Congo Actualité 297

ÉDITORIAL: UN DIALOGUE PAR ÉTAPES SUCCESSIVES

  1. LE CONCLAVE DU RASSEMBLEMENT DE L’OPPOSITION
    1. L’ouverture
    2. Le communiqué de la CENCO
    3. Le rapport final (quelques extraits)
    4. Quelques réactions
  2. LE DIALOGUE EN COURS
  3. LES DÉCLARATIONS DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

ÉDITORIAL: UN DIALOGUE PAR ÉTAPES SUCCESSIVES

 

 

1. LE CONCLAVE DU RASSEMBLEMENT DE L’OPPOSITION

a. L’ouverture

Le 3 octobre, le secrétaire général de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), Jean-Marc Kabund, a affirmé que «la position de l’UDPS est claire: les élections doivent être organisées dans le délai constitutionnel (…) les propos du président de la Commission électorale n’engagent ni l’UDPS, ni le peuple congolais». À ce propos, le 1er octobre, le président de la Commission électorale, Corneille Nanga avait affirmé que, «après la fin des opérations d’enrôlement des électeurs, prévue le 31 juillet 2017, la CENI aura besoin de 504 jours supplémentaires, pour organiser les élections présidentielles, couplées aux législatives nationales et provinciales». Jean-Marc Kabund a affirmé que l’UDPS «n’acceptera» pas un accord tel que proposé au cours du dialogue en cours à la Cité de l’Union Africaine (UA). Par contre, il a appelé au «vrai Dialogue inclusif» et au départ du président Joseph Kabila le 19 décembre 2016, date qui marque la fin de son deuxième et dernier mandat présidentiel, selon les dispositions constitutionnelles: «Nous attendons le vrai Dialogue pour établir les responsabilités. Si aujourd’hui il est établi qu’il n’y aura pas d’élections dans le délai constitutionnel, nous allons en tirer toutes les conséquences. Mais, quant au sort de M. Kabila (le président de la République), c’est connu il ne peut pas diriger ce pays au delà du 19 décembre». Par ailleurs, le Secrétaire Général de l’UDPS avance l’idée d’un « nouvel ordre politique » pour gérer le pays « après le 19 décembre 2016 ».[1]

Le 4 octobre, à Kinshasa, les délégués des partis politiques et des plateformes politiques membres du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement se sont réunis en conclave auprès du siège de l’UDPS. Selon Franck Diongo, «on va discuter de comment le pays va être géré à partir du 20 décembre, puisque Joseph Kabila ne sera plus président. Il y aura une transition sans Kabila. Les élections doivent avoir lieu impérativement en 2017». S’exprimant pendant cinq minutes lors de ce conclave, le président du Comité des sages du Rassemblement de l’Opposition, Etienne Tshisekedi, a demandé au peuple de rejeter les conclusions du Dialogue qui se tient à la cité de l’Union africaine: «Que le peuple ne considère pas les résolutions du camp Tshatshi. Nous donnerons un carton jaune à Kabila le 19 octobre et un carton rouge le 19 décembre». À la fin de ce conclave, on a rendu publique le Rapport final des propositions sorties au cours des derniers mois. Première proposition: appeler à la tenue d’un nouveau dialogue auquel tout le monde cette fois participerait. Un dialogue plus inclusif et qui durerait dix jours.

Pour cela, l’opposition exige un certain nombre de prérequis. La nomination d’abord d’un nouveau facilitateur, le médiateur de l’Union africaine Edem Kodjo étant récusé par l’opposition radicale, accusé d’être trop proche du pouvoir. La libération des prisonniers politiques ensuite. Mais aussi la dissolution de la commission électorale qui a échoué à organiser l’élection présidentielle en temps et en heure, à savoir 90 jours avant la fin du mandat de Joseph Kabila comme le veut la Constitution.

