Congo Actualité n. 312

SOMMAIRE

  1. APRÈS PLUS D’UN MOIS DU DÉCÈS DE ÉTIENNE TSHISEKEDI
    1. Des funérailles pas encore prévues
    2. Le contenu de la lettre d’Etienne Tshisekedi au Président Kabila reste encore un mystère
    3. L’apparition d’une «autre» première et dernière lettre d’Étienne Tshisekedi au Président Joseph Kabila
    4. Dans le contexte du débat sur les modalités de la désignation du nouveau Premier Ministre
    5. La question de la succession à la présidence de l’UDPS
  2. LA COMMISSION ÉLECTORALE ET L’OPÉRATION D’ENRÔLEMENT DES ÉLECTEURS

 

1. APRÈS PLUS D’UN MOIS DU DÉCÈS DE ÉTIENNE TSHISEKEDI

 

a. Des funérailles pas encore prévues

 

Dans une correspondance adressée au gouverneur de Kinshasa, la famille Mahamba s’oppose à la proposition du secrétaire général de l‘UDPS sur une probable inhumation de Tshisekedi au site Pont Cabi. M. Mahamba Kasiwa, qui se réclame être le fils d’Alexandre Mahamaba, l’un des martyrs de la pentecôte, évoque une probable implication du feu Tshisekedi dans ce massacre pour justifier son refus. « … en date du 2 juin 1966, les 4 martyrs de la pentecôte, en l’occurrence Evariste Kimba, Jérôme Anani, Emmanuel Bamba et Alexandre Mahamba ont été exécuté à la place Pont Cabi pour une conjuration dont ils étaient totalement innocents et dont monsieur Tshisekedi Wa Mulumba avait joué un rôle on ne peut plus important», lit-dans la correspondance.

Selon la famille d’Alexandre Mahamba, cette proposition de l’UDPS est une forme de mépris à l’égard de la mémoire de 4 martyrs disparus en 1966. «Nous sommes en possessions des évidences qui laissent entrevoir sans l’ombre d’un doute que le prénommé a fait parti de bourreaux qui ont mis un terme à la vie de ces 4 dignes fils de ce pays. Voila pourquoi nous considérons la requête du secrétaire général de l’UDPS comme un acte de mépris à l’égard de la mémoire des illustres disparus et une volonté délibérées de falsifier et d’effacer l’histoire de notre pays », poursuit la lettre.[1]

 

Le 24 février, le gouverneur de la ville de Kinshasa, André Kimbuta, a annoncé avoir trouvé un accord avec la famille biologique d’Étienne Tshisekedi, pour que son inhumation soit faite dans un carré spécial de 500 m² en cours d’aménagement, situé entre les entrées principale et latérale du cimetière de la Gombe, en plein centre de la capitale congolaise.

Selon le Porte-parole de l’Udps, Augustin Kabuya, le parti n’a pas été officiellement « informé » par le gouverneur André Kimbuta, dit tout de même « prendre acte » de cette décision, mais réitère son refus de voir l’actuel gouvernement Badibanga organiser les funérailles d’Étienne Tshisekedi.[2]

 

Le 28 février, dans un communiqué, Mgr Gérard Mulumba et Mme Marthe Kasalu, respectivement frère cadet et épouse de feu Etienne Tshisekedi, ont annoncé que la dépouille d’Etienne Tshisekedi arrivera à Kinshasa le samedi 11 mars. «Après concertation entre la famille et l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), nous avons donc pris la décision d’informer l’opinion tant nationale qu’internationale ce qui suit: nous acceptons que la dépouille du président Etienne Tshisekedi soit inhumé dans un premier temps à la Gombe, puis à l’endroit qui sera désigné pour ériger son mausolée dans les jours à venir. Nous avons pensé ramener le corps du président Etienne Tshisekedi à Kinshasa le samedi 11 mars 2017», indique le communiqué, selon lequel «le reste du programme d’inhumation, de la tenue et de la clôture du deuil sera communiqué très prochainement». La famille d’Etienne Tshisekedi sollicite «l’implication des éléments de la MONUSCO aux côtés des combattants de l’UDPS et de la police nationale pour sécuriser les personnes et leurs biens lors de l’arrivée de sa dépouille à Kinshasa».

