SOMMAIRE:
ÉDITORIAL: L’espoir d’un retour à la raison
- À PROPOS DU PROCESSUS ÉLECTORAL GLOBAL
- Des problèmes à résoudre
- Organiser les élections dans les délais prévus par la Constitution
- Quelques propositions
- ÉLECTIONS DES GOUVERNEURS PROVISOIRS DES 21 NOUVELLES PROVINCES
- LA RÉPONSE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE À LA COMMISSION ÉLECTORALE
- L’ arrêt de la Cour
- Les réactions
- Le projet de nomination de commissaires spéciaux
- L’OUVERTURE DE LA SESSION PARLEMENTAIRE DE SEPTEMBRE
ÉDITORIAL: L’ESPOIR D’UN RETOUR À LA RAISON
1. À PROPOS DU PROCESSUS ÉLECTORAL GLOBAL
a. Des problèmes à résoudre
De nombreux observateurs jugent le calendrier électoral publié par la Ceni complexe difficilement tenable. Une frange de l’opposition appelle au report des élections locales, évoquant la complexité des opérations relatives à ces scrutins alors que la majorité au pouvoir plaide pour le respect de toutes les échéances prévues. Cette dernière hypothèse entrainerait le «glissement» du calendrier électoral au-delà de 2016, alors que le deuxième et dernier mandat de l’actuel chef de l’Etat, Joseph Kabila s’achève en décembre 2016, alertent les opposants.
Conviés par le président Kabila à des consultations en juin dernier en vue d’un dialogue préalable aux élections, les principaux partis de l’opposition ont boycotté l’invitation suspectant la majorité de chercher des subterfuges pour ne pas organiser la présidentielle en 2016. Une autre frange de l’opposition se montre plutôt favorable à un dialogue préalable aux élections qui sera organisé avec la facilitation de la communauté internationale.[1]
Selon l’actuel vice-président de l’UDPS aile Kibasa, Albert Moleka, face au temps perdu, il sera difficile d’éviter le glissement du processus électoral. Ce qui n’implique pas, pourtant, l’acceptation du glissement du mandat du président de la République ou des députés. Albert Moleka est d’avis que le glissement du processus électoral est inéluctable. «Mais cela ne veut pas dire que, constitutionnellement, nous devons accepter un glissement du mandat du président de la République ou des députés. Le glissement du processus électoral, c’est qu’on va se glisser dans une situation où, techniquement, il sera quasiment impossible d’organiser ces élections en novembre 2016. Je dis cela en partant de l’hypothèse selon laquelle, si nous décidons d’offrir aux Congolais des élections qui répondent à la dignité dont ils méritent, il faut considérer des délais incompressibles dans l’organisation technique des élections», a-t-il expliqué. Et d’ajouter: «La Constitution est claire. Elle ne dit pas qu’un président reste président ad vitam jusqu’à ce qu’on organise les élections. Le serment constitutionnel du président de la République est que ce dernier jure de protéger la Constitution et les Lois de la République. Il n’y a, donc, aucun droit à accorder un seul jour de glissement au mandat du président de la République».[2]
A propos des moyens pour financer les élections, Samy Badibanga révèle qu’en 2012, l’Assemblée Nationale avait inscrit, dans la loi financière, un fond de 252,500 millions de dollars américains pour les élections ; 241,500 millions en 2013 ; 248,500 millions en 2014 et 60 millions pour le premier trimestre 2015, ce qui représente un total de plus de 800 millions de dollars qui auraient dû être mis à la disposition de la CENI. Selon lui, le gouvernement n’a versé qu’en tout et pour tout 124 millions de dollars américains dans la caisse de la CENI, soit environ 16 % du budget voté pour le processus électoral.
«Où passée la différence?», s’interroge-t-il, avant de fustiger les dépenses non autorisées dans lesquelles s’illustre l’Exécutif national depuis quelques mois. Il cite, au passage, les cas de l’immeuble du gouvernement à la place Royal, à Kinshasa/Gombe, la ferme agro-industrielle de Bukanga-Lonzo, dans la province du Bandundu, l’achat de deux Airbus pour la compagnie nationale aérienne Congo Airways, etc.
Compte tenu des retards qui ne font que s’accumuler par rapport au calendrier électoral global rendu public en février 2015, Samy Badibanga, président du Groupe parlementaire « UDPS et Alliés », pense que la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) doit fixer l’opinion nationale si elle est réellement en mesure d’organiser les 5 scrutins directs inscrits à son calendrier. Dans le cas contraire, elle devrait faire un aveu d’impuissance, afin que tout le monde prenne conscience de l’impératif de discuter d’un calendrier électoral consensuel.
