SOMMAIRE
ÉDITORIAL: LE RASSEMBLEMENT DE L’OPPOSITION /AILE LIMETE → UN CONCLAVE POUR UN NOUVEAU PROGRAMME D’ACTIONS
- LE CONCLAVE DU RASSEMBLEMENT DE L’OPPOSITION
- LA PUBLICATION D’UN CALENDRIER POUR LES ÉLECTIONS DES GOUVERNEURS DE 11 PROVINCES
- MOÏSE KATUMBI CONVOQUÉ PAR LE TRIBUNAL DANS LE DOSSIER DE « SPOLIATION D’UN IMMEUBLE »
- DE NOUVELLES « AUTO-EXCLUSIONS » DE L’UDPS
ÉDITORIAL: LE RASSEMBLEMENT DE L’OPPOSITION /AILE LIMETE → UN CONCLAVE POUR UN NOUVEAU PROGRAMME D’ACTIONS
1. LE CONCLAVE DU RASSEMBLEMENT DE L’OPPOSITION
Le 21 juillet, le conclave du Rassemblement de l’Opposition / aile Limete n’a pas pu démarrer dans la matinée comme prévu. Les membres de cette plateforme politique ont été empêchés d’accéder dans la salle du centre Béthanie de Kinshasa, où devrait se dérouler la réunion.
Certains membres de ce regroupement politique de l’opposition attribuent cet incident aux forces de sécurité qui, d’après eux, disent «n’avoir pas été informées de cette manifestation pour l’autoriser».
Plusieurs personnalités de ce regroupement politique étaient déjà arrivées sur le lieu convenu. Il s’agit notamment de Pierre Lumbi du G7, de Martin Fayulu de la Dynamique de l’opposition ainsi que des délégués de l’UDPS et alliés.
L’objectif de cette rencontre est de «peaufiner des nouvelles stratégies pour exiger l’organisation des élections au plus tard le 31 décembre 2017 conformément à l’accord de la Saint Sylvestre et prendre des dispositions pour la gestion du pays après décembre 2017 si les élections ne sont pas organisées».[1]
Martin Fayulu a accusé le gouvernement congolais de restreindre les libertés individuelles: «Kabila veut à tout prix restreindre les libertés des Congolais (…) Depuis le matin nous sommes ici et on nous dit que l’ANR a demandé aux gérants de la salle de ne pas l’ouvrir. On a appelé les agents de l’ANR et ils nous disent qu’il nous faut une autorisation. Mais quelle autorisation? Ici nous sommes dans un lieu privé pas en public. Donc si nous n’ouvrons pas notre conclave c’est simplement parce que Kabila veut que tout le monde soit sous sa coupe, pas de liberté individuelle, pas de liberté collective, pas de liberté d’expression, mais lui a le droit de tout faire. Nous disons que ça c’est fini».[2]
Le Rassemblement a finalement ouvert son conclave de deux jours dans l’après-midi sous un hangar du centre Béthanie. Les travaux ont commencé à 13H00, soit six heures après l’heure prévue. Dans son discours d’ouverture, Félix Tshisekedi, président du Rassemblement a dressé un tableau sombre de la situation du pays sur le plan politique, économique, sécuritaire et social. Il a appelé les membres du regroupement politique qu’il dirige à plus de responsabilité dans les discussions afin d’élaborer « un plan de sortie de crise qui mettra l’intérêt du peuple en premier« .[3]
Le 22 juillet, la deuxième et dernière journée du deuxième conclave du Rassemblement de l’Opposition s’est tenue au siège de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), à Limete. A l’issue de ce 2è conclave, le Rassemblement de l’opposition a présenté sa nouvelle feuille de route de sortie de crise contenant plusieurs actions de rue à mener, à partir du mois d’août, pour exiger le respect de l’Accord de la Saint Sylvestre.[4]
Selon le rapport final du conclave, «l’objet de ce rendez-vous historique a été de définir une nouvelle feuille de route, ainsi que des stratégies adaptées aux réalités du moment, afin d’atteindre les objectifs du combat du Rassemblement de l’Opposition dans un contexte national marqué par la radicalisation du régime tyrannique de Joseph Kabila et l’aggravation dramatique de la crise politique, sécuritaire, économique et sociale qu’il a cyniquement provoquée pour demeurer au pouvoir, en violation de la Constitution de la République et contre la volonté du Peuple congolais. A travers leurs délégués, toutes les composantes du Rassemblement ont réitéré leur détermination inébranlable de combattre le régime Kabila qui a plongé la République Démocratique du Congo dans l’une des crises les plus aigües de son histoire, et d’obtenir l’organisation des élections libres, transparentes, inclusives et crédibles dans les conditions fixées par l’Accord politique global et inclusif du 31 décembre 2016 en vue de l’alternance politique».
