Congo Actualité 300

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: UN DIALOGUE ENCORE À LA RECHERCHE D’UNE MAJEURE INCLUSIVITÉ

  1. DES NOUVELLES CONSULTATIONS ENTAMÉES PAR LA CENCO
  2. LE MEMORANDUM DU RASSEMBLEMENT DE L’OPPOSITION
  3. LE MEETING DU RASSEMBLEMENT DE L’OPPOSITION LE 5 NOVEMBRE

ÉDITORIAL: UN DIALOGUE ENCORE À LA RECHERCHE D’UNE MAJEURE INCLUSIVITÉ

 

1. DES NOUVELLES CONSULTATIONS ENTAMÉES PAR LA CENCO

Le 31 octobre, plusieurs responsables de l’opposition qui rejettent l’accord politique signé le 18 octobre ont échangé avec les évêques de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO). Il s’agit, entre autres, de Franck Diongo, Christophe Lutundula, Jean Pierre Lisanga Bonganga, Gilbert Kakonde, Peter Kazadi, Eve Bazaiba et Fidèle Babala. «Il était question de chercher des points de divergence et de convergence entre ceux qui étaient à la cité de l’Union Africaine et nous qui avons refusé cette mascarade», a dit un des participants à la réunion avec les Évêques.

Selon certaines sources, c’est Joseph Kabila qui a lui même sollicité les bons offices de la CENCO, en vue d’arracher l’adhésion du Rassemblement et du Mouvement de Libération du Congo (MLC) à l’accord politique signé le 18 octobre, à la cité de l’Union Africaine. D’autres sources affirment que le président de la République aurait échangé avec le président de la CENCO Marcel Utembi dans sa ferme de Kingakati pour lui confier cette mission. Un haut cadre du PPRD explique que l’une des raisons qui retarderaient la nomination d’un nouveau premier ministre ainsi que la mise en place du nouveau gouvernement serait cette dernière tentative du chef de l’Etat visant à obtenir l’inclusivité dans l’accord. «Le chef de l’Etat reste dans son rôle de père de la nation, en donnant son aval à cette ultime tentative, ça ne veut pas dire qu’il souhaite un nouveau dialogue», confie un proche de Joseph Kabila qui souligne que seul l’accord politique peut servir de socle à toute discussion. C’est aussi l’avis de l’opposition qui a participé au dialogue national et qui appelle les évêques à rester l’Eglise au milieu du village. Selon certains observateurs, on pourrait s’attendre à un second round du dialogue politique sous forme de négociations politiques directes entre la Majorité et l’Opposition, sous l’égide de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO).[1]

Le 1er novembre, au sortir de la rencontre avec les Évêques, Vital Kamerhe, chef de file des opposants ayant pris part au dialogue de la Cité de l’UA, a affirmé qu’il n’est pas question d’avoir un nouveau dialogue. Il a insisté sur le fait que «il ne sera jamais question d’un autre dialogue. Mais si les autres Congolais qui n’ont pas participé aux assises du dialogue veulent adhérer à l’accord, pas comme des gens qui n’ont pas des propositions à faire, moyennant quelques propositions ou avenant, ça c’est l’église qui va voir. Nous avons déjà un accord qui évite le chaos au pays. Si nos amis du Rassemblement ont une meilleure proposition, ils n’ont qu’à nous la donner, puisqu’on nous a parlé du rapport du conclave. Nous avons tous parlé de dialogue. Mais la différence entre eux et nous, c’est que nous avons parlé de transition, mais eux, ils ont parlé d’un régime spécial».[2]

Le député national de la MP, Henri-Thomas Lokondo, s’est ainsi exprimé: «Je salue la démarche de la CENCO, parce que ma conviction est que si les amis du Rassemblement ne sont pas avec nous, on va patauger dans la crise politique et sociale qui s’annonce dure. Il faut à tout prix que tout le monde soit impliqué. Il faut qu’il y ait des formules pour que ceux du Rassemblement aient voix au chapitre. Il faut considérer également quelques aspects de leur feuille de route pour l’intérêt supérieur de la nation. Cela ne gênerait pas de rapprocher l’accord des conclusions du conclave du Rassemblement. L’accord, c’est comme un texte de loi qui peut être modifié. Si nous modifions les lois de la République que nous votons et même la Constitution, pourquoi l’accord ne peut pas être modifié si l’intérêt supérieur de la nation l’exige?».[3]