L’UDPS, parti dont Etienne Tshisekedi était président, prend acte de cette décision de la famille. Son porte-parole, Augustin Kabuya, a affirmé que, «aujourd’hui, la famille a sorti un communiqué précisant que le corps sera rapatrié le 11 mars. En ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas engager une discussion. Nous serons toujours derrière la position affichée par la famille du président Tshisekedi».[3]

 

Le 6 mars, Mgr Gérard Mulumba, frère cadet de feu Étienne Tshisekedi, a révélé que la dépouille d’Étienne Tshisekedi ne sera plus rapatriée à Kinshasa le 11 mars prochain comme annoncé par la famille même le 28 février dernier. Selon Mgr Gérard Mulumba, la famille biologique n’est plus d’accord pour l’inhumation de Tshisekedi au cimetière de Gombe comme proposé par l’hôtel de ville de Kinshasa. «Nous avons pris cette décision, car l’ensemble du parti [UDPS] est contre cet endroit et nous nous alignons sur ce point de vue, nous allons négocier [avec les autorités] pour un autre endroit», a-t-il expliqué. Mgr Gérard Mulumba a aussi demandé aux autorités de Kinshasa de stopper les travaux sur le site d’inhumation d’Etienne Tshisekedi au cimetière de la Gombe (Kinshasa). Le rapatriement des restes mortels d’Étienne Tshisekedi est donc reporté sine die.

Un cadre de l’UDPS qui a requis l’anonymat a déclaré que «la raison est simple: le mercredi 1er mars, après des troubles au siège de l’UDPS suite à la protestation des « combattants » contre l’enterrement de Tshisekedi à Gombe, la base de l’UDPS a rejeté le compromis entre l’hôtel de ville de Kinshasa et la famille biologique, pour que le président soit enterré au cimetière de Gombe». Les militants de l’UDPS exigent qu’il soit inhumé dans un mausolée qui doit être construit soit au siège de leur parti, soit au palais de justice à Gombe, soit au palais du peuple ou à Pont Gabi dans la commune de Kasa Vubu. Ils exigent aussi que les obsèques d’Etienne Tshisekedi soient organisées après la mise en place du nouveau Gouvernement conformément à l’accord du 31 décembre. Des sources internes de l’UDPS renseignent que la dernière tendance est à l’inhumation au siège du parti à Limete. Le fils de l’opposant défunt, Félix Tshisekedi, a affirmé que «il faut trouver un modus vivendi. C’est simplement d’obtenir une autorisation d’enterrer notre leader au siège du parti, en attendant des jours meilleurs où on pourra lui ériger un mausolée digne de lui, digne de sa carrière politique».[4]

 

Le 6 mars, le gouvernement de la ville de Kinshasa a ordonné l’arrêt des travaux en cours sur le site qui était jusque-là aménagé pour l’inhumation d’Etienne Tshisekedi au cimetière de la Gombe.

Dans un communiqué, Emmanuel Akwety, ministre provincial de la population, sécurité et décentralisation justifie cette décision par la volonté de l’exécutif provincial de répondre à la demande la famille. La ville de Kinshasa déplore les sacrifices matériels et financiers «largement consentis pour l’aménagement des lieux en rapport avec l’accord formel de ladite famille préalablement donné».

