Congo Actualité n. 362

SOMMAIRE:

ÉDITORIAL: UNE BONNE NOUVELLE → LE PRÉSIDENT KABILA NE BRIGUERA PAS UN TROISIÈME MANDAT
1. LA DÉSIGNATION DE EMMANUEL RAMAZANI SHADARY COMME CANDIDAT DU FCC AUX PROCHAINES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES
a. Qui est Emmanuel Ramazani Shadary
b. La fin d’une longue période d’incertitude
c. Des signes avant coureurs
d. Choix de continuité plutôt que vent de changement
2. LES RÉACTIONS
a. La Communauté Internationale
b. L’Opposition
c. La Société Civile
3. LE PROCESSUS ÉLECTORAL
a. La fin de l’opération de réception des candidatures pour les élections présidentielles et législatives nationales
b. Calendrier électoral et logistique

ÉDITORIAL: UNE BONNE NOUVELLE → LE PRÉSIDENT KABILA NE BRIGUERA PAS UN TROISIÈME MANDAT

1. LA DÉSIGNATION DE EMMANUEL RAMAZANI SHADARY COMME CANDIDAT DU FCC AUX PROCHAINES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES

a. Qui est Emmanuel Ramazani Shadary

Le 8 août, dans l’après-midi, le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, a annoncé que le candidat du Front commun pour le Congo (FCC), la coalition au pouvoir, à l’élection présidentielle du 23 décembre 2018 est Emmanuel Ramazani Shadary. Cette annonce a mis fin aux nombreuses spéculations sur une probable candidature du président Kabila à sa propre succession.[1]

Né le 29 novembre 1960, à Kabambare, dans le Maniema, Emmanuel Ramazani Shadary a obtenu une licence en sciences politiques et administratives à l’université de Lubumbashi. Il devient assistant à l’Institut supérieur de Développement rural et à l’Institut supérieur de Commerce à Kindu. En 1995, il a été élu secrétaire général de la Société civile du Maniema. En 1997, Laurent Désiré Kabila le nomme vice-gouverneur du Maniema. Il sera élevé une année plus tard, en 1998, au rang de gouverneur de la même province. Il sera reconduit en 2001 par l’actuel président de la République, Joseph Kabila Kabange. A la naissance du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), en 2002, Ramazany Shadari se retrouve parmi les fondateurs. Il est élu député en 2006 et 2011 dans la circonscription de Kabambare, dans le Maniema et dirigera le groupe parlementaire du PPRD à l’Assemblée, avant d’assumer les fonctions de coordonnateur de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale. Le 19 décembre 2016, Shadary est nommé Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, fonction qu’il occupe jusqu’au 21 février 2018, avant d’être remplacé par Henri Mova Sakanyi. Officiellement en charge des services de police et de la coordination du travail des gouverneurs provinciaux, l’Union européenne le considère responsable de l’arrestation d’activistes et d’opposants, d’usage disproportionné de la force et de mesures de répression contre les membres de l’organisation Bundu Dia Kongo à Kinshasa et contre la milice Kamwina Nsapu dans les Kasaï dans le centre de la RDC. A ce titre, il est visé depuis 2017 par des sanctions de l’Union européenne pour violations des droits de l’homme. Le 26 février 2018, il est nommé secrétaire permanent du Parti du Peuple pour la Reconstruction et le Démocratie (PPRD).[2]