Enfin, et c’est sans doute le plus important, avant d’entamer un dialogue avec la majorité, le Rassemblement de l’opposition veut que Joseph Kabila s’engage à quitter le pouvoir à la fin de son mandat le 19 décembre 2016 en respect de la Constitution. L’idée est de dire qu’il est possible que le pays soit obligé de décaler l’organisation de l’élection présidentielle, mais qu’il n’est pas possible que Joseph Kabila se maintienne au pouvoir pendant cette période de transition car cela reviendrait à violer la Constitution qui est très claire sur le sujet. Mais avant d’entamer un « nouveau dialogue inclusif », il se pose un grand problème: comment faire pour que la majorité accepte d’y participer?[2]

b. Le communiqué de la CENCO

Le 4 octobre, invité à participer au conclave du Rassemblement de l’Opposition, le vice secrétaire de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), l’Abbé Donatien Nshole, a présenté un Communiqué de la CENCO adressé aux participants au Conclave du Rassemblement:

«La Cenco reste convaincue que seul un dialogue inclusif dans le respect du cadre constitutionnel … est le cadre indiqué pour résoudre la crise socio-politique du Pays.

La Cenco a suspendu sa participation au dialogue en cours, retenu pas suffisamment inclusif, pour obtenir la disponibilité du Rassemblement au dialogue, en vue d’un large consensus.

En effet, la Cenco a toujours voulu que les forces vives de la Nation dans leur diversité se retrouvent ensemble autour d’une table pour trouver ensemble des solutions de sortie de la crise sociopolitique actuelle et ce, de manière apaisée et non-violente. Fort malheureusement, le dialogue en cours à la Cité de l’UA se tient sans la participation du Rassemblement pour des raisons évidentes évoquées dans ses déclarations, notamment les préalables.

La Cenco continue à faire le plaidoyer à qui de droit pour que vos exigences soient prises en compte dans la mesure du possible. Mais elle tient en même temps à vous rappeler que les préalables ne devraient pas constituer des blocages irréversibles entre les parties prenantes au dialogue. Il y a urgence, l’heure est grave. Il y a eu mort d’hommes. Les politiciens devraient aller rapidement à l’essentiel : sauver les vies humaines, sauver la Nation en danger, grâce à l’esprit de concession mutuelle. Veuillez tirer toutes le conséquences de la résolution 2277 à laquelle vous avez adhéré et qui invite tout le monde au dialogue. Toute initiative qui va dans le sens d’un dialogue inclusif ne doit pas être rejetée à priori. Le Peuple congolais vous attend au dialogue, pour jouer le rôle des défenseurs des acquis de la Constitution.

Concrètement, la Cenco attend de ce conclave vos propositions de sortie de crise qu’elle souhaite pacifiques. Elle compte vivement sur votre disponibilité à vous mettre autour d’une table, dans un cadre à convenir avec ceux qui ont commencé le dialogue à la Cité de l’UA, en vue de trouver un consensus largement partagé, tant pour la stabilité de notre Pays que pour le bien-être du Peuple congolais».[3]

c. Le rapport final (quelques extraits)

  1. CONTEXTE POLITIQUE

Sur le plan politique, le processus électoral est bloqué par la seule volonté du pouvoir de Monsieur Joseph Kabila. Ce blocage s’appuie sur la confiscation des ressources publiques à des fins partisanes et l’instrumentalisation de l’armée, de la police nationale, des services de renseignements et de la territoriale. Il en est de même des institutions de la République sur lesquelles reposent tout régime démocratique plus spécialement, le Parlement, le Gouvernement, la Cour constitutionnelle, les juridictions de l’ordre judiciaire et, dans le cas de la RDC, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), devenues des simples bras séculiers du pouvoir en place. Partout, à travers   le pays, les membres des partis politiques de l’opposition et tous ceux qui désapprouvent les méthodes dictatoriales du régime Kabila sont réprimés, arrêtés arbitrairement et condamnés à des lourdes peines par des procédures judiciaires injustes et expéditives.

En somme, les populations congolaises vivent de plus en plus dans la terreur et dans l’incertitude quant à l’avenir et ce, par la volonté d’un seul homme, Joseph Kabila qui, arrivé au terme de son second et dernier mandat présidentiel, tient à demeurer au pouvoir en violation de la Constitution et contre la volonté du peuple souverain. Joseph Kabila a poussé le défi à son comble, en organisant un pseudo dialogue national, en réalité un monologue de sa mouvance, pour légitimer sa stratégie de conservation autoritaire du pouvoir et de violation de cette Constitution.

