SOMMAIRE
ÉDITORIAL: NIKKI HALEY EN RD CONGO → UNE VISITE DÉCISIVE
- UNE TRANSITION SANS KABILA: UNE OPTION ENCORE SUR LA TABLE
- L’AMBASSADRICE DES ETATS-UNIS A L’ONU, NIKKI HALEY, EN VISITE OFFICIELLE EN RDCONGO
- Une longue série d’entretiens
- La réaction du président de la Commission Électorale
- Les réactions de la majorité présidentielle
- Les réactions de l’Opposition
- Les réactions de la Société Civile
- Une première évaluation
ÉDITORIAL: NIKKI HALEY EN RD CONGO → UNE VISITE DÉCISIVE
1. UNE TRANSITION SANS KABILA: UNE OPTION ENCORE SUR LA TABLE
Le 17 octobre, dans une déclaration, le Coordonnateur du Front Républicain des Centristes, Chérubin Okende, a fustigé et rejeté en bloc le délai de 504 jours préconisés par la Commisson Électorale Nationale Indépendante (CENI) pour la tenue des élections, en les qualifiant de proposition fallacieuse et dangereuse. Il a accusé Corneille Nangaa de haute trahison.
Pour le Front Républicain des Centristes, toutes les institutions à mandat électif, devenues illégitimes, se maintiennent au pouvoir par le non respect de la Constitution et confisquent la souveraineté du peuple en contournant l’organisation des élections.
Le schéma de Chérubin Okende comporte deux séquences.
Dans un premier temps, le Peuple est appelé, en vertu de l’article 27 de la Constitution, à adresser une pétition au président de la République sortant, Joseph Kabila, lui exigeant de faire preuve de loyauté envers la République en démissionnant au plus tard le 04 décembre prochain à l’occasion de sa traditionnelle adresse sur l’état de la nation car, il a failli à ses responsabilités constitutionnelles au regard des dispositions de l’article 69 de la Constitution et exerce le pouvoir sans respecter les articles 70 et 73 de celle-ci.
Les Députés et les Sénateurs aussi devraient démissionner, car ils restent au pouvoir en violation des articles 103 et 105 de la Loi fondamentale.
Dans tous les cas, que les membres de ces institutions illégitimes acceptent de démissionner ou pas, le Front Républicain des Centristes exhorte le Peuple à proclamer un régime d’exception à partir du 1er janvier 2018 en vertu de l’article 64 de la Constitution.
En effet, devant un système constitutionnel malmené par le régime en place, la seconde séquence de ce schéma préconise un régime d’exception visant à réhabiliter l’ordre républicain de la Constitution du 18 février 2006 après une courte période intérimaire de cent quatre-vingt jours sans Joseph Kabila, sans les Députés et Sénateurs illégitimes, sans le CNSA, la CENI et le gouvernement dans leurs configurations actuelles. Ce régime prévoit une architecture circonstanciée et adaptée à une conjoncture exceptionnelle pour ne pas énerver la Constitution:
- Un Président de la République intérimaire: personnalité apolitique et crédible, prenant l’engagement de ne pas se présenter aux élections et de ne rien entreprendre dans le sens d’influencer le processus électoral;
- Un Haut-Conseil de la République, parlement intérimaire monocaméral, composé de cinquante-deux membres, dont vingt-six représentants des provinces, désignés par les forces-vives de chaque province et par les organisations socioprofessionnelles traditionnelles;
- Un gouvernement central intérimaire de vingt-six membres, désignés par les organisations socioprofessionnelles traditionnelles, ayant comme mission primordiale d’assumer la décrispation politique, la paix et la sécurité des populations ainsi que le financement du processus électoral et l’amélioration des conditions de vie et de travail des salariés, agents et fonctionnaires de l’Etat;
- Des gouvernements provinciaux intérimaires, de six membres au maximum, dirigés par des officiers militaires dont la loyauté républicaine n’est pas sujette à caution;
- Un comité international d’accompagnement de la période provisoire, à instituer par le Conseil de Sécurité des Nations Unies pour veiller à l’application effective des mesures de décrispation politique et pour appuyer l’accompagnement logistique et financier du processus électoral;
- Un Bureau de la CENI dont les membres seront à désigner par les Confessions religieuses;
- Tous les animateurs de ces institutions provisoires devront s’engager à travailler avec abnégation et à ne pas se présenter aux prochaines élections;
- Les parties prenantes à la dynamique de la «Transition sans Joseph Kabila» fixeront, par consensus, les mécanismes de la mise en place de ces institutions intérimaires.