Selon le Rassemblement de l’Opposition, «l’espoir de la fin de la crise suscité par l’Accord du 31 décembre 2016 s’est volatilisé. Ni l’esprit ni la lettre de cet Accord ne sont aujourd’hui respectés par Joseph Kabila.
En effet, après avoir nommé un Premier ministre de son choix à la place de celui présenté par le Rassemblement comme l’exige l’Accord de la Saint Sylvestre à sa clause III.3.3, Joseph Kabila a fait signer, le 27 avril 2017, un arrangement particulier inachevé et falsifié à sa famille politique et à ses alliés, en l’absence du Rassemblement et de la CENCO, médiateur attitré. Au surplus, ce document frauduleux a modifié l’Accord du 31 décembre 2016 dans ses clauses essentielles relatives à la nomination du Premier ministre et à la présidence du Conseil National de Suivi de l’Accord et du processus électoral confiée au Président du Conseil des sages du Rassemblement.
Les mesures de décrispation politique n’ont été appliquées qu’à compte-gouttes, de façon sélective et dérisoire. Moïse Katumbi reste contraint à l’exil par suite des procédures judiciaires dont, au surplus, le rapport d’enquête de la CENCO a démontré qu’elles étaient une mascarade, pour l’empêcher de se porter candidat à la prochaine élection présidentielle.
Diomi Ndongala, Jean-Claude Muyambo, Franck Diongo, Saphora Biduaya, Saa Sita, Jean-Baptiste Kasekwa, Huit Mulongo croupissent toujours injustement en prison.
A Kinshasa, à Lubumbashi et à Goma, pour ne citer que ces villes les plus illustratives de la terreur du régime actuel, des centaines des combattants de l’UDPS et des militants des partis du Rassemblement (MSR, ECIDE, UNAFEC, UNADEF…) sont détenus arbitrairement et torturés dans les geôles obscures de la police nationale (PNC), de l’Agence nationale des renseignements (ANR) et de la DEMIAP, toutes aux ordres du pouvoir.
Les restrictions aux libertés fondamentales ne sont pas encore levées et les droits de l’Homme font toujours l’objet des violations graves par les services de l’Etat en toute impunité. Les enlèvements, les arrestations et détentions arbitraires, les brimades et les tortures des opposants politiques ainsi que des acteurs de la société civile par les services de sécurité civile et militaire sont loin de cesser.
L’espace politique demeure confisqué, car les plates-formes et partis du Rassemblement sont toujours interdits d’activités politiques sur toute l’étendue du territoire national. Ils n’ont pas accès aux médias publics transformés en tribune de diffamation des opposants et de propagande du régime Kabila. Les médias proches du Rassemblement restent fermés.
Pour tout dire, la décrispation politique prescrite par l’Accord du 31 décembre 2016 est rangée dans le placard de tant d’autres engagements pris mais jamais honorés par Joseph Kabila».
C’est pourquoi le Rassemblement exige:
«i. l’abandon des poursuites contre Moïse Katumbi Chapwe, comme l’ont demandé la CENCO et le Comité du Haut-commissariat des droits de l’Homme des Nations Unies;
- la libération immédiate de Jean-Claude Muyambo, d’Eugène Diomi Ndongala, de Frank Diongo, Sephora Biduaya, Saa Sita, Jean-Baptiste Kasekwa, de Huit Mulongo, de tous les combattants et militants des partis politiques membres des composantes du Rassemblement ainsi que des acteurs de la société civile détenus par les services de sécurité et la Police nationale;
iii. la fin du dédoublement des partis politiques de l’Opposition;
- la libération totale et sans délai de l’espace politique et médiatique».
Concernant les élections, les participants au 2ième conclave du Rassemblement ont observé que «le processus électoral est toujours mis en mal par la seule volonté de Joseph Kabila qui, après avoir dévoyé l’Accord de la Saint Sylvestre prévoyant des mécanismes de contrôle et de suivi de ce processus, dicte la ligne de conduite aux dirigeants de la Commission Electorale Nationale Indépendante, CENI.