Le gouvernement central a de son côté «pris acte du désir de la famille de reporter le rapatriement de la dépouille mortelle d’Etienne Tshisekedi et de retirer son acceptation initiale d’un carré spécial du Cimetière de la Gombe pour son inhumation». Le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, a rappelé dans un communiqué que le gouvernement de la République «avait décidé de prendre en charge toutes les dépenses relatives aux obsèques de l’ancien Premier ministre. Il rappelle que «l’exécutif maintient toutefois son offre de facilitation d’inhumation sur le territoire de la République démocratique du Congo, conformément aux textes légaux et réglementaires en vigueur».[5]

 

b. Le contenu de la lettre d’Etienne Tshisekedi au Président Kabila reste encore un mystère

 

Le 1er mars, dans une interview, le Vice président de la CENCO, l’archevêque Fridolin Ambongo, a révélé que ni le Président de la République, ni la CENCO ne savent le contenu de la lettre laissée par Etienne Tshisekedi et adressée au Président Kabila.

À propos de cette lettre, Mgr. Fridolin Ambongo a affirmé: «Au niveau du secrétariat, nous avons réceptionné une lettre pour le président de la Cenco. Le président a gardé cette lettre conformément aux indications des expéditeurs. La question était celle de garder la lettre et de la remettre, personnellement et au moment opportun, au président de la République, selon les indications des expéditeurs. On ne pouvait pas donner le nom du futur Premier Ministre tant que l’arrangement particulier n’était pas encore terminé. La Cenco a sollicité un rendez-vous au près du chef de l’État et ça fait un mois avant que le président ne nous reçoive. Lorsque on a rencontré le Président Kabila, il a dit tout simplement qu’il ne garderait pas la lettre. Mais par respect pour nous, il a pris la lettre et nous l’as remise. Nous l’avons toujours et nous la remettront au nouveau président du comité des sages du Rassemblement. Cette lettre n’est pas un mystère, elle reste encore fermée. Nous attendons que le Rassemblement se dote d’un nouveau chef pour lui remettre la lettre». En ce qui concerne le contenu de cette lettre, il a répondu: «Les destinateurs de la lettre sont là, ils savent le contenu de la lettre. Je ne sais pas si le président de la Cenco en sait le contenu. Posez-lui la question. Quant au Président Kabila, il n’a pas ouvert la lettre et je ne peux pas dire s’il connait le contenu de la lettre ou pas. Mais je sais que celui qui avait amené la lettre était Pierre Lumbi, accompagné de l’abbé Théo et Christophe Lutundula. Si vous voulez connaitre le contenu de la lettre posez leurs la question».[6]

 

La lettre posthume et ses mystères

L’existence d’une lettre de Tshisekedi au président Joseph Kabila a été mentionnée presque aussitôt après son décès. Selon certains, le courrier contiendrait le nom du futur Premier ministre, poste qui

doit revenir au Rassemblement de l’opposition selon les termes de l’accord de la Saint-Sylvestre. Étienne Tshisekedi aurait porté son choix sur son fils, Félix.

Fin février, la presse congolaise a rendu compte de l’apparition d’une autre lettre de Tshisekedi à Kabila, dont la teneur était très différente de celle divulguée par Pierre Lumbi. Bien entendu, l’UDPS a aussitôt publié un communiqué dénonçant une falsification et usant, entre autres, de cet argument: «On est étonné que Tshisekedi ait utilisé l’emblème de l’Udps pour une correspondance rédigée au nom du Rassemblement». Mais il y a mieux…

La lettre est écrite sur un ton poli, affectueux même, et un brin flagorneur envers JKK, ce qui laisse entendre que les deux hommes étaient loin de se détester et, même, que leurs relations étaient presque cordiales. Et, bien entendu, il n’y est pas fait mention de Félix … Jusque-là, rien que de très normal (dans le cadre de la propagande, s’entend…).

