CONGO ACTUALITE’ N.349

SOMMAIRE

POUR LE RESPECT DU DROIT DE MANIFESTATION

  1. LE CLC ANNONCE UNE NOUVELLE MARCHE LE 21 JANVIER
    1. L’appel du CLC et l’attitude de l’Église catholique
    2. Les adhésions
    3. Une manifestation parallèle prévue par l’Opposition membre du Gouvernement
    4. Le Gouvernorat de Kinshasa « ne prend pas acte » de la marche
    5. Le jour de la marche
    6. Les premier rapports provisoires

POUR LE RESPECT DU DROIT DE MANIFESTATION

1. LE CLC ANNONCE UNE NOUVELLE MARCHE LE 21 JANVIER

a. L’appel du CLC et l’attitude de l’Église catholique

Le 13 janvier, dans un communiqué, le Comité Laïc de Coordination (CLC) a annoncé une nouvelle marche ce dimanche 21 janvier 2018 pour exiger la mise en œuvre intégrale de l’accord de la Saint- Sylvestre et « libérer l’avenir« : «(…) main dans la main, comme d’habitude, nous allons marcher pacifiquement avec nos rameaux de paix, nos bibles, nos chapelets et nos crucifix pour sauver le Congo, notre patrimoine commun, dans le respect sacré des personnes et des biens».

Selon le communiqué, «face à l’arrogance, à l’insouciance, à l’obstination, au mépris et au silence coupable d’un pouvoir insensible à tous les cris de détresse d’une population meurtrie, le peuple congolais a choisi de reprendre son destin en mains et de ne plus jamais laisser de répit à la dictature». Le CLC promet d’aller jusqu’au bout de sa lutte: «Loin de nous intimider, le pouvoir a renforcé notre détermination et notre volonté de jouir de notre droit constitutionnel de manifester publiquement. Nul ne peut se croire plus fort que nous tous réunis. Nous irons jusqu’au bout».

Les membres de ce comité rappellent que la lutte continuera jusqu’à ce que toutes «les conditions pour les élections crédibles seront remplies»: «Notre combat ne prendra pas fin tant que ne seront remplies les conditions préalables pour des élections réellement crédibles notamment: la libération sans condition des prisonniers politiques, la fin de l’exil des opposants menacés d’arrestation à leur retour au pays, la libéralisation des espaces médiatiques, la fin du dédoublement des partis politiques, la restructuration de la CENI, la confirmation de la volonté du chef de l’État de ne pas briguer un troisième mandat, comme l’exige la constitution».[1]

 

Le 17 janvier, dans une lettre adressée aux Évêque de tous les diocèses du pays, le président de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), Mgr Marcel Utembi, a fait part de l’attitude que l’église devra adopter, «si jamais nous sommes approchés par les laïcs de nos diocèses qui veulent emboiter les pas au CLC». Il a exhorté tous les diocèses à «rester dans la ligne de deux derniers communiqués de la CENCO ainsi que celui du Nonce Apostolique à ce sujet».

Dans cette note, le numéro un de la CENCO atteste la reconnaissance du Comité Laïc de Coordination comme association des laïcs reconnue officiellement par l’archidiocèse de Kinshasa:

«Tout en n’assumant pas cette marche comme étant organisée par la Cénco, il faudra reconnaitre que c’est une institution reconnue dans un diocèse qui est interpellée par les deux derniers messages pastoraux de l’Assemblée plénière».

Secundo, Utembi établit les responsabilités quant à la marche prochaine: «Les laïcs peuvent s’organiser à leur niveau sans vous (les évêques) impliquer directement dans l’action. À chaque diocèse de voir comment accompagner les laïcs qui souscrivent librement à cette initiative pour qu’ils restent dans la dynamique de l’appel de la CENCO».

Dans ses deux derniers messages, la CENCO avait appelé le peuple congolais à «demeurer debout et vigilant, à prendre son destin en mains et à barrer pacifiquement la route à toute tentative de confiscation ou de prise de pouvoir des voies non démocratiques et anticonstitutionnelles».[2]

 

Le 18 janvier, dans une interview, le secrétaire général de la CENCO, l’abbé Donatien Nshole, a précisé que, dans sa lettre adressée aux évêques, le président de la CENCO, Monseigneur Marcel Utembi, n’a jamais découragé les laïcs, ni encore moins décommandé cette marche, ajoutant que cette manifestation est bel et bien une initiative des laïcs et non de la CENCO.

«Les évêques reconnaissent aux laïcs le droit de manifester selon l’appel qu’eux-mêmes ont lancé dans le message Débout Congolais et dernièrement encore au mois de novembre, ils ont demandé au peuple d’être vigilant et de manifester leur désapprobation en cas de besoin», a-t-il indiqué.

Selon lui, Mgr Utembi a demandé que, dans les diocèses où les laïcs prennent l’initiative de manifester, «les évêques, les prêtres les accompagnent, pour qu’ils restent dans le sens de l’appel de la CENCO». Le secrétaire général de la CENCO a insisté: «la CENCO ne force pas les laïcs de marcher dans les diocèses, mais si les laïcs prennent l’initiative, les évêques ne vont pas leur interdire, si c’est dans le sens de l’appel des évêques».[3]

 

Le 18 janvier, dans une note de mise au point signée par les Professeurs Thierry Landu et Isidore Ndaywel, le Comité Laïc de Coordination (CLC) a rappelé à tous les adhérents le caractère pacifique de la marche du 21 janvier. Selon ce communiqué, «le CLC demande à la Police Nationale Congolaise et aux autres Services de Sécurité de les encadrer et de les protéger tout au long de cette marche pacifique.

