mwamba – Actualité.cd, 12.10.’18
[7] Cf mediacongo.net, 04.10.’18
[8] Cf mediacongo.net, 04.10.’18
[9] Cf La Libre / Afrique, 06.10.’18; Actualité.cd, 07.10.’18
[10] Cf Christine Tshibuyi – Actualité.cd, 05.10.’18; Cas-info.ca, 06.10.’18; Marie-France Cros – La Libre / Afrique, 06.10.’18
[11] Cf Radio Okapi, 04.10.’18; RFI, 04.10.’18
[12] Cf Fonseca Mansianga – Actualité.cd, 06.10.’18
[13] Cf Actualité.cd, 10.10.’18 ; Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 10.10.’18; Mediacongo.net, 10.10.’18; P. Ndongo – Cas.info.ca, 10.10.’18
[14] Cf Mediacongo.net, 12.10.’18 https://www.mediacongo.net/article-actualite-43269_protestation_contre_la_machine_a_voter_l_opposition_dans_la_rue_le_26_octobre.html
[15] Cf Kabwatila, Ntumba, Lokale (Ifasic) – Actualité.cd, 12.10.’18
[16] Cf Par Espérant Keke – Ca-info.ca, 12.10.’18
[17] Cf José Mukendi – Actualité.cd, 12.10.’18
[18] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 12.10.’18
[19] Cf P. Ndongo – Cas-info.ca, 12.10.’18
[20] Cf P. Ndongo – Cas-info.ca, 13.10.’18; Will Cleas Nlemvo – Actualité.cd, 12.10.’18; Radio Okapi, 13.10.’18
[21] Cf Mediacongo, 13.10.’18
[22] Cf Radio Okapi, 13.10.’18; José Mukendi – Actualité.cd, 13.10.’18
[23] Cf Radio Okapi, 14.10.’18 ; José Mukendi – Actualité.cd, 14.10.’18
[24] Cf Jeff Kaleb Hobiang – 7sur7.cd, 12.10.’18
[25] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 13.10.’18.