Congo Actualité N.304

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: LE DIALOGUE DE LA DERNIÈRE CHANCE DEVIENT RÉALITÉ

  1. LE DIALOGUE ENTRE LA MAJORITÉ ET L’OPPOSITION CONTINUE AVEC LES BONS OFFICES DE LA CENCO

  2. L’ouverture du dialogue

  3. Les travaux en trois commissions

  4. Une courte suspension des travaux

 

1. LE DIALOGUE ENTRE LA MAJORITÉ ET L’OPPOSITION CONTINUE AVEC LES BONS OFFICES DE LA CENCO

 

a. L’ouverture du dialogue

 

Le 7 décembre, dans un communiqué publié tard dans la soirée, le 2ème Secrétaire général adjoint de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), l’abbé André Masinganda, a annoncé que les négociations directes entre les signataires de l’Accord politique du 18 octobre et les non-signataires de cet Accord vont débuter le jeudi 8 décembre, au siège de la CENCO, sous la médiation des évêques catholiques. Les parties prenantes sont notamment le Rassemblement, la Majorité présidentielle, l’opposition pro dialogue et le Front pour le Respect de la constitution. Ce round de négociations directes est l’ultime chance pour apaiser la très vive tension sociale qui s’observe en RDC, née de la non-tenue de la présidentielle dans le délai constitutionnel.[1]
Le 8 décembre, le responsable de la commission épiscopale de la communication sociale de la CENCO, l’abbé Jean-Marie Bomengola, qui s’attend à ce que les participants puissent voir les choses sous un même angle, a parlé de la continuité d’un dialogue déjà ouvert mais visant, cette fois, à harmoniser les points de vue des uns et des autres: «C’est la continuité de la réunion qui avait déjà débuté depuis longtemps et qui a été clôturée et dont on connaît les résolutions. Mais puisqu’il y a des gens qui n’ont pas pu prendre part à ces assises, alors il faut maintenant harmoniser les points de vue, de telles manières que chacun se retrouve et que les esprits s’apaisent. Nous attendons à ce que nous puissions tous voir les choses de la même manière. Que nous puissions nous entendre sur l’essentiel, pour qu’il y ait la paix et que nous vivions tous dans l’harmonie».[2]

 

Le 8 décembre, dans l’après-midi, le président de la CENCO, Mgr Utembi Tapa, a procédé à l’ouverture des négociations directes entre les signataires de l’Accord politique de la Cité de l’Union Africaine et les non signataires. Dans son discours d’ouverture de ce mini-dialogue, il a affirmé que «la CENCO a rencontré les différentes parties prenantes pour les écouter et recueillir leurs analyses et propositions, en vue de rapprocher les points de vue des uns et des autres, pour une sortie pacifique de la crise sociopolitique que connaît le pays. Elle s’est donné le temps nécessaire, tenant compte de la délicatesse de la mission, pour approfondir, outre l’Accord politique issu du Dialogue national, les documents mis à sa disposition par le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement et par le Front pour le respect de la Constitution. Ce travail synoptique a relevé d’importants points de convergence entre les différentes positions des parties prenantes, mais aussi des points de divergence.

Les présentes assises sont organisées justement pour donner aux délégués de trois grandes composantes (Majorité Présidentielle, Opposition et Société civile) signataires de l’Accord politique du 18 octobre 2016 et de ceux qui n’ont pas pris part au Dialogue National tenu à la Cité de l’Union Africaine (le Rassemblement, le Front pour le respect de la Constitution et la Société civile), le temps de travailler ensemble, dans un format réduit et composé de 30 personnes. Ce travail portera essentiellement sur l’examen des points de divergence, afin d’obtenir des solutions quant à ce par un large consensus.

L’heure est grave, la population congolaise tout entière nous regarde; raison pour laquelle nous serons tous appelés au cours de ces assises à nous dépasser et à donner le meilleur de nous-mêmes, pour offrir à notre cher et beau pays une paix durable, une occasion de consolider la démocratie chèrement acquise et lui éviter un enlisement aux conséquences néfastes. Nous vous exhortons à la culture de la concorde et de la paix, car c’est tout ce que notre peuple attend de vous et de nous tous, particulièrement en ce moment précis. Nous vous demandons de lancer au sein de vos groupes et organisations, mais aussi auprès de vos bases respectives, des appels à l’apaisement, pour que les Congolais ne revivent plus jamais les tristes événements des 19 et 20 septembre 2016. Ce peuple attend principalement que les conclusions de ces travaux conduisent urgemment à la réconciliation entre les acteurs politiques, à la paix et à l’organisation des élections démocratiques, crédibles et apaisées, afin d’ouvrir le chemin vers l’alternance politique pacifique comme l’exige la Constitution.

