SOMMAIRE
- L’INVESTITURE DU GOUVERNEMENT BADIBANGA
- La composition du nouveau gouvernement
- Le programme du nouveau gouvernement
- LES ÉVÈNEMENTS DU 19 ET 20 DECEMBRE
- Les manifestations réprimées
- Le RASSOP ne reconnaît plus l’actuel Chef de l’État comme Président de la République
- VERS LA CONCLUSION DU DIALOGUE
- La reprise des travaux
- Des divergences qui persistent
- Les principaux points d’un possible projet d’accord
- Un accord à portée de main, mais pas encore finalisé
1. L’INVESTITURE DU GOUVERNEMENT BADIBANGA
a. La composition du nouveau gouvernement
Le 19 décembre, le président Joseph Kabila a rendu publique l’ordonnance présidentielle portant nomination des membres du nouveau gouvernement Badibanga. Composé de soixante-sept membres, il comprend trois vice-premiers ministres, sept ministres d’Etat, trente-quatre ministres et vingt-trois vice-ministres. Certains ministères ont été scindés en plusieurs portefeuilles. Vingt nouveaux postes ont été créés et la taille du gouvernement est passé de 47 (Matata II) à 67 (gouvernement Badibanga). Certains ministre de l’ancien gouvernement Matata n’ont pas été repris dans ce nouveau gouvernement. C’est le cas d’Évariste Boshab, Tryphon Kin-Kiey Mulumba et Raymond Tshibanda.
Voici les noms de quelques membres du gouvernement:
Vice-premiers ministres:
- Affaires Etrangères et Intégration régionale: M. She Okitundu
- Intérieur: M. Emmanuel Ramazani Shadari
- Transport et Voies de communication: M. José Makila
Ministres d’Etat
- Justice et Garde des sceaux: M. Alexis Thambwe Mwamba
- Budget: M. Kangudia Mbayi Pierre
- Economie nationale: M. Bahati Lukwebo
- Plan: M. Jean Lucien Bussa
- Emploi, Travail et prévoyance sociale: M. Lambert Matuku
- Décentralisation et Réforme institutionnelle: M. Azarias Ruberwa
- Fonction publique: M. Michel Bongongo Ikoli.
Ministres
- Défense nationale, anciens combattant et Réinsertion: M. Crispin Atama Tabe
- Finances: M. Henri Yav Mulang
- Communication et médias: M. Lambert Mende
- Postes, télécommunication et NTIC: M. Ami Ambatombe Nyongolo
- Relation avec le Parlement: M. Justin Bitakwira
- Affaires foncières: M. Félix Kabange Numbi
- Infrastructures, Travaux publics et reconstruction: M. Thomas Luhaka
8 Urbanisme et Habitat: M. Joseph Kokonyangi
- Mines: M. Martin Kabwelulu
- Hydrocarbures: M. Aimé Ngoy Mukena
- Industrie: M. Marcel Ilunga Lehu
- Energie et ressources hydrauliques: M. Pierre Anatole Matusila
- Enseignement primaire, secondaire et professionnel: M. Gaston Musemena
- Enseignement supérieur universitaire: M. Steves Mbikayi Mabuluki
- Santé: M. Ilunga Kalenga
- Droits Humains: Mme Marie Ange Mushobueka.[1]
«C’est un gouvernement des ténors, toutes tendances confondues, de l’accord du 18 octobre, chargé de l’appliquer», commente Michael Sakombi, cadre de la Majorité présidentielle (MP), qui considère que «la nouvelle équipe gouvernementale est très hétéroclite dans sa diversité, mais homogène stratégiquement, car issue du moule laborieux des assises du dialogue de la Cité de l’OUA sous la facilitation d’Edem Kodjo».