Au vu de l’échec presque certain de l’exécution du calendrier électoral actuel, ce député national pense que le gouvernement, qui ne sait justifier la destination d’au moins 800 dollars américains votés pour le processus électoral, entre 2012 et 2015, ferait mieux de démissionner. Quant à la CENI, compte tenu du caractère pollué du fichier électoral en vigueur, avec la présence de nombreux électeurs morts, de détenteurs de fausses cartes d’électeurs, des changements d’adresses… elle devrait procéder à le nettoyer.[3]
b. Organiser les élections dans les délais prévus par la Constitution
Le 26 août, dans une conférence de presse au terme de sa visite à Kinshasa, l’envoyé spécial des Etats-Unis dans les Grands lacs, Thomas Perriello, a affirmé la nécessité de l’organisation de la présidentielle et des législatives en 2016. «Nous avons souligné la nécessité pour les autorités congolaises de respecter la constitution. Et que les élections législatives et présidentielle soient organisées dans le délai fixé par la constitution», a indiqué Thomas Perriello qui avait auparavant rencontré le chef de l’Etat congolais, Joseph Kabila.[4]
Le 27 août, une coalition de trente-trois ONGs congolaises pour la défense des droits de l’homme de la RDC demande au président congolais, Joseph Kabila, «de ne pas violer la Constitution pour se maintenir au pouvoir mais de la respecter». Elles appellent les autorités congolaises et la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) à organiser les élections législatives et la présidentielle dans le délais constitutionnel, avant la fin de l’année 2016.
«L’alternance pacifique au pouvoir en 2016 constitue un facteur indispensable pour la consolidation de la paix et du développement socio-économique en RDC», a affirmé pour sa part Timothée Mbuya de Justicia ASBL.
Le chef de la Monusco, Martin Kobler avait déjà déclaré dans la conférence hebdomadaire de l’ONU que son institution ne se mêlerait pas des affaires internes de la RDC mais que la position de la communauté internationale est claire : «la Constitution devra être respectée». Martin Kobler avait aussi proposé que la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) fournisse «un calendrier électoral réaliste, pour qu’il puisse être finançable».[5]
Le 28 août, réuni à Genève, le groupe des envoyés de la communauté internationale pour la Région des Grands Lacs a souligné l’importance de la tenue en RDC des élections présidentielle et législatives «dans les délais constitutionnels avec la participation de toutes les personnes éligibles». Dans une déclaration, les envoyés internationaux ont réaffirmé le soutien de la communauté internationale à la RDC pour organiser des élections transparentes, crédibles et inclusives. Ils ont lancé par ailleurs un appel à tous les acteurs politiques, en vue de parvenir rapidement à un accord sur les conditions d’un processus crédible. A cet effet, les envoyés internationaux ont insisté sur la nécessité de prendre, sans tarder, des mesures nécessaires, afin de garantir notamment un espace politique ouvert et la liberté des médias pour une participation équitable de toutes les parties au processus électoral.