A cet égard, l’annonce de « l’impossibilité » de tenir une quelconque élection au courant de cette année fait, à Paris au début de ce mois de juillet 2017, avec beaucoup de suffisance, par Corneille Nangaa, Président de la CENI, en parfaite intelligence avec Joseph Kabila, a levé toute équivoque quant à la détermination de Joseph Kabila de ne pas laisser les élections se tenir à l’échéance convenue dans l’Accord du 31 décembre 2016 et au renvoi sine die des élections présidentielle, législatives et provinciales.
Ainsi, la perspective de l’organisation de ces élections en 2017 s’éloigne chaque jour davantage, ce qui surchauffe les esprits et exacerbe la tension politique dans le pays.
Le Rassemblement rappelle que l’Accord politique global et inclusif du Centre interdiocésain n’a prévu que la possibilité d’ajustement de la séquence électorale à trois scrutins initialement prévue, s’il advenait un cas de force majeure qui ne permettrait plus un couplage de la présidentielle, des législatives et de provinciales.
Le Rassemblement dénonce le cynisme et l’hypocrisie de Joseph Kabila et de sa famille politique qui prétendent appliquer l’Accord politique global et inclusif du Centre interdiocésain, alors qu’ils s’emploient chaque jour à le pervertir et à le vider de sa substance.
Le Rassemblement considère que, ce faisant, Joseph Kabila et les siens ont apporté, une fois de plus, la preuve qu’ils ne sont pas des interlocuteurs fiables. Ils ne respectent ni la Constitution et les lois de la République, ni les accords signés de plein gré, ni les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies».
Les participants au 2ième conclave ont adopté à l’unanimité les éléments fondamentaux de la nouvelle feuille de route du Rassemblement ci-après:
«1. Les élections justes, transparentes, inclusives, crédibles et pacifiques doivent se tenir au plus tard le 31 décembre 2017 conformément à l’Accord politique, global et inclusif du Centre interdiocésain de Kinshasa;
- A cet effet, le Rassemblement exige:
- l’exécution de toutes les mesures de décrispation politique convenues;
- l’audit et la redynamisation de la CENI pour renforcer son indépendance, sa neutralité, son impartialité et ses capacités;
iii. la publication, sans tarder, du calendrier électoral tenant compte de la date butoir du 31 décembre 2017 pour les scrutins présidentiel, législatifs et provinciaux, étant entendu que Joseph Kabila ne briguera pas un troisième mandat;
- la publication des résultats des opérations d’enrôlement des électeurs au plus tard le 31 juillet 2017 par la CENI comme elle s’y est engagée;
- la convocation de l’électorat au plus tard le 30 septembre 2017.
- Le Rassemblement rejette toute idée d’un éventuel troisième dialogue, véhiculée par Joseph Kabila et sa famille politique;
- Considérant que Joseph Kabila a délibérément bloqué le processus électoral et violé l’Accord de la Saint Sylvestre, le Rassemblement constate que se faisant:
– il a renoncé à la légitimité que seul cet Accord lui conférait et ne peut plus se prévaloir de la qualité de Président de la République;
– il n’est pas un interlocuteur crédible;
– il n’est plus possible d’organiser les élections avec lui à la tête du pays.
- Le Rassemblement demande à Joseph Kabila de libérer, sans délai le processus électoral et la mise en œuvre intégrale de l’Accord du 31 décembre 2016. Dans le cas contraire, le Rassemblement entend entreprendre, avec le Peuple congolais, sur pied de l’article 64 de la Constitution et des lois de la République, toutes les actions nécessaires jusqu’au départ de Joseph Kabila du pouvoir;
- Le Rassemblement informe le Peuple congolais que le programme des actions qu’il a arrêté comporte les étapes suivantes:
- Dès la clôture du Conclave:
- appel à la souscription pour l’organisation des obsèques du Président Etienne Tshisekedi wa Mulumba par une contribution financière volontaire de chaque Congolais de l’intérieur et de l’extérieur, d’ici au 31 août 2017, auprès de Monseigneur Gérard Mulumba. Les modalités pratiques seront communiquées incessamment;
- lancement de la campagne d’explication, de sensibilisation et de mobilisation du peuple à travers tout le pays;
iii. visite des centres d’enrôlement.
- A partir du 1er août 2017:
- poursuite de la campagne d’explication, de sensibilisation et de mobilisation du peuple à travers tout le pays.