Il invite la population à n’accepter aucune forme de violence: pas de pneus brûlés, pas de barricades, pas de propos violents, pas d’injures, pas de jets de pierres et autres projectiles, pas d’actes de vandalisme, …

Il invite la population à ne pas considérer les policiers, les militaires et autres Agents des Services de Sécurité comme leurs ennemis; Il exhorte pareillement les policiers, les militaires et autres Agents de Sécurité à ne pas considérer la population comme leur ennemi.

Il invite tous les habitants à marcher pacifiquement à partir de leurs foyers, de leurs quartiers, de leurs paroisses … Les autres précisions seront communiquées dans les jours qui viennent».[4]

 

b. Les adhésions

Le 13 janvier, dans une interview, le président du Groupe des 7 (G7), Pierre Lumbi, a réitéré le soutien de la principale coalition de l’opposition aux actions du Comité des Laïcs qui appelle à marcher le 21 janvier prochain. Il a appelé à l’unité des forces de l’opposition autour des actions de terrain. «Nous interpellons tous ceux qui proclament leur foi au changement démocratique et leur demandons de s’unir dans l’action sur le terrain», a-t-il dit, avant d’ajouter: «seule l’action sur le terrain et seule l’action va permettre de faire reculer la dictature».[5]

 

Le 15 janvier, dans un communiqué publié tard dans la soirée, la Coordination des Laïcs Protestants (COLPRO) a appelé toute la population congolaise, principalement tous les leaders de confessions religieuses, à s’unir à la démarche entreprise par le Comité Laïc de Coordination pour la marche pacifique le 21 janvier, afin de «sauver la nation». Au regard la situation peu reluisant à laquelle se trouve la RDC, la Colpro a dit: «Garder le silence ou rester indifférent est un acte de complicité». Et de poursuivre: «Il y a lieu que le mal soit arraché et abattu et détruit, pour qu’enfin soient bâties la paix, la justice pour le peuple, au mieux intérêts de la nation». D’après cette structure protestante, «si tu es neutre en situation d’injustices, tu as choisi le parti de l’oppresseur».[6]

 

Le 16 janvier, dans un communiqué, la Dynamique de l’Opposition a appelé à participer à la marche du 21 janvier pour “libérer l’avenir du pays“. Le regroupement politique dirigé par Martin Fayulu Madidi a appelé la Cour Pénale Internationale (CPI) à la vigilance quant à la répression qui pourrait jalonner cette deuxième manifestation après celle du 31 décembre 2017. Pour sa part, la Démocratie Chrétienne (DC) soutient aussi l’initiative des chrétiens catholiques. Dans un communiqué, ce parti exige la libération des prisonniers politiques, en particulier celle d’un de ses membres, Eugène Diomi Ndongala Nzomambu, incarcéré à la prison centrale de Makala, à Kinshasa.[7]

 

Le 18 janvier, dans un communiqué signé par son président Félix Tshisekedi, le Rassemblement de l’Opposition / aile Limete a appelé les autres confessions religieuses à emboiter les pas au Comité Laïc de Coordination (CLC), dans son initiative d’organiser la marche ce dimanche 21 janvier 2018, pour « libérer l’avenir du pays ». Le Rassemblement justifie son appel par ce qu’elle qualifie de « prise en otage du pays par un despotique en déliquescence« .

À l’instar de la Dynamique de l’Opposition, le Rassemblement aussi a attiré l’attention des instances internationales, dont la Cour Pénale Internationale (CPI), sur d’éventuels cas de violences lors de la manifestation: «le Rassemblement demande à la Cour Pénale Internationale, aux Nations unies et à l’Union africaine de mettre en garde le régime Kabila contre toute forme de violence et leur recommande d’enclencher, le cas échéant, les mécanismes d’inculpation du régime pour crimes contre l’humanité».[8]

 

Le 19 janvier, à Kinshasa, le député national Martin Fayulu a affirmé l’intention de «poursuivre contre vents et marrées le combat pour le changement jusqu’à la victoire finale». Le président de la Dynamique de l’opposition s’est voulu ferme et direct à l’endroit du président Kabila qu’il a accusé de « mensonge systémique« : «seule une transition sans Kabila constitue la solution la plus viable de sortie de crise en RDC». Bien que la Ceni ait annoncé la clôture de l’opération d’enrôlement sur tout le territoire national pour le 31 janvier prochain, la Dynamique ne croit pas en l’organisation des élections libres et démocratiques sous le pouvoir actuel: «La pression populaire tirant son fondement dans l’article 64 de notre constitution est la voie la plus efficace et efficiente, pour assister au départ de monsieur Kabila».[9]

 

Le 20 janvier, le président de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), Vital Kamerhe, a invité les membres de son parti à participer activement à la marche pacifique programmée ce dimanche 21 janvier 2018 par le Comité Laïc de Coordination (CLC): «Nous vous invitons à répondre massivement à l’appel du Comité Laïc de coordination. Le peuple doit démontrer qu’il n’a plus l’intention de reculer. Le combat c’est celui de la liberté, de l’accès au bien être, à l’égalité, à la justice, et à la bonne gouvernance. C’est aussi celui de l’instauration d’un leadership exemplaire à la tête de notre pays. Personne ne peut venir vous taxer de subversif. Nous luttons pour des valeurs républicaines. Le pays est mal gouverné. Nos amis qui sont au pouvoir sont incompétents. C’est pour cela qu’ils doivent laisser le peuple dire à travers les élections véritablement crédibles qui sera le chef de l’État, le député national ainsi de suite».[10]

 

Le 20 janvier, dans un communiqué, Moïse Katumbi a appelé les Congolais à «montrer à nouveau leur courage, leur soif de démocratie et de justice en suivant l’appel du Comité laïc à marcher pacifiquement pour réclamer nos droits constitutionnels et fondamentaux».