Enfin, Chérubin Okende et le Front Républicain des Centristes lancent un appel pathétique à toutes les Forces-Vives de la nation (Confessions religieuses, Syndicats, Corporations des jeunes, Mouvements citoyens, Ordres professionnels, associations sportives et culturelles, partis et regroupements politiques) respectueuses de la Constitution et attachées à l’alternance démocratique à concrétiser le front commun pour la «Transition sans Joseph Kabila» et à agir à l’unisson pour la mobilisation du Peuple à se prendre effectivement en charge en vertu de l’article 64 de la Constitution et pour la sensibilisation de la communauté internationale en vue de l’accompagnement de ce régime d’exception.[1]
Le 24 octobre, dans une déclaration rendue publique par le président du Conseil des sages, Pierre Lumbi Okongo, le Rassemblement de l’Opposition / aile Limete
«1. réaffirme sa position exprimée lors de la clôture de son deuxième conclave selon laquelle Monsieur Joseph Kabila doit quitter le pouvoir au plus tard le 31 décembre 2017, afin de permettre la mise en place d’une transition citoyenne pacifique sans lui;
- constate que la direction actuelle de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) n’a été capable ni de publier un calendrier électoral, ni de confectionner à temps utile un fichier électoral pour permettre l’organisation rapide des élections. Elle s’est montrée totalement au service de la majorité présidentielle dont elle exécute les instructions, pour bloquer le processus électoral. Pour le Rassemblement, le changement des dirigeants actuels de la CENI est l’une des conditions sine qua non de l’organisation des élections véritablement démocratiques et crédibles;
- proteste énergiquement contre les restrictions des libertés des manifestations et des réunions publiques ainsi que la répression aveugle dont font l’objet les membres du Rassemblement ainsi que d’autres forces vives de la nation acquises au changement; (…)
- appelle tous les Congolais, de l’intérieur et de l’extérieur, à prendre la mesure de la gravité de la situation actuelle et à se mobiliser, pour que nous puissions gagner ce combat de notre génération. Puisque le devoir de l’article 64 de la Constitution s’impose à tous et à chacun de nous, Monsieur Kabila ne doit pas demeurer au pouvoir au-delà du 31 décembre 2017;
- demande enfin à tous les congolais à se préparer à répondre au mot d’ordre que nous allons lancer bientôt et à participer massivement à toutes les actions que nous allons entreprendre dans les jours et semaines à venir afin de reconquérir nos droits et libertés confisqués par Monsieur Kabila».[2]
Le 26 octobre, 129 associations, dont des Organisations non gouvernementales des droits de l’homme et des mouvements citoyens, ont adressé une correspondance à l’ambassadrice Nikki Haley, à qui ils demandent de peser de tout son poids pour une « transition citoyenne » en RDC après le 31 décembre de cette année, dirigée par une personnalité indépendante qui ne sera pas candidate aux prochaines élections. Voici la teneur de ce document:
«Alors que le pays tendait vers un processus démocratique devant permettre aux citoyens congolais d’élire un nouveau président en décembre 2016, conformément à la Constitution, le président Joseph Kabila a usé de tous les moyens politiques, y compris l’usage excessif de la force, pour faire taire toute voix qui réclamerait le respect de la Constitution. C’est ainsi que depuis janvier 2015, des centaines de Congolais sont tués, d’autres arrêtés arbitrairement, détenus au secret, ou jugés sur base d’accusations factices, pour avoir manifesté pacifiquement contre la modification de la loi électorale subordonnant les élections au recensement, appelé la CENI à publier le calendrier électoral ou s’être opposés au troisième mandat du président Kabila.
Le régime Kabila est à la base des foyers de tensions à travers le pays et d’une crise humanitaire sans pareille. À titre d’illustration, 80 fosses communes sont dénombrées au Kasaï, près de 2.000 morts et plusieurs disparus à Béni (Nord-Kivu), 500.000 déplacés internes dans la province de Tanganyika à cause du conflit entre pygmées et bantous, etc.