b. La fin d’une longue période d’incertitude

Cette annonce a mis fin à une longue période d’incertitude née suite au report des élections présidentielles initialement prévues, conformément aux dispositions de la constitution, en novembre 2016.
Parmi les causes du report, la majorité présidentielle avait évoqué l’absence d’un fichier électoral fiable et le manque des fonds nécessaires pour financer les différentes opérations préélectorales et électorales. Mais à ces causes « officielles », il faut ajouter une série d’erreurs commises par la majorité présidentielle, dont:
– l’inutile polémique sur la possibilité de modifier la constitution, déclenchée lors de la publication, fin juin 2013, de l’ouvrage d’Evariste Boshab intitulé « Entre la révision de la Constitution et l’inanition de la nation »;
– la tentative de faire voter, en janvier 2015, une révision de la loi électorale prévoyant un recensement général de la population avant les élections, ce qui aurait retardé l’organisation des élections pendant plusieurs années;
– l’option d’entamer l’actuel cycle électoral avec les élections les plus compliquées (les locales et les provinciales), ce qui conduit la Commission électorale à publier, en février 2015, un calendrier électoral irréaliste qui prévoyait les élections locales et législatives provinciales le 25 octobre 2015, suivies par les présidentielles et législatives nationales le 27 novembre 2016.
Ces erreurs ont été interprétées par l’opposition comme des tentatives entreprises par la majorité présidentielle afin de retarder, autant que possible, l’organisation des élections présidentielles, en vue de prolonger indéfiniment le mandat présidentiel de Joseph Kabila.
En effet, ces élections ont été reportées une première fois à décembre 2017, conformément à l’Accord du 31 décembre 2016 et, une deuxième fois, au 23 décembre 2018, selon l’actuel calendrier électoral publié par la Commission électorale.
Suite aux successifs reports des élections, le peuple soupçonnait l’actuel Président de la République de vouloir changer la constitution pour rester au pouvoir, en briguant un troisième mandat présidentiel, absolument interdit par la constitution qui prévoit un maximum de deux possibles mandats présidentiels consécutifs de cinq ans chacun. L’opposition et la société civile lui avaient plusieurs fois demandé de déclarer publiquement qu’il ne se serait pas représenté pour un troisième mandat, mais il leur répondait tout simplement que «il respecterait la constitution», sans rien préciser, ce qui a contribué à augmenter les doutes sur ses intentions réelles.
L’annonce de la désignation d’un candidat autre que lui comme son successeur a donc été accueillie avec une grande satisfaction, mais aussi avec un certaine prudence.

c. Des signes avant coureurs

En réalité, il y avait déjà des signes avant coureurs selon lesquels on aurait pu prévoir cette décision du président Kabila:
– Sa déclaration devant le Parlement réuni en Congrès le 15/11/2016: « A tous ceux qui semblent s’inquiéter de mon avenir politique, tout en les remerciant pour cela, je tiens à leur dire que la RDC est une démocratie constitutionnelle et que toutes les questions relatives aux institutions et à leurs animateurs sont résolues de manière satisfaisante par la Constitution ». C’est une déclaration qu’il a répétée à plusieurs reprises devant le Parlement. La dernier fois c’était le 19 juillet dernier: « Notre engagement à respecter la Constitution demeure non équivoque« .
– L’acceptation, par la majorité présidentielle aussi, de l’introduction, dans le texte de l’accord du 31 décembre 2016, de l’engagement de « ne prendre aucune initiative pour modifier ou changer la Constitution » et du principe selon lequel, en conformité avec la constitution actuelle, « chaque président qui a achevé son deuxième et dernier mandat ne peut plus postuler pour un troisième ».
– La restructuration, en février dernier, du comité politique du PPRD, avec la nomination d’Emmanuel Ramazani Shadari, alors ministre de l’Intérieur, à secrétaire permanent du parti et la création du poste de président du parti, jusqu’alors inexistant et naturellement réservé au même Joseph Kabila.
– Le report de la réunion, prévue à la mi-juillet 2018, entre le président Kabila, le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres et le président de l’Union africaine Moussa Faki, report motivé, selon les déclarations du même Antonio Guterres, per le fait que le président Kabila était sur le point de prendre ou d’annoncer des décisions importantes et qu’il ne voulait pas donner l’impression qu’il les prendrait sous pression internationale.
– L’adoption par le Parlement, en juillet denier, de la loi sur le statut des anciens chefs d’État et sa promulgation par le Président de la République.

d. Choix de continuité plutôt que vent de changement

Selon plusieurs observateurs, l’Afrique centrale est l’Afrique des hommes forts qui ont la tendance de se maintenir au pouvoir. Depuis 2015, au Burundi, Pierre Nkurunziza a fait le choix de rester au pouvoir pour un troisième mandat. Juste de l’autre côté du fleuve Congo, troisième mandat consécutif également en 2016 pour Denis Sassou-Nguesso, même s’il avait déjà passé plus de 30 ans au pouvoir. En 2016 également, l’Ougandais Yoweri Museveni en était déjà à son 5e mandat, il a quand même fait changer sa Constitution directement après l’élection pour pouvoir se représenter à nouveau en 2021. Même chose pour Paul Kagame, le chef d’Etat rwandais et président en exercice de l’Union africaine s’est fait élire en 2017 pour un troisième mandat avec 98% des voix et peut rester au pouvoir jusqu’en 2034.
Le vent du changement vient plutôt de l’Afrique australe. Un vent de changement tout relatif, puisque l’alternance observée au sein de la SADC se limite à une alternance au sein du parti au pouvoir, souvent d’ailleurs des partis qui sont des mouvements indépendantistes. C’était ce que les chefs d’Etat de la communauté d’Afrique australe défendaient a minima auprès de Joseph Kabila. L’Angola a fait ce choix, celui d’un parti-Etat fort et remplacé José Eduardo dos Santos par João Lourenço, tout comme au Zimbabwe ou en Tanzanie.[3]