Cette figure majeure de l’opposition politique, également candidat à la Présidentielle, mais toujours bloqué en exil, a appelé les Congolais à réclamer l’alternance démocratique et l’application «stricte et entière» de l’accord de la Saint-Sylvestre: «Nous avons tous le devoir d’accentuer la pression, de réclamer nos droits jusqu’au bout et de faire plier ceux qui volent et pillent notre pays, ceux qui violent nos églises, ceux qui tuent nos enfants».

Katumbi a appelé par ailleurs les forces de l’ordre à ne pas tirer sur les manifestants: «Face au peuple pacifique, armé de rameaux, de bibles et de chapelets, je demande à nos forces de l’ordre de se ranger du côté du bien». Il leur a dit: «Ecoutez les paroles de nos évêques et de nos pasteurs, respectez vos sœurs et vos frères, refusez les ordres criminels. En réprimant des marches pacifiques, vous serez sévèrement jugés. Par la justices des Hommes lorsque celle-ci sera rétablie au Congo, par la justice divine ensuite. Forces de l’ordre, ne tirez pas sur vos compatriotes, au contraire, protégez-les, encadrez-les afin, vous aussi, de participer à la marche en avant de votre pays».[11]

 

Le 20 janvier, le coordonnateur a.i de la section Grand Katanga du Rassemblement de l’Opposition / aile Limete, Christian Mwando, a appelé la population de Lubumbashi à se mobilise pour la marche du 21 janvier: «Nous soutenons cette marche des Laïcs, puisque le Rassop tient aussi au respect de l’accord de la Saint-Sylvestre. Il nous faut, à ce titre, continuer à contraindre le président Kabila à appliquer l’accord. Nous n’avons pas peur de la répression car nous savons qu’il n’y a pas de résultat sans sacrifice. Soit notre peuple décide de demeurer dans la dictature, soit il s’engage face aux gaz lacrymogènes». Pour la ville de Lubumbashi, le comité laïc de coordination a fixé comme point de départ les paroisses Saint-Martin de la Katuba, Sainte-Marie de la Kenya ainsi que Saints Pierre et Paul du centre ville de Lubumbashi.[12]

 

Le 20 janvier, le représentant légal de la communauté islamique de RDC, Cheikh Ali Mwinyi M’Kuu, a demandé aux autorités de «éviter de réprimer» la marche des catholiques et d’encadrer les manifestants: «S’ils décident de la réprimer, il n’y aura pas de paix. Mais s’ils laissent la marche se tenir, ils respecteront la Constitution et la paix régnera». D’habitude silencieux, l’imam M’Kuu «n’encourage ni n’interdit» aux musulmans congolais de participer à cette marche des catholiques «tant qu’elle reste pacifique», a-t-il précisé.[13]

 

Le 20 janvier, dans une déclaration devant la presse à Kinshasa, le Collectif de chrétiens des églises de réveil a annoncé son total soutien à la marche pacifique des laïcs catholiques prévue ce 21 janvier sur l’ensemble du pays pour exiger le respect de l’accord de la Saint-Sylvestre.

«Nous répondons à l’appel du Comité Laïc de Coordination Catholique, celui de voir les autres confessions religieuses communier avec lui pour sauver ce qui reste encore à sauver dans notre pays, c’est-à-dire la patrie, car le peuple congolais a tout perdu…», a déclaré Adolphe Amisi membre du collectif. Et de poursuivre, «Nous encourageons tous les chrétiens à répondre massivement à la marche pacifique qu’organise le CLC. Nous exigeons au pouvoir en place l’application sans faille de l’accord du 31 décembre 2016, ainsi que le respect de la Constitution, gage de la stabilité et de la cohésion nationale».[14]

 

c. Une manifestation parallèle prévue par l’Opposition membre du Gouvernement

Le 15 janvier, dans un point de presse, Roger Lumbala, membre du Rassemblement de l’opposition / aile Kasa-Vubu, a annoncé une marche pacifique, le dimanche 21 janvier, pour appuyer le processus électoral et apporter un soutien au Premier ministre Bruno Tshibala et au Président du Conseil national de suivi de l’accord du 31 décembre, Joseph Olenghankoy, tous deux issus de ce regroupement politique. Il a appelé tous les chrétiens et tous les musulmans de la RDC à se joindre à cette manifestation qui commencera d’abord par la prière dans les différentes paroisses. La date du 21 janvier coïncide avec celle annoncée par le Comité Laïc de Coordination (CLC). Tharcisse Loseke, Patrick Mutombo et Constant Mutamba étaient présents lors de ce point de presse.[15]

 

Le 16 janvier, le président du comité des Sages du Rassemblement/aile Kasa-Vubu, Joseph Olenghankoy, a écrit sur Twitter: «Le rassemblement n’est pas organisateur d’une manifestation le 21 janvier», se désolidarisant ainsi de Roger Lumbala. Joseph Olenghankoy a dit ne pas être au courant de cette démarche qu’il n’a appris que par voie de presse et a appelé ses partisans à éviter l’affrontement avec le CLC. «J’ai reçu mandat d’amener le peuple aux élections et je ne m’engagerai pas dans des aventures pour des raisons de calcul politique», a-t-il affirmé.