Le groupe des envoyés internationaux est composé de l’envoyé spécial de l’Onu pour la région des Grands Lacs, Saïd Djinnit, le Représentant spécial de l’Union africaine pour les Grands Lacs, Ibrahima Fall, le Représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu en RDC et chef de la Monusco, Martin Kobler, le Coordinateur de l’Union européenne pour les Grands Lacs, Koen Vervaeke, l’Envoyé spécial des États-Unis pour les Grands Lacs, Thomas Perriello et l’Envoyé spécial de la Belgique pour les Grands Lacs, Frank de Coninck.[6]
c. Quelques propositions
Le 3 août, le parti de l’opposition Renaissance du Congo (Reco) a proposé le renvoi des élections locales après 2016 et la tenue des élections provinciales en juillet 2016, alors que le calendrier de la Ceni les avait fixées en octobre 2015. Le vice-président de cette formation politique, Fabrice Puela, l’a dit au cours d’une conférence de presse tenue à Kinshasa. Il constate que le calendrier de la Ceni, publié en février dernier, n’est pas réaliste vue les contraintes financières et juridiques auxquelles elle est confrontée. «On pourra organiser les législatives provinciales en juillet 2016 et les élections présidentielles et législatives nationales en novembre 2016, de façon à respecter scrupuleusement les délais constitutionnels et éviter ainsi le fameux glissement redouté par tous», a souligné Fabrice Puela. Le vice-président de la Reco propose également le renouvellement du fichier électoral avec l’enrôlement de tous les électeurs y compris les Congolais de la diaspora.«Selon les experts avisés, si cette opération peut démarrer en septembre ou en octobre, elle sera bouclée d’ici mai 2016 », a poursuivi Fabrice Puela.[7]
Le procureur général près la cour constitutionnelle a demandé à la commission électorale nationale indépendante de procéder à l’enrôlement de nouveaux majeurs. Selon ce haut magistrat, en excluant les nouveaux majeurs du vote, la Ceni avait violé l’article 5 de la constitution.[8]
Selon les Forces acquises au changement (FAC) et la Dynamique de l’Opposition congolaise pour l’unité d’actions, l’exigence d’une nouvelle opération d’enrôlement des électeurs se justifie par le fait que «le fichier électoral de 2011 ne contient pas les congolais qui sont devenus majeurs après mars 2011; ne reprend pas les congolais revenus au pays après mars 2011 ; ne reprend pas les congolais expulsés des pays étrangers ; ne tient pas compte des changements d’adresses de certains électeurs intervenus entre novembre 2011 à ce jour ; reprend les personnes décédées».[9]
Le président de la Ligue nationale des élections libres et Transparentes (Linelit), Jérôme Bonso, a affirmé que pour aller à des élections apaisées, il faut faire le toilettage du fichier électoral et intégrer les nouveaux majeurs et les Congolais de la diaspora. Des opérations qui peuvent prendre plus d’un an, selon son analyse. «L’appel d’offre prend deux mois, la commande du kit deux mois, l’acquisition et l’entreposage, c’est un mois, le déploiement : deux mois, la formation des agents pour un mois, le pré-test du matériel en quinze jours, l’enrôlement des électeurs peut durer 6 mois, l’analyse des données et le nettoyage prend deux mois», explique Jérôme Bonso qui est aussi coordonnateur de la plate-forme «Agir pour des élections transparentes et apaisées, (AETA). Pour Jérôme Bonso, le problème devra être posé sous l’angle politique. Il propose, donc, la tenue d’un dialogue politique, en vue d’un consensus électoral sur, entre autre, le réaménagement du calendrier électoral et la révision du fichier électoral. Mais Fabrice Puela, député de l’opposition, pense qu’il faut «sans tarder commencer le processus du renouvellement du fichier électoral et programmer les scrutins indispensables: présidentiel, et législatifs nationaux et provinciaux».[10]
Le 11 septembre, le collectif de candidats députés provinciaux du Nord-Kivu a appelé la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) à publier la liste définitive des candidats aux élections provinciales. Le collectif a lancé cet appel à Goma, à une dizaine de jours du début de la campagne électorale aux élections provinciales. Dans une lettre ouverte adressée à la Ceni, le collectif de députés provinciaux du Nord-Kivu déplore qu’aucun indice de l’imminence des ce scrutin ne soit visible, conformément au calendrier global de la Ceni. Le porte-parole de ce collectif, Patrick Bala, l’a souligné de cette façon: «Nous voyons que la Ceni ne sera prête à organiser ces élections dans le délai prescrit dans son calendrier global. Certains ont dû démissionner de leurs fonctions, d’autres ont dû demander des mises à disponibilités. C’est pourquoi nous demandons à la Ceni de pouvoir prendre ses responsabilités, et de ne pas prendre le peuple en otage. Nous devons faire respecter le calendrier électoral global prévu».[11]