Dans un blog spécialement consacré à la récente désignation d’Emmanuel Ramazani Shadary, par Joseph Kabila, comme son héritier politique et candidat du FCC à la prochaine présidentielle, Herman Cohen, ancien diplomate américain affecté en Afrique, a manifesté sa surprise: «Son nom ne figurait pas sur la liste de personnes favorites comme héritier de Kabila. Cependant, du point de vue de Joseph Kabila, le choix de Shadary a été logique. Très fidèle à Kabila depuis le début, Shadary a des liens familiaux étroits avec le président. On pense qu’il est un cousin de la mère de Kabila, Mama Sifa». Herman Cohen estime que le choix d’Emmanuel Ramazani Shadary est très stratégique pour le président Kabila en terme de son avenir politique. Cette désignation a donné lieu à un certain nombre de théories sur les possibles et véritables intentions de Kabila. Selon Herman Cohen, «la plus plausible est similaire à celle du président russe Poutine-Medvedev: après les élections, Kabila deviendra un sénateur pour la vie. S’il a la majorité des sénateurs, il pourrait être élu président du Sénat. Après un ou deux ans, Shadary pourrait démissionner et Kabila deviendrait président par intérim de la RDC. Kabila pourrait se présenter ensuite aux élections suivantes pour remplacer Shadary».[4]

2. LES RÉACTIONS

a. La Communauté Internationale

Le Président de la Commission de l’Union Africaine, Moussa Faki Mahamat s’est dit satisfait de la nouvelle étape franchie dans le processus électoral en RDC, après la désignation du dauphin (successeur) par l’actuel Chef de l’État.
Moussa Faki salue le respect, par le Président de la République Joseph Kabila de son engagement à se conformer aux dispositions pertinentes de la Constitution congolaise et à celles de l’Accord politique de la Saint Sylvestre, relatives à l’éligibilité à la présidence de la République et interdisant un troisième mandat. «Ce faisant, le Président Kabila a posé un geste de haute valeur politique dans l’intérêt supérieur de son pays», a déclaré le président de la Commission de l’Union Africaine, en insistant néanmoins sur le caractère inclusif des élections à venir.
Pour lui, il faut donner la chance à tous de concourir. Il a donc réitéré à tous les acteurs concernés son appel à «œuvrer, ensemble et de bonne foi, à la tenue d’élections paisibles, transparentes et véritablement inclusives, notamment en garantissant le droit de tous les citoyens qui le souhaitent et remplissent les conditions stipulées par les textes en vigueur à y concourir», en ajoutant que «il faut que la population congolaise fasse le choix de ses dirigeants librement et sans contrainte».
Moussa Faki a par ailleurs souligné «la nécessité et l’urgence que revêt la création d’un environnement propice à une compétition électorale loyale et équitable, à travers la mise en œuvre de mesures de décrispation appropriées … Il est impératif que le peuple congolais puisse se prononcer librement et en toute souveraineté sur son destin».[5]

Les Etats-Unis ont salué la décision du président Joseph Kabila de ne pas se présenter à la prochaine présidentielle, tout en estimant qu’il reste encore à faire davantage, pour assurer une transition démocratique dans le pays. L’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, a souligné que, en désignant le secrétaire général du PPRD et ancien ministre de l’Intérieur Emmanuel Ramazani Shadary comme son dauphin pour l’élection présidentielle du 23 décembre, Joseph Kabila a mis fin à des mois de spéculation. «Nous saluons les informations selon lesquelles le président Kabila ne cherchera pas à obtenir un troisième mandat, en conformité avec la constitution de son pays», s’est-elle réjouie. «Ce développement est une autre avancée, mais il y a bien davantage à faire», a-t-elle prévenu. Nikki Haley a par ailleurs demandé à la Commission électorale de «prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir au peuple congolais le droit d’exercer son droit de vote dans le cadre d’élections libres, justes et crédibles le 23 décembre 2018».[6]