Les exigences rigides qui, quelquefois, ont caractérisé les positions des uns et des autres, devront céder à la concession et au compromis; ces concession et compromis ne devant jamais être interprétés comme des aveux de faiblesse, mais plutôt comme des signes de grandeur et de dépassement pour favoriser l’intérêt supérieur de la Nation. Il ne nous reste qu’à solliciter, de votre part, le sens de coopération et de collaboration sincère pour la réussite de ces assises».[3]

 

À la fin de la séance d’ouverture du dialogue, les réactions des uns et des autres mettent en surface les points de divergences évoqués par les évêques, notamment en ce qui concerne l’accord du 18 octobre, ainsi que le mandant du président.

Du côté du Rassemblement, qui n’a pas participé au dialogue de la cité de l’Union Africaine, les avis semblent bien tranchés en ce qui concerne la fin très prochaine du mandat de Joseph Kabila.

Le député national Martin Fayulu explique que le Rassemblement a accepté ces discussions afin de faire respecter la Constitution. «Nous sommes ici pour faire respecter la constitution, dont les prescrits doivent être sauvegardés par le président de la république aussi. On n’a pas eu la chance d’avoir les élections à cause de certains individus, notamment la CENI qui a violé l’article 73 de la constitution. Maintenant, la grande question est de savoir comment ce pays sera diriger à partir du 20 décembre», a-t-il expliqué.

Autre avis dans le même sens, c’est celui de Valentin Mubake, conseiller d’Etienne Tshisekedi. Il est catégorique: «La Constitution de la République veut que Kabila quitte le pouvoir le 19 décembre 2016, et nous sommes là pour ça, pour dire à Kabila qu’il doit partir le 19 décembre».

Différent est le point de vue de ceux qui ont participé au dialogue de la cité de l’Union Africaine.

Pour le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, les discussions en cours parleront de tout sauf que du 19 décembre: «Les six points des divergences sont connus. Il n’est donc pas question de parler du 19 décembre, car tous nous savons que ça sera la fin du mandat du chef de l’Etat, mais il doit être là jusqu’à l’installation de son successeur». Pour Lambert Mende, «le consensus du 18 octobre continue de demeurer la seule feuille de route pour nous. Nous espérons pouvoir élargir ce consensus à la faveur de ces contacts».

De son côté, Vital Kamerhe souhaite que toutes les parties venues avec des divergences de vues parlent d’un seul langage après ces pourparlers. «Il y a 6 points des divergences soulevés par les évêques, mais nous souhaitons avoir un point de vue commun après ces discussions pour la paix dans notre pays», a déclaré le président de l’UNC.

Pour la Société Civile, Maguy Kiala précise qu’il n’est nullement question de remettre en cause l’accord du 18 octobre.[4]

 

Dans son message adressé aux délégués du MLC et Alliés à propos des discussions directes lancées autour de la CENCO, Eve Bazaiba, secrétaire général du parti de Jean Pierre Bemba, n’a pas transigé quant au sort de Joseph Kabila à l’issue de son dernier mandat présidentiel.

«Les articles 70, 220, etc. sont clairs. Le président Kabila est fin mandat, il n’est pas question de lui donner une prime en prolongeant son mandat en violation de la Constitution», a-t-elle déclaré, avant d’affirmer que le MLC ne va pas intégrer un quelconque gouvernement qui sortirait de ces assises. «Le MLC et alliés ne peuvent pas se compromettre en intégrant un certain Gouvernement, en violation de la Constitution et la loi portant statut de l’opposition. Au risque d’être en déphasage avec la population qui attend l’alternance et non un quelconque gouvernement en gestation, soit-il d’unité nationale. Ce qui constitue les enjeux ou le défi en RDC est la fin du deuxième et dernier mandat du Président Kabila le 19 décembre 2016 et le calendrier électoral. Le Respect de la Constitution est non négociable!», a-t-elle dit.[5]

 

Le 9 décembre, au cours de la plénière on a validé les mandats des délégués de différentes composantes, approuvé l’ordre du jour et institué trois commissions de travail.

Voici la liste provisoire des 32 participants:

  1. Les Signataires de l’Accord 18 octobre (16 participants)

La MP (6 délégués): Néhémie Mwilanya, Alexis Thambwe, Adolphe Lumanu, Lambert Mende, Martin Kabwelulu, Norbert Nkulu.