Dans une interview, Joseph Olenghankoy a laissé entendre que cette déclaration n’a pas été faite au nom du Rassemblement dont il est l’autorité première et que c’est Bruno Tshibala seul qui a pris l’initiative, sans en convenir avec la structure et son responsable direct. En qualité de président du Conseil des sages du Rassemblement de l’Opposition / aile Kasa-Vubu, Joseph Olenga N’koy a affirmé: «Je dément catégoriquement cette déclaration de Lumbala, Loseke, Patrick Mutombo et Constant Mutamba. Ce n’est pas au nom du Rassemblement cette déclaration faite sur instruction de Bruno Tshibala. Le rassemblement dont je suis président du conseils des sages n’organise pas de marche le dimanche 21 janvier. Je suis pour la paix et pour les élections. Je ne peux pas entrer en conflit avec l’église catholique ou une autre église».[16]

 

Le 18 janvier, le président du Conseil des sages du Rassemblement/Kasa-Vubu et président du CNSA, Joseph Olenghankoy, a une fois de plus marqué son opposition à la contremarche projetée pour le dimanche 21 janvier par certains membres de sa plateforme, en opposition à celle des laïcs catholiques. Pour Joseph Olenghankoy, le rôle à jouer par sa plateforme, qui du reste participe à la cogestion de l’État grâce à l’accord de la Saint-Sylvestre, est de comprendre et proposer des solutions aux réclamations de l’église et non pas de l’affronter.[17]

 

Le 19 janvier, malgré les propos de Joseph Olenga N’Koyi, le porte-parole du Premier Ministre Bruno Tshibala et membre du Rassemblement de l’Opposition / aile Kasa-vubu, Patrick Mutombo Buzangu, a confirmé la marche du 21 janvier 2018 pour soutenir le processus électoral. Cette marche va débuter dans les paroisses juste après la messe.[18]

 

d. Le Gouvernorat de Kinshasa « ne prend pas acte » de la marche

 

Le 18 janvier, une source au sein du parquet a révélé que des « mandats d’amener » ont été émis contre cinq des huit responsables du « Comité Laïc de Coordination » (CLC). D’après cette source, la raison du mandat d’arrêt n’a pas été précisée. « Le motif vous sera communiqué sur place », selon le texte du mandat, du parquet. Selon plusieurs sources, les responsables du comité se cachent actuellement dans Kinshasa, et seraient sous la protection discrète de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco).[19]

 

Le 18 janvier, Isidore Ndaywell, Justin Okana et Thierry N’landu, membres du Comité Laïc de Coordination, ont envoyé au Gouverneur de la ville de Kinshasa  une correspondance dans laquelle ils portent à sa connaissance que «pendant la journée de dimanche 21 janvier 2018, les chrétiens de la vile de Kinshasa marcheront pacifiquement à partir des différentes paroisses, afin d’exiger des parties prenantes la mise en œuvre intégrale et de bonne foi de l’Accord politique global et inclusif du Centre interdiocésain de Kinshasa, signé le 31 décembre 2016, seule feuille de route valable pour conduire, dans la paix, à la tenue effective et rapide des élections libres, transparentes, inclusives et crédibles dans notre Pays. Nous vous saurons grés de bien vouloir instruire les forces de l’ordre d’encadrer et de sécuriser ces marches citoyennes qui se situent, du reste, dans le cadre de l’exercice normal des droits et des libertés fondamentaux garantis par la Constitution de la République».

 

Le 19 janvier, le vice-gouverneur de la ville de Kinshasa, Clément Bafiba, a invité Isidore Ndaywell-Justin Okana- Thierry N’landu, membres de la coordination des Laïcs catholiques et initiateurs de la marche du 21 janvier, à une séance de travail le 19 janvier à l’hôtel de ville. Selon certaines informations, ils ne se seraient pas présentés devant l’autorité urbaine, sachant d’être recherchés par les services de sécurité  et redoutant d’être arrêtés par les forces de l’ordre qui sont à leurs trousses.[20]

 

Le 19 janvier, le vice-gouverneur de Kinshasa, Clément Bafiba, a adressé une lettre de réponse au CLC, dans laquelle il lui annonce qu’il ne peut pas prendre acte de sa marche, les organisateurs n’ayant pas répondu à son invitation pour échanger sur le dossier. Il a cité aussi comme raison, une enquête ouverte sur les violences du 31 décembre 2017 qui avait fait à Kinshasa au moins six morts:

«je vous ai invité (…) à une séance de travail le vendredi 19 janvier 2018, à l’Hôtel de ville de Kinshasa, afin de me fournir plus d’informations sur ladite marche, en vue de me permettre de réagir conséquemment. Malheureusement, vous avez brillé par votre absence. Par ailleurs, les informations en ma possession indiquent que l’enquête ouverte après les événements du 31 décembre 2017 n’a pas encore abouti et ses résultats risquent d’être faussés à la suite de l’organisation de votre marche, raison pour laquelle je ne peux en prendre acte».[21]

 

Le 19 janvier, l’Hôtel de ville de Kinshasa a rendu public le communiqué annonçant l’interdiction des marches pacifiques annoncées par le Comité laïc de coordination (CLC) et le Rassemblement/ Kasa-Vubu pour le dimanche 21 janvier: «Après débats et délibérations, étant donné que les deux comités projettent d’organiser leur marche le même jour, partant des mêmes églises, créant ainsi une difficulté d’encadrement de l’itinéraire, l’autorité urbaine ne saurait prendre acte de leur requête».[22]

 

Le 19 janvier, dans un communiqué, le Comité Laïc de Coordination (CLC) a annoncé que la marche du 21 janvier pour exiger l’application intégrale et complète de l’Accord de la Saint-Sylvestre est bel et bien maintenue. «Nous marcherons dimanche 21, car nous n’avons besoin de l’autorisation de personne pour manifester pacifiquement et revendiquer nos droits et la démocratie», à déclaré Leonnie Kandolo sur son compte Twitter, après l’annonce de l’interdiction de ladite marche par l’Hôtel de Ville de Kinshasa.[23]

 

Le 20 janvier, dans un communiqué, le chef provincial de la Police Nationale Congolaise à Kinshasa, Sylvano Kasongo, a déclaré qu’aucune action ou tentative de trouble à l’ordre public ne sera tolérée: «Les dispositions adéquates sont prises, afin de permettre à tous et à chacun de vaquer paisiblement à ses occupations. Il va sans dire qu’aucune action ou tentative visant à troubler l’ordre public ne sera tolérée sur toute l’étendue de la ville-province de Kinshasa, conformément aux lettres du Gouverneur de la ville qui n’a pas pris acte de l’organisation des marches prévues ce dimanche».[24]