La France se félicite de la non-candidature du président congolais. De source diplomatique, on salue une décision assez courageuse du président Kabila de ne pas se représenter. «Si elle ne règle pas tout, c’est quand même une décision historique en Afrique centrale», se félicite une autre source diplomatique, en ajoutant que «La bonne nouvelle c’est que la Constitution n’a pas été triturée».[7]

Le vice-Premier Ministre et Ministre belge des Affaires étrangères et européennes, Didier Reynders, a “pris acte” de la désignation, par le président sortant Joseph Kabila, du candidat de son camp à l’élection présidentielle du 23 décembre. Didier Reynders a souligné que «cela démontre que le président Kabila n’est pas candidat à un troisième mandat présidentiel lui interdit par la Constitution qu’il a lui-même promulguée en 2006». Il a toutefois appelé les responsables congolais à s’engager en faveur de l’organisation des différents scrutins, (présidentiel, législatif et provinciaux) dans un climat “apaisé” et “inclusif” afin que les résultats soient “crédibles”.[8]

b. L’Opposition

Pour le président de l’UDPS, Félix Tshisekedi, la non candidature de Joseph Kabila constitue une avancée significative bien que certaines choses restent à faire. «C’est un pas dans la bonne direction mais le plus important est à venir. La décrispation, les élections libres et crédibles pour une alternance pacifique, restent les prochains objectifs», a-t-il indiqué via Twitter.[9]

Pour Christophe Lutundula Apala, Cadre de Ensemble de Moïse Katumbi, il s’agit d’une victoire du peuple remportée par le peuple congolais. «Le Peuple congolais vient de remporter une victoire historique. Pour la première fois, un peuple d’Afrique centrale est parvenu à empêcher un Chef d’État puissamment soutenu par les forces armées de modifier la Constitution et l’a forcé à quitter le pouvoir», a-t-il affirmé via twitter.[10]

c. La Société Civile

Le 9 août, dans un appel intitulé « Peuple congolais, le combat pour la démocratie continue« , le Comité Laïc de Coordination (CLC) a affirmé que «la désignation du candidat du Front Commun pour le Congo (FCC) constitue un résultat spectaculaire très rare sur le continent africain et une victoire historique du peuple congolais qui a réussi à mettre un terme aux velléités du Président Joseph Kabila de violer la Constitution et l’Accord de la Saint-Sylvestre, l’empêchant ainsi de briguer un troisième mandat».
Toutefois, selon le CLC, «cette victoire, bien méritée, n’est qu’une étape dans la lutte qui doit nous mener inexorablement vers la victoire totale et définitive, celle d’organiser des élections libres, crédibles, transparentes, apaisées et inclusives. C’est pour cela que, face à toutes les manœuvres de confiscation du pouvoir, par la force et la ruse, le peuple congolais dit avec insistance:
– Non à l’exclusion de certains acteurs aux élections;
– Non à l’utilisation d’une machine à voter non prévue par la loi;
– Non à l’utilisation d’un fichier électoral corrompu par la présence de millions d’électeurs fictifs et sans empreintes digitales, au mépris des recommandations de l’OIF ;
– Non à l’instrumentalisation de la CENI qui risque manifestement d’organiser une parodie d’élections.
– Non à l’entretien d’un climat pré-électoral malsain du fait de la non mise en œuvre, par la majorité au pouvoir, des mesures de décrispation politique exigées par l’Accord de la Saint-Sylvestre».
Malgré cela, le CLC «accepte, de manière temporaire, de surseoir à son programme d’actions du 12, 13, 14 août, pour encourager le Chef de l’État et la CENI à prendre, de bonne grâce et non plus au prix du sang, toutes les dispositions utiles, nécessaires et urgentes, pour garantir au peuple congolais son droit le plus légitime aux élections crédibles, inclusives, apaisées et transparentes».
Cependant, le CLC assure que «sa détermination demeure intacte et inébranlable, car son combat ne prendra pas fin tant que ne seront pas remplies les conditions préalables pour des élections réellement crédibles».[11]