Le 1er novembre, devant le Conseil de Sécurité, l’Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour la région des Grands Lacs, Saïd Djinnit, a appelé, le gouvernement congolais à œuvrer pour la mise en place d’un processus politique inclusif. Il a également exhorté toutes les parties prenantes à poursuivre leurs objectifs politiques par le biais de moyens pacifiques et du dialogue.[4]

Le 1er novembre, des sources proches du Conseil de Sécurité de l’Onu ont révélé qu’une délégation conduite par les ambassadeurs français, sénégalais et angolais, se rendra du 10 au 14 novembre à Kinshasa, Goma et Beni pour rencontrer le président Joseph Kabila ainsi que des responsables de l’opposition et de la société civile.

L’ambassadeur angolais Ismael Gaspar Martins a expliqué à des journalistes que cette délégation pourrait «exiger qu’une date soit choisie par les Congolais eux-mêmes» pour l’élection présidentielle, à laquelle le président Kabila ne se représenterait pas. «Il (M. Kabila) doit terminer son mandat et laisser quelqu’un d’autre être élu», a-t-il affirmé. Mais cette transition doit s’effectuer de manière « ordonnée », pour ne pas « créer un vide » déstabilisant, a-t-il averti. «Il faut choisir une bonne date (..) Il ne faut pas qu’il y ait l’élection puis la confusion», a-t-il souligné.

Pour l’ambassadeur français François Delattre, «l’élection doit se tenir dès que possible et dans le plein respect de la Constitution». Le Conseil, a-t-il déclaré, «saisira l’occasion de parler à toutes les parties prenantes en RDC, afin qu’elles soient pleinement conscientes de leur responsabilité de préserver la paix et de se montrer prêtes à des compromis».[5]

Le 1er novembre, treize membres du Rassemblement de l’opposition ont signé l’accord politique trouvé, le 18 octobre, à l’issu du dialogue. Willy Mishiki, l’une des 13 personnalités qui ont signé l’accord politique, affirme que cette adhésion se justifie par le souci de «éviter au pays un bain de sang». Les 13 nouveaux signataires de l’accord politique affirment continuer à soutenir Etienne Tshisekedi, président du comité de sages du Rassemblement, qui, selon eux, est «otage de certaines forces obscures qui, aujourd’hui, ne regardent que leurs intérêts». Après des négociations avec la majorité, les 13 nouveaux signataires de l’accord politique affirment avoir obtenu que le prochain Premier ministre soit issu du Rassemblement de l’opposition.

De sa part, Jean-Pierre Lisanga Bonganga, membre du Rassemblement, affirme que Willy Mishiki et son groupe ne font plus partie de cette plateforme de l’opposition et que sa signature «n’a rien à voir avec le Rassemblement, n’engage en rien le Rassemblement».[6]

2. LE MEMORANDUM DU RASSEMBLEMENT DE L’OPPOSITION

Le 2 novembre, le Rassemblement des Forces politiques et sociales acquises au changement à remis à la CENCO un mémo dans lequel il reprend, point par point, ses exigences et recommandations en rapport avec l’accord politique conclu le 18 octobre dernier à la cité de l’Union Africaine.

Dans ce document,

«Le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement soutient la mission de bons offices de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO). Il réaffirme sa volonté de s’y impliquer activement, dans le seul but d’obtenir le respect de la Constitution de la République par tous et de débloquer pacifiquement le processus électoral par l’organisation d’élections transparentes, libres et crédibles en vue de l’alternance démocratique conformément à cette Constitution. A cet effet, le Rassemblement souscrit à l’idée que le rapport final de son conclave du 04 octobre 2016, d’une part, et l’Accord politique signé le 18 octobre à la Cité de l’Union Africaine, à Kinshasa, par les participants au dialogue non inclusif organisé sous la facilitation de Monsieur Edem Kodjo, de l’autre, constituent les documents de travail de base dont les contenus respectifs feront l’objet d’un rapprochement en vue d’un compromis politique inclusif.