Malheureusement, le faussaire a usé d’une tournure malheureuse: «Je compte vous envoyer, pour nomination, au moment opportun et par le même canal, le nom de la personne que j’aurai choisie, conformément à la disposition pertinente de l’accord du 31 décembre 2016, en son point III.3.3». Dès lors, si cette lettre était vraie, si ETwM et JKK, ennemis en publics, s’entendaient privément comme larrons en foire, il en ressort qu’ils étaient aussi d’accord sur le sens à donner au point III.3.3 de l’Accord du 31/12/16 et que ce sens était bien celui qu’en donne l’Opposition: UNE personne désignée par le Rassemblement, et non pas trois.[7]

 

c. L’apparition d’une «autre» première et dernière lettre d’Étienne Tshisekedi au Président Joseph Kabila

 

Le 28 février, le site on-line Le Maximum.cd a publié un document intitulé « La première et dernière lettre de Etienne Tshisekedi au Président Joseph Kabila« .

Selon ce site, le cas de la désormais célèbre «lettre-testament d’Etienne Tshisekedi», qui désignerait son fils, Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi, pour l’investiture par le Président de la République en qualité de Premier ministre du gouvernement d’union nationale pour le compte du Rassop (Rassemblement de l’Opposition), avait déjà suscité un grand débat.

Raphaël Soriano Katebe Katoto, contemporain et compagnon d’affaires politiques du «Vieux», avait déjà déclaré non seulement que Etienne Tshisekedi n’avait jamais eu l’intention de désigner son fils, mais aussi qu’il encourageait la candidature de son «vieil ami» aux mêmes fonctions de Premier ministre.

Des sources au sein de l’UDPS ont fait part aux rédactions du Maximum de l’existence d’au moins deux messages d’un haut cadre du parti tshisekediste adressés à un prélat de la CENCO. Ils révèlent une vérité que tous s’évertuent à étouffer: Etienne Tshisekedi wa Mulumba qui, en dépit de son caractère emporté, avait une très haute idée de l’Etat, n’a jamais voulu de son fils Félix Tshilombo aux fonctions de Premier ministre du gouvernement d’union nationale. Motif du «Vieux», entre autres, le défaut d’expérience en matière de gestion des responsabilités publiques de son rejeton. A sa place, le sphinx de Limété préférait d’autres personnalités dont Valentin Mubake Nombi Kamwanya, l’ingénieur civil de formation qui l’accompagne comme son ombre dans sa lutte politique depuis les années de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) sous le Maréchal Mobutu, ou encore, le juriste Bruno Tshibala, un autre fidèle parmi les plus fidèles de ses fidèles lieutenants, qui avait été embastillé pour avoir organisé les manifestations sanglantes de septembre dernier au cours desquelles des jeunes casseurs proches de la 10ème rue, Limete avait provoqué moult dégâts. Il n’avait dû d’être relaxé que grâce à la «décrispation» sollicitée avec insistance par l’opposition dans le cadre des récentes négociations politiques.

Seulement, toujours selon le Maximum, ces dernières volontés du vieil opposant rd congolais se heurtent à une double muraille dans son cercle intime, dressée par son épouse, et mère de Félix Tshisekedi, renforcée par une sorte de cordon familial régentée par… des hommes de Dieu hors de tout soupçon: l’abbé Tshilumba, ci-devant secrétaire particulier du patriarche et l’ancien évêque catholique du diocèse de Mweka, l’octogénaire Monseigneur Gérard Mulumba, frère cadet d’Etienne Tshisekedi qui vient d’être retraité par décision du Vatican. Les deux rideaux ont en commun leur engagement en faveur de l’ascension, fulgurante et inconditionnelle, de Félix Tshilombo Tshisekedi, la seule susceptible d’assurer la famille biologique du défunt des retombées sonnantes et trébuchantes de la «longue lutte politique» menée par Etienne Tshisekedi.