L’Opposition au dialogue (7 délégués): Ambatobe Nyongole (UDPS), Vital Kamerhe (UNC), José Makila (Atd), Jean-Lucien Bussa (CDR), Steve Mbikayi (NCPS), Azarias Ruberwa, Mokonda Bonza.

La Société civile (3 délégués): Marie-Madeleine Kalala, Maguy Kalia, Jean-Marie Ntantu Mey.

  1. Le Rassemblement – MLC et leurs Alliés (16 délégués): Jean-Marc Kabund (UDPS), Felix Tshisekedi (UDPS), Valentin Mubake (UDPS), Gilbert Kankonde (UDPS), Delly Sessanga (AR), Christophe Lutundula (G7), Joseph OlenghaNkoy (Dynamique), Jean-Pierre Lisanga (Alliés UDPS), Eve Bazaïba (MLC), Fidèle Babala (MLC), Raymond Ramazani (MLC), Jacques Lunguana (MLC), Wivine Tshimusa (FRC), Bembe Bati (FRC), Georges Kapiamba (Société Civile), Christopher Ngoy Mutamba (Société Civile).

L’ordre du jour inclut six points au total:

  1. Constitution: Compréhension du concept du respect de la Constitution et de ses implications en rapport avec la crise actuelle.
  2. Processus électoral: séquence, calendrier, financement des élections, indépendances de la CENI et du CSAC.
  3. Fonctionnement des institutions pendant la transition.
  4. Mesures de décrispation politique
  5. Forme du compromis politique à trouver.
  6. Mécanisme de suivi de l’accord politique.

En ce qui concerne les trois commissions, selon l’abbé Nshole, la première commission est chargée des questions relatives à « la gouvernance institutionnelle après le 19 décembre »; la seconde traitera du « processus électoral (calendrier électoral, séquence des élections, financement) »; la dernière se penchera sur les « mesures de décrispation » du climat politique dans le pays. Enfin, on prévoit aussi une commission spéciale pour la rédaction du document final sur le compromis politique à trouver.

La CENCO a suspendu les travaux jusqu’au 12 décembre, car les Evêques devaient assister à la cérémonie d’investiture de Monseigneur Ambongo comme Evêque de Mbandaka. Les discussions reprendront le 13 décembre.[6]

 

Le 9 décembre, le Député et Secrétaire national en charge de la justice et de la bonne gouvernance à l’UNC, Sam Bokolombe, a critiqué sans ménagement l’UDPS, parti d’Etienne Tshisekedi, pour ce qu’il considère comme un volte-face venant de l’UDPS qui a accepté de discuter avec la Majorité Kabiliste. Pour le Secrétaire national de l’UNC, on est en droit de considérer l’UDPS comme faisant désormais partie de la Majorité présidentielle à cause du même principe selon lequel tout opposant qui discute avec le pouvoir de Kinshasa, comme ce fut le cas de Vital Kamerhe, devient d’office membre à part entière de sa famille politique. Vive la nouvelle majorité kabiliste avec l’UDPS et le Rassemblement de l’Opposition![7]

 

Le 10 décembre, le Coordonnateur de l’Association Africaine des droits de l’homme (ASADHO), Jean-Claude Katende, a affirmé que «les négociations directes doivent prendre en compte les aspirations du peuple congolais: 1. l’organisation de l’élection présidentielle dans le délai le plus court possible. Le délai prévu dans l’accord politique du 18 octobre 2016 est très long. 2. le départ du Président Kabila à la fin de son mandat le 19 décembre 2016. 3. une transition sans le Président Kabila. Tous ceux qui seront impliqués dans la gestion de la transition ne devraient pas briguer aucun mandat électif. Si ces aspirations ne sont pas prises en compte par les participants aux négociations directes, la voie sera ouverte à l’application sans faille de l’article 64 de la Constitution».[8]

 

b. Les travaux en trois commissions

 

Le 13 décembre, on a repris les travaux du Dialogue politique modéré par la CENCO.

Selon certains témoignages, pendant toute la journée les délégués ont eu du mal à accorder leurs violons sur plusieurs aspects liés à la forme des discussions et au quota des participants.