L’Accord politique du 31décembre 2016 qui prescrit l’organisation d’élections avant la fin décembre 2017 n’est pas mis en application. Les mesures de décrispation préconisant la libération des prisonniers politiques et l’ouverture des médias proches de l’opposition fermés, ne sont pas appliquées par le Président Joseph Kabila et son gouvernement. Ils ont usé de tous les moyens, afin de retarder le processus électoral et de poursuivre la répression politique à travers le pays.
Alors que la population congolaise aspire à une alternance pacifique, le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a récemment déclaré que les élections ne pourront se tenir que dans les 504 jours suivant la fin de l’enrôlement des Congolais de la diaspora. Cela démontre qu’ils ne veulent pas organiser les élections avant 2020, afin d’allonger au maximum le délai, en vue de préparer le terrain à un referendum. Dans cette perspective, ils sont en train de préparer l’adoption d’une loi réduisant la composition et le quorum de décision de la Cour Constitutionnelle. Entre temps, au sein du parti au pouvoir, plusieurs voix s’élèvent pour réclamer un referendum qui pourrait permettre au président Kabila de se maintenir au pouvoir ou de briguer un troisième mandat.
Afin de remédier à la mauvaise foi du Président Joseph Kabila et de ses partisans, qui utilisent la CENI comme moyen pour arriver à leur fin, la société civile congolaise a proposé, en août dernier, une transition citoyenne qui, dirigée par une personnalité indépendante qui ne se présentera pas lui-même comme candidat, puisse permettre l’organisation d’élections crédibles.
Nos organisations demandent aux partenaires internationaux, y compris le gouvernement américain, l’Union Européenne et la MONUSCO, de retirer, à compter de la fin du mois de décembre 2017, leur soutien à ce régime et à l’actuelle équipe dirigeante de la CENI, qui n’a pas l’intention d’assurer la tenue d’élections crédibles, et de ne plus considérer le Président Joseph Kabila et son gouvernement comme « Autorité légitime » pouvant représenter et engager la RDC et son peuple».[3]
2. L’AMBASSADRICE DES ETATS-UNIS A L’ONU, NIKKI HALEY, EN VISITE OFFICIELLE EN RDCONGO
a. Une longue série d’entretiens
Le 25 octobre, l’ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU, Nikki Haley, est arrivée à Kinshasa dans la soirée. Dans une tribune publiée sur le site de CNN, elle avait déjà expliqué les motifs de son déplacement. «Les États-Unis ont de nombreux intérêts dans ce pays africain déchiré par la guerre. Nos intérêts sont certes humanitaires, mais ils sont aussi économiques et stratégiques (…) Notre objectif est de servir les intérêts américains et d’aider les dizaines de millions de citoyens déplacés de la RDC à retourner chez eux en paix et à bâtir un avenir prospère pour leur pays et leur famille», avait-elle dit en regrettant que, dans son histoire récente, la RDC n’ait pas connu une alternance politique pacifique. Elle avait souligné l’incapacité du gouvernement congolais à venir en aide aux personnes en urgence humanitaire: «En RDC, le gouvernement ne peut pas fournir des services de base aux 8 millions de civils qui sont dans le besoin, dont 5 millions d’enfants. Le nombre de personnes déplacées a augmenté au cours de l’année dernière et le pays compte maintenant près de 4 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays».[4]
Le vice-président du G7 et membre du Rassemblement de l’Opposition, Christophe Lutundula, a dit attendre de l’ambassadrice qu’elle obtienne de Joseph Kabila «le respect de la Constitution de son pays et la mise en oeuvre de l’accord de la Saint-Sylvestre dans sa lettre et dans son esprit, comme l’a demandé par ailleurs la résolution 2348 du Conseil de sécurité des Nations unies, de manière à permettre aux Congolais d’élire leurs nouveaux dirigeants pour prendre en charge le destin national et promouvoir l’alternance».[5]
Le 26 octobre, après son arrivée dans la matinée à Goma, Nikki Haley, s’est rendue à Kitshanga, dans le territoire de Masisi, 80 kilomètres à l’Ouest de la ville de Goma (Nord-Kivu), pour visiter un camp de déplacés de guerre.
