Congo Actualité n. 280

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: ACCUSATIONS ET MANDAT D’ARRÊT CONTRE MOÏSE KATUMBI

  1. MOÏSE KATUMBI ACCUSÉ ET PLACÉ SOUS MANDAT D’ARRÊT PROVISOIRE
    1. Un meeting empêché et plusieurs arrestations
    2. L’ouverture d’une enquête pour «recrutement de mercenaires étrangers»
    3. Moïse Katumbi convoqué devant le procureur à Lubumbashi
    4. Moïse Katumbi placé sous mandat d’arrêt provisoire
    5. Réactions

ÉDITORIAL: ACCUSATIONS ET MANDAT D’ARRÊT CONTRE MOÏSE KATUMBI

 

 

MOÏSE KATUMBI ACCUSÉ ET PLACÉ SOUS MANDAT D’ARRÊT PROVISOIRE

a. Un meeting empêché et plusieurs arrestations

Le 24 avril, à Lubumbashi, des milliers des personnes sont descendues dans la rue pour accompagner Moïse Katumbi Chapwe au stade Kibasa Maliba, lieu où il devait tenir son meeting, a l’occasion de la commémoration du 26e anniversaire du multipartisme en RDC. Mais la foule venue l’écouter a été dispersée par la police, qui a lancé des gaz lacrymogènes. Plusieurs personnes (une dizaine) ont été arrêtées lors de cette manifestation manquée. Parmi elles, le garde du corps de Moïse Katumbi et ses chauffeurs. Un proche de Moïse Katumbi a dénoncé «une chasse à l’homme et des arrestations arbitraires des personnes qui ont commis le crime d’assister à une marche pour la démocratie».[1]

Le 25 avril, quatre personnes parmi celles qui ont été arrêtés à Lubumbashi ont été transférées à Kinshasa. Parmi ces quatre personnes, il y a un citoyen américain: Darryl Lewis. Le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, a affirmé que «ces sujet étranger s’est présenté comme une des gardes de sécurité de M. Katumbi. Les services [de sécurité] sont en train de vérifier s’il a un permis de séjour et un permis de travail en RDCongo». Mais le ministre ne dit pas de quelles nationalités sont issus les trois autres personnes transférées à Kinshasa. Néanmoins, d’après des sources sécuritaires concordantes, hormis Darryl Lewis, les trois autres détenus seraient des Congolais. Il s’agirait de Idi Sefu, Yannick Kabinda et Franck Mwashila.[2]

Le 1er mai, l’Alternance pour la République (AR), un regroupement de seize partis de l’opposition et organisations de la société civile, a déclaré avoir demandé à l’ex-gouverneur de l’ancienne province du Katanga, Moïse Katumbi, d’être son candidat à la présidentielle de novembre prochain. Parmi les partis membres de l’Alternance pour la République, on peut citer l’Envol de Delly Sessanga, le MLP de Franck Diongo, l’ECCO d’Adam Bombole, l’ATD de José Makila, la Scodé de Jean-Claude Muyambo et le CNRP de Bernard Beya Mubiayi.

Déjà le 30 mars, la plateforme de l’opposition G7, constituée de sept partis exclus de la Majorité présidentielle en septembre 2015, avait demandé à Moïse Katumbi de se présenter à la prochaine élection présidentielle en RDC. Ce dernier avait alors «pris acte» de cette demande, promettant de se prononcer sur cette question dans les jours à venir.[3]

Le 2 mai, une délégation conduite par le procureur général Flory Kabange Numbi, avec des membres de l’Agence nationale de renseignement (ANR), est arrivée à Lubumbashi pour tenter de rassembler des preuves à charge contre les quatre proches de l’ex-gouverneur, détenus à Kinshasa.

Soupçonnés d’être des «mercenaires», ces derniers n’ont toujours pas reçu la visite de leurs avocats ou de leur famille.

«Derrière cette affaire, c’est Moïse Katumbi qui est visé», croit savoir un membre de la société civile locale. Des médias congolais proches du pouvoir prédisent d’ailleurs l’éventuelle arrestation de cet ancien proche de Joseph Kabila, récemment passé à l’opposition, qu’ils présentent désormais comme le nouveau chef d’une milice armée en gestation dans le sud du pays.

