SOMMAIRE
ÉDITORIAL: 504 JOURS POUR PRÉPARER LES ÉLECTIONS? C’EST TROP!
- ÉLECTIONS: 504 JOURS APRÈS LA FIN DE L’OPÉRATION D’ENRÔLEMENT DES ÉLECTEURS?
- La déclaration du président de la Commission électorale
- Les réactions de l’Opposition
- Les réactions de la Société Civile
- Les réactions de la Majorité Présidentielle
- Quelques éclaircissements de la part de la Commission électorale
- LA DEUXIÈME RÉUNION TRIPARTITE CNSA, GOUVERNEMENT ET CENI
ÉDITORIAL: 504 JOURS POUR PRÉPARER LES ÉLECTIONS? C’EST TROP!
1. ÉLECTIONS: 504 JOURS APRÈS LA FIN DE L’OPÉRATION D’ENRÔLEMENT DES ÉLECTEURS?
a. La déclaration du président de la Commission électorale
Le 10 octobre, le président de la Commission Électorale National Indépendante (CENI), Corneille Nangaa, a annoncé que «la CENI a besoin d’au moins 504 jours après la fin de l’enrôlement, pour arriver au jour du scrutin». Cela signifie que les élections présidentielles, législatives nationales et législatives provinciales organisées en une seule séquence ne pourraient pas avoir lieu avant avril 2019 au plus tôt. Il l’a dit au cours d’un échange avec une délégation des responsables des organisations de la Société civile de Kinshasa. Il a également présenté toutes les activités que la CENI compte réaliser après la fin de l’enrôlement des électeurs dans le grand Kasaï: le vote de la loi portant répartition des sièges par l’Assemblée Nationale, l’inscription des candidatures, la commande, production, livraison et déploiement des kits (urnes, isoloirs, machines à voter) et des matériels dits sensibles (bulletins de vote), le recrutement et la formation du personnel, les scrutins, le vote et le dépouillement, le ramassage et le contentieux.
Corneille Nangaa a aussi annoncé que la CENI a déjà enrôlé 42.119.380 d’électeurs soit un taux de réalisation de 102,4%. Ce dépassement se justifie, selon lui, par la non prise en compte dans les prévisions de la CENI des «pré majeurs», des personnes nées au plus tard le 31 décembre 2000.
À travers une simulation de vote, Corneille Nangaa a aussi expliqué l’importance de l’usage de la machine à voter aux prochaines élections. D’après lui, la CENI va signer avec les organisations de la société un acte d’engagement pour la sensibilisation des électeurs à l’utilisation de cette machine à voter. Il a également fixé l’assistance sur le calendrier électoral, dont la publication dépendra aussi de l’adoption de la loi électorale.[1]
Au cours de son échange avec les délégués de la société civile, le président de la CENI, Corneille Nangaa a souligné la nécessité d’avoir ce délai de 504 jours pour mener certaines opérations indispensables à la tenue d’élections présidentielle, législatives nationales et provinciales.
Au total, huit activités sont envisagées par la CENI, après la fin de l’enrôlement des électeurs prévue en janvier 2018. Elles devraient être réalisées concomitamment avec le nettoyage du fichier électoral. Par exemple, pour avoir la loi sur la répartition des sièges par circonscription électorale, Corneille Nangaa prévoit 50 jours. Cette activité est suivie de la préparation pour l’inscription des candidatures, qui devrait se faire en 120 jours. Un exercice pas facile à faire, d’après Corneille Nangaa, les candidats étant estimés à 64 000 pour 600 partis politiques. Autres activités envisagées par la CENI, c’est la commande du matériel et kits électoraux, la production et livraison des matériels sensibles. A cela s’ajoute, le déploiement du matériel dans les sites de vote. En outre, il faut disposer du temps nécessaire pour le recrutement, la formation et déploiement des agents électoraux.[2]
b. Les réactions de l’Opposition
Le 11 octobre, le député Jean-Bertrand Ewanga, membre du Rassemblement de l’Opposition, a affirmé que «la tenue des élections est devenue un outil politique de Monsieur Kabila pour distraire le peuple … Ce n’est pas un problème de logistique. Ce n’est pas un problème d’argent. C’est un problème de quelqu’un qui cherche à tromper 80 millions de personnes. Le problème dans notre pays s’appelle Joseph Kabila. Il doit partir … Le Rassemblement ne le reconnaîtra plus comme chef de l’Etat” après le 31 décembre 2017».[3]