Pour le Rassemblement, les parties prenantes sont, par conséquent, les suivantes:

  1. Les signataires de l’Accord de la Cité de l’UA et
  2. Le Rassemblement et ceux avec lesquels il partage les mêmes positions.

De la lecture des positions des deux parties exprimées dans leurs documents respectifs évoqués ci-dessus, il ressort des divergences profondes sur les questions fondamentales ci-après:

  1. CONSTITUTION DE LA REPUBLIQUE ET PACTE REPUBLICAIN DE SUN CITY

Le Rassemblement considère qu’il est de la plus haute importance que les parties prenantes prennent, sans équivoque, les 3 engagements suivants:

  1. respecter l’intangibilité du Pacte républicain issu du dialogue inter congolais de Sun City et la Constitution du 18 février 2006, notamment en ce qui concerne la limitation du nombre et de la durée des mandats du Président de la République.

Cet engagement majeur implique non seulement qu’aucune des partie prenantes ne prendra l’initiative de révision ou de changement de Constitution par voie législative ou par référendum, mais aussi que le Président de la République actuellement en fonction dont le second et le dernier mandat présidentiel expire le 19 décembre à 23 heures 59, ne présentera pas sa candidature à la prochaine élection présidentielle;

  1. respecter la primauté de l’Etat de droit, les droits humains, les libertés fondamentales, individuelles et collectives;
  2. respecter la Résolution 2277 (2016) du Conseil de sécurité des Nations Unies, plus spécialement dans ses dispositions concernant le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ainsi que la libération de l’espace politique.

Le document d’accord politique contiendra impérativement des clauses claires et précises sur les 3 engagements ci-dessus.

  1. PROCESSUS ELECTORAL

Pour le Rassemblement, le processus électoral doit être conforme à la Constitution, transparent et crédible. Les élections présidentielle et législatives doivent être organisées dans les plus brefs délais et, en tous cas, dans le courant de l’année 2017.

  1. Cadre institutionnel

Le Rassemblement exige que toutes les institutions impliquées dans le processus électoral, plus spécifiquement la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), la Cour constitutionnelle et le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC), jouissent pleinement de leur indépendance et soient véritablement neutres et impartiales.

En effet, la CENI et la Cour constitutionnelle dans leur configuration actuelle sont partisanes et partiales en faveur de la mouvance kabiliste. Quant au CSAC, il est incapable de garantir le libre accès aux médias publics à tous les courants d’opinion et l’impartialité des médias en général.

Aussi, le Rassemblement exige la restructuration de ces trois institutions instrumentalisées par le pouvoir. Dans ce cadre, la composition actuelle de la CENI doit être revue totalement.

Dans le même ordre d’idées, le Rassemblement préconise qu’une équipe d’experts de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) soit commise auprès de la CENI pour renforcer ses capacités et garantir aux compétiteurs son impartialité. Le Rassemblement rappelle que la neutralité et l’impartialité sont un devoir imposé également par la Constitution aux Forces armées, à la Police nationale, aux services de renseignement, à la territoriale et à l’administration publique en général.

Les deux parties prenantes devront convenir des dispositions pratiques à cet effet.

  1. Enrôlement des électeurs

Le Rassemblement considère que le processus en cours est un recensement déguisé de la population et sert à retarder l’élection présidentielle pour permettre à Monsieur Kabila de demeurer au pouvoir au mépris de la Constitution et contre la volonté du Peuple congolais.

Pour cette raison, le Rassemblement demande l’évaluation minutieuse de l’opération d’enrôlement des électeurs en cours, en vue d’en assurer la régularité et de l’accélérer

  1. Séquence des scrutins

1) La priorité doit être donnée à l’élection présidentielle, couplée comme par le passé (2006 et 2010), avec les législatives nationales;

2) dans le délai de 30 jours maximum, à compter de la proclamation des résultats provisoires des élections présidentielle et législatives, les élections provinciales et sénatoriales devront être organisées; 3) les élections locales, communales et urbaines se tiendront après l’installation des institutions nationales et provinciales.

  1. Calendrier électoral

Le calendrier électoral doit faire l’objet du consensus des deux parties prenantes et figurer dans le document final.