A Goma, quelques dizaines de cadres et militants des partis politiques de l’opposition ont procédé à un sit-in devant le quartier général de la Monusco. «Nous voulons demander à l’ambassadrice américaine et, à travers elle, à tout le conseil de sécurité des Nations unies, que, au 31 décembre 2017, monsieur Kabila ne soit plus reconnu pour représenter la RDC. Nous exigeons également quelques sanctions ciblées contre Kabila lui-même et contre tout son entourage», a affirmé le coordonnateur du Rassemblement au Nord-Kivu, Jean Baptiste Kasekwa, qui a lu un mémorandum à remettre à la diplomate américaine. Il a également demandé à la communauté internationale de faire pression pour que «les élections aient lieu dans le délai constitutionnel» et que «tous ceux qui répriment l’exercice des manifestations publiques soient sanctionnés».[6]
Le 26 octobre, le député Martin Fayulu a indiqué que le message du Rassemblement de l’Opposition à la diplomate américaine, Nikki Haley sera tranchant: «Plus de négociations avec Kabila. Il doit quitter le pouvoir». Pour le président de l’Ecide, «Kabila doit dégager pour avoir terminé ses deux mandats constitutionnels. Il s’érige en obstacle pour le processus démocratique et électoral. Si Kabila ne partait pas pacifiquement, le peuple va appliquer l’article 64 de la Constitution». Selon Fayulu, Nikki Haley doit désormais endosser l’idée d’une transition sans Kabila.[7]
Le 27 octobre, de retour à Kinshasa, Nikki Haley a rencontré le président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI). Aux questions directes de l’ambassadrice américaine à l’ONU, Corneille Nangaa a présenté l’état d’avancement du processus électoral, les raisons du retard et les différents scenarii pour arriver aux élections le plus tôt possible.
Par contre, Nikki Haley, a demandé à la CENI d’organiser les élections en 2018. «Il est important que l’on puisse organiser les élections en 2018. Le message a été clair: si les élections ne sont pas organisées en 2018, la RDC ne pourra plus compter sur l’appui de la communauté internationale et des Etats-Unis d’Amérique. Il est donc important que les élections se tiennent en 2018. C’est ce que nous avons fait savoir à la CENI», a déclaré Nikki Haley à la sortie de l’entrevue. Ces élections ne seront possibles que si toutes les parties prenantes donnent leur appui au processus électoral, a indiqué l’ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU, citant entre autres les évêques, et les partis politiques. «Mais le président de la République aussi doit dire que les élections doivent être organisées en 2018», a ajouté Nikki Haley. Elle a invité la CENI à publier un calendrier électoral contenant les dates précises pour chacun des scrutins. «Nous n’appuierons pas du tout, de quelque manière que ce soit, un calendrier électoral qui ne spécifie pas clairement que les élections se tiendront en 2018 au plus tard», a souligné Nikki Haley.[8]
Le 27 octobre, Nikki Haley, a rencontré les évêques de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO). Marcel Utembi et Fridolin Ambongo, respectivement Président et vice-président de la CENCO, ont participé à cette réunion qui tournait autour du processus électoral et de l’accord du 31 décembre 2016 dans son ensemble.
Selon un communiqué de la Cenco, les évêques ont demandé à la diplomate américaine de:
«1. Aider le peuple congolais à faire aboutir le processus électoral dans un délai convenable et acceptable par toutes les parties prenantes,
- Obtenir des acteurs politiques le respect effectif de la Constitution et l’application intégrale de l’Accord de la Saint-Sylvestre,
- Recommander à la CENI la publication rapide d’un calendrier électoral, réaliste et précis, qui permettra d’organiser des élections crédibles, transparentes et apaisées,
- Demander au chef de l’État un engagement explicite de ne pas se présenter comme candidat aux prochaines élections,
- Obtenir du pouvoir en place la cessation des répressions des manifestations pacifiques et des violations graves des droits humains ainsi que le respect des principes démocratiques,
- Encourager le Pouvoir à poursuivre, de manière substantielle, l’application des mesures de décrispations prévues dans l’Accord de la Saint-Sylvestre, qui constituent un préalable incontournable pour le démarrage d’un processus électoral apaisé,
- S’impliquer afin que le groupe d’experts désignés à la 72è Assemblée Générale des Nations Unies ait un pouvoir opérationnel au sein de la CENI».[9]
Le 27 octobre, en début d’après-midi, Nikki Haley s’est entretenue avec Félix Tshisekedi et Pierre Lumbi (Rassemblement de l’Opposition / aile Limete), Vital Kamerhe (Union pour la Nation Congolaise – UNC), Eve Bazaiba (Mouvement de Libération du Congo – MLC). Elle a réaffirmé sa position sur les élections en 2018, en ajoutant que la priorité devrait être donnée à l’élection présidentielle, étant donné que ce scrutin a pour unique circonscription le territoire national.