Des «montages du pouvoir» que dénonce l’intéressé dans un communiqué publié le 2 mai sur les réseaux sociaux. «Porter les armes aujourd’hui, ne fut-ce que contre un seul Congolais, serait à mes yeux un crime majeur et hautement condamnable», affirme-t-il, invitant les autorités congolaises et les représentants de la communauté internationale à se rendre à Lubumbashi pour vérifier ces «informations mensongères et diffamatoires portées contre [sa] personne».[4]

Le 3 mai, Moïse Katumbi n’a pas pu participer aux obsèques nationales de Papa Wemba à Kinshasa. Motifs: les autorités n’ont pas accordé à son jet privé l’autorisation d’atterrir sur le territoire national. Mais à Kinshasa, les autorités jurent n’avoir donné aucune instruction pour interdire les déplacements de Moïse Katumbi tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. «À ce jour, il n’existe aucun mandat judiciaire qui restreint sa liberté de mouvement», souligne un membre du cabinet du vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur.

Le 28 avril pourtant, Swift Flite, opérateur aérien basé à l’aéroport international sud-africain de Lanseria, au nord-ouest de Johannesburg, qui gère le jet privé de l’ancien gouverneur, avait adressé aux autorités aériennes congolaises une demande d’autorisation de survol et d’atterrissage sur le territoire de la RD Congo. Le plan de vol envoyé à Kinshasa prévoyait l’itinéraire Johannesburg-Lubumbashi (pour embarquer Katumbi) -Kinshasa-Lubumbashi-Johannesburg. La requête est restée lettre morte. Au ministère de l’Intérieur, on affirme ne pas être au courant de la demande. «M. Katumbi peut toujours acheter ses billets auprès d’une compagnie aérienne nationale pour venir à Kinshasa», explique un conseiller du ministre. L’ancien gouverneur a choisi de ne pas suivre cette suggestion pour «éviter que les représailles du régime ne s’abattent sur les responsables des compagnies locales ou nationales d’aviation», affirme son entourage.

Considéré comme le principal rival du camp Kabila, Moïse Katumbi se retrouve depuis quelques mois dans le collimateur des services de sécurité.[5]

b. L’ouverture d’une enquête pour «recrutement de mercenaires étrangers»

Le 4 mai, le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, a déclaré avoir ordonné l’ouverture d’une enquête sur «le recrutement de mercenaires» étrangers «au service» de l’opposant Moïse Katumbi. «J’ai donné injonction au PGR (Procureur général de la République, ndlr) d’ouvrir un dossier judiciaire dans l’ex-province du Katanga (…) Nous avons la preuve documentée que plusieurs anciens militaires américains qui se trouvent actuellement au Katanga sont au service de M. Katumbi», a déclaré à la presse à Kinshasa, le ministre de la Justice.

Alexis Thambwe Mwamba indique qu’après la démission de Moise Katumbi Chapwe de ses fonctions du gouverneur de l’ex-province du Katanga, les services de l’Etat ont observé dans son entourage immédiat la présence des gardes du corps d’origine étrangère. «Plus de 400 étrangers, anciens marines américains et commando sud-africains seraient en situation irrégulière au Katanga depuis novembre 2015 au lendemain de la démission de Moise Katumbi en se faisant passer pour des agriculteurs dans la ferme de l’ancien gouverneur», a déclaré le ministre, en estimant que cette démarche pourrait être une tentative de «passer par une épreuve de force» si jamais les élections n’étaient pas organisées: «Par rapport aux échéances à venir, on peut se demander pourquoi des gens avec une telle spécialisation sur le plan militaire sont entrés de manière irrégulière sur notre territoire. Il y a probablement une démarche qui pourrait faire croire que certains imaginent qu’ils pourraient passer par une épreuve de force dans l’hypothèse où on ne peut pas arriver au pouvoir de manière normale par des élections».[6]

À Lubumbashi, le Procureur Général de la République a déjà ouvert une enquête pour tentative d’atteinte à la sûreté de l’Etat.