Le 10 août, la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) s’est réjouie de la décision du président Joseph Kabila de ne pas briguer un troisième mandat.
Le secrétaire général de la CENCO, l’abbé Donatien Nshole, a affirmé que «Nous prenons acte du fait que la Majorité a présenté un candidat autre que le président de la République et qu’un grand pas important a été fait dans le sens du respect de la constitution et de l’accord de la Saint-Sylvestre». Mais l’épiscopat souligne que le manque de consensus sur la machine à voter et la non-application des mesures de décrispation risquent de compromettre la tenue de bonnes élections.
«Il y a des soucis majeurs qui doivent être pris en compte: le consensus sur l’utilisation ou non de la machine à voter, le fichier électoral avec les enrôlés sans empreintes, surtout la décrispation qui n’est pas encore pris en compte de façon satisfaisante. Si on ne tient pas compte de cela, on risque d’avancer croyant avoir résolu tous les problèmes et arrive à la fin des élections qui vont être contestées dès le lendemain et nous plonger dans la crise», a précisé l’abbé Nshole qui demande par ailleurs, à la CENI de respecter son engagement pris, d’«afficher les listes provisoires des enrôlés devant les bureaux d’enrôlement des électeurs».[12]

Le Mouvement Citoyen Lutte pour le Changement (LUCHA), qui exige le départ de Joseph Kabila du pouvoir depuis, s’est également réjouit de l’acte posé par Kabila: «Nous avons gagné une bataille importante mais la lutte continue: celle pour une vraie alternance et des élections où voter ne sera pas une formalité, mais l’occasion réelle de CHOISIR nos dirigeants selon nos aspirations, avec la certitude que le résultat reflète ce choix souverain».[13]

À en croire le coordinateur national de la société civile, Christopher Ngoyi Mutamba, le choix d’un dauphin par Joseph Kabila ne rassure pas le bon déroulement du processus électoral qui demeure toujours piégé et confisqué. En effet, la société civile continue à s’opposer à l’utilisation de la machine à voter, à la confiscation des mass-medias par une seule famille politique, à l’instrumentalisation de la justice pour écarter d’éventuels rivaux politiques et à l’insécurité généralisée sur l’ensemble du territoire national pour se maintenir au pouvoir. Christopher Ngoyi Mutamba a affirmé que «le fait que Joseph Kabila ait finalement désigné un dauphin n’est pas un cadeau fait à la Nation et ce seul acte ne peut non plus détendre l’atmosphère tant que les préalables pour des élections crédibles, transparentes et apaisées ne seront pas satisfaits».[14]

Malgré la nomination d’un candidat du pouvoir, les ONG internationales pensent qu’il faut encore des pressions sur le régime, pour rendre plus crédible le processus électoral, notamment à propos de l’inclusivité et d’un consensus sur le fichier électoral et les machines à voter.
Selon Sasha Lezhnev, directeur associé de la politique à l”ONG américaine Enough Project et directeur-fondateur du Grassroots Reconciliation Group, «la désignation du candidat du FCC ne rend pas le processus électoral plus crédible: l’accord du 31 décembre n’est pas appliqué, la CENI insiste sur les machines à voter, certains candidats ne peuvent pas s’enregistrer, il y a des problèmes de sécurité,. Une forte pression des États-Unis, de l’UE et de l’UA est toujours nécessaire sur le régime de Kabila».
Selon Ida Sawyer, directrice senior pour l’Afrique centrale à l’ONG américaine Human Rights Watch (HRW), l’annonce selon laquelle Ramazani Shadary sera candidat de la plateforme électorale du président Kabila indique que le chef de l’Etat Congolais lui-même ne tentera pas de briguer un troisième mandat inconstitutionnel. Cependant, pour Ida Sawyer, on est encore très loin d’un processus électoral crédible.
Enfin, Amnesty International suggère que, «comme les Congolais ont salué la décision de Kabila de non-représentation pour un troisième mandat, le gouvernement devrait se concentrer sur le fait de laisser les gens jouir librement de leurs droits et libertés d’association, de réunion et d’expression … Les autorités de la RDC doivent mettre un terme aux violations des droits, y compris la répression des réunions pacifiques et les arrestations arbitraires de militants et de membres de l’opposition politique».[15]

3. LE PROCESSUS ÉLECTORAL

a. La fin de l’opération de réception des candidatures pour les élections présidentielles et législatives nationales