L’on sait que les trois opposants défendent au départ des visions différentes concernant les solutions de sortie de crise. Félix Tshisekedi, qui représente le Rassemblement de l’Opposition en sa qualité du président du Bureau politique, propose une « transition sans Kabila ». Eve Bazaiba, du Mouvement de Libération du Congo (MLC), se dit convainque que 200 jours suffisent pour organiser les élections, un délai qui maintient évidemment le président Kabila en place. Vital Kamerhe, qui a décidé de quitter le gouvernement, appelle de son côté à l’article 64 de la Constitution, mais d’abord à des concertations pour « des actions communes » entre opposants, une position qui avoisine celle du Rassemblement, mais des proches de Félix Tshisekedi ne font guère confiance au leader de l’UNC.[10]
Le 27 octobre, Nikki Haley a été reçue chez le président de l’Assemblée Nationale, Aubin Minaku. Au menu de cet entretien de plus d’une heure, les deux personnalités ont discuté principalement autour des lois qui doivent être votées en rapport avec le processus électoral: la révision de la loi électorale et la loi sur la répartition des sièges. «L’appui des Etats-Unis d’Amérique et du Conseil de sécurité de l’Onu dépendra des efforts fournis par le Parlement pour que les lois relatives aux élections soient votés le plus rapidement possible et que les élections se tiennent dans le délai le plus bref possible», a affirmé Nikki Haley, après son entretien avec le président de l’Assemblée nationale.[11]
Le 27 octobre, Nikki Haley a terminé sa visite officielle en RDCongo en rencontrant le Président de la République, Joseph Kabila. Au terme de cette rencontre, le ministre des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu, s’est limité à dire que «le tête-à-tête a duré deux heures. Au sortir de cet entretien, Nikki Haley a déclaré qu’elle était satisfaite de la rencontre».[12]
b. La réaction du président de la Commission Électorale
Le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Corneille Nangaa, a réagi aux déclarations de Nikki Haley, qui souhaite que la présidentielle se tienne en 2018. Nangaa a clamé l’indépendance de la CENI non seulement vis-à-vis des institutions nationales, mais aussi de la communauté internationale: «Nous sommes dans les consultations. Nous considérons aussi le point de vue de l’ambassadrice Nikki Haley, même si la CENI est une institution indépendante aussi de la communauté internationale. La CENI va, en toute indépendance, publier son calendrier électoral, mais entre-temps elle tient compte des avis des uns et des autres». Il n’a pas fixé une date pour la publication du calendrier électoral, mais il a signifié que ce dernier tiendra compte des contraintes aussi bien techniques que politiques.[13]
c. Les réactions de la majorité présidentielle
Un cadre de la majorité au pouvoir a affirmé que «Mme Haley, comme tout autre partenaire international, a le droit de donner son avis sur la situation dans notre pays, et nous acceptons volontiers cela. Mais ça ne doit pas aller au delà des simples recommandations. Ses paroles ne sont pas d’évangile. Il ne revient pas aux Etats-Unis de fixer la date des élections en RDC. La CENI seule est habilitée à élaborer un calendrier sur les élections. Et s’il y a des problèmes, les Congolais seuls devraient se parler pour trouver une solution».
Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, a déclaré que le gouvernement espère que les élections aient lieu le plus tôt possible, mais que c’est à la commission électorale de fixer la date: «Ce n’est pas au gouvernement ni à Mme Haley d’organiser les élections. Je ne pense pas que nous pouvons être soumis à ce genre de diktats».[14]
Dans une interview, le vice-Premier ministre et ministre congolais des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu, a déclaré que «on ne peut pas décréter une date pour organiser les élections. On organise les élections en tenant compte de tous les paramètres techniques, logistiques et financiers». Pour le ministre Okitundu, il y a aussi la problématique sécuritaire. «(…) Si d’après la Céni, toutes ces conditions sont remplies pour l’année prochaine, il n’y a pas de problème: les élections seront organisées», a-t-il dit. Okitundu s’offusque autant de la sortie de Mme Haley: «c’est quand même nécessaire d’écouter, un petit peu, le point de vue du pouvoir organisateur des élections, qui base l’élaboration du calendrier sur des données objectives et non pas imaginaires. S’il y a une recette magique pour que les élections soient organisées le plus rapidement possible, il faut qu’on nous le dise».[15]
d. Les réactions de l’Opposition
Après la visite de Nikki Haley, qui préconise l’organisation des élections en 2018, la Dynamique de l’opposition, plateforme membre du Rassemblement, insiste sur une transition sans Joseph Kabila après le 31 décembre 2017. Pour la Dynamique, «les élections crédibles et transparentes doivent être organisées au terme d’une transition sans Monsieur Joseph Kabila qui demeure le goulot d’étranglement du processus électoral congolais», dit le communiqué signé par son coordonnateur, Martin Fayulu Madidi. La Dynamique appelle le peuple congolais à la vigilance et aux actions pour pousser Joseph Kabila à quitter le pouvoir: «La Dynamique saisit cette occasion pour rappeler au peuple congolais qu’il est le seul maître de son destin et l’appelle ainsi à être vigilant et à multiplier les actions pour contraindre Monsieur Kabila à quitter le pouvoir au plus tard à la fin de l’année en cours».[16]
Le secrétaire général de l’Union Démocratique Africaine Originelle (UDA-O), Patrick Nsakala Malezi, estime que l’ambassadrice américaine aux Nations Unies, Nikki Haley, ne peut « imposer » sa vision des choses en rapport avec l’organisation des élections en République Démocratique du Congo. Dans une déclaration, le secrétaire général de l’UDA Originelle souligne que, avec Kabila, tout s’arrête au 31 décembre 2017: «Organiser les élections en 2018 est la thèse défendue par l’ambassadrice Nikki Haley. Nous la respectons, mais nous n’y souscrivons pas du tout. Madame Haley ne peut pas nous imposer sa vision des choses. La seule volonté du peuple congolais aujourd’hui c’est de voir Kabila quitter le pouvoir d’ici le 31 décembre 2017». Patrick Nsakala a par ailleurs souligné que l’UDA Originelle continue à mobiliser ses militants, pour que des actions d’envergure soient menées, afin de pousser Kabila à quitter le pouvoir au 31 décembre 2017.[17]
Dans une interview, le président du Conseil des Sages du Rassemblement de l’Opposition / aile Limete, Pierre Lumbi, a affirmé que l’opposition n’a pas a être d’accord ou pas avec la proposition américaine concernant la tenue des élections en 2018. Pierre Lumbi a affirmé que, si les élections ne sont pas organisées cette année, elles le seront sans le Président Joseph Kabila: «Chacun exprime sa position. Madame Nikki Haley a exprimé la position du gouvernement américain. Notre position est claire est nette: si, d’ici au 31 décembre, il n’y a pas d’élections ou s’il n’y a pas de signaux clairs, précis et avec des garanties de la communauté internationale que nous irons aux élections dans le meilleur délai, nous irons aux élections sans le président Joseph Kabila».[18]
Pour l’Alternance pour la République (AR), le départ de Joseph Kabila du pouvoir constitue l’élément qui va déclencher le retour rapide à la normalité démocratique contrariée par la non-tenue de la présidentielle en décembre 2016. Pour cela, l’AR est favorable à ce que l’élection présidentielle soit découplée des autres scrutins, notamment législatifs et provinciaux. Il s’agit d’un scénario évoqué aussi par l’ambassadrice à l’ONU, Nikki Haley, lors de sa rencontre avec les dirigeants de la Commission Électorale, car elle a proposé l’organisation des élections au plus tard en 2018.[19]
Au cours d’une conférence de presse, le coordonnateur provincial du Rassemblement de l’opposition du Haut-Katanga, Gabriel Kyungu wa Kumwanza, a fait savoir que sa plateforme politique n’a plus confiance aux actuels dirigeants de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Selon lui, «tant que Naanga sera là, il n’y aura pas d’élection».