- appel à observer 2 journées ville-morte les mardi le 8 et mercredi le 9 août iii. organisation des meetings populaires le dimanche 20 août 2017 dans les chefs-lieux et autres grandes villes des provinces ainsi que dans les 4 districts de la ville de Kinshasa.
- A partir 1er octobre 2017: à défaut pour la CENI de convoquer le corps électoral pour les scrutins électoraux prévus au 31 décembre 2017 au plus tard, les actions suivantes sont prévues et seront d’application jusqu’au départ de Joseph Kabila du pouvoir et du bureau de la CENI:
- appel au peuple congolais de ne plus reconnaître Joseph Kabila comme Président de la République et à la communauté internationale d’en faire autant;
- sit-in devant les bureaux de la CENI sur toute l’étendue de la République pour le départ de Corneille Nangaa et de tout son Bureau;
iii. lancement des actions de désobéissance civile en vertu de l’article 64 de la Constitution, notamment ne plus s’acquitter de tout impôt, taxes, redevances publiques, factures de la SNEL, REGIDESO …
- Subséquemment au départ de Joseph Kabila, la mise en place d’un dispositif approprié permettant l’organisation des élections dans les meilleurs délais s’impose.
- Le Rassemblement lance un appel à toutes les forces vives de la nation, partis politiques et associations de la société civile non seulement de se mobiliser pour participer activement aux actions de libération ci-dessus, mais aussi à prendre, de façon continue, toutes les initiatives d’actions pacifiques sur l’ensemble du territoire national en vue de:
- respect absolu de la Constitution;
- l’organisation des élections libres, transparentes, inclusives et crédibles au plus tard le 31 décembre 2017 dans les conditions prévues par l’Accord de la Saint Sylvestre;
iii. faire échec à la restauration de la dictature;
- l’obtention de l’alternance politique.
Dans cet ordre d’idées, le Rassemblement appuie l’appel aux manifestations publiques du 31 juillet lancé par la Lucha, les grèves organisées par le Syndicat National des Médecins et les fonctionnaires de l’Etat».[5]
2. LA PUBLICATION D’UN CALENDRIER POUR LES ÉLECTIONS DES GOUVERNEURS DE 11 PROVINCES
Le 18 juillet, à la demande du gouvernement, la Commission électorale a publié le calendrier de l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces du Bas-Uele, de l’Equateur, du Haut Katanga, du Haut Lomami, du Kasaï-Central, du Kwilu, de la Mongala, du Sud-Kivu, du Sud-Ubangi, de la Tshopo et de la Tshuapa. L’élection aura lieu le 26 août prochain.
Le calendrier prévoit le dépôt des candidatures du 21 au 25 juillet, la publication de la liste définitive des candidats le 12 août et la publication des résultats définitifs le 12 septembre.
Les gouverneurs de ces 11 onze provinces ont, pour la plupart, été déchus par leurs assemblées provinciales. Visés par des motions de défiance, certains n’ont pas été destitués, mais ils ne bénéficient plus de la confiance de leurs partis respectifs. C’est notamment le cas du Sud-Kivu et de la Tshopo.