 

Le 20 janvier, à Kinshasa, depuis 16h00, la police a installé des check-points sur les principales artères de la ville. Des policiers fouillaient de fond en comble tous les véhicules, d’autres vérifiaient si tout le monde possédait sa pièce d’identité et les documents du véhicule. Une situation qui a perturbé la circulation, principalement sur le boulevard du 30-Juin, principale artère du centre-ville de la capitale. Les taxis s’étaient rapidement faits rares, obligeant des centaines de personnes à marcher à pied.[25]

e. Le jour de la marche

La police et l’armée n’ont pas hésité à tirer à balles réelles sur les paroissiens pacifiques qui sortaient des églises avec rameaux, bibles et crucifix. Les autorités avaient interdit cette nouvelle marche des chrétiens bien qu’elle soit pacifique. Dans un tweet, le directeur de cabinet du président Joseph Kabila avait indiqué: “En RDC, une marche pacifique, ça veut dire mettre en œuvre le schéma burkinabè. On n’est pas si bête”, allusion au renversement par la rue, en 2014, du président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, qui voulait que l’assemblée nationale l’autorise à briguer de nouveaux mandats, ce qui avait provoqué une explosion de colère populaire.[26]

 

À Kinshasa, la marche a été dispersée à la paroisse St Gabriel de Yolo Sud dans la commune de Kalamu, par des gaz lacrymogènes et des coups de feu. Une personne a été blessée.

Les fidèles de la paroisse Liyebo située non loin de la maison communale de Bumbu ont entamé la marche avant d’être stoppés par la police qui a lancé des gaz lacrymogènes au niveau de la maison communale de Ngiri-Ngiri. Ils avaient parcouru une distance d’à peu près 20 minutes pendant que la police avait tout essayé pour les dissuader sans succès.

À la paroisse Saint Jean-Baptiste de Bumbu, dans la commune de Selembao, la marche des catholiques a été dispersée, à 300 mètres du point de départ, par la police qui a utilisé des coups de gaz lacrymogène et des balles réelles pour disperser les foules. Avant le culte, les fidèles de cette paroisse ont détecté et chassé de leur paroisse quelques personnes suspectes portant des armes.

Dans la paroisse Saint-Joseph dans la commune de Kalamu (quartier Matonge), pendant que, à la fin de l’office religieux, les fidèles voulaient entamer la marche comme prévue, les forces de l’ordre ont ouvert le feu. 8 personnes, dont une atteinte par balle au bras, ont été admises au un centre médical situé aux abords de la paroisse. Parmi les responsables de l’opposition sur place, on a noté la présence de Félix Tshisekedi, président du Rassemblement et Martin Fayulu du parti Ecidé.

À la paroisse Christ-Roi dans la commune de Kasa-Vubu où l’on a noté la présence du président de l’UNC, Vital Kamerhe, les manifestants se sont trouvés coincés à l’intérieur de la paroisse, après avoir tenté de marcher avant d’être dispersés par la police. Selon un témoin,

«On a dispersé les manifestants à la paroisse Christ-Roi. il y a eu 4 blessés et jusque là, ils sont toujours coincés à l’intérieur, parce que la police a encerclé la paroisse. Ils avaient marché jusqu’au niveau du marché Gambela où ils ont été dispersés. Ils sont donc retournés à la paroisse avec le curé où ils sont coincés à l’intérieur pour le moment».

La même situation a été constatée à l’Eglise Saint Michel où les manifestants ont, eux aussi, été dispersés après avoir franchi deux barrages de police.

À la paroisse Saint-Augustin dans la commune de Lemba, un membre de l’UNC, Ngandu Kisene, a succombé à une balle tirée par les forces de l’ordre, au moment où les manifestants avaient tenté d’entamer la marche.

Tirs à balles réelles encore à la cathédrale Notre-Dame du Congo, d’où un demi-millier de fidèles sont sortis pour marcher derrière leurs prêtres, brandissant la croix, la bible et des rameaux. Après quelques centaines de mètres, les marcheurs ont été arrêtés par un barrage policier, avec des tirs de gaz lacrymogènes et à balles réelles.

Une jeune fille de 16 ans a été tuée par un tir en rafale venu d’une “auto-mitrailleuse” passée devant la paroisse de St-François-de-Salles, à Kitambo.[27]

 

À Kisangani, la marche des laïcs chrétiens catholiques a été fortement réprimée par les forces de l’ordre. C’est aux environs de neuf heures, heure locale, que les marches ont débuté dans différentes paroisses catholiques de la ville de Kisangani, après la messe. Dans chaque paroisse les manifestants ont été accompagnés par leurs curés respectifs ainsi que d’autres prêtres à la tête d’affiche. Les chrétiens catholiques scandaient des chants religieux, portant une croix au-devant et brandissaient des calicots sur lesquels on pouvait lire: «nous demandons l’application complète et intégrale des accords de la Saint Sylvestre su 31 décembre 2016». Les uns ont parcouru plus au moins cinq cent mètres du point de départ et les autres, par contre ont fait près d’un kilomètre avant d’être dispersé par la police qui a fait usage des gaz lacrymogène et tiré à balles réelles.[28]

 

À Lubumbashi, des messes se sont tenues dans toutes les paroisses malgré des incidents survenus au niveau de la paroisse Sainte Bernadette de la commune de la Katuba.

Les manifestants ont quitté l’Eglise Sainte-Bernadette et ont entamé la marche, se dirigeant le long de l’avenue Ubemba où la police est intervenue pour les bloquer. C’en est  suivi des jets de pierres. En nombre inférieur, la police a fait appel à l’armée pour disperser les manifestants qui sont retournés à l’intérieur de la paroisse. Retranchés dans l’église, ils ont fermé la barrière. Mais l’armée a forcé l’accès pour faire irruption et a matraqué les fidèles à l’intérieur.