Le 12 octobre, dans une interview, le député national Claudel André Lubaya a affirmé que «le discours du président de la Ceni Corneille Naanga préfigure un coup d’État constitutionnel et il sert de détonateur à toute forme de contestation légale. L’UDA Originelle condamne fermement cette attitude qui n’est rien d’autre qu’une provocation de trop, une agression contre la patrie. Le président de la Ceni dit faire face à plusieurs contraintes, notamment d’ordre logistique et financier, mais il s’agit d’un discours connu d’avance et la même rengaine sert d’alibi pour perpétuer et justifier une gouvernance illégitime. Les pseudos contraintes font partie d’un plan d’ensemble dans lequel lui-même est l’inspirateur et l’acteur principal. Il portera la lourde responsabilité des conséquences qui découlent de son acte. Ce pays a suffisamment de moyens pour financer les élections. Seule la volonté politique fait défaut. Les scandales financiers à répétition le prouvent».[4]
Le 12 octobre, lors d’une conférence de presse, le président du Rassemblement de l’Opposition, Félix Tshisekedi, a déclaré que, «par cette déclaration, Monsieur Kabila et Corneille Nangaa ont déclaré la guerre au peuple congolais et se sont disqualifiés». Il a préconise la désignation, sous l’égide de la CENCO, d’un président de transition en remplacement de Joseph Kabila. Félix Tshisekedi a indiqué que les assises du Centre inter diocésain ne sont pas mortes: «Le cadre de l’accord de la Saint-Sylvestre n’est pas mort , on peut le ressusciter avec l’aide de la Cenco et on désignera le remplaçant de Joseph Kabila. Appelez ça troisième dialogue. Moi je ne suis pas dans la querelle des mots, à partir du moment où tout cela aura lieu après Joseph Kabila».[5]
Le 13 octobre, dans une interview, le député national Jean Baudouin Mayo Mambeke a accusé Corneille Nangaa, président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), d’avoir reçu pour mission de prolonger la permanence de Joseph Kabila au pouvoir, au détriment de la constitution. Le président interfédéral de l’UNC ville de Kinshasa a aussi déclaré qu’il revient au peuple de se prendre en charge, pour mettre fin au régime de Joseph Kabila.
À propos des 504 jours après la fin de l’enrôlement pour pouvoir organiser les élections, il a affirmé que, «quand nous sommes allé aux négociations à la Cité de l’Union africaine, Corneille Nangaa avait dit qu’il terminerait l’enrôlement en juillet 2017 et, de là, il aurait besoin de 504 jours pour tenir les élections. Nous n’avions pas accepté ça. Nous avions mené une rude bataille contre lui et nous avons réduit jusqu’en avril 2018.
Lui, il voulait que les élections ne se tiennent pas avant novembre 2018, nous avions dit que c’était trop loin. Nous voulions que les élections aient lieu au plus tard en décembre 2017. Et, après débats et négociations, on a trouvé bon en avril 2018. Cet accord n’a pas été exécuté, il a été remplacé par l’accord de la Saint-Sylvestre, où on est rentré au délai de décembre 2017. Maintenant, Nangaa, seul dans son bureau, va dire que les élections auront lieu dans les 504 jours après l’enrôlement du dernier électeur. Vous comprenez que nous sommes dans un pays déréglé, un pays où tout le monde est faiseur de lois. Nangaa n’a jamais rien fait pour qu’il y ait élection dans ce pays. Il ne fait que trouver des subterfuges pour renvoyer le plus loin possible les élections. La Ceni est devenue une institution de renvoi sine die des élections. La Ceni a pour mission d’organiser les élections mais elle refuse d’organiser les élections, et se donne la mission de repousser les élections, afin de prolonger le séjour de Kabila à la tête de la République démocratique du Congo».[6]
Le 14 octobre, au cours d’un point de presse organisé à Kinshasa, le secrétaire général adjoint du Mouvement de Libération du Congo (MLC), Fidèle Babala, a estimé que la déclinaison de toutes les opérations pré-électorales et électorales peuvent se réaliser dans un délai de 190 jours.