Le Maximum a pu savoir ainsi qu’un ordre formel d’Etienne Tshisekedi, désignant formellement Valentin Mubake en qualité de chef de la délégation du RasOp aux négociations directes facilitées par la CENCO, avait carrément été dévoyée par les soins de l’Abbé Tshilumba, avec la complicité intéressée des délégués du G7 (Groupe des 7 partis politiques transfuges de la Majorité présidentielle) et de l’AR, qui lui ont préféré le jeune Félix, plus malléable selon leur point de vue. Valentin Mubake, tshisekediste devant l’Eternel, pouvant se révéler un obstacle pour les ambitions présidentielles du mentor des deux plateformes, Moïse Katumbi Chapwe. Selon nombre de cadres udpésiens, l’«objectif Félix Premier ministre» c’est «mettre du biffteck plein la bouche du « petit », pour brider les caciques de l’UDPS parti politique ayant pignon sur rue, de lorgner par la suite sur le top job envié par Moïse Katumbi».

Le Maximum a affirmé que un des responsables de l’UDPS dit avoir évoqué, avec ses interlocuteurs de l’épiscopat congolais, l’épineuse question de la nature exacte de la fameuse lettre-testament que feu Etienne Tshisekedi aurait adressée au Président de la République Joseph Kabila. Plus justement, des flous aveuglants qui entourent sa rédaction, son contenu, sa transmission et, donc, son authenticité et sa crédibilité. A l’UDPS, plusieurs sont d’avis qu’il n’y a aucune certitude que le courrier désignant prétendument Fatshi comme seul candidat Premier ministre testamentaire soit la véritable missive écrite par le sphinx de Limete.

En effet, dans une correspondance datée du 16 janvier 2017 et adressée au Président Kabila, tout en maintenant sa position de ne présenter qu’un seul nom (au lieu des 3 proposés par la Majorité Présidentielle), Etienne Tshisekedi prend en considération, en bon juriste, le fait de «la poursuite des négociations en cours», avant de promettre au président Joseph Kabila, qu’il appelle très civilement dans son courrier «Excellence Monsieur le Président de la République, Cher Fils» de «vous envoyer, pour nomination, au moment opportun et par le même canal, le nom de la personne que j’aurai choisie, conformément à la disposition pertinente de l’accord du 31 décembre 2016, en son point III. 3.3.», avant d’ajouter: «Soyez rassuré que mon choix devra certainement tenir compte de l’expertise et l’expérience de la personne qui sera habilitée à conduire la nation dans un climat de fraternité et d’unité conformes à tout Etat de droit».

Naturellement, le document intitulé «La première et dernière lettre d’Etienne Tshisekedi à Joseph Kabila», largement diffusé dans les réseaux sociaux depuis le lundi 27 février dans la soirée, a été attaqué, contesté et démenti par le secrétariat du parti.[8]

 

d. Dans le contexte du débat sur les modalités de la désignation du nouveau Premier Ministre

 

Le 27 février, Adolphe Lumanu, négociateur pour le compte de la Majorité Présidentielle, a affirmé que le Rassemblement de l’Opposition devrait comprendre que, selon l’accord du 31 décembre, la modalité pratique de la désignation du premier ministre est soumise à la finalisation de l’arrangement particulier et que la liste des 3 noms est une garantie de respect envers l’autorité du Président de la République qui à la prorogative de nommer le Premier Ministre.

«La liste des 3 noms qui était initialement de 10, puis de 7, puis de 5, est considérée par nous comme la seule garantie de respect de l’autorité qui nomme le premier ministre. Le Président a le pouvoir de nomination et non d’entérinement. Les points III.3.3 et III.3.4 de l’Accord du 31 décembre stipulent que la mise en œuvre des principes énoncés, notamment la désignation du premier ministre et l’inclusivité de l’exécutif national, est régie par un arrangement particulier. A quoi serviraient les modalités pratiques si le premier ministre est déjà désigné?», a déclaré Adolphe Lumanu.[9]

 