C’est pour cela qu’il demande l’accompagnement de la communauté internationale pour organiser les élections en République démocratique du Congo (RDC). «Nous demandons à la communauté internationale de prendre ce pays entre les mains pour organiser les élections. Comme on l’avait fait après Sun city, la communauté internationale avait organisé une structure CIAT là où il y avait tous les ambassadeurs des grands pays c’est ça que nous voulons maintenant, afin qu’on aille aux élections», a plaidé Kyungu wa Kumwanza. Il a expliqué le sens de «la transition sans Kabila» soutenu par les opposants en ces termes: «Quand vous entendez dire transition sans Kabila, en clair, nous allons demander aux Etats unis d’Amérique, à l’Union Européenne et à tous les grands pays de ce monde, de prendre en main notre destinée, sinon les élections n’auront pas lieu».[20]
À propos de la position de Nikki Haley, le député Martin Fayulu a déclaré que: «Nikki Haley exige des élections en 2018, mais c’est à nous de savoir ce que nous voulons. Elle ne peut pas venir ici faire notre boulot. D’ailleurs on ne lui demande pas de faire notre boulot. Elle a donné sa position, mais la position des congolais est connue depuis longtemps. Nous avons dit au niveau du Rassemblement lors de notre deuxième conclave le 22 juillet qu’élections ou pas élections, à la fin de cette année, Monsieur Kabila doit partir (…) Le peuple congolais est décidé aujourd’hui à en finir avec Kabila. Vous avez vu le peuple burkinabé, il a bel est bien chassé Compaoré. Il n’avait pas l’article 64 dans leur constitution comme nous l’avons dans la notre. Cet article dit au peuple que vous avez droit de faire échec à un individu ou groupe d’individus qui veulent se maintenir au pouvoir par la force en violation de la constitution. Monsieur Kabila veut se maintenir au pouvoir par la force au delà du 31 décembre et nous disons non».[21]
Dans une conférence de presse organisée au siège de l’UDPS et relative l’entretient que l’opposition a eu avec Nikki Haley, ambassadrice des USA à l’ONU, le président du Rassemblement de l’Opposition, Félix Tshisekedi, a affirmé que le message de l’opposition est resté le même: une transition sans Kabila. «La transition sans Kabila est du domaine du possible, parce que c’est la volonté du peuple. Si le peuple se lève, la Chine, les USA et toute la communauté internationale ne pourront que se plier à la volonté du peuple», a-t-il dit.
Pour lui, Joseph Kabila ne peut plus se mêler ou être mêlé au processus électoral, car il a eu six ans de temps pour préparer et financer le processus électoral, mais il ne l’a pas fait. C’est pourquoi, «d’ici le 31 décembre 2017, le peuple congolais instituera un nouveau leadership consensuel sur pied de l’article 64 de la Constitution, pour le conduire aux élections», a précisé Félix Tshisekedi. Et de poursuivre: «pas question d’élections en 2019, les élections seront organisées en 2018 et au plus tard en juin». Félix Tshisekedi a déclaré que «le Rassemblement ne pense pas à un troisième dialogue. Mais si jamais un autre dialogue se tenait, cela ne devrait concerner que les conditions de départ de Joseph Kabila du pouvoir». [22]
e. Les réactions de la Société Civile
Le 29 octobre, dans un déclaration, le président de l’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ), Georges Kapiamba, a commenté la récente déclaration de l’ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU, Nikki Haley: «Nous rejoignons le point de vue de Nikki Haley, selon qui les élections doivent s’organiser d’ici la fin 2018. Nous sommes conscients que d’ici la fin de l’année 2017, il ne sera pas possible, techniquement, de les organiser». Il a rappelé que le régime en place pourrait continuer à monter des stratagèmes pour retarder davantage ces scrutins, mais il a affirmé que «il est possible d’organiser les élections dans les six mois, au plus tard au mois de juillet 2018». Selon lui, le gouvernement américain et la communauté internationale devraient soutenir l’idée d’une courte de transition sans Kabila à la tête du Pays et avec au gouvernement de nouveaux leaders issus de la Société civile, pour garantir la tenue effective de ces élections l’année prochaine. Quant au mode de désignation, l’ONG propose au secrétaire général des Nations-Unies de convoquer un forum réunissant les acteurs de la société civile, afin de choisir les animateurs de cette transition.[23]
Dans une interview, le Coordonnateur de la Nouvelle Société Civile Congolaise, Jonas Tshiombela, a affirmé que «la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) a cessé d’être une institution d’appui à la démocratie. Elle est désormais une institution d’appui au glissement. Comment voulez-vous avoir des élections avec l’actuelle CENI qui n’arrive même pas à proposer un calendrier électoral? Même en 2018, on n’aura pas d’élections avec cette CENI complice de la coalition au pouvoir». C’est pour cela qu’il propose une recomposition de la CENI, pour espérer avoir des élections en 2018, comme l’a suggéré Nikki Haley, ambassadrice des USA à l’ONU.[24]
f. Une première évaluation
L’ambassadrice américaine Nikki Haley a appelé à des élections en 2018. Mais en cautionnant un nouveau glissement du calendrier électoral, les Etats-unis offrent une année supplémentaire de pouvoir au président Kabila, laissant l’opposition congolaise seule à réclamer un scrutin pour la fin 2017.