  1. ORDRE DU JOUR DU CONCLAVE

L’ordre du jour du conclave du Rassemblement a comporté les points ci-après:

  1. Les conséquences de la non convocation du scrutin pour l’élection présidentielle par la CENI le 19 septembre 2016;
  2. La fin du second et dernier mandat présidentiel de Joseph Kabila le 19 décembre 2016;
  3. Le processus électoral;
  4. L’exercice du pouvoir après le 19 décembre 2016;
  5. Le dialogue politique inclusif;
  6. Les garanties de bonne fin et de la mise en œuvre des conclusions du dialogue inclusif.

III. EXAMEN DES POINTS INSCRITS À L’ORDRE DU JOUR

  1. DE LA NON CONVOCATION DU SCRUTIN POUR L’ÉLECTION DU PRÉSIDENT DE LA

RÉPUBLIQUE LE 19 SEPTEMBRE 2016

Le 19 septembre 2016, la CENI n’a pas convoqué le scrutin pour l’élection du Président de la République comme le lui prescrit l’article 73 de la Constitution. La CENI a donc violé intentionnellement la Constitution de la République. La responsabilité de cette violation incombe non seulement à la CENI, mais aussi au Gouvernement de la République qui, à dessein, n’a pas mis à sa disposition les moyens financiers requis à cet effet ainsi qu’au Président Kabila qui n’a pas veillé à ce que ces deux premières institutions s’acquittent de leurs obligations constitutionnelles respectives conformément à l’article 69 de la Constitution.

Le Rassemblement exige des sanctions contre les institutions responsables de cette impasse politique. A cet effet, il demande la démission immédiate des membres de la CENI ainsi que du Gouvernement, pour leur responsabilité dans l’impasse électorale actuelle.

S’agissant du Président de la République, déjà en préavis, le Rassemblement intensifiera les actions pacifiques amorcées les 19 et 20 septembre jusqu’à son départ du pouvoir le 19 décembre 2016.

  1. DE LA FIN DU SECOND ET DERNIER MANDAT PRESIDENTIEL DE JOSEPH KABILA

Le 19 décembre 2016, le second et dernier mandat de Monsieur Joseph Kabila à la tête de la République Démocratique du Congo expire.

Si par défi, il demeure, néanmoins, au pouvoir au lendemain de cette date alors que son mandat présidentiel aura perdu sa légalité et sa légitimité au regard des dispositions des articles 5, alinéa 1er, 70 alinéa 1er et 220 alinéa 1er de la Constitution, Monsieur Joseph Kabila aura commis un parjure et une violation intentionnelle de la Constitution de la République constitutive de haute trahison.

En conséquence, pour le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, à partir du 20 décembre 2016, Monsieur Joseph Kabila ne pourra plus engager la République Démocratique du Congo tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. C’est pourquoi:

1) le Rassemblement appellera le Peuple congolais à ne plus reconnaître l’autorité, du reste illégitime et illégale, de Joseph Kabila et à résister pacifiquement au coup d’Etat qui sera ainsi accompli avec la bénédiction de la Cour constitutionnelle;

2) le Rassemblement invitera les partenaires extérieurs ainsi que l’ensemble de la communauté internationale à ne plus traiter avec Monsieur Joseph Kabila au nom de la République Démocratique du Congo;

Le Rassemblement initiera toutes actions pacifiques conformément à l’article 64 de la Constitution et aux lois de la République, pour mettre fin à la forfaiture et à la trahison de la Nation perpétrées par Monsieur Joseph Kabila.

  1. DU PROCESSUS ELECTORAL

Pour le Rassemblement, le processus électoral doit être conforme à la Constitution, transparent et crédible.