Le soir, le MLC et alliés ont annoncé avoir quitté définitivement le Dialogue facilité par la CENCO. Dans une déclaration rendue publique par la Secrétaire générale du Mouvement de Libération du Congo (MLC), Eve Bazaiba, le Front Pour la défense de la constitution a surtout évoqué le non-respect du quota qui devrait lui revenir (cinq délégués prévus au départ, mais deux seulement réellement attribués). «Le Front fustige le comportement hégémonique du Rassemblement qui s’est permis, avec l’aval de la CENCO, de s’attribuer le quota du Front et celui revenant à la société civile», dit le communiqué signé par Eve Bazaiba. Selon l’abbé Donatien Nshole, secrétaire général adjoint de la CENCO, les discussions se poursuivent avec le MLC et le Front pour le respect de la constitution. Le Front pour le respect de la constitution est une plateforme qui regroupe le parti politique Mouvement de libération du Congo (MLC), une quarantaine de partis politiques et une cinquantaine d’organisations de la société civile.[9]

 

Le 14 décembre, le Mouvement pour la libération du Congo(MLC) et le Front pour le respect de la constitution ont décidé de réintégrer les travaux du dialogue national inclusif. Le Front pour le respect de la constitution a confirmé cette reprise des travaux à l’issue d’une réunion restreinte entre une délégation du MLC et alliés et le Nonce Apostolique, en présence du président de la CENCO.  Cette réunion a permis au Front pour le respect de la constitution d’avoir trois délégués à la table des négociations et trois experts qui peuvent intervenir dans des commissions.

Le nombre des participants à ce dialogue a ainsi été revu à la hausse. Selon le communique de la CENCO, 32 délégués sont retenus. Du coté des signataires de l’accord politique de la cité de l’Union africaine, on compte 16 participants dont 6 de la Majorité présidentielle, 6 de l’opposition politique, 1 de l’opposition républicaine et 3 de la société civile. Les non signataires de l’accord sont aussi au nombre de 16, dont 11 du Rassemblement, 3 du Front pour le respect de la constitution et 2 de la société civile.[10]

 

Le 14 décembre, les délégués à ce mini dialogue ont entamé les travaux en commissions.

Dans la commission chargée de la « Gouvernance et Reforme institutionnelle », le statut de Joseph Kabila après le 19 décembre constitue jusque là le principal point d’achoppement. Selon plusieurs sources, les délégués de la Majorité Présidentielle continuent de soutenir que le statut du Président de la République a déjà été réglé en son temps par un Arrêt de la Cour Constitutionnelle, qui avait tranché que le Chef de l’Etat devait rester en fonctions jusqu’à l’investiture du Président élu, conformément au deuxième alinéa de l’article 70 de la constitution. Dans leur entendement, la décision rendue par la Cour Constitutionnelle est imposable à tous et n’appelle plus de débat.

Par contre, les représentants du Rassemblement de l’Opposition ne jurent que par le départ de Joseph Kabila après le 19 décembre 2016, conformément à l’alinéa premier du même article 70. Ils proposent un « Régime spécial » pour la gestion du pays dans une courte transition qui devrait conduire aux élections présidentielle et législatives nationales avant la fin de l’année 2017.

En outre, Valentin Mubake (UDPS), membre du Rassemblement de l’Opposition, a insisté sur la protection des articles verrouillés de la constitution, notamment l’article 220. Ce qui suppose que, pendant la période intermédiaire, il n’y aura pas de révision constitutionnelle, ni de référendum constitutionnel.

Dans la commission en charge du « Processus Electoral », on a abordé la question relative au calendrier électoral et aux séquences des élections. Les violons sont loin de s’accorder entre délégués de la Majorité présidentielle et ceux du Rassemblement. Il a été constaté que les signataires de l’Accord politique de la cité de l’Union Africaine tiennent à leurs séquences contenues dans leur deal du 18 octobre 2016, qui prévoient les élections présidentielle, législatives nationale et provinciales le même jour en avril 2018. Le Rassemblement, qui ne partage pas cet avis, continue de soutenir que les élections présidentielle et législatives nationale sont possibles en septembre 2017, juste après la fin de l’enrôlement des électeurs, prévue vers la fin du mois de juillet. Les élections provinciales seraient organisées trois mois plus tard.