Le principal point commun entre les membres de ce gouvernement c’est celui d’avoir participé au dialogue qui s’est tenu en septembre et octobre et qui, surtout, ont œuvreé à la signature d’un premier accord politique entre la majorité et une frange de l’opposition. Ces nominations, pour beaucoup, ce sont des récompenses à ceux qui ont permis d’obtenir cet accord. La grande question reste celle de la légitimité de ce gouvernement et de sa capacité à convaincre. Il vient d’être nommé alors que les discussions sous l’égide de l’Eglise entre la majorité et le Rassemblement de l’opposition sont encore en cours. Attitude de défi du président sortant ou gestion de l’urgence? Ces questions restent posées et pourraient freiner le soutien de la communauté internationale.
«Il y a un risque que ce soit un gouvernement sans soutien suffisant de la part de la communauté internationale», prévient un élu de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC, parti de Vital Kamerhe), pour qui Joseph Kabila «aurait dû attendre la conclusion du deuxième round du dialogue» avant cette nomination. «J’ai l’impression que ça ne sera pas du tout durable», estime le député.
Le ministre de la Communication et Médias, Lambert Mende, donne encore de la chance au dialogue inclusif: «Si les négociations [du Centre interdiocésain] aboutissent à des résultats qui impliquent l’impact sur le gouvernement, je ne pense pas que le président refusera de modifier la composition du gouvernement».
Pour sa part, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) croit également à la mise en place d’un autre gouvernement à l’issue du dialogue inclusif. Le secrétaire général ad intérim de cette institution, l’Abbé Donatien Nshole, a affirmé que «l’idéal aurait été que tout soit fait à l’issue d’un accord global, mais on comprend aussi qu’il y avait certainement des urgences qu’il fallait régler. Si on trouvait un accord, il serait souhaitable qu’on revoit les choses conformément à l’accord qui aura été signé». Pour ce prélat catholique, la publication du gouvernement Samy Badibanga ne modifie en rien la suite des négociations du Centre interdiocésain et souhaite qu’un accord soit trouvé par rapport à la gestion du temps jusqu’à la tenue des élections.[2]
b. Le programme du nouveau gouvernement
Le 22 décembre, le nouveau Premier ministre Samy Badibanga a présenté à l’Assemblée nationale le programme du nouveau gouvernement.
Dans son discours, le Premier ministre a révélé les trois priorités de son gouvernement: consolider la cohésion nationale, organiser les élections et répondre à la crise économique et sociale.
L’organisation des élections est la «raison d’être» du gouvernement, a-t-il fait savoir, en ajoutant que ,«mieux qu’une simple tâche, il s’agit d’une mission». Samy Badibanga a annoncé qu’il allait mobiliser les ressources nationales et faire appel aux partenaires internationaux de la RDC pour organiser ces élections.
Le Premier ministre a également évoqué la question sécuritaire, promettant de donner des instructions et des moyens conséquents pour que les forces de sécurité éradiquent «le mal à la racine» dans les territoires de Beni e Lubero, l’Ituri, le Nord Kivu, le Sud-Kivu et le Tanganyika, où des groupes armés nationaux et étrangers, tuent sans pitié nos compatriotes». M. Badibanga a aussi promis d’améliorer les conditions de vie des forces de sécurité.
Samy Badibanga a déclaré que la question du respect des droits de l’homme sera «au centre» de l’action de son gouvernement. Il a indiqué qu’il voulait mettre fin aux arrestations arbitraires.
«Nous travaillerons pour la suppression des arrestations arbitraires, et veillerons à ce que soient évités des cas des condamnations, résultant des procès purement politiques. Nous allons encourager la politique judiciaire qui consacre l’indépendance de la magistrature, comme le prévoit la constitution. C’est par le respect du principe de séparation des pouvoirs que nous contribuerons à la construction de l’état de droit», a déclaré le Premier ministre. M. Badibanga a cependant fait savoir que la justice doit être ferme.
Samy Badibanga a reconnu que l’économie congolaise traverse «une période très difficile» à cause aussi de la chute des cours mondiaux des matières premières. Le Premier ministre a promis «la diversification de l’économie, la mobilisation des ressources nationales et la redistribution des richesses produites à l’ensemble du peuple congolais».[3]
2. LES ÉVÈNEMENTS DU 19 ET 20 DECEMBRE
a. Les manifestations réprimées
Le 19 et 20 décembre, dans plusieurs villes du Pays, la population est sortie dans les rues, sous des coups de sifflets, de klaxons et de casseroles, pour exiger le départ du président Joseph Kabila, dont le second et dernier mandat constitutionnel a expiré le 19 décembre à minuit. Les manifestations ont été violemment réprimées par la Police, appuyée par l’armée et les services de renseignements.