3.1. Cadre institutionnel

Le Rassemblement exige que toutes les institutions impliquées dans le processus électoral, plus spécifiquement la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), la Cour constitutionnelle et le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC), jouissent pleinement de leur indépendance et soient véritablement neutres et impartiales. En effet, la CENI et la Cour constitutionnelle dans leur configuration actuelle, sont partisanes et partiales en faveur de la mouvance kabiliste. Quant au CSAC, il est incapable de garantir le libre accès aux médias publics à tous les courants d’opinion et l’impartialité des médias en général. Aussi, le Rassemblement exige t-il la restructuration de ces trois institutions instrumentalisées par le pouvoir. Dans le même ordre d’idées, le Rassemblement préconise qu’une équipe d’experts de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) soit commise auprès de la CENI pour renforcer ses capacités et garantir aux compétiteurs son impartialité.

Le Rassemblement rappelle que la neutralité et l’impartialité est un devoir imposé également par la Constitution aux Forces armées, à la Police nationale, aux services de renseignement, à la territoriale et à l’administration publique en général.

3.2. Enrôlement des électeurs

Le Rassemblement considère que le processus en cours est un recensement déguisé de la population et sert à retarder l’élection présidentielle pour permettre à Monsieur Kabila de demeurer au pouvoir au mépris de la Constitution et contre la volonté du Peuple congolais. Pour cette raison, le Rassemblement demande l’évaluation minutieuse de l’opération d’enrôlement des électeurs en cours en vue d’en assurer la régularité et de l’accélérer.

3.3. Séquence des scrutins

Le Rassemblement dénonce énergiquement la prorogation des mandats des élus politiques à laquelle le régime Kabila se livre depuis plusieurs années. Pour le Rassemblement, toutes les institutions dont les mandats des membres sont à terme, doivent cesser de fonctionner. Le Rassemblement appelle, une fois de plus, à l’organisation diligente des élections afin de pourvoir aux vacances ainsi créées. Par ailleurs, compte tenu de l’importance de chaque scrutin et du prescrit de la Constitution, d’une part, et afin de ne pas troubler le choix des électeurs, d’autre part, pour le Rassemblement:

1) la priorité doit être donnée à l’élection présidentielle couplée, comme par le passé, avec les législatives nationales;

2) dans le délai de 30 jours maximum, à compter de la proclamation des résultats provisoires des élections présidentielle et législatives, les élections provinciales et sénatoriales devront être organisées;

3) les élections locales, communales et urbaines se tiendront après l’installation des institutions nationales et provinciales.

3.4. Calendrier électoral

Un calendrier électoral fera l’objet d’un consensus entre les parties au dialogue et figurera dans le document final. Ce calendrier doit intégrer rationnellement toutes les opérations préélectorales et   électorales pour les élections présidentielles et législatives, comme ce fut le cas en 2006 et 2011.

Toutes les autres matières afférentes au processus électoral non abordées par le conclave, feront l’objet des discussions dans le cadre d’un véritable dialogue inclusif et crédible organisé conformément à la résolution 2277 du Conseil de sécurité des l’ONU.

  1. DE L’EXERCICE DU POUVOIR APRÈS LE 19 DÉCEMBRE 2016

Depuis 2012, les mandats des députés provinciaux, des gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces et des sénateurs a expiré.

Le 19 décembre prochain, le mandat présidentiel de Joseph Kabila sera échu tandis qu’en février 2017, celui des députés nationaux arrivera à son terme.

Ainsi, dans quelques mois, la République Démocratique du Congo, par la seule volonté de Joseph Kabila, se trouvera dans la situation atypique d’un Etat dont les institutions nationales et provinciales à mandat électif auront toutes perdu leur légitimité. Il en résultera, par conséquent, un vide du pouvoir   qui, dans un régime démocratique, ne peut émaner que du Peuple souverain comme le prescrit, d’ailleurs, l’article 5 alinéa 1er de la Constitution de la République.

C’est pourquoi, le Rassemblement souligne la nécessité de définir un régime spécial devant assurer la gestion du pays de manière à organiser sans tarder les élections dans le respect de la Constitution et des normes démocratiques.

  1. DU DIALOGUE POLITIQUE INCLUSIF

Le Rassemblement des forces politiques et sociale s acquises au changement réaffirme son soutien à la résolution 2277 du Conseil de sécurité de l’ONU, seul cadre dans lequel le dialogue politique doit se tenir en vue de mettre fin à la crise politique délibérément créée par Monsieur Joseph Kabila.