Ce calendrier intégrera rationnellement toutes les opérations préélectorales et électorales pour les élections présidentielles et législatives, comme ce fut le cas en 2006 et 2011.

Les élections présidentielle et législatives seront organisées avant la fin de l’année 2017.

  1. Financement des élections

Pour affronter le défi du financement du processus électoral, le Rassemblement préconise la mobilisation combinée des ressources internes et externes, ainsi que l’appui logistique de la MONUSCO. Au plan interne, la priorité devra être effectivement accordée à l’allocation des ressources conséquentes et à leur exécution suivant le plan de décaissement préalablement arrêté par la Gouvernement pour l’organisation des élections dans le délai convenu.

En outre, le Rassemblement souligne la nécessité de:

5.1. Elaborer un budget électoral réel et réaliste;

5.2. Procéder à l’audit financier de la CENI;

5.3. Assurer la transparence dans la passation des marchés et de réactiver la coopération avec le PNUD, notamment dans le cadre du projet d’appui au processus électoral.

Sur le plan externe, il sied de solliciter et d’obtenir l’accompagnement financier des partenaires bilatéraux et multilatéraux de la République Démocratique du Congo.

  1. Sécurité des élections

Le Rassemblement propose la mise en place d’une plate-forme d’alerte et de traitement des cas des défis sécuritaires liés à l’organisation des élections sur l’ensemble du territoire national.

III. LEGITIMITE DES ANIMATEURS ET MEMBRES DES INSTITUTIONS POLITIQUES ET EXERCICE DU POUVOIR APRES LE 19 DECEMBRE 2016

Depuis 2012, les mandats des députés provinciaux, des gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces et des sénateurs a expiré.

Le 19 décembre prochain, le mandat présidentiel de Joseph Kabila sera échu, tandis qu’en février 2017 celui des députés nationaux arrivera à son terme.

Ainsi, dans quelques mois, la République Démocratique du Congo, par la seule volonté de Joseph Kabila, se trouvera dans la situation atypique d’un Etat dont les institutions nationales et provinciales à mandat électif auront toutes perdu leur légitimité. Il en résultera, par conséquent, un vide du pouvoir qui, dans un régime démocratique, ne peut émaner que du Peuple souverain comme le prescrit, d’ailleurs, l’article 5 alinéa 1er de la Constitution de la République.

Pour être résolue, cette question de légitimité requiert, un large consensus politique national, en tenant compte aussi bien de l’économie générale de la Constitution que des responsabilités d’un chacun dans l’impasse électorale actuelle.

C’est pourquoi, le Rassemblement préconise la mise en place d’un régime spécial devant assurer la gestion du pays de manière à organiser, sans tarder, les élections dans le respect de la Constitution et des normes démocratiques.

  1. DECRISPATION POLITIQUE ET MESURES DE CONFIANCE MUTUELLE

Pour une véritable décrispation politique et l’instauration de la confiance mutuelle entre les parties prenantes, le Rassemblement réaffirme qu’il est impérieux que le pouvoir en place pose les actes ci-après: 1. la libération sans condition de tous les prisonniers politiques et d’opinion, tant à Kinshasa qu’à l’Intérieur du pays;

  1. l’abandon des poursuites judiciaires injustes et inspirées par des motivations politiques contre les leaders de l’Opposition;
  2. le retour en toute sécurité et sans ennuis des exilés politiques congolais;
  3. l’arrêt de toutes formes d’harcèlement, d’intimidations et de menaces contre les membres de l’opposition tant à Kinshasa qu’à l’intérieur du pays;
  4. l’arrêt et l’abandon des tracasseries fiscales, administratives et policières contre les membres de l’Opposition et de la société civile;
  5. la suppression et l’interdiction des dédoublements des partis politiques de l’Opposition;
  6. la levée de toutes entraves à la liberté de presse et de manifestation;
  7. le libre accès des médias publics à tous les courants de pensée et d’opinion;
  8. la réouverture de tous les médias proches de l’Opposition fermés;
  9. la liberté de mouvement des membres de l’Opposition.
  10. MECANISME DE SUIVI DU COMPROMIS POLITIQUE

En vue de garantir le respect des engagements pris et la bonne fin du processus électoral, le Rassemblement préconise la mise en place des mécanismes internes et externes appropriés de suivi et à convenir entre les parties».[7]

Le 4 novembre, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) a tenu une conférence de presse à Bruxelles.