Le 8 août, dans la soirée, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) a clôturé l’opération de réception des candidatures pour les élections présidentielles et législatives nationales. À la fermeture des Bureaux de Réception et de Traitement des Candidatures (BRTC) Certains candidats ont reçu des jetons pour qu’ils puissent compléter leurs dossiers et les déposer.
Selon des sources médiatiques, vingt-six candidatures à la présidentielle ont été enregistrées:
– Emmanuel Ramazani Shadary, candidat du Front Commun pour le Congo (FCC), la coalition au pouvoir. Actuellement, il est secrétaire permanent du PPRD.
– Félix Tshilombo Tshisekedi, président de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS).
– Vital Kamerhe, président de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC).
– Jean-Pierre Bemba Gombo, président du Mouvement de Libération du Congo (MLC)
– Adolphe Muzito, candidat du regroupement politique Nouvel Élan.
– Sammy Badibanga, candidat du regroupement politique les Progressistes
– Martin Fayulu, Président de l’Ecidé (Engagement pour la Citoyenneté et la Démocratie), candidat de la Dynamique de l’opposition.
– Freddy Matungulu, candidat de Congo na Biso,
– Tryphon Kin-Kiey Mulumba, candidat indépendant, président du Parti pour l’Action (PA) et « Kabila Désir », vice-président de la coalition électorale Alliance des Bâtisseurs du Congo pour l’émergence (ABCE).
– Antoine Gizenga, président du Parti Lumumbiste Unifié (PALU).
– Yves Mpunga, candidat indépendant, président du parti Lutte pour un Congo moderne,.
– Pierre-Honoré Kazadi Ngube Ngube, candidat du Front Populaire pour la Justice (FPJ)
– Gabriel Mokia, président du Mouvement de Démocrates Congolais, MDECO,
– Radjabo Mbira, président du Parti congolais uni pour le changement.
– Marie-José Ifoku, candidate indépendante, présidente de l’Alliance nationale des élites du Congo (ANC).
– Seth Kikuni, candidat indépendant, entrepreneur et doctorant en sciences politiques.
– Alain-Daniel Shekomba, candidat indépendant.
– Noël Tshiani, ancien haut fonctionnaire des Nations unies.
– Théodore Ngoy, Joseph Maluta, Bébé Malwalwa, Laure Marie Kawanda, Charles Diavena Lutadila, Michel Okongo, Sylvain Maurice Masheke et Jean Paul Moka.
Conformément au calendrier électoral en vigueur, le délai légal de 5 jours d’ajout, retrait ou substitution de candidatures prend cors à partir du 09 au 13 août. L’étape suivante sera celle du traitement de chaque dossier, pour valider ou invalider certaines candidatures, conformément à la loi électorale et à la constitution.[16]

b. Calendrier électoral et logistique

Le 11 août, le directeur de la communication de la CENI, Jean Baptiste Itipo, a déclaré que les listes définitives des candidats retenus pour les élections des députés nationaux et du Président de la République seront publiées le 19 septembre prochain, après les étapes suivantes:
– Du 14 au 23 août, c’est la période de transmission des dossiers physiques des candidats députés nationaux et délibération par l’assemblée plénière de la CENI.
– Le 24 août interviendra la publication des listes provisoires des candidats Présidents de la République et députés nationaux.
– Du 25 août au 4 septembre, ça sera la période des contentieux des candidatures présidentielles et des députés nationaux devant la Cour constitutionnelle.
– Du 5 au 11 septembre, il s’agira de la notification à la CENI des arrêts de la Cour constitutionnelle.
– Du 12 au 18 septembre, ça sera la prise en compte par la CENI des devoirs prescrits par la Cour constitutionnelle.[17]

Le 14 août, dans un point de presse, le président de la commission électorale nationale indépendante (CENI), Corneille Nangaa, a affirmé que le gouvernement congolais a mis à la disposition de la CENI: 7 hélicoptères; 7 avions, dont 2 Boeing 727, 1 Boeing 737, 1 D-C 8 de 40 tonnes, 1 Antonov de 72 tonnes et 2 Ilouchines de 62 tonnes; 130 camions 6×6 de 15 tonnes et 185 pick-up. Avec ce matériel appartement aux forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), la CENI a dit ne pas avoir besoin d’un appui logistique de la Monusco.
Le président de la CENI en a profité pour donner quelques chiffres brutes en rapport avec le dépôt des candidatures aux élections → présidentielle: 25 candidatures, législatives nationales: 15.000 candidatures, législatives provinciales: 19.643 candidatures, électeurs: 40.287.387, bureaux de vote: 76.000.[18]