Fidèle Babala propose le chronogramme ci-après:
15 jours pour l’adoption de l’annexe à la loi électorale sur la répartition des sièges
21 jours pour le dépôt des candidatures
14 jours pour l’examen des candidatures et la publication par la CENI
7 jours pour le contentieux électoral à la CENI
1 jour pour la publication des listes définitives des candidats
68 jours pour le recrutement, la formation, le déploiement des matériels dans le bureau de vote
40 jours pour la production, l’impression, l’assemblage et la livraison des bulletins ainsi que les autres matériels aux bureaux de vote
3 jours pour la distribution des matériels, inclus les listes électorales et les bulletins de vote au centre de vote.
21 jours pour l’accréditation des témoins, observateurs et journalistes.
Le MLC a sollicité la tenue «toute affaire cessante» d’une réunion technique regroupant les parties prenantes, la CENI et les partenaires multilatéraux afin d’arrêter un calendrier consensuel conforme à l’esprit de la constitution et de l’accord du 31 décembre 2016.[7]
Le 14 octobre, dans une interview, le président de l’Engagement pour la Citoyenneté et la Démocratie (Ecide) et membre du Rassemblement de l’opposition, Martin Fayulu, a dit de soupçonner le président de la Commission électorale nationale et indépendante (Ceni), Corneille Nangaa, d’être de connivence avec le président de la République, Joseph Kabila.
Martin Fayulu a qualifié Corneille Nangaa de «marionnette placée à la tête de la Ceni pour exécuter les ordres de la Majorité présidentielle». «Nous ne reconnaissons pas la Ceni. C’est un instrument de Kabila. Il a placé Corneille Nangaa comme marionnette. Une marionnette, sans personnalité aucune, qui dit une chose et son contraire à la fois. Donc Kabila a placé Nangaa à la Ceni comme son porte-parole et le vrai patron de la Ceni, c’est Basengezi», a dit le président de l’Ecidé, en réaction aux récentes déclarations du président de la Ceni annonçant la tenue des élections 504 jours après la fin complète du processus d’enrôlement.
Martin Fayulu a dit s’attendre à l’application de l’article 64 pour «faire partir Joseph Kabila au plus tard le 31 décembre 2017». «Nous sommes dans une campagne de sensibilisation de la population pour lui dire qu’à un moment donné, nous allons donner le mot d’ordre notamment pour la désobéissance civile. Nous allons emboîter le pas au peuple burkinabè. Nous devons à tout prix utiliser l’article 64 de la constitution. Parce que c’est la constitution qui nous donne ce devoir de faire échec à tout individu qui veut prendre le pouvoir par la force», a expliqué Martin Fayulu.[8]
Le 16 octobre, dans une déclaration, l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), le parti de Vital Kamerhe, a rejeté, de la manière la plus catégorique, l’annonce du président de la CENI, Corneille Nangaa, qui affirme qu’il n’y aurait pas d’élections avant au moins avril 2019. De ce fait, L’UNC
«– Réaffirme son attachement à la Constitution et à l’Accord du 31 décembre 2016;
– Considère que le Président Nangaa s’est donné la mission de servir de caisse de résonance du régime en place;
– Considère que le Président de la CENI est allé au-delà des missions lui confiées par la Constitution et l’Accord du 31 décembre 2016, les violant ainsi manifestement;
– Exige de la CENI la publication, sans délai, du calendrier électoral, conformément à l’Accord du 31 décembre 2016;
– Réaffirme sa participation, avec les autres forces politiques et sociales et à côté du peuple congolais, à toutes les activités visant le respect de la Constitution et de l’Accord du 31 décembre 2016, en vue d’offrir au peuple des élections libres, transparentes et apaisées pour une alternance démocratique tant attendue
– Invite les forces politiques et sociales à adopter un plan d’actions commun, pour mobiliser le peuple, afin qu’il réclame son droit de se choisir ses dirigeants, en application de l’article 64 de la Constitution qui permet de faire échec aux stratagèmes du régime en place tendant à instaurer une présidence à vie dans notre pays».[9]