Le 1er mars, sur la question du nombre des noms (un seul ou plusieurs) à présenter au Président de la République pour la nomination du prochain Premier Ministre, le Vice président de la CENCO, Fridolin Ambongo, a affirmé que «la question principale n’est pas de savoir si on donne un, deux ou trois noms. Mais c’est de savoir s’il y a un dialogue entre l’institution Président de la République et le leadership au sein du Rassemblement, parce qu’il appartient à ces deux d’échanger sur le candidat premier ministre, jusqu’à ce qu’ils tomberont d’accord sur un nom. De toute façon, si c’est un candidat qui vient du Rassemblement, il faudra qu’il ait des garanties qu’il sera investi par l’Assemblée nationale. Or cette Assemblée nationale est dominée par la Majorité présidentielle. Si c’est un candidat qui ne plait pas à la Majorité présidentielle, il ne passera pas. D’où la nécessité d’un dialogue».[10]

 

La lutte autour de la Primature

Le décès d’Étienne Tshisekedi est survenu alors qu’un «bras de fer» était en cours autour de la Primature. Joseph Kabila n’est pas prêt à céder concernant le mode de désignation du Premier Ministre. Tout indique qu’il s’est totalement aligné sur la position défendue au Centre interdiocésain par sa famille politique. Il s’est démarqué de l’option prise aux termes de l’accord du 31 décembre. Il a clairement indiqué sa position en faisant savoir à la CENCO qu’il n’acceptera qu’une liste de candidats au poste de Premier ministre et non la proposition d’un seul candidat, comme le veut le Rassemblement. Mais l’enjeu de ce débat sur la Primature, ce n’est pas la Primature elle-même. Ou en tous cas, pas seulement la Primature. C’est d’abord un affrontement au sujet du pouvoir de la Présidence «de transition». Joseph Kabila prétend faire usage de son «pouvoir discrétionnaire» – un attribut de la présidence de plein droit – pour choisir un PM sur une liste, d’abord de 7 candidats, puis de 5 et aujourd’hui, de 3. L’essentiel est qu’il puisse exercer un choix qui, si minime soit-il, montre qu’il est toujours le Président, au sens fort du terme. La Primature sera probablement le seul poste doté de pouvoirs réels qui sera remis entre les mains de l’Opposition. Mais il est probable qu’on s’empoignera quant aux postes ministériels, car il y aura une tentative pour priver le PM de tout pouvoir important. Il ne faut en effet pas accorder trop d’importance à la Présidence du CNSA qui n’aura aucun pouvoir réel, sinon celui de se lamenter. C’était, à l’usage d’Etienne Tshisekedi, un hochet clinquant juste bon à amuser un vieillard sénile. La question du PM est donc cruciale.[11]

 

e. La question de la succession à la présidence de l’UDPS

 

Tshisekedi n’avait pris aucune disposition pour régler sa succession au sein de l’UDPS.

Avec sa disparition, le parti n’est pas seulement sans tête. Il est aussi sans feuille de route. Les statuts de l’organisation, révisés en 2013, n’offrent pas de marche à suivre crédible: ils prévoient l’élection d’un nouveau président dans un délai trop court (trente jours), après un intérim conduit par un triumvirat aujourd’hui incomplet.

Félix est, malgré tout, le mieux placé pour succéder à son père. Il faut dire que les autres cadres influents du parti ne sont plus si nombreux. Ces dernières années, plusieurs de ses ténors (Bruno Mavungu, Albert Moleka…) ont été évincés. Quelques-uns restent (Valentin Mubake, Bruno Tshibala, jusqu’à récemment…), mais le parti s’est recentré sur la famille du chef. Soutenu par sa mère, Félix en est aujourd’hui la figure de proue.

Certes, les critiques opposent parfois «l’UDPS familiale» et «l’UDPS des vrais militants». Reconnaissons que ces critiques sont parfois – souvent, même – fondées. Mais elles ne le sont pas plus à l’UDPS qu’ailleurs. Les partis congolais sont tous essentiellement basés sur un homme et sa parentèle. Si c’est là un défaut, c’est un défaut qui n’est pas seulement udépsien, il est congolais.