Le 18 août, dans un communiqué, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) a annoncé la publication, à partir du 21 août, de la liste définitive des candidats députés provinciaux après traitement des contentieux au niveau des Cours d’appel. 19.640 candidats ont été retenus pour concourir aux élections provinciales prévues le 23 décembre prochain. 217 recours avaient été reçus par les différentes Cours d’appel faisant office des cours administratives d’appel non encore installées. 10 ont été jugés recevables et fondés, tandis que les 207 autres ont été déclarés soit recevables et non fondés soit irrecevables. La CENI  a indiqué que les listes définitives des candidats députés provinciaux seront affichées aux antennes de la CENI du ressort de chaque circonscription électorale à partir de mardi 21 août prochain et seront aussi disponibles sur son site web. Au total, 711 députés provinciaux seront élus et 69 cooptés.[19]

L’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) a demandé à la Commission électorale nationale indépendante (Céni), de publier les listes électorales provisoires. L’objectif est d’obtenir la totale transparence du scrutin de décembre prochain et la prévention de possibles contestations. Alors que son président, Corneille Nangaa, avait promis que les listes des électeurs seraient affichées à partir du 15 juillet, un mois plus tard la CENI ne l’a pas encore fait. Pour Georges Kapiamba, président de ACAJ, «si la Céni ne publie pas la liste provisoire, qui doit faire l’objet d’éventuels amendements, cela va encore un peu plus nourrir la suspicion de fraudes. On ne comprend pas pourquoi elle traîne des pieds, depuis qu’elle a terminé les opérations d’enrôlement».[20]

À propos de l’usage de la machine à voter, selon le président de la Commission électorale, Corneille Nangaa, chaque électeurs pourrait nécessiter 25 second pour effectuer son opération de vote. Toutefois, selon Jean Pierre Bemba, une personne qui prendrait connaissance de cette machine pour la première fois, nécessiterait six minutes environs pour réaliser son opération de vote. Jean Pierre Bemba a fait ce calcul:
– Une seule machine par bureau de vote.
– 3 minutes en moyenne par électeur => 20 électeurs par heure.
– 11 heures de vote (soit de 7 à 18 heures) => 220 électeurs par bureau.
– Nombre d’inscrits par bureau : 600 électeurs => 380 électeurs ne pourront pas voter, faute de temps.
Pour y remédier, Jean Pierre Bemba propose un allongement de quelques heures sur le temps de vote, mais également le recours au législateur pour demander l’étalement de la procédure de vote sur plusieurs (2 ou 3) jours.[21]

[1] Cf Radio Okapi, 08.08.’18
[2] Cf Radio Okapi, 08.08.’18; RFI, 08.08.’18; Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 08.08.’18
[3] Cf RFI, 09.08.’18
[4] Cf Fiston Mahamba – Politico.cd, 15.08.’18
[5] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 09.08.’18
[6] Cf Christine Tshibuyi – Actualité.cd, 09.08.’18
[7] Cf RFI, 09.08.’18
[8] Cf Christine Tshibuyi – Actualité.cd, 09.08.’18
[9] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 09.08.’18
[10] Cf Jeff Kaleb – 7sur7.cd, 09.08.’18
[11] Cf http://www.diacenco.com/le-clc-inebranlable-et-encourage-le-chef-de-letat-et-la-ceni-de-prendre-des-dispositions-necessaires-pour-des-elections-credibles/
[12] Cf Patrick Maki – Actualité.cd, 10.08.’18
[13] Cf Christine Tshibuyi – Actualité.cd, 09.08.’18
[14] Cf Kerima – Politico.cd, 09.08.’18
[15] Cf Fiston Mahamba – Politico.cd, 08.08.’18
[16] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 08.08.’18; Christine Tshibuyi – Actualité.cd, 09.08.’18
[17] Cf Radio Okapi, 11.08.’18
[18] Cf Jephté Kitsita – 7sur7.cd, 14.08.’18
[19] Cf Radio Okapi, 19.08.’18; Fonseca Mansianga – Actualité.cd, 18.08.’18
[20] Cf RFI, 17.08.’18
[21] Cf Jacques Kini – Actualité.cd, 05.08.’18