Le secrétaire général adjoint chargé des questions politiques, juridiques, diplomatiques et de Communication au sein de l’UDPS, Felix Tshisekedi, a affirmé que le Rassemblement a adhéré a la logique de la non-organisation des élections en 2016. a déclaré que ce n’est plus possible d’organiser les élections dans les délais constitutionnels, mais qu’il n’est pas, dans cet état des choses, possible à Joseph Kabila de continuer à diriger le pays pendant la transition: «Une nuance très importante que nous faisons avec les autres, notamment le camp de Kabila, c’est celle de dire qu’on ne peut pas donner une prime à ceux-là même qui sont à la base de l’échec de l’organisation des élections. À cause de ça, nous disons que Joseph Kabila ne peut pas être celui qui va diriger cette transition. Pour nous, il s’arrêtera le jour où son mandat s’arrête».

Le nouveau secrétaire national chargé des relations extérieures du parti, Tharcisse Loseke, a déclaré que les divergences sont fondamentales entre les signataires de l’accord de la cité de l’UA et le Rassemblement: «Ces divergences n’ont pas été vidées par l’accord qui a été signé. A titre d’exemple, l’accord ne fait pas mention sur la révision ou le changement de la constitution. L’accord ne fait pas mention sur le fait que monsieur Kabila ne peut pas se présenter pour une 3ème mandat présidentiel».[8]

3. LE MEETING DU RASSEMBLEMENT DE L’OPPOSITION LE 5 NOVEMBRE

Le 2 novembre, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) a officiellement saisi le gouverneur de la ville de Kinshasa, à travers une lettre, pour l’informer de la tenue du meeting du 5 novembre 2016 coorganisé avec d’autres forces politiques réunies au sein du Rassemblement.

Dans une lettre signée par son secrétaire général Jean Marc Kabund-A-Kabund, l’UDPS appelle André Kimbuta à prendre toutes les mesures possibles pour encadrer les participants à cette activité et à assurer le respect de leurs droits d’expressions, d’opinion et de manifestation.

Cet appel de l’UDPS intervient trois jours après que l’Hôtel de Ville, à travers un communiqué signé par le vice-gouverneur de la ville, ait insisté sur l’interdiction, jusqu’à nouvel ordre, de toutes les manifestations à caractère politique dans la ville de Kinshasa. Une interdiction imposée par le gouverneur de la ville après les troubles sanglants des 19 et 20 septembre 2016.[9]

Le 3 novembre, l’Hôtel de Ville a rejeté la demande de l’UDPS visant à organiser un meeting populaire le 5 novembre 2016 à Kinshasa. Dans une note accusant réception de la lettre du Rassemblement destinée au Gouverneur de la ville, le vice-gouverneur Clément Bafiba Zomba a rappelé une nouvelle fois la décision du Gouverneur provincial du 22 septembre 2016 qui diffère, jusqu’à nouvel ordre sur l’ensemble du territoire de la ville de Kinshasa, les manifestations à caractère politique sur la place publique. L’autorité urbaine a également saisi l’occasion pour rappeler que le Commissaire Provincial de la Police Nationale Congolaise et la Bourgmestre de la commune de Kasa-Vubu, lieu où le Rassemblement prévoit son meeting, sont chargés de prendre les dispositions sécuritaires habituelles.[10]

Le 3 novembre, dans un communiqué intitulé « mise au point de la Police Nationale sur la journée du 5 novembre 2016 », la Police Nationale Congolaise (PNC) a annoncé qu’elle va empêcher le meeting d’Étienne Tshisekedi prévu le 5 novembre 2016. Selon le document signé par le Porte-parole de la PNC le Colonel Mwanamputu, «en exécution de la décision du Gouverneur de la ville Province de Kinshasa portant interdiction de toute manifestation ou tout rassemblement à caractère politique, décision prise le 22 septembre 2016, lors du conseil des ministres provinciaux, et rappelée le 31 octobre 2016 par le Vice Gouverneur, les unités de la police nationale garnison de la ville province de Kinshasa ont été consignées pour intensifier leur présence dans tous les points chauds et sites stratégiques avec pour finalité de faire observer l’interdiction de l’exercice de toute action à caractère politique non autorisée sur toute l’étendue de la ville de Kinshasa. La police nationale tient à préciser que la journée du 5 novembre 2016 reste une journée ordinaire, comme tant d’autres où tout le monde vaquera librement à ses occupations et qu’aucune perturbation de l’ordre public ne sera tolérée».[11]