Au sein de la commission « Décrispation », le Rassemblement a posé clairement son exigence. C’est celle de la libération des prisonniers politiques impliquant également la cessation des poursuites judiciaires contre l’ex-gouverneur Moïse Katumbi. La liste des prisonniers politiques et des opposants contraints à l’exil, qui devraient bénéficier des mesures de décrispation politique, a été catégoriquement rejetée par la Majorité Présidentielle. Selon elle, on devrait procéder à un examen au cas par cas.[11]

 

La répartition provisoire des délégués dans les trois commissions serait la suivante:

  1. Commission Gouvernance

Lutundula (G7), Kabund (Udps), Mubake (Udps), Sesanga (AR), Lisanga (Alliés Udps),

Olenghankoy (Dynamique), Kalala (Société civile), Lumanu (MP), Nkulu (MP), Makila

(Opposition signataire), Ruberwa (Opposition signataire), Mbikayi (Opposition signataire).

  1. Commission Elections

Fayulu (Dynamique), Molisho (G7), Ngoy (Udps), Kankonde (Udps), Kuye (Société civile),

Kabwelulu (MP), Bussa (Opposition signataire), Kamerhe (Opposition signataire).

  1. Commission Décrispation

Tshisekedi (Udps), Kamitatu (G7), Kiala (Société civile), Mende (MP), Thambwe (MP), Mokonda

(Opposition signataire), Bongongo (Opposition Républicaine signataire).[12]

 

Le secrétaire national du Mouvement Social du Renouveau, François Rubota, est revenu sur les revendications du Rassemblement qui souhaite notamment la restructuration de la CENI, du CSAC et de la Cour constitutionnelle. D’après ce député national, «il faudrait plusieurs mois (si pas des années) pour qu’on se mette d’accord sur une nouvelle loi organique de la CENI et sur la désignation des animateurs de cette institution. Demander de recomposer la CENI c’est nous retarder une fois de plus. Donc, selon lui, en souhaitant la restructuration de la CENI, le Rassemblement ne veut pas de la tenue des élections».[13]

 

Le 15 décembre, le député national Steve Mbikayi, président national du Parti Travailliste et délégué au dialogue, a affirmé que, «parmi les éléments qui empêchent d’avoir un accord, il y a l’ambiguïté du Rassemblement. S’il a un langage dans les médias et un autre au dialogue, ça nous retarde. Il doit nous dire clairement s’il va prendre part à un Gouvernement intérimaire avec le Président Kabila comme Chef de l’Etat ou pas. On a passé toute la journée d’hier sans qu’ils ne soient capables de nous donner une position».[14]

 

Pour Justin Bitakwira, président de l’Alliance pour la République et la Conscience Nationale, la motivation à la base de la participation du Rassemblement aux discussions directes autour de la CENCO serait de récupérer la Primature aux mains de Samy Badibanga. «Le Rassemblement est là pour avoir la Primature», a-t-il déclaré, en insistant toutefois que les discussions en cours ne sont pas destinées à remettre en cause l’accord issu du dialogue de la cité de l’Union Africaine.[15]

 

Le Président du Front Citoyen pour la République (FCR), le Député Jean-Bertrand Ewanga, réitère la position du Rassemblement sur le strict respect de la Constitution. Il rappelle que, «selon la Constitution, le deuxième et dernier quinquennat du Président Kabila arrivera à son terme le 19 décembre 2016.  Il n’est donc pas question d’accorder à Kabila une quelconque prolongation de son mandat présidentiel après le 20 décembre. On peut négocier sur les modalités du départ de Kabila, mais pas sur l’intangibilité de la Constitution. On ne touche pas à la Constitution: pas de révision, pas de référendum, pas de troisième mandat pour Monsieur Kabila, ça on ne négocie pas.

A quelques jours de la fin du deuxième et dernier mandat de Joseph Kabila, la première réaction de la population c’est d’affirmer haut et fort que le mandat de Kabila est terminé, qu’il n’est plus notre Président, qu’il a perdu sa légitimité et sa légalité. Il nous a amené dans une situation très complexe où toutes les Institutions de la République n’auront plus de mandat et de légitimité. A ce moment là, au-delà de la date du 19 décembre, il n’y aura plus d’institutions légales et légitimes au pays. Il faut donc une transition. Et la transition pourra être gérée par les gens du Rassemblement et les gens de Kabila. Pendant cette transition, le Rassemblement compte jouer le rôle premier, celui de l’autorité de transition … de gérer la Primature. Pourquoi ne pas organiser un pouvoir où la Majorité ne peut plus diriger?».[16]

 