C’est pourquoi, le Rassemblement réitère son appel à la communauté internationale en général et aux Nations Unies, en particulier, pour leur implication plus active, en concertation avec l’Union Africaine en vue de créer les conditions favorables à la convocation et à la tenue d’un Dialogue véritable, crédible et réellement inclusif. Pour le Rassemblement, ce Dialogue devra mettre autour de la table deux parties: les participants aux discussions de la Cité de l’Union Africaine, d’un côté, et le Rassemblement et ceux avec lesquels il partage les positions, de l’autre.

Quant à l’ordre du jour, il devra porter essentiellement sur les points ci-après:

  1. les matières relatives au processus électoral;
  2. le régime spécial devant assurer la gestion du pays de manière à organiser les élections dans le respect de la Constitution et des normes démocratiques;
  3. les mécanismes appropriés pour garantir le respect des engagements pris et la bonne fin du processus électoral.

Afin que le dialogue politique inclusif se déroule dans la sérénité et dans la confiance mutuelle entre les parties prenantes, le Rassemblement réaffirme qu’il est impérieux que le pouvoir en place réalise une détente politique effective notamment par les actes ci-après:

 la libération sans condition de tous les prisonniers politiques et d’opinion tant à Kinshasa qu’à l’intérieur du pays;

 l’abandon des poursuites judiciaires injustes et inspirées par des motivations politiques contre les leaders de l’Opposition;

 le retour en toute sécurité et sans ennuis des exilés politiques congolais ;

 l’arrêt de toutes formes d’harcèlement, d’intimidations et de menaces contre les membres de l’opposition tant à Kinshasa qu’à l’intérieur du pays;

 l’arrêt et l’abandon des tracasseries fiscales, administratives et policières contre les membres de l’Opposition et de la société civile;

 la suppression et l’interdiction des dédoublements des partis politiques de l’Opposition;

 la levée de toutes entraves à la liberté de presse et de manifestation;

 le libre accès des médias publics à tous les courants de pensée et d’opinion;

 la réouverture de tous les médias proches de l’Opposition fermés;

 la liberté de mouvement des membres de l’Opposition.

En outre, le Rassemblement considère qu’il est de la plus haute importance que les parties prenantes au dialogue politique inclusif s’engagent préalablement et sans équivoque à respecter:

  1. l’intangibilité du Pacte républicain et du nouvel ordre politique contenus dans l’Accord Global et Inclusif de Sun City, notamment en ce qui concerne la limitation du nombre et de la durée des mandats du Président de la République;
  2. la Constitution du 18 février 2006;
  3. la primauté de l’Etat de droit, les droits humains, les libertés fondamentales, individuelles et collectives;
  4. la Résolution 2277 (2016) du Conseil de sécurité des Nations Unies, plus spécialement dans ses dispositions concernant le dialogue politique, le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ainsi que la libération de l’espace politique.

Quant à la facilitation du dialogue inclusif, le Rassemblement lance un appel pressant aux Nations Unies et à l’Union Africaine pour qu’elles la confient à une personnalité dont la stature internationale confère une autorité morale suffisante pour inspirer confiance aux parties prenantes et garantir à tous la neutralité et l’impartialité. Il convient que cette personnalité soit choisie en dehors des responsables internationaux déjà impliqués à divers niveaux dans les différentes crises de la Région des Grands Lacs et en contact avec les différents milieux politiques congolais. La facilitation peut également être assurée collégialement par une équipe dont les membres seront capables de remplir une telle mission dans les mêmes conditions de confiance, de neutralité et d’impartialité. Pour le Rassemblement, la durée du dialogue politique inclusif ne peut dépasser dix (10) jours.