Le directeur du Bureau conjoint des Nations unies pour le droit de l’Homme (BCNUDH), José Maria Aranaz, a donné un bilan de dix-neuf tués, quarante-cinq blessés et 113 arrestations. Ces arrestations ont été nombreuses dans les villes de Kinshasa, Lubumbashi, Matadi et Goma.
L’organisation internationale de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) a annoncé 29 morts. HRW a constaté 16 morts à Kinshasa, 4 à Matadi, 5 à Boma (Sud-ouest du pays) et 1 à Lubumbashi (Sud-est), affirmant qu’il y avait «beaucoup d’autres allégations crédibles» dont les vérifications étaient en cours.
Selon le gouvernement, neuf personnes ont été tuées dans la capitale et deux à Lubumbashi. Le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, a affirmé que, à Kinshasa, il y a eu neuf morts, dont six pillards, un policier et deux passantes atteintes par des balles perdues.
La police nationale annonce également un chiffre de neuf morts pour Kinshasa, dont un policier lynché par la population et six tués par des balles perdues. Huit sous-commissariats de police ont été pillés et une trentaine de bus du gouvernement vandalisés. Dans le reste du pays, la police donne huit morts, dont quatre par balles perdues à Lubumbashi, trois à Matadi, deux à Boma lors de pillages, pour un total de 22 morts. Deux cent soixante-quinze personnes ont par ailleurs été arrêtées dans tout le pays, révèle le porte-parole de la police.[4]
Le 23 décembre, l’ONU a revu à la hausse le bilan des violences de ces derniers jours. Le Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a annoncé avoir documenté 40 morts parmi les civils, 107 blessés et 460 arrestations.[5]
b. Le RASSOP ne reconnaît plus l’actuel Chef de l’État comme Président de la République
Le 20 décembre, dans une vidéo mise en ligne sur YouTube, le président du Conseil des Sages du Rassemblement de l’Opposition (RASSOP), Étienne Tshisekedi, a déclaré: «En ce jour,, 20 décembre 2016, Mr. Joseph Kabila a épuisé son second et dernier mandat à la tête de la République Démocratique du Congo (RDCongo). Il a perdu sa légalité et sa légitimité à la tête du Pays eu égard aux dispositions des articles 5.1, 70.1 et 220.1 de la constitution.
En dépit de tous nos efforts pour trouver, par un dialogue inclusif, un compromis politique pouvant nous permettre de régenter de manière consensuelle cette période de crise, afin de permettre d’aller aux élections dans le délais le plus bref possible, Kabila a décidé de demeurer néanmoins au pouvoir par défi. Force est de constater que Joseph Kabila sera ainsi coupable de parjure et a commis une violation intentionnelle de la constitution de la République, constitutive de la haute trahison. En conséquence, à partir de ce 20 décembre 2016, Mr. Joseph Kabila ne pourra pas engager la RDCongo, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du Pays.
C’est pourquoi je lance un appel solennel au peuple congolais à ne pas reconnaître l’autorité, du reste illégale et illégitime, de Mr. Joseph Kabila et à résister pacifiquement au coup d’état qui est ainsi accompli avec la bénédiction de la Cour constitutionnelle. J’appelle également les partenaires extérieurs et l’ensemble de la Communauté Internationale à ne plus traiter avec Mr. Kabila au nom de la RDCongo.
Soucieux de donner la chance aux légitimes négociations en cours sous la médiation de la Cenco, j’autorise la délégation du Rassemblement à poursuivre ces travaux selon le calendrier fixé par les évêques car, à l’issue de ces assises, un compromis sera trouvé pour la gestion du Pays pendant la période de transition. À toute fin utile, j’invite notre peuple à rester toujours vigilant , mobilisé et prêt à répondre massivement aux actions pacifiques que le Rassemblement pourra initier conformément à l’article 64 de notre constitution, pour mettre fin à la forfaiture et à la trahison perpétrées par Mr. Joseph Kabila».
