Congo Actualité n. 244

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: DÉCIDER MAINTENANT, SANS PERDRE D’AUTRE TEMPS PRÉCIEUX

  1. DIALOGUE NATIONAL: LE PRESIDENT KABILA COMMENCE UNE SERIE DE CONSULTATIONS
  2. ÉLECTIONS LOCALES: RECALÉ LE PROJET DE LOI SUR LA RÉPARTITION DES SIÈGES SELON LES CIRCONSCRIPTIONS
  3. LA QUESTION DU FINANCEMENT DU PROCESSUS ÉLECTORAL 2015-2016
  4. LE PRÉSIDENT KABILA CONTINUE LES CONSULTATIONS

 

ÉDITORIAL: DÉCIDER MAINTENANT, SANS PERDRE D’AUTRE TEMPS PRÉCIEUX

1. DIALOGUE NATIONAL: LE PRESIDENT KABILA COMMENCE UNE SERIE DE CONSULTATIONS

En vue de la préparation du dialogue national, après les premiers contacts de son émissaire, Kalev Mutond, avec les différents partis politiques, le Président Kabila a proposé une série de consultations. Prévues vendredi 29 mai, ces consultations ont d’abord été reportées au samedi 30 mai, pour être enfin fixées lundi 1er juin.

Le 30 mai, le Président Joseph Kabila devait ouvrir une série de consultations avec toutes les composantes de la société congolaise, des chefs de confessions religieuses aux représentants des partis politiques, tout au moins ceux qui se disent prêts à répondre à l’invitation.

Les principaux partis de l’opposition ont décidé de boycotter ces consultations. C’est le cas de la plateforme de l’opposition qui regroupe des partis comme l’Union pour la Nation Congolaise (UNC) et le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC). Le député Delly Sesanga, président du parti Envol et modérateur de la plateforme, a expliqué que, selon lui, un dialogue a déjà eu lieu, lors des dernières consultations nationales et des recommandations ont déjà été formulées. Il n’y a donc rien à dire de plus. «Nous pensons que ce qui est important aujourd’hui, c’est de centrer l’intérêt du pays et de la population sur le cycle électoral, qu’il faut tenir de manière apaisée, plutôt que réunir un second forum», explique Delly Sesanga, qui précise que «il faut rappeler qu’il y a eu les concertations nationales qui ont donné lieu à une série de recommandations et on ne voit pas ce qui va être renouvelé aujourd’hui et qui n’est pas été dit».

L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) refuse lui aussi de prendre part à ce dialogue. Le parti d’opposition, s’était déclaré en faveur de discussions mais précise que celles-ci devraient avoir lieu sous l’égide de la communauté internationale et ne pas être initiées par le président Kabila, lui-même partie du problème. Selon Félix Tshisekedi, secrétaire national de l’UDPS chargé des relations extérieures, la résolution 2098 de l’Onu détermine les termes de référence pour le dialogue et aller à l’encontre de l’accord-cadre d’Addis-Abeba, c’est biaiser toute la démarche. Il a précisé que «selon la feuille de route proposée par l’UDPS, il y a le problème du contentieux électoral de 2011 dont il faut discuter et là nous avons reçu un écho favorable de l’émissaire de monsieur Kabila qui se disait prêt à discuter de tous les sujets sans tabou; ensuite il faut valider la voie pour que l’on ait un processus électoral crédible et apaisé et enfin discuter du sort de monsieur Kabila». L’UPDS refuse donc de participer à un dialogue initié par le président Kabila qui «est très mal placé pour être à la fois juge et partie. Voilà pourquoi nous avons demandé et attendu la médiation ou facilitation internationale pour arriver à ce dialogue».[1]

Le 1er juin, dans la perspective de la tenue prochaine d’un nouveau dialogue en RDC, le président Joseph Kabila s’est entretenu avec les représentants des confessions religieuses, dont les délégués de l’Église du Christ au Congo (ECC), de l’église kimbaguiste, de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), de la Communauté islamique du Congo et de l’Armée du Salut. Pour leur part, les Évêques de l’Église catholique ont affirmé que le dialogue est le chemin principal et pacifique pour sortir d’une crise, mais qu’il faut définir les contours, l’objet et les objectifs. Ils ont aussi souhaité que le dialogue national débouche sur un « consensus » autour du calendrier électoral. Pour l’opposition, ce calendrier est trop serré, « irréaliste » et menace de prolonger illégalement le mandat du chef de l’État. L’abbé Léonard Santedi, secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), a insisté sur la nécessité de «rétablir un climat de confiance, afin de réussir le processus électoral», soulignant à cet effet que, «en ce qui concerne l’organisation des scrutins, tout dialogue doit se faire dans le respect (…) de la Constitution, des délais constitutionnels et des institutions».[2]