Le 3 novembre, dans une interview, le secrétaire Général de l’UDPS, Jean-Marc Kabund, a affirmé que «le meeting du 5 novembre est maintenu. J’ai répondu au vice-gouverneur que sa position est une violation de la constitution. Oui, c’est une violation flagrante de la Constitution, le pouvoir tente de museler l’opposition pour réussir son coup de force d’imposer M. Joseph Kabila après le 19 décembre, mais nous n’allons pas l’accepter. Nous maintenons notre meeting à la date et au lieu indiqué. Nous avons le droit de nous battre pour assoir la démocratie dans ce pays. S’il faut payer de notre sang, nous et nos combattants sommes prêts».[12]

Le 3 novembre, un groupe d’experts des droits de l’homme des Nations Unies a appelé les autorités de la RDC à lever une interdiction «injustifiée» des manifestations dans la capitale, Kinshasa. L’interdiction a été imposée en septembre après des manifestations qui ont été brutalement réprimées par les forces de sécurité, laissant des dizaines de morts et de blessés.

«Les droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique et d’association sont des droits fondamentaux garantis par le droit international. Ces droits ne peuvent être limités que dans des circonstances très précises et étroitement définies», ont déclaré les experts. Ces experts sont Mainia Kiai, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté d’association et de manifestation pacifique, Michel Forst, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, et David Kaye, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des libertés d’opinion et d’expression.

Ils ont souligné que «la situation actuelle en RDC ne justifie pas l’interdiction générale des manifestations» et ils ont précisé que, «étant donné que le pays se trouve dans une période électorale hautement contestée, les citoyens devraient avoir davantage d’espace pour exprimer leurs libertés fondamentales. Dans la perspective des manifestations à venir, en particulier celles prévues pour le 5 novembre, ont ajouté les experts de l’ONU, nous exhortons les autorités congolaises à révoquer leur décision d’interdire les manifestations». L’interdiction de manifestations politiques est aussi en vigueur à Kalemie dans la province du Tanganyika et à Lubumbashi dans le Haut Katanga.[13]

Le 3 novembre, plusieurs ONG et partis politiques de l’opposition ont déposé une protestation à l’Hôtel de Ville pour que soit retirée la décision qui interdit les manifestations publiques sur toute la ville de Kinshasa. Selon le président de l’Association congolaise pour le droit à la justice, l’Acaj, cette décision viole la Constitution. Georges Kapiamba a rappelé que «l’article 26 de la Constitution impose une seule obligation aux organisateurs, qui est d’informer l’autorité compétente de la manifestation et de son itinéraire. La loi ajoute que la responsabilité et l’obligation d’encadrer la manifestation ou la réunion publique revient exclusivement à cette autorité».

Le gouvernement de la ville-province de Kinshasa n’a pas tardé à répliquer par le biais de Thérèse Olenga Kalonda, sa porte-parole, qui estime que les événements des 19 et 20 septembre derniers ont contraint les autorités à la prudence. Elle a expliqué que «les appréciations qui ont été faites en Conseil des ministres ne nous garantissent pas que nous pourrons assurer la sécurité des personnes. Voilà les raisons qui nous poussent à dire que nous ne sommes pas en mesure d’encadrer cette activité. Par ailleurs, nous aimerions que les organisateurs assument aussi leurs responsabilités».[14]

Le 4 novembre, le gouvernement provincial de Kinshasa a réaffirmé sa mesure d’interdiction des manifestations publiques à caractère politique et a recommandé au Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement de «surseoir» à son meeting populaire prévu pour samedi 5 novembre à Kinshasa.