À Kinshasa, le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, a déclaré que «Il existe un réseau avec une société en Virginie aux Etats-Unis qui assure le recrutement des mercenaires spécialisés dans la formation, le maniement des armes, comme agent de sécurité, ou garde du corps». Il a aussi cité les noms et les spécialités de sept ex-militaires américains et d’au moins deux ex-militaires sud-africains ayant séjourné à Lubumbashi, dans des résidences appartenant à Moïse Katumbi, précisant que 658 Américains étaient entrés récemment au Katanga.[7]

Selon l’acte d’accusation égrené devant la presse par le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, 658 Américains ont franchi la frontière congolaise, à partir de l’ex-Katanga, entre janvier et avril 2016. Un certain Lewis Dari, ex-Marines dans l’armée américaine de 1985 à 1989 et actuellement entre les mains des services spéciaux à Kinshasa, est présenté comme le cerveau moteur de la bande des mercenaires au service de Moïse Katumbi.

Le ministre de la Justice a affirmé que, auditionné en présence du Chargé d’Affaires et du Consul des USA à Kinshasa, Lewis Dari a révélé avoir déjà collaboré avec le group Black Walter Security, spécialisé dans l’utilisation des mercenaires à travers le monde et qu’il a déjà effectué des missions en Afghanistan, au Kosovo, en Irak, au Burundi et aux Emirats Arabes Unis. Sa spécialité consiste en la protection rapprochée des personnalités, l’entrainement, la formation, l’anti-terrorisme, le maniement d’armes, etc. Bref, selon Tambwe Mwamba, cet Américain fait partie d’un redoutable réseau basé en Virginie, aux USA, qui opère sous le label de Jones Group International, dont le relais congolais est Bomba Security, une société de gardiennage illégale dirigée par un acolyte de Moïse Katumbi, un certain Muasilua Corneille.[8]

Des accusations qu’a fermement démenti Moïse Katumbi. «C’est une honte, un mensonge grotesque (…) on cherche simplement à nuire à ma personne», a-t-réagi, en présentant le ressortissant américain comme un consultant en sécurité qu’il a appelé à son aide, suite aux intimidations dont il est victime. «Aucun jour, moi Moïse Katumbi, je prendrai les armes pour le pouvoir», a-t-il assuré, ajoutant que sa «lutte est démocratique et pacifique pour le respect de la Constitution et l’alternance au pouvoir». Il dénonce ainsi un montage mensonger, et appelle encore une fois la Monusco et la communauté internationale à venir vérifier ces informations. Autre démentit formel: celui de l’évêque du diocèse de Kilwa Kasenga, au Katanga. Il a assuré à des médias locaux qu’aucun milicien ne se trouvait dans son diocèse.[9]

Le 4 mai, dans la soirée, Moïse Katumbi a annoncé sa candidature à la présidence de la République. «Les trois mouvements de l’opposition congolaise que sont le G7, le Collectif des nationalistes et l’Alternance pour la République 2016, m’ont fait l’honneur de me choisir comme leur candidat à la prochaine élection présidentielle qui, selon la constitution, devrait se tenir à la fin du mois de novembre 2016. J’accepte avec humilité cette lourde responsabilité», a indiqué l’ancien gouverneur du Katanga dans un communiqué. «Les basses manœuvres du pouvoir n’entravent pas mon combat pacifique», a-t-il annoncé sur Twitter.[10]

Le 5 mai, moins de 24 heures après l’annonce de sa candidature, Moïse Katumbi a indiqué que son domicile à Lubumbashi avait été encerclé par la police dans le but de l’arrêter. L’ancien gouverneur du Katanga se dit victime d’intimidations de la part du pouvoir. Il affirme que des membres de l’ANR, l’Agence nationale des renseignements, et de la police, ont entouré à plusieurs reprises sa propriété. Moïse Katumbi affirme que ces éléments se seraient repliés par deux fois, à l’arrivée de la Monusco, dont il a sollicité la protection. L’ancien gouverneur rappelle que tous les policiers commis jadis à sa sécurité lui ont été retirés après son départ du Parti du peuple pour la reconstruction et le démocratie (PPRD), principale formation politique de la coalition au pouvoir.