À l’Eglise Sainte-Marie de la Kenya, la marche prévue a été annulée “au vu de la très forte présence de militaires armés, non pour encadrer les marcheurs mais prêts à tirer pour tuer”, a indiqué Hubert Tshiswaka, un des membres du comité laïc de coordination qui a organisé ces marches.[29]

 

À Goma, des tirs de gaz lacrymogène et à balles réelles ont été enregistrés aux abords de la Cathédrale Saint-Joseph, où les fidèles ont été quasiment séquestrés par les forces de police qui ont empêché toute sortie. Des blessés sont signalés parmi les fidèles réunis dans la Cathédrale après les tirs de bombes à gaz lacrymogènes. La Lucha rapporte également l’arrestation d’au moins 6 personnes dont 4 de ses militants.

À Beni, les militants de la Lucha ont marché jusqu’au rond point BCDC où ils se sont heurtés à la police qui les a dispersés par des gaz lacrymogène. Des arrestations sont signalés, mais personne d’entre eux n’a été tabassé comme par le passé.[30]

 

À Mbuji-Mayi, presque toutes les paroisses catholiques de la ville ont été encerclées par les forces de l’ordre, depuis la nuit de 20 janvier. Des barrières gardées par la police, les FARDC et le commando spécial de Simba za Moura, ont été placées sur les principales artères de la ville de Mbuji-Mayi. Les habitants ont été obligés à se terrer à la maison, toute circulation a été interdite.

Sur la radio catholique Buena Muntu, l’évêque du diocèse, monseigneur Emmanuel Bernard Kasanda, a encouragé les curés des paroisses et les fidèles à se rendre dans leurs églises pour la messe. Dans la cathédrale Saint Jean Baptiste Bonzola, après la messe célébrée par les abbés Blaise Kanda et Pierre Kabamba, les forces de l’ordre ont interdit aux chrétiens de sortir. Quatre grenades lacrymogènes ont été lancées à l’intérieur de la cathédrale, où étaient enfermés les fidèles catholiques. Au niveau de la paroisse de Bena Tshibuabua, l’armée est entrée à l’intérieur de la paroisse et a jeté des bombes lacrymogènes. 7 personnes ont été blessées et on a enregistré beaucoup d’interpellations, dont le président fédéral du MLC.[31]

 

Il faut rappeler que, le 19 janvier, le gouverneur du Kasaï-Oriental, Alphonse Ngoyi Kasanji, avait déjà invité la population à consacrer la journée de ce dimanche au culte à Dieu et à éviter la voie de la rue: «Je demande d’observer le calme. Le dimanche a toujours été le jour du Seigneur. Le dimanche n’est pas le jour de la rue. Voilà pourquoi je demande à la population, aux clergés des Eglises, d’avoir une attitude responsable face à toute forme de manipulations d’appel à la rue. Je conseille d’aller prier le Seigneur et d’aller à la messe». Toutefois, dans un communiqué, le Comité laïc de coordination du diocèse de Mbuji-Mayi avait confirmé l’organisation de la marche. Selon ce document, un groupe de chrétiens partira, à partir de 14 heures, du rond-point de l’université, et le second groupe partira du rond-point Kalala wa Nkata. Le point de chute est la cathédrale Saint Jean Baptiste Bonzola.​[32]

 

À Kananga, aucune manifestation n’a été signalée. Dans les paroisses catholiques de la ville, les messes ont été célébrées à leur horaire habituel. Après les célébrations eucharistiques, les fidèles ont regagné leurs domiciles comme à leur habitude. Le comité laïc local de l’église catholique n’avait lancé aucun mot d’ordre en rapport avec cette journée.[33]

 

À Bunia, dans la province d’Ituri, il n’y a pas eu de marche. Mais l’évêque, Mgr Dieudonné Uringi,  a demandé au pouvoir en place d’exécuter correctement le contenu de l’accord de la Saint Sylvestre qui a bénéficié de bons offices de l’épiscopat. Mgr Dieudonné Uringi, trouve inconcevable que les droits fondamentaux et les libertés des citoyens qui sont régis par la constitution soient étouffés par un pouvoir qui «est fin mandat». Il plaide pour l’amélioration des conditions de vie des populations qui croupissent dans la misère, pendant que certaines personnes s’enrichissent au quotidien.

Les FARDC ont déployé depuis 8h30 un dispositif sécuritaire impressionnant à la place Kisebwe. Militaires et policiers ont été partout visibles sur les points stratégiques de la ville.[34]

 

f. Les premier rapports provisoires

Le 22 janvier, la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) a dressé son bilan provisoire de la marche pacifique réalisée par le Comité Laïc de Coordination le dimanche 21 janvier.

La CENCO  a d’abord rappelé que «cette marche avait pour objectif de réclamer la mise en œuvre effective, intégrale et de bonne foi de l’Accord politique global et inclusif du 31 décembre 2016, notamment en ce qui concerne les mesures de décrispation politique, le respect des droits aux manifestations publiques, des libertés d’opinion et d’expression dans les média.

La CENCO fait état de 6 morts par balles, de 127 blessés dont certains par balles et 210 interpellations dont la plupart de personnes appréhendées ont été libérées quelques heures après.

Elle dresse également un bilan des évènements dans différentes paroisses sur tout le territoire national:

Dispersion des manifestations à coup de gaz lacrymogène: 22 cas

Dispersion des manifestants à coup de gaz lacrymogène et coup de feu: 75 cas

Dispersion des manifestants par sommation verbale: 4 cas

Interdiction d’accès dans la paroisse: 1 cas

Marche dans l’enceinte même de la paroisse: 5 cas

Marche étouffée par un fort déploiement des militaires: 54 cas

Marche sans entrave: 12 cas

Deuxième messe interdite: 4 cas

Le secrétariat général de la Conférence épiscopale nationale du Congo tient à souligner qu’il y a eu 12 marches encadrées de manière professionnelle par la Police Nationale Congolaise et en conséquence, il n’y a eu aucun incident à déplorer. Et donc, l’organisation des marches pacifiques en RDC reste possible s’il y a bonne volonté des autorités compétentes.