L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), principal parti de l’opposition, accueille favorablement l’offre de Vital Kamerhe, appelant à “adopter un plan d’actions commun” pour l’application de l’article 64. Pour Jean-Marc Kabund, secrétaire général de l’UDPS, son parti soutient “absolument” la proposition de Vital Kamerhe: «Nous pensons que tout congolais épris du sens de justice, de liberté et de démocratie, et qui peut apporter sa pierre à ce grand combat que nous voulons à tout prix gagner, pour l’intérêt général, avant la fin de cette année, est le bienvenu. Mais faudra-t-il que Monsieur Kamerhe, cette fois-ci, nous rassure qu’il sera constant du côté du peuple. Nous ne pouvons pas lui refuser son aide, c’est ce que nous avons toujours clamé, l’unité de l’opposition».[10]
c. Les réactions de la Société Civile
Le 13 octobre, le coordonnateur national de la Nouvelle société civile congolaise, Jonas Tshiombela, a exigé les démissions des leaders actuels de la CENI. D’après lui, les 504 jours dont a besoin la CENI pour la tenue des élections, ne sont qu’un prétexte pour retarder davantage l’organisation des élections, de connivence avec le pouvoir. «Pourquoi nous annoncer autant de jours, sans nous donner le calendrier qui planifie cette série d’activités qui les a poussés à nous dire qu’ils ne peuvent pas organiser les élections avant autant de jours?» s’interroge Jonas Tshiombela.[11]
Le 13 octobre, dans un communiqué, la Ligue contre la Corruption et la Fraude (LICOF) et alliés fustigent la décision de la commission électorale nationale indépendante (CENI) de repousser la tenue des élections en avril 2019 au plus tôt. Ils accusent la CENI et son animateur Corneille Nangaa d’obéir au schéma politique de Joseph Kabila et demandent aux Congolais de ne plus obéir à ce dernier après le 31 décembre 2017, date boutoir fixée par l’accord de la Saint Sylvestre 2016 pour l’organisation des élections. Ils rappellent que, à cette date, Joseph Kabila perdra automatiquement son statut de Président de la République Démocratique du Congo. Ils appellent les congolais à mener des actions de la rue et à la désobéissance civile conformément à l’article 64 de la constitution.
La LICOF et Alliés demandent aux congolais de retirer la confiance à Corneille Nangaa ainsi qu’à la CENI dans l’organisation des élections. Selon eux, Corneille Nangaa est devenu l’ennemi public du peuple congolais au même titre que Joseph Kabila. Ils exigent donc sa démission immédiate avec toute son équipe.
La LICOF et Alliés invitent la communauté internationale à s’impliquer davantage dans la recherche des solutions à la crise congolaise; demandent à la communauté internationale de sanctionner personnellement Joseph Kabila et de suspendre toutes coopérations avec les autorités congolaises qui, de toute évidence, sont illégitimes et illégales; appellent la Cour pénale internationale à engager des poursuites contre le président congolais, pour avoir organisé des répressions sanglantes et demandent aux USA et à l’UE de ne plus reconnaître Joseph Kabila en tant que Président de la République.[12]
Le 16 octobre, dans une déclaration publiée à Kinshasa, le Front pour le Respect de l’Accord de la Saint Sylvestre (FNRASS) et Congo en Marche ont exigé la démission de Corneille Nangaa de la CENI. Cela suite à la déclaration de Nangaa demandant 504 jours à partir de janvier 2018 ( fin de cette) pour organiser les élections. «Nous pensons qu’au stade actuel, la CENI à travers son Président Nangaa a montré ses limites, son amateurisme caractérisé par sa volonté de prolonger le maintien de Kabila au-delà de 2017. C’est pourquoi, Congo en Marche ensemble avec le Front pour le respect de l’Accord de la Saint Sylvestre rejettent déjà tout calendrier qui nous amènerait aux élections au-delà de 2017 et exigent la démission de Monsieur Corneille Nangaa», a déclaré Médard Kankolongo, Coordonnateur de Congo en Marche et du FNRASS, en demandant aussi à toutes les forces politiques et sociales de se mettre ensemble, pour des actions communes sur terrain.[13]
d. Les réactions de la Majorité Présidentielle
Le 12 octobre, la majorité présidentielle a de son côté considéré les propos de Corneille Nangaa comme une proposition qui tient compte des contraintes techniques. Dieudonné Mwenze, communicateur de cette plateforme au pouvoir, a rappelé que l’accord du 31 décembre 2016 en son point 4.2 donne la possibilité à ce que la CENI, le gouvernement et le CNSA puissent unanimement faire une évaluation et dégager le temps nécessaire pour le parachèvement et l’organisation des élections. «Tout le monde dit qu’il faut avoir de bonnes élections. C’est pour cela qu’il faut tenir compte de tous les impératifs nécessaires, pour que réellement l’on puisse avoir des élections à une date réaliste. Ce que nous attendons aujourd’hui c’est d’avoir des dates réalistes pour la tenue des élections et non des dates politiques, comme nous les avons eues à la Cité de l’Union africaine et au Centre interdiocésain», a fait remarquer Dieudonné Mwenze.[14]