Alors que tout le monde attendait le calendrier électoral sur la présidentielle, les législatives et les provinciales, la Commission électorale a publié un calendrier relatif à l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs dans 11 provinces. Une élection à suffrage indirect à laquelle prendront part des élus provinciaux illégitimes car largement hors mandat. Une élection sans grand intérêt dans le contexte politique actuel, tendu, marqué par la dernière sortie médiatique de son président Corneille Nangaa qui avait annoncé son impossibilité à organiser les élections à suffrage direct cette année sans dire quand il les organisera.[6]
Le 19 juillet, dans une interview, le député national UNC Jean-Baudouin Mayo a accusé la Commission électorale d’être inféodée à la majorité présidentielle. «Le calendrier électoral des gouverneurs des provinces publié par la CENI est révélateur de la soumission de cette dernière à la volonté de la MP. Comment comprendre un calendrier qui intègre l’élection des gouverneurs des provinces où il n’y a pas vacances? Tels sont les cas notamment des provinces du Sud-Kivu, de Kwilu, de Kwango, du Kasaï Central. La vacance au poste de Gouverneur intervient à la suite du décès du Gouverneur, de sa démission, d’une motion de censure ou de la révocation en bonne et due forme par le chef de l’État. Il se fait que dans certaines provinces, celles citées ci-hauts, l’opinion n’est pas informée de la vacance à leurs têtes, à part la CENI qui seule en est au courant. De là, la complicité entre elle et la MP s’exalte au grand jour. La CENI exécute la volonté de la MP qui veut à tout prix se débarrasser de certains de ses fouteurs pour les remplacer par d’autres», a dit le député Mayo. «Le calendrier attendu d’elle est celui qui programme les élections présidentielle, législatives nationales et provinciales au plus tard le 31 décembre 2017, conformément à l’accord de la Saint-Sylvestre», a ajouté Mayo Mambeke.[7]
L’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) s’étonne que l’élection du gouverneur du Kasaï-Central soit programmée, alors que l’actuel gouverneur Alex Kande est encore en fonction. «Le gouverneur Kande n’a jamais démissionné. Il n’a jamais été révoqué. Aucune motion n’a été votée contre lui ni contre son gouvernement. Aucune loi congolaise n’admet que dans pareille circonstance, on puisse organiser les élections dans notre province», explique Adrien Ilobakweyi, président provincial de l’ACAJ au Kasaï-Central. Il rappelle qu’Alex Kande, actuel gouverneur du Kasaï-Central, a un mandat électif auquel rien n’a mis officiellement fin. Adrien Ilobakweyi se demande ce qui peut conduire la commission électorale à organiser l’élection d’un nouveau gouverneur dans ces conditions. Depuis le début du mois de février 2017, Alex Kande a été convoqué à Kinshasa pour une « mission de service ». Depuis lors, il n’est plus retourné dans sa province.
Le sénateur Jacques Djoli, pour sa part, désapprouve l’organisation des élections dans les provinces où les gouverneurs ont été réhabilités par la Cour constitutionnelle après avoir été déchus par les députés provinciaux. Pour le sénateur Jacques Djoli, qui est également professeur de droit constitutionnel, l’organisation des élections des gouverneurs dans certaines provinces viole la constitution. Il cite le cas des provinces où les gouverneurs ont été déchus par leurs assemblées provinciales avant d’être réhabilités par la Cour constitutionnelle. Dans le calendrier des élections des gouverneurs, la commission électorale prévoit notamment d’organiser ce scrutin à la Tshuapa et dans le Haut-Katanga. Les gouverneurs de ces deux provinces (Cyprien Lomboto et Jean-Claude Kazembe) ont pourtant été réhabilités par la Cour constitutionnelle après leur destitution par les assemblées provinciales. «Il se pose un sérieux problème de constitutionnalité de la démarche de la CENI», déplore Jacques Djoli, rappelant que «les arrêts de la cour [constitutionnelle] s’imposent à toutes les institutions». Pour le sénateur, tant que ces gouverneurs n’ont pas déposé leurs démissions, «nous ne pouvons pas aller aux élections».
De son côté, le rapporteur adjoint la commission électorale, Onésime Kukatula, répond que son institution n’a fait que répondre à la demande du ministre de l’Intérieur d’organiser ces élections.
le rapporteur de la commission électorale, soutient que les élections des gouverneurs de 11 provinces s’organisent dans « un contexte de constat de vacances »: «La CENI a été notifiée par le ministre de l’Intérieur sur une constatation de vacances [à la tête de ces provinces]». Interrogé sur le fait que, dans certaines provinces où l’élection doit avoir lieu, les gouverneurs sont encore en fonction, il répond que la commission électorale ne fait que répondre à la « notification » du ministre de l’Intérieur: «La CENI a été notifiée par le ministre de l’Intérieur. C’est lui qui connaît les provinces qui connaissent des vacances. La CENI se contente de la notification». M. Kukatula précise que dans 8 provinces (Haut-Katanga, Haut Lomami, Kasaï-Central, Kwilu, Sud-Kivu, Sud Ubangi, Tshopo et Tshuapa), ce sont les gouverneurs et vice-gouverneurs qui seront élus. Dans les 3 autres (Equateur, Bas Uele et Mongala), seuls les vice-gouverneurs seront élus.[8]
3. MOÏSE KATUMBI CONVOQUÉ PAR LE TRIBUNAL DANS LE DOSSIER DE « SPOLIATION D’UN IMMEUBLE »
Le 20 juin, dans une correspondance adressée à l’un des avocats de Moïse Katumbi à Kinshasa, le procureur général de la République, Flory Kabange Numbi, lui a indiqué avoir retiré à l’ancien gouverneur du Katanga l’autorisation de séjourner à l’étranger pour des soins et lui avoir demandé de se présenter devant la justice congolaise. Cette autorisation lui avait été accordée le 20 mai 2016.