  1. DES GARANTIES DE BONNE FIN

Pour le Rassemblement, les deux parties au dialogue, à savoir le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, d’un côté, et la mouvance kabiliste et alliés, de l’autre, conviendront des mécanismes appropriés pouvant garantir le respect des engagements pris et la bonne fin du processus électoral.[4]

d. Quelques réactions

Selon Jean-Marc Kabund-A-Kabund, nouveau secrétaire général de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), si la présidentielle ne se tient pas dans les délais – hypothèse la plus probable, «il faut réfléchir à un mécanisme qui, à l’issue du mandat du chef de l’État sortant, garantirait l’alternance dans une situation de non-organisation de la présidentielle». Autrement dit, le Rassemblement concocte le scénario d’une transition sans Kabila. Avec Tshisekedi dans le rôle-titre, celui d’un président de la République chargé de conduire le pays vers des élections apaisées. «Ce serait une belle fin de carrière politique pour un homme qui a consacré sa vie à la lutte pour l’avènement d’un État de droit en RD Congo», se permettait de rêver, le 18 septembre, Moïse Moni Della, cadre du Rassemblement. Le lendemain, il était arrêté pour avoir pris part à la grande manifestation de l’opposition.[5]

Le 5 octobre, au lendemain du conclave de la coalition de l’opposition Rassemblement des forces acquises au changement, le porte-parole de la Majorité présidentielle (MP), André-Alain Atundu, a estimé que «cette rencontre n’a rien produit de neuf que l’on ait déjà entendu ou évoqué. En réalité, c’était une séance de radicalisation et d’endoctrinement des adeptes et alliés de Tshisekedi en vue de réaliser leur programme de prendre le pouvoir par le chaos et la violence de la rue».[6]

Le 6 octobre, lors d’une interview, Jean-Baudoin Mayo, député national de l’UNC, a justifié la participation de son parti au Dialogue politique. Il a déclaré ceci: «La rue c’est bien, elle peut réussir à chasser Kabila, comme la rue peut échouer à chasser Kabila. Vous avez vu au Burkina Faso: la rue a réussi à chasser le président Blaise Compaoré. Mais vous avez aussi vu au Burundi, au Gabon, au Congo Brazzaville et au Tchad: les présidents ne sont pas partis. Le dialogue est une vertu et c’est pourquoi nous sommes au Dialogue». Jean-Baudouin Mayo a fustigé aussi l’appel du Rassemblement à un « deuxième Dialogue plus inclusif », le qualifiant « d’erreur persistante ». Pour lui, le Rassemblement « persiste dans l’erreur« . «Nous avions tous dit que nous allions au Dialogue, mais pourquoi les amis ne viennent-ils pas?», s’est-il interrogé.[7]

Le député de la Majorité présidentielle (MP), Henry Thomas Lokondo, a affirmé que l’idée de la mise en place d’un régime spécial en RDC après l’expiration du deuxième et dernier mandat du président Kabila est contraire à la constitution. «Je ne suis pas d’accord avec les amis du Rassemblement quand ils disent qu’il faut mettre en place un régime spécial qui doit assurer la gestion du pays, de manière à organiser sans tarder les élections dans le respect de la constitution. C’est une contradiction fondamentale, parce que tout régime spécial déroge à la constitution», explique-t-il. Pour lui, seul le peuple peut décider de la mise en place d’un tel régime: «Il faut respecter le principe du parallélisme de forme. C’est le peuple congolais qui avait mis en place la constitution. Seul le peuple congolais peut modifier la constitution». Le député de la majorité soutient, en revanche, l’idée de la convocation d’un nouveau dialogue plus inclusif, défendu également par le Rassemblement.[8]

Le président de l’Association Africaine des Droits de l’Homme (ASADHO), Jean-Claude Katende, a dit rejeter la proposition du Rassemblement qui demande un « régime spécial dès le 20 décembre 2016 », date à laquelle expire le deuxième et dernier mandat du président Joseph Kabila, selon la Constitution. Pour cette association, si le Président Joseph Kabila ne doit pas violer la Constitution, l’opposition non plus peut le faire. Le président de l’ASADHO s’est ainsi exprimé: «Si nous n’acceptons pas que la Majorité Présidentielle viole la Constitution de la République, nous n’allons pas accepter des actes de l’opposition qui violeraient cette même constitution».[9]