Le 15 décembre, la Commission « Gouvernance et Institutions » a poursuivi le débat autour de la compréhension du respect de la Constitution et ses implications sur la résolution de la crise et le fonctionnement des institutions durant la transition. L’avenir de Kabila au delà du 19 décembre continue à diviser Majorité présidentielle (MP), Rassemblement (Rassop) et Front pour le Respect de la constitution (FRC). L’opposition non-signataire de l’accord du 18 octobre aimerait que dans le compromis politique à trouver, qu’il soit clairement mentionné que le président Kabila, arrivé fin mandat, ne sera pas candidat à sa propre succession et ne briguera pas un 3è mandat, qu’il n’y aura pas de révision constitutionnelle pendant la période transitoire, ni par la voie parlementaire, ni par la voie référendaire, pour que le président Kabila ne concourt plus à la présidentielle. La Majorité présidentielle ne veut pas en entendre parler. Une position, celle-ci, rejetée par le Rassemblement qui attend obtenir la non-participation du chef de l’Etat Joseph Kabila à la prochaine présidentielle. Le blocage est donc total.

Concernant la Commission « décrispation de la situation politique », le Rassemblement exige la cessation des poursuites contre Moise Katumbi et la libération immédiate, déjà avant le 19 décembre, des prisonniers politiques, mais la majorité soutient que la décision de la libération des prisonniers politiques devrait être prise par le ministère de la Justice, après examen de leurs dossiers au cas par cas et propose, donc, la mise en place d’une commission de magistrats pour traiter ces dossiers au cas par cas.[17]

 

Le 16 décembre, dans le cadre des travaux de la commission « décrispation du climat politique », les évêques de la CENCO ont présenté une liste de deux cent cinquante-deux prisonniers qui devraient être libérés. Selon le président de l’UNC, Vital Kamerhe, sur les 252 noms, les évêques ont présentés «sept cas emblématiques». Les évêques de la CENCO ont aussi échangé avec le leader du Rassemblement de l’opposition, Etienne Tshisekedi. Par la suite, ils sont allés voir le Président de la République, Joseph Kabila, avec la liste des prisonniers politiques à libérer.

Selon une source proche de la Cenco, le président Joseph Kabila aurait manifesté aux évêques sa volonté de prendre des décisions en faveur de 5 personnalités politiques sur les 7 cas emblématiques proposés. Ainsi, selon certaines sources, Jean-Claude Muyambo, Antipas Mbusa Nyamwisi, Roger Lumbala, Anzulumi Bembe et Moïse Moni Della pourront être relaxés ou rentrer au pays. Par contre,  le sort de Katumbi et Diomi dépendrait de la seule commission judiciaire proposée par la commission décrispation.[18]

 

Selon d’autres sources, les évêques auraient obtenu du chef de l’État sa parole d’honneur pour la libération des prisonniers politiques et le retour des exilés politiques. Seul le cas Diomi Ndongala poserait problème. Il s’agirait d’un cas de viol et, donc, d’un problème moral et le président Kabila aurait sérieusement hésité sur la proposition d’abandon des charges contre l’auteur de cette infraction.[19]

 

Tard dans l’après midi, la plénière du dialogue a adopté le rapport de la commission décrispation. Une commission des magistrats a été mise en place pour examiner, au cas par cas, les dossiers des prisonniers et exilés dont on demande la libération ou le retour.

Selon le ministre de la justice, Alexis Thambwe Mwamba, ces questions sont d’abord judiciaires et, sur ce, il faut respecter la procédure: «Pour la libération des détenus politiques, tout devra passer par la justice». Il faudra donc attendre le rapport final de la commission des magistrats mise en place par le ministre de la justice pour avoir les résultats finaux. Présentement, il serait difficile de prédire quand Katumbi, Lumbala, Mbusa ou Floribert Anzuluni rentreront au pays. De même pour la libération de Muyambo et Moni Della. Il faut du temps.

En ce qui concerne les deux autres commissions, « Gouvernance et Institutions » et « Processus électoral », il y a toujours blocage, car l’Opposition et la Majorité n’arrivent à trouver un compris. Le Rassemblement veut d’abord mettre en place un « régime spécial », où le président Joseph Kabila n’y aurait plus qu’un pouvoir honorifique, alors que la Majorité s’y oppose. En ce qui concerne la date des élections, les signataires de l’accord de l’UA soutiennent la date d’avril 2018, alors que le Rassemblement évoque le mois de septembre 2017. Enfin, les signataires de l’accord du 18 octobre dernier à la Cité de l’Union Africaine (UA) ne veulent pas voir Samy Badibanga être remplacé, encore moins cet accord être remis en cause.[20]

 