Certains observateurs ont fait remarquer que, dans la vidéo en question, trébuchant à plusieurs reprises dans la lecture de son texte, Étienne Tshisekedi se reprenait avec difficulté, grâce au secours d’une voix hors champ qui lui soufflait certains mots.[6]
Le 21 décembre, dans une interview, Martin Fayulu, leader de l’Ecidé (Engagement pour la citoyenneté et le développement), cadre du Rassemblement et candidat déclaré à la présidentielle, a affirmé que, «après la fin de son dernier mandat constitutionnel, Joseph Kabila est resté en place pour lui-même, mais il ne peut plus engager la RDCongo. Nous demandons à toute la communauté internationale de ne plus le reconnaître comme le président de notre pays».
À propos de la nomination du nouveau gouvernement, Martin Fayulu a déclaré que «c’est de la mauvaise foi. C’est un gouvernement fantôme. Comme nous ne reconnaissons plus Joseph Kabila comme président de la République, nous ne pouvons pas reconnaître son gouvernement».[7]
3. VERS LA CONCLUSION DU DIALOGUE
a. La reprise des travaux
Le 21 décembre, c’est dans un contexte tendu que les discussions entre majorité et opposition ont repris à Kinshasa sous l’égide de l’Eglise catholique. À la reprise des travaux du dialogue, le président de la CENCO, Mgr Marcel Utendi, a exprimé la peine de la Cenco au sujet des événements liés à la fin du second et dernier mandat constitutionnel de Joseph Kabila et il a déclaré que la Cenco exige une enquête indépendante, pour identifier les auteurs de ces crimes qui, selon lui, devront répondre de leurs actes.
D’entrée de jeu, Mgr. Marcel Utembi a appelé les participants au dialogue inclusif à «faire des concessions pour une gestion consensuelle de la transition», il les a prévenu que son institution n’est plus disposée à «prolonger indéfiniment et de manière improductive ces travaux» et il les a exhorté à faite vite et à «abandonner l’égoïsme et les calculs politiciens partisans pour conclure ces négociations le plus tôt possible».
Dans un mot de circonstance, l’Abbé Donatien Nshole a affirmé que «la CENCO n’est pas disposée à des prolongements indéfinis et à des manœuvres politiques dilatoires. Notre souhait est de clôturer avant Noël. Et si la CENCO réalise que les acteurs politiques n’arrivent pas à se faire des concessions pour une gestion consensuelle de la période transitoire, elle en tirera toutes les conséquences qui s’imposent. Nous sommes convaincus que si tout le monde est de bonne volonté, nous pourrons vider rapidement les questions restées en suspens dans les commissions Election et Gouvernance».
Les évêques souhaitent qu’un accord soit trouvé avant le 25 décembre. La CENCO a donc décidé de travailler avec un groupe restreint de dix délégués, dont cinq du camp des signataires de l’accord du 18 octobre et les autres cinq du camp des non signataires. Ils auront la charge de travailler sur les divergences qui persistent dans les commissions «processus électoral» et «gouvernance». Les cinq points retenus pour la poursuite des travaux du dialogue sont les suivants: Respect de la constitution, Institution de la RDC et les animateurs de la transition, Calendrier électoral, Restructuration de la CENI et Décrispation politique. La plénière reprendra vendredi 23 décembre.[8]
b. Des divergences qui persistent
Les travaux du dialogue reprennent au moment où une frange de l’opposition considère le président Kabila comme illégitime. Les radicaux du Rassemblement pensent que la base de négociations doit changer et que les évêques doivent intégrer cette nouvelle donne (expiration du deuxième et dernier mandat du président Kabila le 19 décembre 2016 à 23h59). Pour le Rassemblement, il faut instituer un régime spécial sans Kabila ou avec lui, mais ayant des pouvoirs sensiblement réduits. D’où, l’idée d’un Conseil national de transition. Organe que doit piloter Étienne Tshisekedi.