De son coté, le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, assure que, «pour le moment, aucune instruction n’a été donnée par le procureur général pour une quelconque arrestation de M. Katumbi. Aucun mandat d’arrêt n’a été non plus délivré dans ce sens», en accusant le principal rival du président Joseph Kabila de «vouloir créer de la psychose dans la ville pour attirer l’attention sur lui».[11]

c. Moïse Katumbi convoqué devant le procureur à Lubumbashi

Le 6 mai, une invitation a été envoyée au domicile de Moïse Katumbi, pour qu’il se présente le lendemain, le 7 mai, à l’office du Parquet général de la République, à Lubumbashi (Haut-Katanga),

afin qu’il soit entendu sur les faits portés à sa charge par la justice congolaise. L’avocat général de la République, Bernard Mikobi Minga, a déclaré que la personne envoyée pour remettre cette invitation à la résidence de Moïse Katumbi a été chassée par ses services de sécurité.

Le Parquet général près la Cour d’appel de Lubumbashi a donc délivré, dans la soirée, un mandat de comparution contre Moïse Katumbi, en l’appelant à se présenter au bureau du procureur le 7 mai.

Selon l’avocat général de la République, Bernard Mikobi Minga, ce mandat a été reçu par l’un des gardes de la résidence de Moïse Katumbi, mais qui a refusé de signer l’accusé de réception.

Mais de son côté, Moïse Katumbi affirme n’avoir reçu ni l’invitation, ni le mandat à comparaître. Il a donc envoyé ses avocats au parquet le 7 mai pour confirmer l’existence d’un tel mandat. Et c’est lors de cette visite qu’un nouveau document, intitulé «Deuxième mandat de comparution» leur a été remis, qui convoque cette fois l’ex-gouverneur le 9 mai, à 10H00, devant le parquet général de Lubumbashi.[12]

Le 9 mai, vers 10h00, Moïse Katumbi s’est présenté au parquet près la cours d’appel de Lubumbashi, accompagné des centaines de ses sympathisants. Dans la foule on pouvait apercevoir des sportifs, des politiciens, dont les membres du G7 et de l’Alternance pour la République, deux plates-formes qui soutiennent la candidature de Moïse Katumbi à l’élection présidentielle. Vers 18h00, Moïse Katumbi a regagné son domicile, acclamé par une vaste foule qui l’attendait à sa sortie. L’audition reprendra le 11 mai.[13]

Le 11 mai, Moïse Katumbi a été entendu, pour la deuxième fois, pendant plus de six heures dans le bureau du procureur de Lubumbashi. Aux alentours du Palais de justice, ses partisans ont été dispersés par la police.[14]

Le 13 mai, la troisième audition de Moïse Katumbi au Parquet général de Lubumbashi a été suspendue quelques minutes après son ouverture, avant d’être reportée à une date ultérieure non communiquée. Un membre du collectif d’avocats de l’ancien gouverneur a déclaré que M. Katumbi était dans un état émotionnel grave à la suite des échauffourées enregistrées au centre-ville dans l’avant-midi. En effet, pendant que Moïse Katumbi se rendait au Palais de Justice, la police a tiré des gaz lacrymogènes, afin de disperser la foule venue le soutenir. Lui-même a été « brutalisé » par la police, selon sa défense, qui indique que le candidat à la présidentielle a été hospitalisé.[15]

d. Moïse Katumbi placé sous mandat d’arrêt provisoire

Le 19 mai, un communiqué du Cabinet du Procureur Général de le République de Kinshasa a annoncé que Moïse Katumbi a été inculpé pour « atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat » et qu’il a été placé sous « mandat d’arrêt provisoire ». Un message lu dans la mi-journée sur la télévision publique indiquait que Moïse Katumbi avait été inculpé pour « recrutement de mercenaires« . Le procureur général de la République a fait savoir que Moïse Katumbi pouvait continuer de se faire soigner en RDC ou à l’étranger. Selon le Parquet, l’instruction pré-juridictionnelle va se poursuivre avec les interrogatoires d’autres suspects qui seront confrontés à Moïse Katumbi dès qu’il sera rétabli. Moïse Katumbi est toujours hospitalisé au centre Médical Communautaire à Lubumbashi.