2. LE DIALOGUE EN COURS

Le 3 octobre, les travaux du dialogue se sont poursuivis au sein du comité restreint. La question de la fixation de la date de la présidentielle divise toujours les parties prenantes. La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) soutient que techniquement le scrutin présidentiel, couplé aux élections législatives nationales et provinciales, ne pourra se tenir qu’en novembre 2018. La Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) maintient la suspension de sa participation et demande que les conclusions du forum qui se tient à la Cité de l’Union africaine soient ouvertes également aux propositions du Rassemblement.[10]

Le 3 octobre, dans un communiqué, le bureau de la facilitation a indiqué que la plénière du dialogue politique a été renvoyée à une date ultérieure, en attendant les conclusions du groupe de travail restreint. Ce groupe de travail est composé de cinq représentants de la Majorité présidentielle (MP), cinq de l’opposition politique, trois de la société civile et deux personnalités indépendantes.[11]

Le 9 octobre , le porte-parole de la Nouvelle société civile du Congo (NSCC), Jonas Tshombela, a affirmé que le sort des résolutions du dialogue national est encore hypothétique. Dans une interview, il a estimé que ce forum est dans l’impasse à cause des positions de la majorité présidentielle (MP) et de l’opposition. «Il y en a qui soutiennent que l’actuel président de la république ne doit pas se représenter. Ce qui n’est pas accepté par d’autres. Les uns pensent que les élections pourraient être organisées le 25 novembre 2018, et les autres insistent pour l’année prochaine», fait remarquer Jonas Tshombela. La facilitation est toujours en concertation avec la MP et l’opposition pour tenter de convaincre les deux camps à faire des concessions pour faciliter la signature d’un accord politique.[12]

Selon Sam Bokolombe, député national et Secrétaire national de l’UNC (Union pour la Nation Congolaise), le parti de Vital Kamerhe, la crise actuelle résulte du fait que la présidentielle n’a pas été tenue dans le délai. «Selon toute vraisemblance, j’annonce la probabilité de l’échec de ce dialogue. On est loin de déboucher sur un accord. La Majorité présidentielle ne va rien céder, surtout par rapport au fait que Kabila ne doit pas rempiler. Tout autre dialogue avec Kabila n’aura aucune chance de réussir, parce que Kabila n’acceptera pas de ne pas rempiler», a déclaré le député national UNC Sam Bokolombe. Selon lui, c’est la MP (Majorité Présidentielle) qui bloque la signature d’un accord, en refusant de céder la Primature à l’Opposition et de fixer une date précise pour la tenue de l’élection présidentielle. À l’en croire, la Majorité a refusé de céder la gestion de la transition à l’opposition, alors qu’elle n’a pas été en mesure d’organiser les élections dans les délais constitutionnels. Sam Bokolombe a indiqué également que les extrémistes de la Majorité ont rejeté l’inscription dans l’accord politique de l’engagement ferme du président Kabila de ne pas se représenter pour un troisième mandat. Selon ses déclarations, «la gestion de la transition par l’opposition et l’engagement ferme du chef de l’Etat de ne pas rempiler ne sont pas négociables».

Selon ce député de l’UNC, le dialogue de la Cité de l’UA a révélé les vraies intentions des Kabilistes, à savoir « glisser » et conserver le pouvoir: «L’échec probable du dialogue en cours illustre à suffisance les limites de l’option du dialogue, face à un régime de mauvaise foi qui a manifestement décidé de mettre le pays à feu et à sang avec comme unique objectif celui di rester au pouvoir».[13]