Dans un communiqué lu sur la télévision nationale par sa porte-parole, Thérèse Olenga, l’exécutif provincial estime que le Rassemblement n’est pas capable d’éviter des débordements éventuels:

«Relevant le fait que les organisateurs ne donnent aucune garantie quant à leur capacité de conduire, sans débordements, une manifestation sur la place publique […], le gouvernement provincial de Kinshasa réitère les termes du communiqué diffusé par ailleurs le 31 octobre 2016 et invite donc les organisateurs à surseoir à l’organisation de l’activité prévue ce samedi 5 novembre 2016». Thérèse Olenga a aussi rappelé que, «en date du 19 septembre 2016, l’opposition politique a organisé une marche dûment autorisée par le gouverneur de la ville suivant un point de rassemblement, un itinéraire et un point de chute». Malheureusement, a-t-elle poursuivi, au lieu d’être pacifique, cette manifestation s’est transformée – avant même l’heure indiquée- en un «mouvement insurrectionnel». Dans le communiqué, Thérèse Olenga a rappelé que la Constitution en son article 26 garantit la liberté de manifestations publiques. Mais, cette liberté est soumise au «respect de la loi» qui en détermine les conditions, notamment d’ordre public et de sécurité.

Conformément à cette position des autorités de la ville, la police a déjà prévenu qu’elle empêcherait tout attroupement ce samedi.

Dans une interview, le secrétaire général de l’UDPS, Jean-Marc Kabund, a réaffirmé de son côté que ce meeting se tiendrait conformément à l’article 26 de la constitution qui consacre la liberté d’expression, d’opinion et de manifestation.[15]

Le 5 novembre, à Kinshasa la police était déployée en masse pour empêcher la tenue du meeting du Rassemblement de l’opposition. Un important dispositif des éléments de la Police nationale congolaise (PNC) est observé depuis la matinée à Limete (Kinshasa), autour de la résidence d’Etienne Tshisekedi et de la permanence de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Tous les mouvements de sortie et d’entrée sont interdits par les forces de l’ordre. Vers 08h15 (07h15 GMT), des agents ont tiré cinq grenades lacrymogènes pour disperser une soixantaine de jeunes près de la résidence d’Étienne Tshisekedi. Un militant a été blessé à la tête par l’explosion d’un des projectiles. L’on signale aussi quelques arrestations des militants de l’UDPS. Sur le boulevard Triomphal, l’espace prévu pour le meeting du Rassemblement de l’opposition est transformé à un terrain de football par les éléments de la PNC déployés sur place. «Ce sont des militaires et des policiers en civil qui font semblant de jouer», ont dit des opposants qui surveillent le déploiement des forces de sécurité. Des camionnettes de la police sont perceptibles sur le lieu et aucun attroupement de la population n’est toléré par les forces de l’ordre. Les émissions de la radio française RFI et de la radio onusienne Okapi étaient coupées ou brouillées.[16]

Le 6 novembre, une Coalition des 33 ONG a désapprouvé l’interdiction du meeting de l’opposition, prévu samedi 5 novembre à Kinshasa et finalement empêché par la police. Le coordonnateur de cette structure, Georges Kapiamba, a condamné la restriction de la liberté de mouvements d’Etienne Tshisekedi, président de l’UDPS, qui n’a pas pu quitter sa résidence pour se rendre au lieu où il devait s’adresser à ses militants. Il a condamné aussi la coupure du signal de RFI et le brouillage de celui de Radio Okapi. «Ça porte gravement atteinte à la liberté de la presse, mais ça porte aussi atteinte au droit à l’information qui est garanti aux populations congolaises tant par la Constitution de la RDC que les instruments juridiques internationaux ratifiés par cette dernière», a dénoncé Maître Georges Kapiamba, en exigeant le rétablissement sans condition de ces deux stations radio.[17]

Dans un communiqué signé par leur Ambassade à Kinshasa, les Etats-Unis d’Amérique rappellent que «les violences tragiques des 19 et 20 septembre dernier à Kinshasa ont souligné le besoin urgent d’un Accord politique plus élargi et inclusif sur la date de la prochaine élection présidentielle et aussi, sur le leadership de la RD Congo après l’expiration du deuxième mandat du Président Joseph Kabila, le 19 décembre». Les Etats-Unis d’ Amérique soulignent que le Dialogue inclusif et le respect des principes fondamentaux de la démocratie sont déterminants, car ils permettraient à la RD Congo d’éviter de nouveaux troubles dans le pays.