Selon de nombreux analystes politiques, le mandat d’arrêt provisoire vient de donner un brutal coup d’arrêt aux mouvements de Moïse Katumbi et à sa liberté de parole. Par conséquent, le candidat déclaré à la présidence de la République ne pourrait plus tenir une quelconque réunion politique dans sa résidence ou en dehors de celle-ci, ni organiser un meeting sur une place publique, ni s’exprimer à travers les médias. Neutralisé, il est contraint d’attendre l’issue de son dossier judiciaire et la décision qui va en découler pour savoir s’il a encore une chance de s’assumer comme acteur politique. Au regard de la gravité de l’infraction mise à sa charge, à savoir « atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat », il est à craindre une lourde condamnation de l’inculpé, assortie d’une longue période de privation de ses droits civils et politiques.[16]

Le 20 mai, Moïse Katumbi a demandé l’autorisation de quitter le pays pour se faire soigner dans un hôpital de l’Afrique du Sud et sa requête a été acceptée par le Procureur Général de la République de Kinshasa, Flory Kabange Numbi. Mais le procureur ajoute toutefois que Moïse Katumbi «est astreint au devoir de réserve en ce qui concerne les faits ayant donné lieu à l’instruction du dossier judiciaire en cours». Dans la soirée, Moïse Katumbi a été évacué dans un avion médicalisé vers Johannesburg, en Afrique du Sud, pour des soins appropriés.

Cette décision réjouit les avocats de la défense. Maître Georges Kapiamba salue «un geste du procureur général de la République qui a démontré finalement qu’il a le souci de respecter et faire respecter le droit de la défense», tout en précisant: «mais nous restons vigilants jusqu’à la fin de l’enquête», en ajoutant que «Moïse Katumbi a clairement pris l’engagement de pouvoir se remettre à la discrétion de la justice une fois que son état de santé sera complètement amélioré. Il n’y a pas de souci à se faire, il va revenir en RDC». En revanche, son entourage politique s’interroge précisément sur ses chances de rentrer au pays. «C’est peut-être un piège pour l’obliger à prendre la route de l’exil», confie l’un de ses compagnons politiques, qui a dit craindre une condamnation par contumace, assortie d’une impossibilité de revenir sur le territoire. «C’est une manière de se débarrasser de lui», insiste-t-il. Selon le président du G7, Charles Mwando, «pour le pouvoir, il fallait mettre coûte que coûte Moïse Katumbi hors d’état de nuire, c’est-à-dire l’empêcher de se présenter aux élections».[17]

Si le président congolais Joseph Kabila comptait se débarrasser de Moïse Katumbi, c’est désormais chose faite. Du moins provisoirement. Pour certains, le départ de l’opposant pour l’Afrique du Sud a été négocié, parce que «cela arrange tout le monde» : la majorité présidentielle se débarrasse d’un candidat encombrant et Katumbi évite la prison.

Mais depuis son départ pour l’Afrique du Sud, le candidat Katumbi se retrouve dans une situation des plus inconfortables pour réaliser son dessein politique. Loin du Congo et de son fief de Lubumbashi, le candidat à la présidentielle est transformé en simple spectateur de la crise politique qui se joue à Kinshasa. Hors du pays, Katumbi se retrouve de facto hors course pour la suite du feuilleton politique. Le patron du TP Mazembe devra donc décider rapidement de son sort: rester en Afrique du Sud le temps des soins et rentrer au Congo avec le risque de se faire arrêter à sa descente d’avion, ou rester en Afrique du Sud et perdre le contact avec ses soutiens en RDC. Pour ne pas perdre le crédit et la popularité qu’il vient d’acquérir ces dernières semaines dans la peau de «l’opposant n°1 au président Kabila», Katumbi ne doit pas s’éterniser en Afrique du Sud. Cette «pause» sud-africaine doit lui permettre de prendre le temps de peaufiner sa défense et d’établir sa stratégie de retour. Sans cela, l’épisode sud-africain pourrait se transformer en exil politique de longue durée, qui handicaperait fortement le candidat Katumbi pour la prochaine présidentielle.[18]