Encore une fois, l’Église déplore l’usage excessif et disproportionné de la force face aux manifestants n’ayant que des bibles, des chapelets et des rameaux en main».[35]

 

Le 22 janvier, la Nonciature Apostolique a confirmé la mort de 6 personnes tuées lors de la marche des chrétiens catholiques dimanche 21 janvier 2018 à Kinshasa.

Dans un communiqué-bilan, la représentation du Vatican en RDC parle également d’au moins 52 blessés et de 210 personnes interpellées par les forces de l’ordre à travers le pays.

Selon le communiqué, «À Kinshasa: 13 paroisses perturbées par les forces de l’ordre (gaz lacrymogène, tirs de balles réelles, paroisses encerclées); 6 morts, dont une aspirante à la vie religieuse; 13 blessés, dont au moins un prêtre, au moins 147 arrestations, dont au moins 3 prêtres», dit le communiqué.

Dans le reste du pays, les forces de l’ordre ont réprimé la marche des chrétiens dans certaines villes où le Comité Laïc de Coordination avait saisi les autorités locales pour organiser la manifestation.

«À Kisangani: 3 paroisses perturbées par les forces de l’ordre (gaz lacrymogène, tirs de balles réelles, paroisses encerclées), 7 blessés signalés, 14 arrestations, dont deux journalistes et 4 mineurs;

à Goma et Bukavu: 3 paroisses perturbées par les forces de l’ordre (gaz lacrymogène, tirs de balles réelles, paroisses encerclées), 29 blessés enregistrés, dont 11 gravement, 38 arrestations, dont quelques-uns de la Croix-rouge;

à Lubumbashi: 3 paroisses perturbées par les forces de l’ordre (gaz lacrymogène, tirs de balles réelles, paroisses encerclées), 3 blessés enregistrés, 9 arrestations;

à Mbandaka, une marche a eu lieu jusqu’à la mairie où elle a été arrêtée par des tirs de gaz lacrymogène;

à Mbuji-Mayi, toutes les paroisses (plus ou moins 40) ont été touchées par les violences causées par les forces de l’ordre. Huit personnes ont été blessées et deux autres interpellées».

Selon la Nonciature, au niveau national, 61 paroisses ont été visées, dont 40 à Mbuji-Mayi et 13 dans la capitale Kinshasa qui en compte environ 160. La RDC compte 47 diocèses regroupés dans six provinces ecclésiastiques (archidiocèses).[36]

 

Le 22 janvier, au cours d’un point de presse, le président de l’Association Congolaise pour l’Accès a la Justice (ACAJ) a dressé un bilan de 9 personnes tuées, dont 8 ont à Kinshasa et une autre à Kisangani. Selon Georges Kapiamba, à Kinshasa, 4 corps sans vie ont été emportés par les forces de l’ordre. Au moins 87 les blessés, dont 47 à Kinshasa, 18 à Lubumbashi, 13 à Kisangani et 4 à Goma. Sur l’ensemble du pays, ACAJ dit avoir recensé 287 interpellés, dont 247 dans la ville de Kinshasa. Au nombre des libérés, l’organisation parle des 155 personnes réparties entre Goma et Kinshasa.[37]

 

Le 23 janvier, lors d’un point de presse, l’archevêque de Kinshasa a, une nouvelle fois, dénoncé et condamné la répression violente de la marche pacifique des chrétiens du 21 janvier 2018 par les forces de l’ordre. Dans son message, le Cardinal Laurent Monsengwo a relevé que, «comme le 31 décembre 2017, des chrétiens de certaines paroisses ont été empêchés de prier, plusieurs autres ont été interdits de sortir de l’enclos de leurs paroisses par des policiers et militaires plus qu’armés, comme s’ils étaient dans un champ de bataille. Ceux qui ont prié et  ont pu marcher, a poursuivi le prélat, ont été dispersés à coup de gaz lacrymogène, des grenades assourdissantes et  des encerclements, des balles réelles, des balles en caoutchouc. Nous avons encore compté des morts, des blessés, des arrestations des prêtres, des religieuses et de plusieurs laïcs, des vols, des extorsions des biens des citoyens.

Déjà la veille, le 20 janvier, en pleine journée, des barrières ont été érigées pour fouiller les véhicules et vérifier les identités des passagers. Sommes-nous dans une prison à ciel ouvert? Comment peut-on tuer des hommes, des femmes, des enfants, jeunes et vieux scandant des cantiques religieux, munis des bibles, chapelets, crucifix? Que veut-on au juste? Le pouvoir pour le pouvoir ou bien le pouvoir pour le développement intégral du peuple, dans la paix, la justice et la vérité? Nous voulons que règne la force de la loi et non la loi de la force».