Le 2 juin, le Président de la République, Joseph Kabila, a poursuivi ses consultations à Kinshasa. Au deuxième jour, il a échangé avec le cardinal Laurent Monsengwo, archevêque de Kinshasa, la délégation de l’Eglise Orthodoxe, celle des Eglises de Réveil au Congo, des Eglises indépendantes et la délégation des chefs coutumiers. Toutes les personnalités religieuses et coutumières consultées ont soutenu le principe d’un dialogue pour la paix en RDC. Mgr Monsengwo a soutenu que «le dialogue est bon, à condition qu’on sache ce que l’on veut et que l’on ne déborde pas sur le délai constitutionnel». Le chef de l’Etat devra recevoir prochainement la classe politique. Il faut dire cependant que les consultations initiées par le président Kabila sont rejetées par les grands partis de l’opposition, y compris l’UDPS, qui s’est ravisé en mettant en cause le format de ces entretiens.[3]

Le 4 juin, au quatrième jour de ses consultations au Palais de la Nation, le Chef de l’Etat a reçu Azarias Ruberwa Manyiwa, président national du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), Clément Kanku, président du Mouvement pour le renouveau (MR) et Steeve Mbikayi du Parti travailliste (PT), tous de l’obédience anti pouvoir.

Selon Azarias Ruberwa, un dialogue politique est inévitable et même irréversible dans l’environnement actuel du pays. «La classe politique doit dialoguer pour faciliter l’organisation d’un cycle électoral réaliste», a-t-il dit, en précisant que «il y a des élections qui devront probablement être reportées à 2017 et 2018. Notamment, celles dont la non-tenue n’offense pas la Constitution». Dans sa lecture de la situation actuelle du pays, le président national du RCD évoque deux faits qu’il considère en même temps comme essentiels et obstacles à la tenue d’un cycle électoral crédible. Premièrement, il parle du facteur temps. «Selon le calendrier de la Ceni, nous avons à organiser sept élections en l’espace d’une seule année. Soit d’octobre 2015 à novembre 2016. Raisonnablement, il n’est pas possible de tenir un tel cycle électoral. On n’a plus le temps nécessaire pour matérialiser les différents scrutins prévus», affirme-t-il. En second lieu, il évoque l’aspect lié au budget. «Avec quel argent organiser ces élections? Ces milliards de dollars dont on parle tant mais qui n’existent nulle part jusqu’à ce jour», dit-il sur un ton d’indignation.

De sa part, Clement Kanku, favorable au dialogue, a affirmé qu’il faudrait que les termes de référence de cette rencontre soient clairement définis et qu’à l’avance, l’on sache où ce dialogue va amener. Il a proposé au chef de l’Etat, si dialogue il y aura, que celui-ci soit inclusif, avec la participation de toutes les composantes politiques. Sinon, ce serait un dialogue contreproductif. En ce qui concerne le calendrier électoral, Clément Kanku précise que son parti est favorable à un calendrier consensuel. En ce qui concerne la décrispation de l’espace politique, le cahier des charges du MR plaide entre autres, la libération des leaders de l’Opposition encore en prison ainsi que la réouverture de certains médias proches de l’opposition.[4]

Le 4 juin, le Secrétaire d’Etat adjoint à la Démocratie et aux droits humains, Tom Malinowski, a appelé toutes les forces politiques et sociales à prendre part, pour le bien de tous, au dialogue en gestation. Tom Malinowski s’est exprimé au cours d’une conférence de presse qu’il a donnée à la résidence de l’ambassadeur des USA à Kinshasa. Le Secrétaire d’Etat adjoint à la Démocratie et aux droits humains a suggéré que ce dialogue puisse «se focaliser sur les questions électorales et non pas être utilisé comme moyen de pouvoir retarder les élections». Il a fait remarquer que «le plus important c’est de franchir de manière démocratique l’étape qui nous attend en 2016 et qu’il n’y ait aucun incident qui pourrait retarder ça». Il a précisé que «la limite des mandats est bonne pour la démocratie et la stabilité, car il faut en finir avec l’ère des présidents à vie en Afrique et ailleurs». À l’approche des échéances électorales, Tom Malinowski a demandé aux autorités gouvernementales de garantir la liberté de manifestation et d’expression, surtout pour la presse.[5]

Le 5 juin, au sortir d’un entretien avec le chef de l’Etat dans le cadre des consultations présidentielles, le président des forces du futur, Z’Ahidi Arthur Ngoma, a affirmé que le dialogue préconisé par le chef de l’Etat devrait se pencher uniquement sur la question électorale.

Gérard Ntumba, Secrétaire général de l’Alliance pour le Développement et la République (ADR) de François Muamba, a dit que son parti a fait quelques propositions au chef de l’Etat en rapport avec la tenue du Dialogue qui se veut une nécessité. Celles-ci ont porté sur la nécessité d’un calendrier électoral consensuel, la révision du fichier électoral pour également intégrer les nouveaux majeurs, la libération des prisonniers politiques, le financement des élections, etc.[6]

Les principaux partis d’opposition, eux, sont restés fermes sur leur refus d’entamer un nouveau dialogue avec le président. Pour l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), nul besoin de concertations préalables, il faut aller au dialogue directement. Mais un dialogue sous médiation internationale. L’Union pour la Nation Congolaise (UNC) et le Mouvement de Libération du Congo (MLC), eux, rejettent carrément l’idée de nouvelles concertations. Pour eux, la priorité est de résoudre les problèmes liés au calendrier électoral. Des prérogatives qui reviennent à la Commission électorale indépendante et non au président, selon eux.