e. Réactions

Le 4 mai, la plateforme politique « Alternance pour la République« , qui soutient l’opposant Moïse Katumbi, a qualifié l’ouverture du dossier contre l’ancien gouverneur de l’ex-Katanga de « montage grossier » et de « instrumentalisation de la justice ». «C’est l’instrumentalisation de la justice par le gouvernement alors que nous sommes dans un régime de séparation des pouvoirs», a affirmé le vice-président de ce regroupement politique chargé des questions politiques et électorales, Franck Diongo, qui a demandé au ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, de respecter la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire. Pour Franck Diongo, «le pouvoir s’agite pour monter un complot contre Moïse Katumbi, pour l’empêcher d’être candidat. Voilà pourquoi on essaye de fabriquer, de monter des dossiers judiciaires pour l’écarter de la compétition électorale».[19]

L’ambassade des Etats-Unis à Kinshasa s’est dite profondément préoccupée par les accusations d’activités de mercenariat qui auraient été faites pendant la conférence de presse du Ministre de la Justice Alexis Thambwe Mwamba, le 4 mai. L’Ambassade est au courant de la détention le 24 avril d’un citoyen américain qui travaillait au Katanga comme conseiller en sécurité. M. Darryl Lewis n’était pas armé et les allégations selon lesquelles il était impliqué dans des activités mercenaires sont fausses. L’Ambassade comprend qu’il travaille dans une société privée américaine qui fournit des services de consultation à des clients à travers le monde entier.[20]

Le 5 mai, dans une déclaration lue à la presse par son président Pierre Lumbi, le G7, une plateforme de l’opposition qui soutient la candidature de l’ancien gouverneur du Katanga à la présidentielle, a exprimé «toute son indignation devant la campagne de dénigrement et les cabales grossières montées actuellement par le pouvoir contre le candidat Moïse Katumbi Chapwe aux fins de nuire à sa personne et l’empêcher de participer à la prochaine élection présidentielle».

A ce sujet, le G7 a fait savoir au Peuple congolais et à la communauté internationale ce qui suit:

«À ce jour, l’arrestation de certains membres de son entourage, le 24 avril dernier, et la déclaration grave faite par le Ministre de la Justice hier, mercredi 04 mai 2016, accusant faussement Monsieur Moïse Katumbi Chapwe d’avoir « recruté des mercenaires américains et Sud-Africains » et ce, sans la moindre réserve que commande la règle fondamentale de la présomption d’innocence confirment les craintes du G7 et l’existence d’un complot du pouvoir contre le candidat du G7 à la présidence de la République.

Le G7 stigmatise le comportement machiavélique de la Majorité présidentielle et de son autorité morale qui cherchent à mettre le pays à feu et à sang et à intimider le Peuple congolais ainsi que l’Opposition afin de se maintenir au pouvoir.

Le G7 exige une enquête neutre et impartiale, associant l’expertise internationale et la MONUSCO, en particulier, pour établir la vérité sur le prétendu recrutement des mercenaires par Monsieur Moïse Katumbi Chapwe.

Le G7 souligne qu’à ce stade, rien ne peut justifier une garde à vue, ni une résidence surveillée, ni un quelconque mandat d’arrêt et, encore moins, la détention préventive de Monsieur Moïse Katumbi Chapwe, un leader politique d’envergure nationale incontestable et ayant une résidence connue à Lubumbashi.

Pour le G7, à travers la fausse affaire de recrutement des mercenaires, le Président Kabila et ses partisans, en désarroi, cherchent à justifier l’arrestation et la détention arbitraires de Moïse Katumbi Chapwe et tentent vainement de dissuader, par l’usage de la force, les Congolais de revendiquer le respect de la Constitution et l’alternance politique. Ils veulent également défier la communauté internationale et l’emmener à accepter le fait accompli d’un processus électoral biaisé qui accorderait un troisième mandat au Président Kabila en violation de la Constitution de la République et contre la volonté du Peuple congolais.