Nikki Haley a bien tapé du poing sur la table, exigé des élections au plus vite, menacé de ne plus soutenir la RDC et brandi la possibilité de nouvelles sanctions mais, au bout du compte, le résultat de sa visite à Kinshasa est mitigé.
En avançant la date butoir de 2018, Nikki Haley offre sur un plateau ce qu’attendaient les autorités congolaises: une année supplémentaire de transition au président Kabila, dont le dernier mandat a pourtant expiré depuis le 19 décembre 2016. Si l’accord de la Saint-Sylvestre avait acté un premier report du scrutin pour décembre 2017, Washington a cautionné un second glissement, 2018, du calendrier électoral, alors que l’opposition congolaise se bat pour exiger des élections fin 2017 ou, au pire, une transition sans Joseph Kabila. En exigeant des élections en 2018, Nikki Haley acte par la même occasion que cette année supplémentaire de transition se fera de facto avec Joseph Kabila aux commandes. La diplomate n’a en effet obtenu aucun engagement sur les intentions du président congolais et notamment sur le fait qu’il ne se représente pas aux prochaines élections, comme l’exige la Constitution congolaise.
En poussant le curseur à 2018, l’ambassadrice américaine semble en fait ne contenter qu’un seul camp: celui de la majorité présidentielle. Nikki Haley n’a donné aucun gage à l’opposition congolaise qui se retrouve donc bien seule pour exiger le départ de Joseph Kabila, principal responsable, selon elle, du blocage du processus électoral.
Le très actif mouvement citoyen la Lucha (Lutte pour le Changement) estime désormais qu’il n’y a plus rien à attendre de la communauté internationale: «élections en 2016, 2017 et maintenant 2018? Quoique les autres pensent, si puissants soient-ils, c’est au peuple congolais que revient le dernier mot!», tonne le mouvement pro-démocratie. En clair, pour faire partir Joseph Kabila, il faudra s’en remettre à la rue.[25]
[1] Cf Le Phare – Kinshasa, 19.10.’17
[2] Cf Forum des As – Kinshasa, 26.10.’17 http://www.forumdesas.org/spip.php?article13576
[3] Cf mediacongo.net, 27.10.’17 http://www.mediacongo.net/article-actualite-31696.html
[4] Cf Actualité.cd, 21.10.’17
[5] Cf Politico.cd, 26.10.’17
[6] Cf Radio Okapi, 26.10.’17; Patrick Maki – Actualité.cd, 26.10.’17
[7] Cf Alphonse Muderhwa – 7sur7.cd, 26.10.’17
[8] Cf Radio Okapi, 27.10.’17; Actualité.cd, 27.10.’17
[9] Cf Zabulon Kafubu – 7sur7.cd, 27.10.’17
[10] Cf Actualité.cd, 27.10.’17; Politico.cd, 27.10.’17
[11] Cf Radio Okapi, 28.10.’17
[12] Cf Actualité.cd, 27.10.’17
[13] Cf Actualité.cd, 28.10.’17
[14] Cf Politico.cd, 28.10.’17
[15] Cf Politico.cd, 28.10.’17
[16] Cf Actualité.cd, 28.10.’17
[17] Cf Christine Tshibuyi – Actualité.cd, 28.10.’17
[18] Cf Politico.cd, 28.10.’17
[19] Cf Zabulon Kafubu – 7sur7.cd, 28.10.’17
[20] Cf Radio Okapi, 29.10.’17
[21] Cf Actualité.cd, 31.10.’17
[22] Cf Actualité.cd, 31.10.’17; Jeff Kaleb Hobiang – 7sur7.cd, 31.10.’17
[23] Cf Radio Okapi, 29.10.’17; Djodjo Vondi – Actualité.cd, 30.10.’17
[24] Cf Roberto Tshahe – Actualité.cd, 30.10.’17
[25] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia / Mediacongo, 30.10.’17