Dans cette correspondance, Flory Kabange Numbi, a expliqué cette décision par le fait que Moïse Katumbi «n’a pas observé le devoir de réserve qui lui était imposé en ce qui concerne les faits ayant donné lieu à l’instruction du dossier judiciaire en cours», [celle relative au recrutement présumé de mercenaires étrangers, NDRL]. Par conséquent, «Katumbi est tenu, dès réception de la présente, de se présenter devant le magistrat instructeur», conclut-il.
Cette décision du parquet général de la République intervient quatre jours seulement après la publication de la lettre du Haut-commissariat aux droits de l’homme des Nations unies demandant à Kinshasa de prendre les «mesures nécessaires» afin de permettre à Moïse Katumbi de rentrer au pays en homme libre et de participer à la présidentielle à venir.
Le camp Katumbi dénonce un « montage grotesque » et un « acharnement » du régime en place à Kinshasa.[9]
L’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) a demandé au Procureur général de la République d’abandonner les poursuites judiciaires contre Moïse Katumbi et de libérer les autres personnes qui sont détenues à la prison centrale de Makala dans la cadre de l’affaire de recrutement des mercenaires. Selon le président de cette ONG de défense des droits de l’homme, Georges Kapiamba, ce dossier n’est rien d’autre qu’un montage politique.
Me Kapiamba estime que l’autorisation de sortie pour des soins accordée par le PGR à M. Katumbi le 19 mai 2016 comporte des conséquences juridiques et il affirme que, «en son absence du pays, aucun acte ne pouvait être posé contre lui, ni condamnation prononcée, puisqu’il était autorisé par le ministère public, organe des poursuites, à se faire soigner. Juridiquement, le parquet ne pouvait pas requérir contre lui ni défaut [contumace], ni condamnation». Enfin, il a appelé aussi les autorités de la RDC à respecter la décision du Comité des droits de l’homme des Nations unies qui leur demander d’autoriser Moïse Katumbi à rentrer au pays en toute liberté.[10]
Le 19 juillet, au Tribunal de Grande Instance (TGI) de Lubumbashi (Haut-Katanga) on a débuté l’audience publique en appel dans une affaire de spoliation immobilière opposant Moïse Katumbi au ministère public et à Emmanuel Alexandros Stoupis. Le tribunal devait examiner l’appel introduit par Moïse Katumbi contre la décision du tribunal de paix de la ville qui, en juin 2016, l’avait condamné, en son absence, à trois ans de prison.
L’ancien gouverneur du Katanga a été convoqué au tribunal, à Lubumbashi, alors qu’il se trouve toujours en exil depuis plus d’une année. Mais en appel, sa comparution personnelle n’est pas obligatoire. Déjà avant l’ouverture de l’audience, les avocat de Moïse Katumbi ont récusé 29 des 30 juges du tribunal de grande instance de Lubumbashi, les soupçonnant d’avoir subis des pressions de la part des services de sécurité. Ils souhaitent que l’affaire soit jugée dans une autre juridiction. «En siégeant, nous avons estimé que la cour violait la Constitution», argumente pour sa part Me Joseph Mukendi, l’un des avocats de la défense qui conteste la compétence de cette juridiction.
Durant les quelque cinq heures d’audience, on a abordé plusieurs question de procédure. Les avocats de la défense ont contesté la saisine même du tribunal au motif que la notification n’avait pas été envoyée en Belgique où vit Moïse Katumbi, mais à son adresse de Lubumbashi, où il ne vit plus depuis un certain temps. Exception rejetée par le tribunal. Rejetée aussi la récusation de la quasi-totalité des magistrats du TGI dont les avocats de l’opposant mettent en doute l’impartialité. «Du jamais vu», selon Me Ambroise Kamukuny, avocat d’Emmanuel Stoupis opposé à Moïse Katumbi dans ce dossier et qui dénonce les «exceptions soulevées à tout bout de champ» et les «manœuvres dilatoires» de la défense.