Le G7 appelle les Congolais à la vigilance et réaffirme sa détermination de lutter avec toutes les forces acquises au changement, de l’Opposition comme de la Société civile, pour le respect de la Constitution et l’alternance démocratique en RDC.

Le G7 reste attentif à l’évolution de la situation sécuritaire de son candidat à la présidence de la République et prendra toutes les dispositions requises pour y faire face dans les tout prochains jours.

Le G7 demande, enfin, au pouvoir de cesser immédiatement les intimidations et les menaces contre les leaders de l’Opposition en général et contre Moïse Katumbi Chapwe, en particulier».[21]

Le 5 mai, dans un communiqué de presse signé par son secrétaire général, Jean-Bertrand Ewanga, l’Union pour la Nation Congolaise (UNC) s’est dite «inquiète de la tournure des événements à Lubumbashi, depuis l’annonce par le ministre de la Justice, de l’ouverture d’une enquête judiciaire à l’encontre de l’ex-gouverneur de l’ancienne province du Katanga».

Le parti de Kamerhe a dénoncé le fait que «Moïse Katumbi, candidat déclaré à l’élection présidentielle, soit devenu une cible du pouvoir qui tient, par toutes sortes d’intimidations, à étouffer ses ambitions ainsi affichées».

L’UNC a condamné fermement ces méthodes du régime en place qui cherche à «conserver le pouvoir contre la volonté du peuple et en violation fragrante de la Constitution de la République».

L’UNC a constaté que, «à l’approche de la fin irréversible du second et dernier mandat de l’actuel Président de la République, le pouvoir tend à instaurer un climat de terreur et de brutalité, dans le but d’étouffer les aspirations légitimes du peuple congolais à l’alternance au sommet de l’Etat».

Selon ce parti, «cet état de choses contredit une certaine volonté du pouvoir d’organiser un dialogue soi-disant inclusif en même temps qu’il traque, intimide, accuse faussement et menace d’arrestation les principaux leaders de l’opposition, dont certains croupissent injustement en prison et d’autres dans les cellules des services, sans assistance judiciaire quelconque».

Enfin, l’UNC invite le peuple congolais à «redoubler de vigilance pour défendre la Constitution et faire respecter les droits et libertés fondamentaux».[22]

[1] Cf Radio Okapi, 25.04.’16

[2] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 26.04.’16

[3] Cf Radio Okapi, 01.05.’16

[4] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 03.05.’16

[5] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 03.05.’16

[6] Cf AFP – Radio Okapi, 04.05.’16

[7] Cf RFI, 04.05.’16; AFP – Jeune Afrique, 04.05.’16

[8] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 06.05.’16

[9] Cf RFI, 04.05.’16; AFP – Jeune Afrique, 04.05.’16

[10] Cf Radio Okapi, 05.05.’16

[11] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 05.05.’16

[12] Cf Radio Okapi, 06 et 07.05.’16

[13] Cf Radio Okapi, 09.05.’16

[14] Cf RFI, 11.05.’16

[15] Cf Radio Okapi, 13.05.’16; Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 13.05.’16

[16] Cf RFI, 19.05.’16 http://www.rfi.fr/afrique/20160519-rdc-moise-katumbi-justice-mercenaires-etrangers-lubumbashi-candidat-katanga ;Radio Okapi, 19.05.’16; Kimp – Le Phare – Kinshasa, 20.05.’16

[17] Cf AFP – Africatime, 20.05.’16; Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 20.05.’16 ; RFI, 20.05.’16

[18] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 22.05.’16

[19] Cf Radio Okapi, 05.05. ‘16

[20] Cf Le Phare – Kinshasa, 06.05.’16

[21] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 06.05.’16

http://www.lepotentielonline.com/index.php?option=com_content&view=article&id=14466:menaces-contre-katumbi-le-g7-charge-le-pouvoir&catid=85:a-la-une&Itemid=472

[22] Cf Eric Wemba – Le Phare – Kinshasa, 06.05.’16