Le 14 septembre, à Kinshasa, une Coalition de trente-trois ONG de défense des droits de l’homme de la RDC a insisté sur la nécessité d’organiser prioritairement les élections législatives et la présidentielle, avant toute autre élection, et dans le délai constitutionnel. Au cours d’une conférence de presse, ces ONG ont mis en garde le gouvernement congolais et la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) contre toute tentative de retarder ces scrutins. Pour ces ONG, le gouvernement et la Ceni ne devraient pas faire de l’arrêt de la Cour constitutionnelle «un prétexte pour retarder les élections législatives et la présidentielle». Selon le coordonnateur de cette plate-forme, Georges Kapiamba, de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), les élections législatives et la présidentielle sont liées à des exigences constitutionnelles: «Nous sommes conscients qu’il n’est plus possible à la Ceni, techniquement et matériellement d’organiser l’ensemble de scrutins prévus dans son calendrier publié le 12 février de l’année en cours. Le gouvernement et la Ceni ne peuvent pas avoir une excuse si ces élections ne sont pas organisées dans le délai constitutionnel».[12]
2. ÉLECTIONS DES GOUVERNEURS PROVISOIRS DES 21 NOUVELLES PROVINCES
Le 21 août, la questeur de la Ceni, Chantal Ngoyi, a annoncé que «à ce jour, la Ceni a constaté que l’installation de nouvelles provinces rencontre diverses contraintes notamment le fait que les nouvelles assemblées provinciales ont, dans la plupart des cas, clôturé leur session extraordinaire sans avoir épuisé l’ordre du jour tel que déterminé par l’article 9 alinéa 1er de la loi de programmation et sans avoir installé leurs bureaux définitifs». «En conséquence», a-t-elle ajouté sans plus de détails, «la Ceni porte à la connaissance de l’opinion nationale qu’elle est en train d’étudier les voies et moyens d’harmoniser son calendrier pour le rendre compatible avec le processus de mise en place de nouvelles provinces».[13]
La loi sur le redécoupage des provinces prévoit l’élection de nouveaux gouverneurs. Mais ces élections sont, pour le moment, impossibles. Une bonne partie des 21 Assemblées provinciales ont en effet cessé de siéger sans adopter de règlement intérieur ou de bureau définitif. Deux conditions pourtant réclamées pour organiser ce fameux scrutin. Il faut donc résoudre les problèmes liés à ces blocages dans l’organisation de ces scrutins. Il s’agit notamment de régler le problème de la date des élections des gouverneurs des 21 nouvelles provinces, reportées sine die. Officiellement, il s’agit d’harmoniser deux dispositions: la loi sur l’organisation des élections et celle de programmation de l’installation des nouvelles provinces. La Commission électorale a donc décidé de s’en remettre à la Cour constitutionnelle pour obtenir son opinion à ce propos.[14]
Comme on peut s’en rendre compte, au regard de l’article 10 de la loi de programmation n°15/004 du 28 février 2015 déterminant les modalités d’installation de nouvelles provinces, «la durée de l’installation effective des institutions provinciales ne peut excéder 120 jours à dater de la mise en place des commissions d’installation de nouvelles provinces démembrées».
Or, les institutions provinciales sont, au regard de l’article 195 de la Constitution, l’Assemblée provinciale et le Gouvernement provincial. D’autre part, les commissions dont parle l’article 10 de la loi de programmation ont été mises en place le 13 avril 2015, par les décrets numéros 15/005 et 15/006 du 13 avril 2015, déterminant l’organisation et le fonctionnement des commissions d’installation de nouvelles provinces démembrées et portant nomination des membres des commissions d’installation de nouvelles provinces démembrées.
Donc, les Assemblée provinciales et les Gouvernements provinciaux auraient dû être installés au plus tard 120 jours après la mise en place des commissions, soit avant le 12 août 2015. Il faut cependant constater que, jusqu’à présent, aucune institution provinciale n’a été effectivement installée. En conséquence, la loi de programmation ayant fixé un terme au-delà duquel les activités d’installation de nouvelles provinces ne peuvent aller, il se constate, au regard de la susdite loi, que la mise en place de nouvelles provinces a échoué.
De tout ce qui précède, il ne reste que deux voies à suivre pour le fonctionnement harmonieux des institutions provinciales:
Premièrement, on pourrait retourner à la case départ, à savoir à la configuration de onze provinces, en considérant la loi de programmation comme abrogée tacitement, au regard de son article 10, et donc comme une loi stérile semblable à un homme stérile, mort sans laisser d’héritier.
Deuxièmement, on pourrait modifier la loi de programmation, notamment son article 10. Entretemps, les onze ancienne provinces doivent être gérées comme par le passé.
En outre, on ne peut pas imaginer l’installation de nouvelles provinces sans penser à l’installation des juridictions, les Cours d’Appel, qui devraient connaitre des contentieux d’élections des Gouverneurs et députés provinciaux, dont les élections sont pourtant prévues à l’article 9 de la loi de programmation.