Enfin, les avocats de la défense de Moïse Katumbi ont sollicité au ministère public de surseoir le procès en appel, en estimant que les juges siégeant dans cette affaire sont “incompétents” et ont demandé d’apporter le dossier en cassation devant la Cour constitutionnelle à Kinshasa. C’est ainsi que les avocats de l’ancien gouverneur du Katanga ont fait une déclaration de pourvoi en cassation demandant au tribunal de se dessaisir de ce dossier. Mais le tribunal n’a pas répondu à cette requête. La défense a donc introduit une exception portant sur l’inconstitutionnalité des actes posés par le tribunal qui n’a pas considéré, selon elle, la déclaration de pourvoi en cassation.[11]
Le 20 juillet, au cours de son audience, le Tribunal de grande instance de Lubumbashi a décrété la surséance dans le dossier en appel opposant Moïse Katumbi à Emmanuel Alexandros Stoupis, dans l’affaire de spoliation de maisons. Cette surséance fait suite à l’exception d’inconstitutionnalité soulevée la veille par les avocats de la défense de Moïse Katumbi et portant sur la non prise en considération du pourvoi en cassation déposé par la partie accusée. Dorénavant, l’affaire est portée devant la Cour constitutionnelle pour départager les parties au sujet de cette exception d’inconstitutionnalité.[12]
Le Tribunal de Grande Instance de Lubumbashi (Haut-Katanga) s’est, donc, dessaisi de l’affaire opposant Moïse Katumbi au ministère public et à Emmanuel Alexandros Stoupis. Le TGI sursoit (suspend) donc les procédures enclenchées, pour permettre à la défense d’aller en cassation devant la Cour constitutionnelle à Kinshasa, conformément à l’article 162 de la constitution qui autorise le recours à une juridiction supérieure (Cour constitutionnelle) pour cassation des procédures en cours.
La défense de Moïse Katumbi avait notamment soulevé l’exception d’inconstitutionnalité de la note circulaire du premier président de la Cour suprême de justice, interdisant à tous les greffiers de recevoir les récusations dites fantaisistes, au motif qu’elles freineraient la bonne administration de la justice.[13]
Dès l’ouverture de ce procès en appel, les avocats de Moïse Katumbi avaient récusé la quasi-totalité (28 sur 29) des juges du tribunal, à l’exception de son président, car ils les soupçonnaient de partialité. Exception rejetée par le tribunal qui a invoqué une circulaire de la Cour suprême de justice. La défense a alors soulevé une exception d’inconstitutionnalité contre cette circulaire et, donc, contre la décision du tribunal de continuer le procès avec des juges récusés. Requête entendue cette fois par les juges de Lubumbashi. C’est donc à la Cour constitutionnelle de dire si cette fameuse circulaire viole ou non la Constitution. L’arrêt déterminera la suite du procès.[14]
Pour rappel, le 22 juin 2016, un tribunal de paix de Lubumbashi donne raison à Emmanuel Stoupis qui accuse Moïse Katumbi de faux et usage de faux dans l’acquisition d’un immeuble. Il s’agit d’un immeuble qui, selon lui, aurait dû lui revenir en héritage. Aussitôt, Moïse Katumbi, qui clame son innocence, fait appel. Quelques semaines plus tard, Chantal Ramazani Wazuri, la présidente du Tribunal de paix, se rétracte et demande qu’on retire sa signature du jugement de condamnation. «J’ai signé sous la menace. Tout ça pour lui interdire de se présenter à l’élection présidentielle», déclare-t-elle. Chantal Ramazani Wazuri a depuis demandé et obtenu l’asile politique en France.
Pour qualifier ce procès, les évêques de la Cenco ont employé le terme de «mascarade». Un terme que conteste le gouvernement qui estime qu’il s’agit simplement d’un différend qui oppose deux justiciables. Moïse Katumbi est sous la menace d’un autre procès pour atteinte à la sûreté de l’État sur des soupçons de «recrutement de mercenaires».[15]
4. DE NOUVELLES « AUTO-EXCLUSIONS » DE L’UDPS
Le 26 juin, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) a annoncé « l’auto-exclusion« de dix-neuf membres du parti qui ont rejoint Bruno Tshibala.