Enfin, aux chrétiens catholiques, le Cardinal Monsengwo a recommandé de «ne pas céder à la violence, rester inébranlables dans la Foi, agir toujours par amour du prochain et vivre dans l’Espérance joyeuse que le Seigneur ne nous abandonnera pas».[38]

 

Un des leaders du Comité laïc de coordination, Isidore Ndaywel, a déclaré qu’il n’allait pas renoncer aux manifestations à cause des morts causées par la répression. Selon lui, «on est arrivé à un point de non retour. Notre devoir est de poursuivre la lutte. C’est une façon pour nous de rendre hommage aux victimes». Par ailleurs, le professeur réfute également en bloc, l’argument selon lequel les effectifs des éléments de la police sont insuffisants pour un meilleur encadrement des manifestations organisées par les laïcs: «Ce que nous constatons c’est que les effectifs qu’on estime être insuffisants pour sécuriser une marche pacifique sont ceux-là même qui produisent l’insécurité et qui sont utilisés pour la réprimer. Nous avons ici une police qui semble être renforcée par des effectifs d’origine étrangère et ce sont ces éléments-là qui sont à la base de plusieurs exactions».[39]

 

Le 23 janvier, dans une déclaration commune, les États-Unis et le Royaume-Uni ont exprimé leur indignation au sujet des violences du 21 janvier perpétrées par les forces de sécurité. Ils ont appellent par ailleurs le gouvernement au respect de l’accord de la Saint Sylvestre, texte au cœur des revendications des manifestants. «La Monusco et d’autres personnes, qui ont vu les forces congolaises de sécurité tirer sur les civils, ont confirmé au moins six mort et de dizaines de blessés. Des centaines de personnes supplémentaires, dont des chefs religieux et des journalistes, ont été victimes d’arrestations arbitraires», indique le communiqué. Pour les États-Unis et le Royaume-Uni, il s’agit d’une répression qui entrave le processus démocratique dans le pays.

À ce propos, les deux partenaires parmi les plus importants de la RDC ont apporté leur soutien marcheurs du 21 janvier, au CLC et à la CENCO, «qui ne demandaient rien de plus que des élections crédibles et la mise en œuvre des mesures de décrispation de l’Accord signé par le Gouvernement congolais le 31 décembre 2016». Ils réitèrent leur appel aux autorités congolaises à libérer les prisonniers politiques, à mettre fin aux poursuites politiquement non motivés, à arrêter la duplication des partis politiques, à permettre aux partis politiques de changer leurs représentants à la CENI. Bref, l’essentiel des revendications des marcheurs du 21 janvier.[40]

[1] Cf Actualité.cd, 13.01.’18; 7sur7.cd, 13.01.’18  https://7sur7.cd/new/2018/01/malgre-les-menaces-du-regime-kabila-le-clc-reste-ferme-une-nouvelle-marche-pacifique-ce-21-janvier/

[2] Cf Cas-info.ca, 17.01.’18 ; Le Potentiel – Kinshasa, 20.01.’18

http://www.lepotentielonline.com/index.php?option=com_content&view=article&id=18444:a-propos-de-la-marche-pacifique-du-21-janvier-2018&catid=90:online-depeches

[3] Cf Radio Okapi, 19.01.’18

[4] Cf Dépêche.cd, 18.01.’18  http://www.depeche.cd/rdc-marche-du-21-janvier-2018-le-clc-confirme-le-rendez-vous-et-donne-les-dernieres-orientations/; Daniel Ngoie – 7sur7.cd, 18.01.’18 ;

[5] Cf Politico.cd, 15.01.’18

[6] Cf Roberto Tshahe et Grevisse Tekilazaya – Cas-info.ca, 16.01.’18

[7] Cf Djodjo Vondi – Actualité.cd, 16.01.’18

[8] Cf Christine Tshibuyi – Actualité.cd, 19.01.’18

[9] Cf Tony-Antoine – Cas-info.ca, 19.01.’18

[10] Cf Stanys Bujakera – Actualité.cd, 20.01.’18

[11] Cf Politico.cd, 20.01.’18

[12] Cf José Mukendi – Actualité.cd, 20.01.’18

[13] Cf AFP – Jeune Afrique, 20.01.’18

[14] Cf Jeff Kaleb Hobiang – 7sur7.cd, 20.01.’18

[15] Cf Radio Okapi, 16.01.’18

[16] Cf Radio Okapi, 16.01.’18; Stanys Bujakera – Actualité.cd, 16.01.’18

[17] Cf Djodjo Vondi – Actualité.cd, 18.01.’18

[18] Cf Jeff Kaleb – 7sur7.cd, 19.01.’18

[19] Cf AFP – Africatime, 19.01.’18

[20] Cf 7sur7.cd, 19.01.’18

[21] Cf Actualité.cd, 19.01.’18

[22] Cf mediacongo.net, 19.01.’18  http://www.mediacongo.net/article-actualite-34522.html

[23] Cf 7sur7.cd, 20.01.’18

[24] Cf Daniel Ngoie – 7sur7.cd, 20.01.’18

[25] Cf RFI, 21.01.’18

[26] Cf Marie-France Cros – La Libre / Afrique, 21.01.’18

[27] Cf Radio Okapi, 21.01.’18; Actualité.cd, 21.01.’18

[28] Cf Radio Okapi, 21.01.’18

[29] Cf Actualité.cd, 21.01.’18

[30] Cf Actualité.cd, 21.01.’18

[31] Cf Radio Okapi, 21.01.’18

[32] Cf Radio Okapi, 20.01.’18

[33] Cf Radio Okapi, 21.01.’18

[34] Cf Radio Okapi, 21.01.’18

[35] Cf http://cenco.org/wp-content/uploads/2018/01/Bilan-de-la-marche-du-21-janvier-2018-4.pdf

[36] Cf Patrick Maki – Actualité.cd, 22.01.’18  https://actualite.cd/2018/01/22/rdc-6-morts-plusieurs-blesses-plus-de-200-interpelles-a-travers-pays-nonciature/

[37] Cf Patrick Maki – Actualité.cd, 22.01.’18

[38] Cf Onésime Mukandila – Cenco.cd, 23.01.’18  http://cenco.org/cardinal-monsengwo-nous-voulons-que-regne-la-force-de-la-loi-et-non-la-loi-de-la-force/

[39] Cf Alphonse Muderhwa – 7sur7.cd, 24.01.’18

[40] Cf Cas-info.ca, 23.01.’18