De même, il est hors de question de penser que les anciens députés provinciaux d’anciennes provinces puissent se prévaloir de leurs mandats obtenus dans le cadre d’anciennes provinces pour légiférer pour compte de nouvelles provinces, d’autant plus que la loi de programmation, à son article 9 point 2, parle de la validation des pouvoirs. Comment la loi, s’il s’agissait d’anciens députés provinciaux, pouvait-elle parler de validation des pouvoirs, alors que les pouvoirs des anciens députés provinciaux avaient été déjà validés? Donc, ils s’agit de nouveaux pouvoirs qui ne peuvent résulter que des élections provinciales à organiser car, dans l’esprit du constituant congolais, les institutions provinciales sont animées par des élus, votés par les électeurs desdites provinces en tant qu’entités juridiques. C’est-à-dire, lorsqu’on passe à l’installation d’une nouvelle province, on devrait donner la parole à la population de cette province, pour se choisir des députés provinciaux qui, à leur tour, éliront les Gouverneurs, et non prendre des députés d’anciennes provinces pour animer de nouvelles provinces.
De tout ce qui vient d’être dit, il est indiqué que la loi de programmation a échoué son objectif, et qu’il y a lieu de retourner au format de onze provinces ou de modifier l’article 10 de la loi de programmation, et non suggérer au Chef de l’Etat de violer la Constitution en nommant des Gouverneurs.[15]
Le 3 septembre, le gouvernement congolais a affirmé manquer des moyens financiers pour l’organisation des élections des gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces nouvellement créées.
Le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, l’a clairement dit au cours d’une rencontre avec les juges de la Cour constitutionnelle, à Kinshasa: «Nous n’avons pas d’argent pour organiser ces élections et installer les nouvelles provinces».
Selon certaines informations, le chef du gouvernement aurait avancé des raisons peu convaincantes sur sa décision de ne pas donner les moyens pouvant permettre à la commission électorale nationale indépendante d’organiser l’élection de gouverneurs et vice-gouverneurs de nouvelles provinces. Il a justifié cette situation par le fait que le baril du pétrole et le cours du cuivre ont chuté sur le marché international. Pour lui, l’économie congolaise est affectée par cette crise et ne peut, à ces jours, financer l’élection de gouverneurs et vice-gouverneurs de 21 nouvelles provinces.
Le chef du gouvernement congolais répondait à l’invitation de la Cour constitutionnelle qui, à son tour, avait été saisie par la Ceni pour interpréter la loi de programmation relative à l’installation de nouvelles provinces, alors que les délais légaux pour l’organisation de l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs de nouvelles provinces sont largement dépassés.[16]
Le député de l’opposition Martin Fayulu a demandé à la Cour constitutionnelle de reconstituer les anciennes provinces démembrées. Il s’est exprimé de cette façon après les déclarations du Premier ministre Matata Ponyo qui a affirmé vendredi 4 septembre devant la Cour constitutionnelle que le gouvernement n’avait pas d’argent pour organiser les élections des gouverneurs et vice-gouverneurs des 21 provinces nouvellement créées. Pour l’opposant, le démembrement des anciennes provinces a été effectué «précipitamment» et le choix de faire une telle réforme sans en posséder les moyens relève de l’irresponsabilité.[17]
3. LA RÉPONSE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE À LA COMMISSION ÉLECTORALE
a. L’ arrêt de la Cour
Le 8 septembre, la Cour constitutionnelle a répondu à la requête introduite par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) en interprétation de la loi sur l’installation de nouvelles provinces.
Dans un arrêt rendu public lors d’une audience à Kinshasa, la Cour constitutionnelle a constaté «une force majeure», l’absence d’installation des bureaux définitifs des assemblées provinciales de nouvelles provinces, empêchant la Commission électorale nationale indépendante d’organiser, dans les délais légaux, les élections des gouverneurs et des vice-gouverneurs.
Toutefois, la Cour constitutionnelle a ordonné que les élections des gouverneurs des provinces nouvellement créées aient lieu « impérativement » avant les autres élections prévues dans le calendrier électoral, y compris celles d’octobre 2015. La Cour a ainsi « enjoint au gouvernement » de la RDC d’accélérer l’installation des bureaux définitifs des assemblées provinciales de nouvelles provinces et de doter la Céni « des moyens nécessaires pour l’organisation impérative des élections des gouverneurs […] des nouvelles provinces avant toute élection des députés provinciaux et sur toute l’étendue de la République ».