Les Etats-Unis d’Amérique disent apporter leur soutien à la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), actuellement engagée dans la recherche d’un Accord politique plus inclusif et ils appellent les protagonistes de la crise politique actuelle à la retenue. «Nous invitons, une fois de plus toutes les parties à respecter les principes fondamentaux de la démocratie, à rejeter la violence et à s’abstenir de tout langage pouvant susciter la violence», insiste le même communiqué.

Dans un autre registre, Les Etats-Unis déplorent le fait que le meeting du Rassemblement des forces politiques et sociales prévu pour le 5 novembre dernier, n’ait plus eu lieu. Pour les Etats-Unis, l’interdiction de cette manifestation de l’Opposition par l’autorité urbaine de la ville de Kinshasa, constitue ni plus ni moins une atteinte aux principes de démocratie. «Les efforts du gouvernement congolais visant à empêcher des membres des partis de l’Opposition et de la Société civile de tenir des réunions publiques ou d’organiser des manifestations pacifiques dans les lieux publics, et la violation de la liberté de presse par le gouvernement ainsi que le fait de priver la population congolaise de l’accès à l’information sont incompatibles avec les principes démocratiques», renchérit l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique dans son communiqué. Les USA estiment par ailleurs, que la démocratie ne saurait fonctionner correctement sans les libertés de rassemblement et des médias. «La liberté de presse et le droit de se réunir pacifiquement sont des composantes essentielles de la démocratie», conclu le communiqué.[18]

Le député national et membre du Rassemblement Lumeya Dumalegi a affirmé que le meeting empêché le samedi 5 novembre 2016 visait à prouver aux yeux du monde que le gouvernement congolais ne respecte pas les droits de l’homme. L’objectif recherché par le Rassemblement c’était de prouver à la face du monde qu’en matière de respect des droits de l’homme, la RDC est un pays où rien n’est respecté. Pour qu’il y ait meeting, il faut une tribune et le courant. On savait que le gouvernement n’accepterait pas ça. Nous étions sur qu’il n’accepterait pas que nous érigions la tribune. Nous savions que le courant serait coupé dans ce quartier. Notre objectif était de prouver que dans notre pays on ne respecte pas les droits de l’homme.[19]

[1] Cf Stanys Bujakera Tshamala – Actualité.cd, 31.10.’16; RFI, 01.11.’16

[2] Cf Stanys Bujakera Tshiamala – Actualité.cd, 01.11.’16

[3] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 01.11.’16

[4] Cf Radio Okapi, 03.11.’16

[5] Cf AFP – Africatime, 02.11.’16

[6] Cf Radio Okapi, 01.11.’16

[7] Cf Le Phare – Kinshasa, 04.11.’16 http://www.lephareonline.net/cahier-de-charges-a-cenco-rassemblement-tolere-glissement-jusquen-2017/

[8] Cf Jacques Kini – Actualité.cd, 05.11.’16

[9] Cf Will Cleas Nlemvo – Actualite.cd, 03.11.’16 https://actualite.cd/2016/11/03/ludps-saisit-officiellement-kimbuta-meeting-5-novembre/

[10] Cf Will Cleas Nlemvo – Actualite.cd, 03.11.’16 https://actualite.cd/2016/11/03/lhotel-de-ville-rejette-demande-rassemblement-de-tenir-meeting-5-novembre/

[11] Cf Actualite.cd, 03.11.’16

[12] Cf Actualité.cd, 04.11.’16

[13] Cf Radio Okapi, 04.11.’16

[14] Cf RFI, 04.11.’16

[15] Cf Radio Okapi, 05.11.’16

[16] Cf Radio Okapi, 05.11.’16; AFP – Africatime, 05.11.’16

[17] Cf Radio Okapi, 07.11.’16

[18] Cf Laurel Kankole – Forum des As – Kinshasa, 08.11.’16

[19] Cf Stanys Bujakera – Actualité.cd, 08.11.’16