Selon le porte-parole de la MP, André Atundu, «il faut être humble devant les contraintes techniques. Nous avons fait fi des recommandations de la CENI à la cité de l’Union africaine, de même au centre interdiocésain. Aujourd’hui nous sommes rattrapés par nos propres turpitudes imposées par le G7 et l’Opposition radicalisée du Rassop».[15]
Le 13 octobre, la Majorité présidentielle désapprouve la proposition de Félix Tshisekedi, président du Rassemblement, sollicitant l’implication de la CENCO pour désigner le remplaçant de Joseph Kabila, afin de diriger une transition sans Kabila après le 31 décembre 2017. Le conseiller politique du chef de l’État, Patrick Nkanga, a rejeté cette proposition. Pour lui, le pouvoir c’est les urnes. «Le pouvoir provient des élections et non des transitions conçues sur mesure dans l’on ne sait quel laboratoire!», a-t-il indiqué.[16]
e. Quelques éclaircissements de la part de la Commission électorale
Le 13 octobre, le rapporteur de la Commission nationale électorale indépendante (CENI), Jean Pierre Kalamba, s’est dit étonné des diverses réactions de certains observateurs après la demande de son institution, de 504 jours supplémentaires après l’enrôlement des électeurs, avant d’organiser les élections. Pour Jean Pierre Kalamba, cette demande n’est pas une nouveauté, car ayant précédemment fait l’objet des discussions avec les différents partenaires au processus électoral. Il a affirmé que «cette situation a été présentée à la Cité de l’Union africaine. Le 504 jours sont le produit d’un travail concerté: Ceni , Monusco , Pnud , OIF, UE et experts congolais. Au départ, la Ceni avait parlé de 621 jours par rapport au 31 juillet 2017 si on avait terminé le fichier. Ce délai a connu des modifications en faisant des délais compressées».
Kalamba croit que l’instauration de la machine à voter permettrait de gagner du temps et ainsi accélérer le processus. Il a donc précisé que «si on accepte la machine à voter, on peut réduire le temps de passation des commande et le temps de déploiement peut être absorbé, parce que nous avons déjà des machines. Le jour où nous terminons l’inscription, nous ne mettrons que des logiciels. Ce n’est plus l’heure de qui est responsable, qui a fait quoi. Ici c’est de chercher à voir comment réduire le temps sur certaines opérations du schéma critiqué».[17]
La question de 504 jours continue à soulever des inquiétudes. Le président de la CENI, Corneille Nangaa, a assuré que, techniquement, il est difficile d’organiser de bonnes élections sans tenir compte de toutes les contraintes et difficultés actuelles. Nangaa s’est dit, toutefois, ouvert aux nouvelles propositions convaincantes.
Mais, il faut inclure, dans son schéma, le vote des congolais de l’étranger. Selon lui, la CENI s’en tient à la loi. Et la loi prévoit le vote des congolais de la diaspora uniquement pour l’élection présidentielle. Vote qui passe préalablement par leur inscription sur les listes électorales. D’où, une période de 3 mois pour leur enrôlement, à la fin de l’opération d’enregistrement des électeurs en cours au Kasaï. Jurisprudence oblige. Même si, dit-il, leur enrôlement ne va pas freiner les autres opérations. La loi sur la répartition des sièges ne les concerne pas.
Le financement électoral aussi pose problème. Aux dires de Nangaa, il faut encore des millions de dollars pour tenir le pari. Jusque-là, le gouvernement n’a décaissé que 70 millions US. Dans les travaux en commissions, le gouvernement Tshibala doit dire combien va-t-il mettre pour les élections et dans quelle période. Une patate chaude pour l’Exécutif. Des moyens mobilisés et disponibilisés, dépendra l’organisation des élections. Les partenaires doivent aussi situer clairement leur niveau de contribution, pour permettre à la Commission électorale de bien fixer le chronogramme de ses opérations. Sur le plan logistique, la CENI de Nangaa ne compte que 2 avions mis à sa disposition par l’armée congolaise, en plus de deux autres de la Monusco pour l’acheminement des matériels électoraux alors qu’à l’époque de Malu Malu, il en avait plus de 100.