La Cour constitutionnelle « ordonne » aussi au gouvernement de « prendre sans tarder des dispositions transitoires exceptionnelles pour faire régner l’ordre public, la sécurité et assurer la régularité ainsi que la continuité des services publics dans les provinces concernées ». La Cour ne précise pas la nature de ces mesures mais, depuis plusieurs jours dans les médias congolais, on évoque une nomination des gouverneurs et vice-gouverneurs par le pouvoir exécutif. Par ailleurs, elle « ordonne » à la Céni « d’évaluer en toute indépendance et impartialité tout le processus électoral conduisant aux élections prévues dans son calendrier global » publié en février.
Le gouvernement et la Commission électorale indépendante(Ceni) disent attendre d’être notifiés par la Cour constitutionnelle avant de se prononcer au sujet des arrêts rendus par la Cour constitutionnelle. Au sujet des dépenses liées à l’organisation des élections des gouverneurs et vice-gouverneurs, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, rappelle qu’elles n’étaient pas budgétisées et que «le gouvernement n’a pas la possibilité de faire des miracles». Le coût de ce scrutin des gouverneurs s’élève à environ 2 millions de dollars.
Selon plusieurs observateurs, en ordonnant l’organisation des élections des Gouverneurs avant toute autre élection, la Cour constitutionnelle a ouvert la voie à un report du cycle électoral devant mener à la présidentielle de fin 2016.[18]
Le 9 septembre, une source de la Cour constitutionnelle a affirmé que le gouvernement peut confier provisoirement à des hauts fonctionnaires de l’Etat la gestion des vingt et une nouvelles provinces. Cette source qui s’est exprimée sous le sceau de l’anonymat affirme qu’une telle démarche ne viole pas la constitution. Selon cette source, la Cour constitutionnelle ne consacre pas un quelconque glissement. « S’il y en a, c’est une affaire des politiques », estime-t-elle. Les juges ont mis la Ceni et le gouvernement devant leurs responsabilités, indique la même source. On peut organiser les élections des gouverneurs, fiabiliser le fichier électoral avec l’enrôlement d’anciens et de nouveaux majeurs endéans 9 mois, souligne-t-elle. Ce serait une question de volonté politique et d’argent.[19]
b. Les réactions
Le 9 septembre, Emery Okundji, secrétaire général des Forces novatrices pour l’union et la solidarité (Fonus) a appelé à rejeter l’arrêt de la Cour constitutionnelle: «La Céni, le gouvernement et la Cour constitutionnelle, tous se sont mis dans la stratégie du glissement, orchestrée par le président de la République qui ne veut pas partir à la fin de son mandat, affirme-t-il. Il est en train de multiplier – nous ne cessons de le dire – les obstacles pour rester au pouvoir malgré la limitation des mandats dans la Constitution de la République démocratique du Congo».
Il a demandé aussi la suspension du redécoupage des nouvelles provinces pour éviter que le calendrier électoral ne se grippe complètement.[20]
Si dans l’arrêt de la Cour constitutionnelle rien n’indique formellement qu’il y aura un glissement du calendrier électoral, toutefois, vu les délais extrêmement courts et les difficultés de financement et d’organisation auxquels la commission électorale nationale indépendante (Céni) fait face, il paraît difficile de tenir l’élection des gouverneurs dans les six semaines sans décaler le premier scrutin du cycle électoral prévu le 25 octobre prochain et relatif aux élections des députés Provinciaux. La grande question désormais c’est donc: jusqu’où va aller le glissement des élections?[21]
Au lendemain de la publication d’un arrêt de la Cour constitutionnelle enjoignant le gouvernement de prendre des mesures transitoires exceptionnelles pour assurer la direction de nouvelles provinces et à la Ceni d’organiser l’élection des gouverneurs avant tout autre scrutin, l’opposant Clément Kanku estime que la Cour ouvre la voie à un glissement qui aboutirait au report des élections. Le député PPRD Ramazani juge en revanche l’arrêt de la Cour «équilibré».
Le député de l’opposition et président du Mouvement du renouveau, Clément Kanku, se demande si l’arrêt de la haute cour ne donne pas au chef de l’Etat l’occasion de nommer des hauts fonctionnaires à la place des gouverneurs en attendant les élections des gouverneurs. L’opposant estime en outre que l’injonction faite à la commission électorale d’organiser l’élection des gouverneurs de nouvelles provinces avant celle des députés provinciaux risque d’occasionner un glissement qui aboutirait au report des prochaines élections.
De son côté, Ramazani Shadari, député national et secrétaire général adjoint du PPRD, le parti présidentiel, juge l’arrêt de la Cour constitutionnelle équilibré et réaliste.