3. LES DÉCLARATIONS DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

Le 3 octobre, dans une interview accordée à TV5 Monde, le ministre des Affaires étrangères et du développement international français, Jean-Marc Ayrault, a reproché au président Joseph Kabila de «ne pas respecter la Constitution pour garder le pouvoir» et de créer les conditions d’une guerre civile. Jean-Marc Ayrault a dénoncé «le temps de la gouvernance où l’on s’installe au pouvoir, et on en part jamais». «Cela doit s’achever», a-t-il martelé. Derrière ces mots, un nom: celui de Joseph Kabila. «Je dénonce ce président qui n’a qu’un but: ne pas respecter la Constitution pour garder le pouvoir», poursuit-il. Jean-Marc Ayrault se montre par ailleurs inquiet de la tension sécuritaire et sociale: «Il y a un vrai risque de guerre civile. Il faut absolument que la Constitution soit respectée, qu’une date soit fixée pour les élections et que le dialogue national ait vraiment lieu». Enfin, en accord avec les États-Unis, il brandit la menace de sanctions si la situation venait à dégénérer: «S’il faut passer par les sanctions, on les mettra en œuvre, mais j’appelle surtout à la raison. Si les dirigeants veulent le bien de leur peuple, il faut respecter la Constitution. Ce n’est pas de l’ingérence. Il s’agit seulement du respect du droit et des principes».[14]

Le 3 octobre, le ministre britannique des Affaires Etrangères chargé de l’Afrique, Tobias Ellwood, a affirmé que «le Royaume-Uni regrette que le corps électoral n’ait pas été convoqué 3 mois avant la fin du mandat du président Kabila, comme la Constitution l’exige». « Nouveau Dialogue pour un nouvel Accord politique », « Kabila doit transférer le pouvoir pacifiquement », « Election présidentielle en 2017, avec une date précise »: telles sont les trois exigences du gouvernement britannique formulées à l’endroit des autorités congolaises. Londres insiste sur la passation civilisée du pouvoir entre le président sortant et son successeur à sortir des urnes: «L’un des plus grands héritages que le président Kabila peut laisser à son peuple est une passation pacifique et démocratique du pouvoir, la première dans l’histoire de la RDC. Nous exhortons le président Kabila et son gouvernement à prendre rapidement cette responsabilité», fait savoir le ministre Tobias Ellwood. Foncièrement opposé au « glissement » de l’élection présidentielle, Tobias Ellwood exhorte toutes les parties à parvenir à «un Accord urgent sur une date pour l’élection présidentielle en 2017». S’agissant des contraintes techniques, financières et autres, le gouvernement britannique se déclare «prêt à soutenir le processus électoral en RDC à la fois financièrement et diplomatiquement. Cependant, la responsabilité principale de l’organisation des élections incombe au gouvernement de la RDC». Manifestement, le Royaume Uni, à l’instar de plusieurs pays occidentaux (Belgique, France, Allemagne, Suisse, Etats-Unis d’Amérique, Canada…) voudrait voir la République Démocratique du Congo rompre avec le passé sombre des « présidents à vie » et s’engager dans la voie de l’alternance démocratique, gage de la cohésion nationale, de la stabilité politique, de la paix et du progrès socio-économique.[15]

[1] Cf Politico.cd, 03.10.’16

[2] Cf RFI, 05.10.’16 ; Actualité.cd, 04.10.’16

[3] Cf 7sur7.cd, 04.10.’16 http://7sur7.cd/new/conclave-la-cenco-delivre-un-message-dapaisement-document/

[4] Cf texte complet:7su7.cd, 04.10.’16 http://7sur7.cd/new/wp-content/uploads/2016/10/RAPPORT-FINAL-DU-CONCLAVE-DU-RASSEMBLEMENT-version-corrigée-3.pdf

Congoforum.be, 04.10.’16

http://www.congoforum.be/fr/nieuwsdetail.asp?subitem=41&newsid=205815&Actualiteit=selected

[5] Cf Jeune Afrique, 11.10.’16

[6] Cf Radio Okapi, 05.’10.’16

[7] Cf 7sur7.cd, 06.10.’16; Politico.cd, 06.10.’16

[8] Cf Radio Okapi, 06.10.’16

[9] Cf Politico.cd, 06.10.’16

[10] Cf Actualité.cd, 03.10.’16

[11] Cf Xinhua – Africatime, 04.10.’16

[12] Cf Radio Okapi, 10.10.’16

[13] Cf Eric Wemba – Le Phare – Kinshasam 10.10.’16; Le Potentiel – Kinshasa, 10.10.’16

[14] Cf Simon Henri – Jeune Afrique, 04.10.’16

[15] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 04.10.’16