«Après débat et délibérations, il est fait constat d’auto-exclusion des membres du parti ci-après: Aristote Kitenge Kumba, Macotty Tungunga, Kichinja Osako Dieudonné, Maurice Muyananu, François Kongolo, Pirre Samanda, Rosalie Tubiangane, Gilbert Cibangu, Jean-Baptiste Mwampata, André Kayembe, Sylvain Kamulombo, Oly Ilunga, Alfred Ndinga, Astrid Mayinga, Joseph Kapika, Bruno Ntumba, Dori Dumbi, Ismael Mbuyi et Felly Fambwa», a dit l’UDPS dans son communiqué. Le parti politique du défunt Étienne Tshisekedi reproche à ces membres « auto-exclus » de prendre part au gouvernement conduit par le Premier ministre Bruno Tshibala. Un gouvernement, d’après l’UDPS, établi en violation de l’accord du 31 décembre. «En conséquence, il est désormais interdit [à ces membres auto-exclus] d’engager le parti, de parler en son nom, d’utiliser sa dénomination, ses insignes et logos (…) sous peine des poursuites judiciaires», a conclu l’UDPS dans son communiqué.[16]
Le 29 juin, les 19 anciens cadres de l’UDPS, dont 2 ministres, ont dit avoir saisi la commission de discipline du parti pour statuer sur «le caractère illégal» de la décision prise par le secrétaire général du parti, Jean Marc Kabund, les excluant du parti. Dans une déclaration, ces personnes promettent également de saisir la justice contre Jean-Marc Kabund pour «violation de la loi portant organisation et fonctionnement des partis politiques».[17]
Le 1er juillet, un de secrétaires nationaux exclu de l’UDPS, Doris Dumbi, a déclaré que, «au sein du parti il y a certains problèmes qui devraient se résoudre au niveau du parti même. Voilà pourquoi on demande un conclave. Une pétition est déjà en cours pour sa convocation». Selon Doris Dumbi, la pétition a déjà récolté plus de 10.000 signatures et vise à obtenir la convocation d’un conclave, afin de permettre au parti de se doter d’un directoire provisoire collégial chargé de nommer un nouveau secrétaire général. La pétition a été initiée par la «base» du parti et certains cadres proches du premier ministre Bruno Tshibala, lui aussi exclu du parti. Pour ce groupe, le secrétaire général Jean Marc Kabund demeure le grand problème pour la stabilité du parti. Depuis le décès d’Étienne Tshisekedi, plusieurs anciens cadres du parti lancent des appels pour la convocation d’un conclave, mieux d’un congrès, afin que le parti se choisisse de nouveaux dirigeants. Du côté des responsables actuels de l’UDPS, on dit attendre l’enterrement du président du parti Étienne Tshisekedi décédé depuis le 1 février 2017 à Bruxelles.[18]
Le 19 juillet, la secrétaire générale adjointe de l’UDPS, Rose Boyata, a annoncé que le Congrès de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (Udps) ne pourra être organisé qu’après l’enterrement de son défunt président, Étienne Tshisekedi. Rose Boyata a mis en garde les exclus du parti qui annoncent la tenue imminente du Congrès alors que les obsèques et l’enterrement de son leader n’ont pas encore eu lieu. Parmi les exclus, elle a cité l’ actuel Premier ministre Tshibala, Samy Badibanga, Valentin Mubake et Corneille Mulumba.[19]
[1] Cf Radio Okapi, 21.07.’17
[2] Cf Christine Tshibuyi – Actualité.cd, 21.07.’17
[3] Cf Stanys Bujakera – Actualité.cd, 21.07.’17
[4] Cf Jeff Kaleb – 7sur7.cd, 23.07.’17
[5] Cf Texte complet: Le Phare – Kinshasa, 24.07.’17 http://www.lephareonline.net/severe-avertissement-rassemblement-a-kabila/
[6] Cf Radio Okapi, 19.07.’17; 7sur7.cd, 19.07.’17
[7] Cf Stanys Bujakera – Actualité.cd, 19.07.’17
[8] Cf Radio Okapi, 20.07.’17
[9] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 28.06.’17
[10] Cf Radio Okapi, 02.07.’17
[11] Cf Radio Okapi, 19 et 20.07.’17; RFI, 19.07.’17
[12] Cf Radio Okapi, 20.07.’17
[13] Cf José Mukendi – Actualité.cd, 20.07.’17
[14] Cf RFI, 20.07.’17
[15] Cf RFI, 19.07.’17
[16] Cf Will Cleas Nlemvo – Actualité, 27.06.’17
[17] Cf Stanys Bujakera – Actualité.cd, 29.06.’17
[18] Cf Stanys Bujakera – Actualité.cd, 01.07.’17
[19] Cf mediacongo.net, 19.07.’17