Ramazani Shadari rejette l’hypothèse de la nomination des hauts fonctionnaires à la tête des provinces. «On ne va pas nommer les gens. On va élire les gouverneurs avant toute élection des députés provinciaux, dixit la cour. Mais en attendant qu’il y ait élection, la cour demande au gouvernement de prendre des mesures nécessaires pour assurer l’ordre et la sécurité», soutient le député de la majorité.[22]
Le député de l’opposition Fabrice Puela exprime, lui, sa «très grande déception» à la publication de cet arrêt. La Ceni n’est pas qualifiée pour saisir la Cour constitutionnelle, soutient-il. Par conséquent, ajoute-t-il, la Cour n’est pas compétente pour rendre l’arrêt qu’elle a publié. Il a expliqué que, d’après la constitution, seuls « le chef de l’Etat, le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, le gouvernement, un groupe de députés suivant une quotité d’un dixième et les président des assemblées provinciales« , peuvent saisir la Cour constitutionnelle. A en croire ce député, la Ceni aurait dû passer par l’une de ces institutions. Ce qu’elle n’a pas fait.
Et Fabrice Puela d’ajouter: «La Cour constitutionnelle, dès le départ s’est déclarée incompétente. Même les juges des tribunaux de paix, les nouveaux juges savent que lorsque vous vous déclarez incompétente, la messe est dite : vous ne pouvez plus statuer sur un sujet». Dans son arrêt, la Cour avait indiqué qu’elle était partiellement compétente étant donné qu’elle a aussi comme rôle la régulation du bon fonctionnement des institutions. Une thèse que réfute Albert-Fabrice Puela qui rappelle la séparation des pouvoirs consacrée dans la Constitution.[23]
En marge de l’Arrêt de la Cour Constitutionnelle invitant le gouvernement à prendre des «mesures exceptionnelles» et la CENI à «évaluer le calendrier électoral», le député national Samy Badibanga, président du Groupe parlementaire « UDPS et Alliés » a constaté que cette haute juridiction a cautionné le glissement. Il s’étonne que les deux institutions n’aient pas reçu l’injonction de respecter à tout prix le délai constitutionnel relatif à la tenue des élections présidentielles et législatives, soit le 27 novembre 2016. A son avis, les élections provinciales devraient être organisées en urgence, car les députés provinciaux et les sénateurs nationaux sont hors mandat depuis 2011.[24]
c. Le projet de nomination de commissaires spéciaux
Le 18 septembre, le porte-parole du Gouvernement, Lambert Mende, a annoncé que, à l’issue d’une réunion de conseil des ministres, tenue à Kinshasa, le gouvernement a décidé de nommer les commissaires spéciaux et leurs adjoints pour administrer les provinces nouvellement créées.
Le gouvernement a levé cette option pour se conformer à l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui lui a demandé de prendre des dispositions transitoires et exceptionnelles en vue de faire régner l’ordre public, la sécurité et assurer la régularité ainsi que la continuité des services publics dans les nouvelles provinces. Lambert Mende a souligné que l’injonction de la Cour constitutionnelle cadre parfaitement avec l’esprit de la loi portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces selon laquelle, en cas de nécessité en matière de représentation de l’état en provinces, le pouvoir central peut se substituer aux gouverneurs des provinces. D’autre part, le bureau de la Ceni a assuré qu’il va organiser l’élection de gouverneurs et vice-gouverneurs après l’installation des bureaux définitifs des assemblées provinciales de nouvelles provinces qui auront déjà voté et fait approuver leurs règlements intérieurs par la cour constitutionnelle.[25]
4. L’OUVERTURE DE LA SESSION PARLEMENTAIRE DE SEPTEMBRE
Le 15 septembre, l’Assemblée nationale et le Sénat ont ouvert leur session de septembre consacrée au vote du budget de l’Etat pour 2016.
Certains députés ont affirmé que le dialogue envisagé par le président Kabila, la Cour constitutionnelle, le calendrier électoral, la loi mettant en place les nouvelles provinces et la politique appliquée par le gouvernement sur cette question pourraient donner matière à débat au Parlement. Le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, devra aussi s’expliquer sur la responsabilité du gouvernement dans le financement des élections, ont-ils affirmé.