Pour l’instant, l’expérience politique de Félix Tshisekedi est limitée. Il a, bien sûr, pu observer son père manœuvrer dans la coulisse. Mais son CV est mince: il se résume à quelques expériences en Belgique, à La Poste et dans des sociétés de transport (ses détracteurs se sont empressés de l’appeler «le chauffeur-livreur»). Son expérience politique est plus ténue encore. Félix Tshisekedi n’a jamais été ministre. Il a certes été élu député en 2011, mais n’a jamais siégé – son père le lui avait interdit, comme aux autres élus du parti.[12]

 

 

2. LA COMMISSION ÉLECTORALE ET L’OPÉRATION D’ENRÔLEMENT DES ÉLECTEURS

 

Le 21 février, le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Corneille Nangaa, a annoncé que le calendrier électoral sera publié une fois que le Conseil national du suivi de l’Accord politique et du suivi du processus électoral (CNSA) et le nouveau gouvernement seront installés. Il a également ajouté que l’exécution du plan présenté par son institution (16 mois+1 jour) se poursuit comme prévu. «L’objectif est de présenter les statistiques du fichier électoral en juillet 2017. Ces statistiques vont servir notamment à la répartition des sièges» a dit M. Nangaa. «Sur 45 millions d’électeurs attendus, 15 millions sont déjà inscrits», a-t-il ajouté, en annonçant également le début des opérations d’enrôlement dans douze nouvelles provinces.

Corneille Naanga a affirmé que le coût global des élections (cycle complet de la présidentielle aux locales en passant par les législatives, les provinciales, les municipales et les urbaines) est de 1.330 milliard USD $ et non 1.8 milliards USD $, comme signalé dans la presse et au sein de l’opinion depuis quelque temps. Le président de la Ceni a aussi dit que ce budget est triennal (il s’étend sur 3 ans) et que son exécution a débuté en 2016 avec l’opération de révision du fichier électoral.

Selon ses déclarations, le budget des élections est ventilé de la manière suivante:

1) 400 millions $ pour la révision du fichier.

2) 526 millions $ pour les élections présidentielles, législatives et provinciales.

3) 385 millions $ pour les municipales, urbaines et locales.[13]

 

Le 21 février, l’administrateur du territoire de Lubero, Bokele Joy, a révélé que, depuis quelques jours, les miliciens Maï-Maï du NDC-Rénové exigent aux habitants du Sud-Lubero qui se sont déjà enrôlés de le faire une seconde fois à Walikale, où la milice a emporté le matériel électoral ravi en janvier dernier aux agents électoraux au Sud de Lubero. L’administrateur du territoire de Lubero condamne les manœuvres de ces miliciens qui arrêtent toute personne qui ne s’est pas enrôlée auprès d’eux. Ils exigent une amende de 125 dollars américains aux habitants qui n’ont pas obtenu les cartes d’électeurs délivrés à Walikale. Pour sa part, le secrétaire exécutif provincial de la CENI au Nord-Kivu confirme cette situation qui, selon lui, est due au conflit des limites entre les territoires de Lubero et Walikale qui sont voisins. Selon lui, la solution à ce problème ne relève pas de la CENI mais plutôt des autorités politiques et administratives.[14]

 

Le 21 février, le bureau provincial de la CENI dans le Haut-Katanga a révoqué quinze chefs des centres d’enrôlement des électeurs de Lubumbashi. Selon la secrétaire provincial de la CENI, Mymy Fabienne Mukulumoya, ils se seraient rendus coupables de «pratiques de corruption». La commission électorale reproche à ces agents d’avoir monnayé le droit d’accès et l’enrôlement dans les centres dont ils étaient des responsables. Cette décision intervient au terme d’une enquête que la CENI a mené après avoir été saisie par plusieurs habitants qui se plaignaient des tracasseries dont ils faisaient l’objet avant d’accéder aux centres d’enrôlement. Les plaignants accusaient des agents des centres d’inscription ainsi que des policiers chargés de la sécurité d’exiger aux personnes qui se présentaient pour obtenir des cartes d’électeurs des sommes variant entre 1 000 (0.7 dollar américain) et 5000 francs congolais (3.5 dollars américains). Le secrétariat provincial de la CENI dans le Haut-Katanga assure qu’une dizaine d’autres chefs des centres d’enrôlement sur qui pèsent des soupçons de corruption sont mis en garde. Par ailleurs, la commission électorale indique avoir demandé aux autorités policières de la province de relever de leurs fonctions les policiers accusés de corruption dans les centres d’enrôlement où ils sont affectés.[15]