Dans ces conditions, «comment déployer dans un court délai tous les matériels électoraux dans un pays continent», s’est interrogé le président de la commission électorale. Plus, il y aura les moyens financiers et logistiques, plus le processus ira vite.[18]
2. LA DEUXIÈME RÉUNION TRIPARTITE CNSA, GOUVERNEMENT ET CENI
Le 14 octobre, le Premier ministre Bruno Tshibala a ouvert les travaux de la deuxième tripartite CNSA, GOUVERNEMENT et CENI. «Nous sommes réunis aujourd’hui pour procéder, comme le prévoit expressément l’accord politique du 31 décembre 2016, à l’évaluation du processus électoral. Il s’agira d’examiner le progrès déjà réalisé et d’identifier les obstacles qui empêchent la bonne tenue des élections. Comme cela avait été annoncé au mois d’août dernier, les présents travaux vont permettre à la CENI de disposer de tous les éléments nécessaires pour préparer dans le plus bref délai le calendrier électoral réaliste tant attendu par l’opinion nationale et internationale. Tous les congolais doivent désormais savoir que le temps des conciliabules, des petites réunions politiciennes tenues au pays ou à l’étranger pour distraire le peuple est défensivement terminé. Nous devons tous nous préparer pour aller aux élections», a indiqué le Premier ministre Tshibala. Il a précisé que le gouvernement d’union national qu’il dirige a pour mission principale d’organiser aux cours des prochains mois des élections crédibles, transparentes et apaisées.
De son côté le président de la Ceni Corneille Nangaa a affirmé que «cette démarche est en conformité avec l’accord du 31 décembre 2016 qui a clairement prévu que le gouvernement, la Ceni, et le CNSA puissent unanimement apprécier le temps nécessaire pour le parachèvement du processus électoral. Ces travaux vont permettre, après une évaluation approfondie de l’ensemble du processus électoral, de publier un calendrier réaliste». Le rapporteur de la commission électorale, Jean-Pierre Kalamba, a affirmé qu’aucun calendrier ne sera annoncé à l’issue de cette réunion tripartite GOUVERNEMENT-CENI-CNSA. Toutefois, à la fin de ces travaux, la Commission électorale annoncera à quelle date elle pourra publier le calendrier électoral.
Pour sa part, Joseph Olenghankoy, président du CNSA, a affirmé qu’il fera le nécessaire pour que les élections se tiennent à une date concertée.[19]
Pour le coordonnateur national du courant de pensée la Troisième voix, Mfumu Ntoto, «la possibilité de rater ou de manquer les élections au cours de cette année est prévue par les signataires de l’accord». Il fait savoir qu’on ne pourrait avoir le calendrier bientôt et qu’il faudrait attendre l’évaluation du processus électoral. «Nous allons évaluer l’opération d’enrôlement des électeurs. Ce n’est qu’après que nous allons prévoir une autre réunion tripartite, pour qu’ensemble nous voyions quelle est la date ou le délai raisonnable pour qu’on organise les élections», a indiqué Mfumu Ntoto, en ajoutant que les participants à cette tripartite vont évaluer le processus électoral dans sa phase de la révision du fichier électoral amorcée depuis le 31 juillet 2016 dans la province du Nord-Ubangi.[20]
Le 16 octobre, au cours de la plénière sur la tripartite Ceni-Gouvernement et CNSA, le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Corneille Naanga, a affirmé que son institution a déjà identifié plus de 160.000 doublons dans la province de Sankuru. Pour Corneille Nangaa, c’est le résultat d’un travail effectué à titre provisoire après l’enrôlement de plus de 42 millions d’électeurs. Pour le président de la CENI il y a des personnes qui se sont enrôlées plusieurs fois et dans plusieurs centres d’inscription. Selon lui, son institution va obtenir prochainement un système automatique d’identification pour mettre fin à cette situation: «Nous allons avoir un nouvel outil, un système automatique d’identification des enrôlés, pour permettre à la machine de détecter, de manière automatique, toutes les personnes qui se sont enrôlées deux ou trois fois. Actuellement nous avons des gens qui se sont enrôlés 48 fois et pour le faire ils doivent avoir été dans 48 centres d’enrôlement. Le système permet de faire des comparaisons à partir des empreintes digitales et de photos», a-t-il ajouté. Pour le président de CENI il faut attendre que tous les électeurs soient dans le système, mais un travail provisoire est déjà en cours.