La Ceni pourra être entendue sur la poursuite et l’application du calendrier global des élections qu’elle a publié en février dernier, indiquent les mêmes sources.[26]
Lors de l’ouverture de la session parlementaire de septembre, essentiellement budgétaire, le président du Sénat, Léon Kengo wa Dongo, a préconisé l’organisation des élections législatives nationales et provinciales, ainsi que la présidentielle en 2016. Les autres scrutins pourraient être organisés après, a-t-il proposé.
Il a suggéré à la classe politique congolaise «la rationalisation des futurs scrutins». Ce qui renvoie, selon lui, à la concentration de tous les moyens disponibles pour organiser les scrutins précités, en respectant les délais constitutionnels incompressibles, au lieu d’organiser toutes les élections en 2016. «Le gouvernement évoque des difficultés d’ordre financier. Je rappelle que les besoins en la matière ont été chiffrés à un peu plus d’un milliard de dollars pour l’organisation de tous les scrutins. Pour tout observateur avertit, il n’est pas difficile de constater que ce montant constitue plus du douzième du budget national, du moins si l’on s’en tient aux prévisions budgétaires de 2015», a expliqué Léon Kengo wa Dondo.
Hormis les préoccupations d’ordre social, l’année 2016 est électorale, a mentionné Léon Kengo wa Dondo. «L’année qui vient est essentiellement électorale, elle nous impose deux contraintes politiques majeures: le financement des futures échéances électorales et la matérialisation de la décentralisation politique de l’Etat», a affirmé le président du Sénat.
Léon Kengo wa Dondo dit reconnaitre que «les élections sont un mode de respiration normale de tout Etat démocratique. A propos des futures élections, je tiens d’abord à réaffirmer en face de notre peuple la volonté non équivoque de tous les sénateurs d’aller le plus vite aux élections». Il a souligné qu’il n’y a pas de raisons qu’elles soient indéfiniment retardées. Léon Kengo wa Dondo a précisé néanmoins qu’il revient à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), organe chargé d’organiser les élections, de décider.[27]
Le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, a rappelé que cette session est essentiellement budgétaire, mais qu’elle sera aussi rythmée par la poursuite de la décentralisation ainsi que par les perspectives des élections. À ce propos, il a souligné la nécessité d’avoir un processus électoral apaisé. Au sujet de la décentralisation, les parlementaires doivent délibérer pour une deuxième fois la loi portant création de la caisse nationale de péréquation: «Il vous souviendra que les deux chambres du Parlement ont adopté la loi organique portant fonctionnement de la caisse nationale de péréquation. Cependant, la Cour constitutionnelle saisie en application de l’article 124 au point 3 de la Constitution a déclaré certaines dispositions non conformes».[28]
[1] Cf Radio Okapi, 04.09.’15
[2] Cf Pitshou Mulumba – Le Potentiel – 7sur7.cd – Kinshasa, 08.09.’15
[3] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 11.09.’15
[4] Cf Radio Okapi, 27.08.’15
[5] Cf Radio Okapi, 28.08.’15
[6] Cf Radio Okapi, 04.09.’15
[7] Cf Radio Okapi, 03.08.’15
[8] Cf 7sur7.cd – Kinshasa, 09.09.’15
[9] Cf Le Potentiel – 7sur7.cd – Kinshasa, 11.09.’15
[10] Cf Radio Okapi, 09.09.’15
[11] Cf Radio Okapi, 12.09.’15
[12] Cf Radio Okapi, 14.09.’15
[13] Cf Radio Okapi, 22.08.’15
[14] Cf RFI, 03.09.’15
[15] Cf Maitre Kabengela Ilunga Jean-Marie – Le Phare – Kinshasa, 02.09.’15
http://www.lephareonline.net/echec-de-nouvelles-provinces-retour-au-format-de-11-provinces/
[16] Cf Radio Okapi, 04.09.’15; 7sur7.cd- Kinshasa, 03.09.’15
[17] Cf Radio Okapi, 06.09.’15
[18] Cf AFP – Africatime, 08.09.’15; Radio Okapi, 08.09.’15
[19] Cf Radio Okapi, 09.09.’15
[20] Cf RFI, 10.09.’15
[21] Cf RFI, 09.09.’15
[22] Cf Radio Okapi, 09.09.’15
[23] Cf Radio Okapi, 09.09.’15
[24] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 11.09.’15
[25] Cf Radio Okapi, 19.09.’15; 7sur7.cd – Kinshasa, 19.09.’15
[26] Cf Radio Okapi, 15.09.’15
[27] Cf Radio Okapi, 15.09.’15
[28] Cf Radio Okapi, 15.09.’15