La Majorité rejette totalement cette démarche. Elle reste campée sur les prescrits de l’article 70.2 de la constitution, selon lesquels, « À la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ».
Des divergences majeures persistent aussi à propos du calendrier électoral. Le Rassemblement de l’Opposition voudrait que les élections présidentielles et législative nationales se tiennent en septembre 2017, suivies par les législatives provinciales en décembre 2017. Mais l’autre camp, celui de la majorité au pouvoir, tient à l’accord qu’il avait signé le 18 octobre, qui prévoit l’organisation simultanée des élections présidentielles, législatives nationales et législatives provinciales en avril 2018.[9]
Le 21 décembre, dans une interview, Martin Fayulu, leader de l’Ecidé (Engagement pour la citoyenneté et le développement) et cadre du Rassemblement, a affirmé que, «aux pourparlers sous la médiation de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), nous allons discuter des institutions de la République après le 19 décembre. Comme voie de sortie de crise, le Rassemblement maintient sa proposition concrète et claire de mise en place d’un Conseil National de Transition. Pendant cette période intérimaire, nous préconisons qu’il y ait un président de transition, un Conseil national de transition et un gouvernement conduit par un Premier ministre. Nous considérons donc qu’après le 19 décembre, il faut installer un régime spécial. D’autant que l’organisation des institutions et l’exercice du pouvoir, tels que prévus par la Constitution, sont aujourd’hui mis à mal. Il y a un vide. Les animateurs des institutions ne sont plus légitimes, parce qu’arrivés au terme de leur mandat. Le compromis qui sera trouvé, via le dialogue, doit ainsi venir se coupler à la Constitution, pour combler ce vide. Il ne s’agira, pour nous, que d’une période courte, d’un an, pour organiser la présidentielle et les législatives le 10 septembre 2017 et les élections provinciales le 3 décembre 2017. Les autres scrutins suivront l’année suivante».
À propos de la place que Joseph Kabila pourrait occuper dans ce schéma, Martin Fayulu a précisé que, «Kabila a cessé d’être Président de la République le 19 décembre, mais il reste membre d’un groupe politique. Nous allons donc discuter librement et franchement pour savoir qui fait quoi dans ce schéma. Les pourparlers doivent tourner maintenant autour de l’organisation du pouvoir de l’État après le 19 décembre».[10]
Le 22 décembre, puisque les travaux du groupe restreint n’ont pas évolué et qu’il n’y a pas eu d’avancées sur les questions majeures, les Évêques de la Cenco ont rencontré les délégués de la majorité, les représentants du Rassemblement de l’opposition et du Front pour le respect de la constitution, les ténors de l’opposition UDPS et MLC et les membres de l’opposition qui avaient signé un premier accord politique en octobre. L’objectif de ces entretiens était de convaincre chaque partie, et surtout le pouvoir, à faire des concessions.[11]
c. Les principaux points d’un possible projet d’accord
Le 22 décembre, après ces entretiens, les Évêques de la Cenco ont formulé leurs propres propositions de sortie de crise. Le document de travail résumant les principaux points du projet d’accord devant être finalisé et approuvé en séance plénière montre que les délégués du pouvoir et de l’opposition se sont mis d’accord sur un certain nombre de points qui avaient jusque-là bloqué tout accord. Ce texte prévoit que:
- Le président Kabila restera en fonction jusqu’à la tenue des élections et l’installation du nouveau président élu. Toutefois, il ne pourra pas briguer un troisième mandat.
- En contrepartie, le président, c-à-d sa famille politique, ne doit pas continuer à contrôler toutes les institutions. Le gouvernement national et les gouvernements provinciaux devraient être remaniés en intégrant le Rassemblement et le MLC, mais l’Assemblée nationale, le Sénat et les Assemblées provinciales demeurent.