 

Le 22 février, le président de la CENI, Corneille Nangaa, a affirmé qu’on a déjà enrôlé 15.276.033 électeurs dans 13 provinces de la République. «Nous avançons bien, en dépit des problèmes relevés dans certains endroits. Il y a des groupes armés actifs, des troubles entre ethnies, les défis opérationnels avec l’approvisionnement en intrant, d’autres considérations administratives concernant, par exemple, les limites entre certains territoires et villages», a expliqué le président de la CENI. Il a indiqué le chiffre de 20.794.929 électeurs attendus. Les personnes inscrites représentent à ce stade 73% des résultats attendus. Les provinces concernées par ce bilan à mi-parcours sont: Nord-Ubangi, Haut-Katanga, Lualaba, Tanganyika, Sud-Kivu, Nord-Kivu, Equateur, Haut Lomami, Tshuapa, Sud-Ubangi, Maniema, Ituri et Mongala. Par ailleurs, Corneille Nangaa a lancé les préparatifs des opérations d’enrôlement des électeurs dans les 13 provinces qui restent.

Il s’agit de: Haut-Uele, Bas-Uele, Tshopo, Lomami, Sankuru, Kasaï-Oriental, Kasaï, Kasaï-Central,

Kwango, Kwilu, Mai-Ndombe, Kongo-Central et Kinshasa.[16]

[1] Cf Franck Ngonga – Actualité.cd, 22.02.’17

[2] Cf Politico.cd, 25.02.’17

[3] Cf Radio Okapi, 28.02.’17

[4] Cf Stanys Bujakera et Franck Ngonga – Actualité.cd, 06.03.’17; AFP – Africatime, 06.03.’17

[5] Cf Radio Okapi, 07.03.’17

[6] Cf Rachel Kitsita – Actualité.cd, 01.03.’17 https://actualite.cd/2017/03/01/msgr-ambongo-question-leadership-sein-rassemblement-apparait-point-essentiel-de-blocage/

[7] Cf Dialogue n. 10/2017 – congoforum.be, 06.03.’17

texte complet: http://www.congoforum.be/upldocs/2017%2010%20%20-%20RDC%20Lettre%20baobab.pdf

[8] Cf Le Maximum.cd, 28.02.’17   http://lemaximum.cd/etienne-tshisekedi-sa-derniere-lettre-a-joseph-kabila/

[9] Cf Rachel Kitsita – Actualité.cd, 27.02.’17

[10] Cf Rachel Kitsita – Actualité.cd, 01.03.’17 https://actualite.cd/2017/03/01/msgr-ambongo-question-leadership-sein-rassemblement-apparait-point-essentiel-de-blocage/

[11] Cf Dialogue n. 10/2017 – congoforum.be, 06.03.’17

texte complet: http://www.congoforum.be/upldocs/2017%2010%20%20-%20RDC%20Lettre%20baobab.pdf

[12] Cf Dialogue n. 10/2017 – congoforum.be, 06.03.’17

texte complet: http://www.congoforum.be/upldocs/2017%2010%20%20-%20RDC%20Lettre%20baobab.pdf

[13] Cf Jacques Kini – Actualité.cd, 21.02.’17; Israël Mutala – 7sur7.cd, 21.02.’17

[14] Cf Radio Okapi, 23.02.’17

[15] Cf Radio Okapi, 23.02.’17

[16] Cf Radio Okapi, 23.02.’17