À propos du financement de la communauté internationale, le président de la CENI a affirmé que avoir «signé un projet d’appui au processus électoral de 123 millions qui, jusque-là, n’ont jamais été donnés». Il n’a reconnu que des appuis logistiques apportés par la MONUSCO pour le déploiement des matériels pour les opérations d’enregistrement des électeurs ainsi que l’apport d’une cinquantaine d’experts internationaux qui travaillent en permanence avec la CENI et qui sont payés par leurs pays et/ou organismes respectifs. Corneille Nangaa a, par contre, souligné le financement par le gouvernement de la République, à hauteur de 320 millions USD, des opérations de révision du fichier électoral dont le budget d’élève à 400 millions USD.
Les travaux de la tripartite se sont poursuivis en trois commissions: «juridique et procédures opérationnelles», «logistique, budget et finances du processus électoral» et «administrative, politique et sécuritaire».[21]
A la tripartite sur l’évaluation du processus électoral, Corneille Nangaa, président de la CENI, s’est plaint des conditions dans lesquelles les élections se préparent. «Il y a une année, j’ai évoqué les 504 jours. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Je reste cohérent! Et si les conditions ne sont toujours pas réunies, même les 504 jours ne vont pas suffire», a-t-il dit.
Nangaa se réfère également sur l’implication matérielle et financière de la communauté internationale pour les élections précédentes. «En 2006, il y a eu 500 millions de dollars donnés par la communauté internationale. Il y avait aussi 450 experts internationaux, 108 avions mis à la disposition par la MONUSCO et par les pays voisins pour déployer le matériel électoral pour 25 millions d’électeurs. Aujourd’hui, nous sommes à 45 millions d’électeurs, 2 avions, et nous n’avons pas assez d’argent! Donnez plus d’avions, plus de moyens, et nous pourrons aller à moins de 504 jours», a-t-il ajouté devant les délégués à la tripartite.[22]
Le 18 octobre, les participants à la Commission juridique et procédures opérationnelles ont dit souhaiter que les opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs dans les Kasaï soient «boostées» dans le délai de la deuxième quinzaine du mois de janvier 2018, afin d’entamer la centralisation des données, la consolidation du fichier électoral et le dédoublonnage. Cette commission est dirigée par le rapporteur de la CENI, Jean Pierre Kalamba, qui est secondé de Mfumu Ntoto du CNSA. Corneille Nangaa a également participé aux travaux de cette commission.[23]
Le 18 octobre, à Kinshasa, la réunion tripartite CENI-CNSA-Gouvernement s’est clôturée tard dans la soirée. Dans le communiqué final, les trois parties ont recommandé à la CENI de publier sans tarder un calendrier électoral réaliste et de lancer l’enrôlement des Congolais de la diaspora. Elles ont aussi exhorté le Parlement à examiner « en priorité » la loi électorale et son annexe sur la répartition sièges, ainsi que la loi portant fonctionnement du CNSA.
Elles ont affirmé «avoir pris conscience des réalités du chemin critique des opérations qui vont suivre l’étape de constitution du fichier électoral, ainsi que des délais y relatifs, jusqu’à la tenue des scrutins et à l’installation des nouvelles institutions» et elles ont appelé le gouvernement à «poursuivre le financement du processus électoral et à fournir à la CENI les moyens logistiques disponibles». Dans son discours de clôture, le Premier ministre Bruno Tshibala a réaffirmé que, «à l’issue de ces travaux d’évaluation, la CENI dispose maintenant de tous les éléments nécessaires pour préparer et publier le calendrier électoral, en vue de paver et de baliser le chemin qui va conduire le peuple congolais vers les meilleurs élections de l’histoire récente du pays». Il a réaffirmé la détermination de son gouvernement de débloquer tous les moyens nécessaires à l’organisation des élections. En même temps, Bruno Tshibala a invité la communauté internationale à honorer ses propres engagements par rapport à ce processus. Mais, en attendant la «publication imminente du calendrier électoral», le Premier ministre a appelé le peuple congolais à rester calme et à défendre la paix, la stabilité et la concorde nationales.[24]
[1] Cf Actualité.cd, 11.10.’17; Radio Okapi, 11.10.’17
[2] Cf Radio Okapi, 14.10.’17
[3] Cf Politico.cd, 11.10.’17
[4] Cf Stanys Bujakera Tshiamala – Actualité.cd, 12.10.’17
[5] Cf Rachel Kitsita – Actualité.cd, 12.10.’17
[6] Cf Stanys Bujakera Tshiamala – Actualité.cd, 13.10.’17