- Le poste de Premier ministre resterait à l’opposition, mais rien ne dit que Samy Badibanga, nommé tout récemment, sera maintenu, car le Rassemblement revendiquerait ce poste pour lui même. Félix Tshisekedi, fils de Étienne Tshisekedi, pourrait être le futur Premier Ministre.
- Personne ne pourra modifier, ni changer la Constitution pendant cette période de transition.
- Les élections seront organisées avant la fin de 2017. De toute façon, il y a toujours l’incise qui dit qu’on peut prolonger en cas de problème.
- On créera un comité de suivi capable d’imposer le respect de l’accord. Le Rassemblement de l’opposition aimerait que ce comité soit appelé Conseil national de la transition. Il serait présidé par un membre du Rassemblement de l’Opposition, probablement Etienne Tshisekedi, comme contrepartie au maintien de Joseph Kabila au pouvoir pour un an. Ce comité a encore des contours flous. Feront partie de ce comité, en plus d’Étienne Tshisekedi, Kampiamba Nkulu, Delly Sessanga et Azarias Ruberwa.
- Enfin, la Commission électorale serait remaniée même si son président, pourtant tant décrié par le Rassemblement, resterait en fonctions.
- Une commission de magistrats devra se pencher sur les cas des prisonniers et exilés politiques emblématiques. Le but est d’obtenir une décrispation totale du climat politique durant la période de transition. Condamné à trois ans de prison dans une affaire de spoliation d’immeuble – un procès politique dénoncé par son entourage– et inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État, l’opposant Moïse Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle, pourrait voir toutes ces charges abandonnées. Six autres cas de prisonniers et exilés (Moïse Moni Della, Eugene Diomi Ndongala, Floribert Anzuluni, Jean-Claude Muyambo, Antipas Mbusa Nyamwisi, Roger Lumbala) devraient également être examinés en priorité.[12]
Le 23 décembre, dans une interview, Valentin Mubake, proche Conseiller d’Etienne Tshisekedi, a affirmé qu’aucune institution sera au dessus du Conseil National de la Transition que dirigera Étienne Tshisekedi: «c’est une option que nous avons choisi, pour ne pas tomber dans l’illégalité et l’illégitimité du pouvoir de Joseph Kabila».[13]
Le 23 décembre, les travaux du dialogue se sont terminés très tard dans la nuit, autour de 2 heures, sans qu’un compromis politique entre le Rassemblement et la Majorité présidentielle ne soit trouvé. Les sorts du président Kabila, de Moïse Katumbi, de Samy Badibanga et de la CENI divisent encore les deux camps.
– L’avenir de la CENI a fait l’objet d’âpres discussions car le Rassemblement exige sa refonte totale la jugeant inféodée au pouvoir. Elle n’est pas neutre selon le Rassemblement pour garantir un processus électoral équitable. Ce dont la majorité ne veut pas entendre. Elle suggère que chaque composante règle le sort de ses délégués à la CENI. Elle conserve sa confiance à Kantitima, vice-président de la CENI, qui est issu de ses rangs. Tout comme, elle garde sa confiance au président Corneille Naanga, bien qu’issu des rangs de la société civile.
– Sur le sort du président Kabila, le Rassemblement veut une déclaration solennelle de sa part sur sa non-candidature à la future présidentielle, sur l’engagement à ne pas faire de référendum et sur le respect de la Constitution. Les Kabilistes pensent que c’est humiliant pour le chef de l’État de le faire car il l’a déjà fait dans une déclaration solennelle en octobre dernier au Congrès en disant que son sort est réglé par la constitution. Une autre exigence du Rassemblement, c’est que le président Kabila appose personnellement sa signature sur le futur Accord pour en garantir son application. Pas question disent ses représentants, leur mandat est suffisant pour engager le président.
– La Direction du gouvernement et son animateur Samy Badibanga est encore un autre point de blocage. Le Rassemblement de l’opposition veut que dans l’Accord soit mentionné noir sur blanc que le poste de premier ministre doit revenir à un membre du Rassemblement et non à un membre de l’Opposition signataire de l’Accord de la Cité de l’UA. La Majorité présidentielle n’est pas d’accord. Elle veut le maintien de Badibanga.