Le 16 décembre, lors d’intenses tractations sur l’avenir du président Kabila au delà du 19 décembre, le Rassemblement de l’opposition piloté par Étienne Tshisekedi aurait décidé d’accepter que Kabila reste en place jusqu’à l’organisation de la présidentielle fin 2017, afin d’obtenir, en contrepartie, la création d’un organe d’appui à la démocratie. L’institution à créer s’appellerait Conseil national de transition qu’Étienne Tshisekedi va présider. Il naîtrait sur base de l’article 122 de la constitution. Le même qui, selon les juristes du Rassemblement, a créé toutes autres institutions d’appui à la démocratie. En ce moment là, Tshisekedi aura des tâches spécifiques. Il veillera par exemple à la stricte application de l’Accord. Les juristes du Rassemblement ont imaginé cette formule, pour que Joseph Kabila cesse d’être le plénipotentiaire et qu’un rôle soit attribué à Étienne Tshisekedi.

Selon un membre de la majorité, en réalité, il s’agit d’une nouvelle institution qu’on veut mettre en place sous le label d’organe d’appui à la démocratie, mais qui n’a rien a voir avec la Ceni, le Csac ou l’Ondh. Au palais de la nation, cette proposition a été rejetée. Les proches du chef de l’État considèreraient la démarche comme un début de putsch. Pour eux, c’est comme si le pays serait dirigé par deux présidents, un président de la République et un président de la transition, alors que l’article 70 de la constitution a déjà tranché. D’où, le rejet est total.[21]

 

Le 16 décembre, dans une interview, Jean-Marc Kabund, secrétaire général de l’UDPS, a dévoilé la position du Rassemblement: «Au début des pourparlers, nous exigions le départ de Kabila. Finalement, parce que nous sommes en négociations, nous sommes venus trouver un compromis politique. Nous avons dit qu’il fallait dépouiller Monsieur (Kabila) de tous les pouvoirs, pour diminuer sa capacité de nuisance à empêcher le processus électoral. Curieusement, on se rend compte que rien n’avance. On est bloqués. Nous pensons que c’est l’occasion d’appliquer le carton rouge. De toute façon, si Kabila reste encore au pouvoir, il y reste juste pour inaugurer le chrysanthème. Il reste comme un président “protocolaire” pour une durée ne dépassant pas douze mois, afin de faciliter les choses, au nom de la paix. Il reste là. Il règne, mais il ne gouverne pas. Il est là parce qu’il a besoin de ses honneurs. On nous parle d’un président qu’il ne faut pas humilier. Nous sommes d’accord. Nous disons que nous n’allons pas brûler le Congo pour ça. Dans toutes les négociations il y a toujours quelque chose à perdre et quelque chose à gagner. Ce que nous pouvons gagner aujourd’hui, c’est la garantie que Kabila, privé de tout pouvoir, n’aura aucune capacité de nuisance sur le processus électoral».[22]

 

c. Une courte suspension des travaux

 

Le 17 décembre, les travaux du dialogue national inclusif ont été suspendus pour permettre au président et vice-président de la CENCO d’aller participer à une audience privée avec le Pape François au Vatican. Au cours d’une plénière dans l’après midi, le président de la CENCO, Mgr Marcel Utembi, a relevé la volonté des parties prenantes à travailler ensemble pour l’intérêt général du pays et il a affirmé la détermination des évêques de ne pas s’arrêter en mi-chemin.

Mais, vu le volume des matières sur lesquelles il y a encore des divergences, a précisé Mgr Marcel Utembi, «on ne va pas traiter dans la précipitation des questions cruciales». Il s’agira de reprendre le travail dans les commissions « gouvernance des institutions transitoires » et « processus électoral », où l’on note ces divergences entre parties prenantes. Les évêques ont alors demandé aux commissions de poursuivre leurs discussions sous la coordination du secrétariat technique de la CENCO. Les travaux pourront reprendre le 21 décembre, lors du retour des évêques.

Dans une déclaration politique commune publiée à l’issue de la plénière, le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement et le Front pour le respect de la constitution «constatent qu’il subsiste des divergences profondes concernant:

– La fin du mandat du président de la République

– Le fonctionnement des institutions après le 19 décembre 2016

– L’engagement des parties prenantes à ne pas réviser la constitution dans ses dispositions verrouillées par l’article 220 ou de changer de constitution

– L’engagement du président Kabila à ne pas briguer un 3ème mandat».

Selon ce document, «aucun accord n’a été trouvé concernant la séquence des élections, le calendrier électoral ainsi que la restructuration de la CENI».