– Sur le sort de Katumbi, pas de progrès substantiel. La Majorité présidentielle ne veut pas abandonner les poursuites judiciaires contre Katumbi, mais souhaite que le cas Katumbi et les six autres personnalités emblématiques du Rassemblement (Muyambo, Diomi, etc) soit confié à une commission des hauts magistrats. Pas question dit le Rassemblement qui, preuve à l’appui, a démontré que la justice est aux ordres du régime actuel.[14]
d. Un accord à portée de main, mais pas encore finalisé
Le 24 décembre, après une plénière de plusieurs heures dans la matinée, les différentes parties ont trouvé un accord politique selon lequel,
– les élections présidentielle et législatives nationales auront lieu en décembre 2017, avec possibilité d’organiser les provinciales en février 2018.
– le président de la République, Joseph Kabila, reste également en fonction jusqu’à l’installation de son successeur élu et ne pourra pas briguer un troisième mandat consécutif.
– on ne pourra pas modifier la Constitution, ni entreprendre une action quelconque tendant à organiser un référendum durant la période de transition, dont la durée serait de 12 à 14 mois.
– un comité national de suivi de l’accord (une haute-autorité chargée du suivi de l’accord et du processus électoral) sera mis en place et présidé par le leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Etienne Tshisekedi. Il sera secondé par Eve Bazaiba, secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo (MLC). Ce comité sera composé de 28 signataires du nouvel accord avec la présence de la CENCO.
– un point de divergence qui reste encore concerne la primature du gouvernement de transition, revendiquée par le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement et, au même temps, par l’opposition signataire de l’accord du 18 octobre à la cité de l’UA, avec le soutien de la Majorité présidentielle. Mais, la CENCO promet de trouver une solution à cette question, en conciliant les deux parties.
– autre question en suspend, le financement des élections. Car si l’accord prévoit l’organisation d’une présidentielle fin 2017, le nouveau Premier ministre Samy Badibanga a fait savoir, dans son discours de politique générale jeudi dernier, que le budget du pays était «en chute libre».[15]
Le 24 décembre, les négociations entre la majorité et l’opposition sont suspendues à cause des obligations sacerdotales des évêques. Ces derniers devaient retourner dans leurs diocèses respectifs pour célébrer la fête de Noël parmi leurs fidèles. Entretemps, évêques médiateurs et délégués aux négociations ont convenu de se retrouver vendredi prochain, 30 décembre, jour choisi pour la signature de l’accord qui devra sanctionner la fin des discussions. Pour le président de la Conférence épiscopale, «l’essentiel est fait. 95 % du travail a été accompli. L’accord est à portée de main».[16]
[1] Cf Radio Okapi, 20.12.’16
[2] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 20.12.’16; Radio Okapi, 20.12.’16 ; RFI, 20.12.’16
[3] Cf Radio Okapi, 22.12.’16
[4] Cf Radio Okapi, 22.12.’16 ; Politico.cd, 21.12.’16; RFI, 21.12.’16
[5] Cf RFI, 23.12.’16
[6] Cf 7sur7.cd, 20.12.’16 http://7sur7.cd/new/tshisekedi-accuse-kabila-de-hauteur-trahison-et-appelle-le-peuple-a-marcher/
[7] Cf Trésor Kibangula- Jeune Afrique, 22.12.’16
[8] Cf RFI, 21.12.’16 ; Actualité.cd, 21.12.’16; Radio Okapi, 22.12.’16
[9] Cf 7sur7.cd, 21.12.’16; Eddy Isango – VOA Afrique, 21.12.’16
[10] Cf Trésor Kibangula- Jeune Afrique, 22.12.’16
[11] Cf RFI, 22.12.’16
[12] Cf Actualité.cd, 22.12.’16; RFI, 23.12.’16; Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 23.12.’16
[13] Cf Politico.cd, 24.12.’16
[14] Cf Zabulon Kafubu – 7sur7.cd, 24.12.’16
[15] Cf Radio Okapi, 24.12.’16
[16] Cf RFI, 25.12.’16