Ils évoquent aussi «le déploiement excessif et sans précédent du dispositif militaire sur toute l’étendue du territoire, mettant de fait le pays sur le pied de guerre». Enfin, ils «demandent au peuple congolais, face à la crise de légalité et de légitimité qui sera ouverte à partir de ce lundi 19 décembre 2016 à 23h59, de demeurer vigilant et mobilisé pour la défense de la Constitution de la République». Sur son compte Twitter, Félix Tshisekedi s’est fait plus virulent, indiquant que «les discussions ont échoué. A présent, peuple congolais, la balle est dans ton camp. Nous sommes arrivés au bout de nos efforts».

Pour la Majorité présidentielle, on ne peut parler de blocage à ce niveau, étant donné que les négociations ne sont pas définitivement clôturées. A ce sujet, le ministre sortant de la Justice, Alexis Thambwe, a affirmé que «Après le 19 décembre, le pays existe. Le pouvoir continue à fonctionner et nous continuons à discuter. Nous voulons trouver des solutions consensuelles pour notre pays. Mais, rien ne se bloque. Le pays ne s’arrête pas».[23]

Le 18 décembre, dans une interview, Jean-Marc Kabund, secrétaire général de l’UDPS, a déclaré que, «le 19 décembre à 23H59, Kabila ne sera plus président de la République. Il n’aura ni légitimité ni légalité. Ma position est connue. Moi, Jean-Marc Kabund, secrétaire général de l’UDPS, je ne reconnaitrai plus Joseph Kabila comme président de la République après le 19 décembre à 23H59. Le Rassemblement va tout faire pour empêcher Kabila de diriger ce pays par défi. Nous avons toléré jusqu’au 19 décembre, parce qu’il avait un mandat. Les choses seront plus difficiles pour Kabila après le 19 décembre. C’est le début d’un processus de la déchéance de Monsieur Kabila comme Président de la République. Il revient maintenant au peuple de comprendre que c’est lui le souverain primaire. Le peuple congolais a le choix de faire respecter la constitution».[24]

[1] Cf 7sur7.cd, 08.12.’16  http://7sur7.cd/new/le-cenco-officialise-les-negociations-directes-pouvoir-opposition/

[2] Cf Will Cleas Nlemvo – Actualité.cd, 08.12.’16

[3] Cf Le Phare – Kinshasa, 09.12.’16  http://www.lephareonline.net/majorite-rassemblement-cest-parti/

[4] Cf Stanys Bujakera Tshiamala – Actualité.cd, 08.12.’16; Forum des As – Kinshasa, 09.12.’16

[5] Cf Stanys Bujakera – Actualité.cd, 08.12.’16

[6] Cf Forum des As – Kinshasa, 09.12.’16  http://www.forumdesas.org/spip.php?article9706 ; AFP – Africatime, 09.12.’16

[7] Cf Actualité.cd, 09.12.’16

[8] Cf Franck Ngonga – Actualité.cd, 10.12.’16

[9] Cf Actualité.cd, 13.12.’16 ; Radio Okapi, 14.12.’16

[10] Cf Radio Okapi, 14.12.’16

[11] Cf Eric Wemba – Le Phare – Kinshasa, 15.12.’16; Le Potentiel – Kinshasa, 15.12.’16

[12] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 13.12.’16

http://www.lepotentielonline.com/index.php?option=com_content&view=article&id=15927:repartition-des-delegues-dans-les-trois-commissions&catid=90:online-depeches&Itemid=468

[13] Cf Stanys Bujakera Tshiamala – Actualité.cd, 15.12.’16

[14] Cf Patient Ligodi – Actualité.cd, 15.12.’16

[15] Cf Stany Bujakera – Actualité.cd, 15.12.’16

[16] Cf Stanys Bujakera – Actualité.cd, 15.12.’16

[17] Cf Stanys Bujakera Tshiamala – Actualité.cd, 15.12.’16

[18] Cf Radio Okapi, 17.12.’16; Actualité.cd, 17.12.’16

[19] Cf Alphonse Muderhwa – 7sur.cd, 17.12.’16

[20] Cf Rachel Kitsita – Actualité.cd, 16.12.’16; Alphonse Muderhwa – 7sur.cd, 17.12.’16; Politico.cd, 16.12.’16

[21] Cf Alphonse Muderhwa – 7sur7.cd, 17.12.’16

[22] Cf Actualité.cd, 16.12.’16

[23] Cf Radio Okapi, 17.12.’16 ; RFI, 17.12.’16

[24] Cf Radio Okapi, 17.12.’16 ; RFI, 17.12.’16