En fin de compte, ces premiers jours de concertations n’ont permis aucune avancée majeure. «La sauce n’a pas pris», a commenté un diplomate pour qualifier le manque d’engouement autour de cette proposition du chef de l’Etat. Seule certitude, opposants et partisans du dialogue sont d’accord sur un point: la priorité est de rendre le calendrier électoral réalisable, de respecter les délais constitutionnels et d’organiser une présidentielle en 2016. A été soulevée aussi la question des jeunes majeurs, ceux qui ont eu 18 ans entre 2011 et 2015, pour qu’ils puissent voter à tous les scrutins. Reste à savoir ce que Joseph Kabila, lui, attend de ce dialogue. A ce jour, il n’a donné aucune indication sur l’objectif recherché.[7]

Le 6 juin, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, a affirmé que le dialogue proposé par le Président Joseph Kabila n’est pas l’affaire des étrangers. Il réagissait aux propos du secrétaire d’Etat américain adjoint à la démocratie et aux droits de l’homme, Tom Malinowski. De passage à Kinshasa, il a déclaré que ce dialogue ne devra pas retarder les élections.

Selon Lambert Mende, c’est un procès d’intention et une ingérence inacceptable dans une affaire intérieure d’un pays souverain. «Ce dialogue n’est pas l’affaire des étrangers. C’est une affaire des Congolais. C’est un cas type d’une affaire intérieure et domestique. Nous ne pouvons que rejeter toute tentative d’immixtion des officiels étrangers de quelque pays que ce soit», a déclaré le porte-parole du Gouvernement. Lambert Mende se dit par ailleurs disposé à «recevoir des conseils d’amis mais pas d’injonctions 54 ans après l’indépendance». «Ceci ne peut être accepté par aucun Congolais digne de ce nom», a-t-il soutenu.[8]

Le 8 juin, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, a annoncé que le gouvernement a rejeté la demande de l’UDPS, premier parti de l’opposition, que le dialogue politique initié par Joseph Kabila se fasse sous médiation internationale. Pour le porte-parole du gouvernement, aucun accord international n’exige de Kinshasa que ce dialogue se fasse en présence d’un facilitateur ou d’un envoyé spécial. Selon lui, il est au contraire souhaitable que ce dialogue ait lieu entre Congolais.[9]

Le 8 juin, dans le cadre des consultations présidentielles en cours, le Président Kabila a reçu le parti au pouvoir, le PPRD, mais aussi la société civile et l’Opposition dite Républicaine.

Au sortir de l’entretien avec le chef de l’Etat, le président du Sénat et autorité morale de l’Opposition Républicaine (OR), Léon Kengo wa Dondo, s’est déclaré désormais favorable au dialogue, en estimant que cette rencontre entre Congolais reste le moyen idéal pour trouver des pistes de solutions aux problèmes qui assaillent la vie nationale. Il a affirmé que «les élections exigent beaucoup d’argent», mais que «dans le budget 2015, les ressources allouées aux élections ne sont pas suffisantes», raison pour laquelle les Congolais doivent dialoguer pour dégager une voie de sortie. A une question de savoir où trouver de l’argent pour organiser les élections, l’autorité morale de l’OR dit avoir réservé la primeur au Chef de l’Etat. Toutefois, Ben Kalala, coordonnateur de l’opposition républicaine et membre de la délégation, a déclaré que, «dans l’intérêt supérieur de la nation et au regard des contraintes primordiales d’ordre financier telles que présentées par la Céni, il y a une nécessité d’inverser le calendrier électoral».[10]

Le 9 juin, le Président Kabila a reçu une délégation de la Majorité Présidentielle conduite par Aubin Minaku, secrétaire exécutif de cette famille politique et président de l’Assemblée nationale. La majorité est ouverte au dialogue prôné par le chef de l’Etat, et soutient le calendrier électoral global arrêté par la Commission électorale nationale indépendante (Céni).

Deux autres groupes politiques ont été reçus au palais de la Nation: le MLC/Libéral, une dissidence du MLC qui est dirigé par le vice-Premier ministre, Thomas Luhaka, et l’opposition dite citoyenne de Justin Bitakwira, un transfuge de l’UNC de Vital Kamerhe. Ces deux groupes se sont inscrits dans la logique du dialogue.[11]

Le 10 juin, les députés Justin Bitakwira et Steve Mbikayi ont été exclus de leur groupe parlementaire « UNC & alliés ». Le président de ce regroupement, Jean Marie Bamporiki, qui a publié cette décision, a indiqué que la position de ces députés sur le dialogue et les consultations du président Kabila va à l’encontre de la ligne directive du groupe qui a décidé de ne pas y participer.[12]

Le 11 juin, le chef de l’Etat, Joseph Kabila a reçu les ambassadeurs, les chefs des missions diplomatiques et Martin Kobler, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en RDC.

Face aux 22 ambassadeurs, Joseph Kabila a tenu à expliquer le sens de sa démarche: consulter un maximum d’acteurs de la vie politique congolaise pour décider si oui ou non il y a besoin d’ouvrir un dialogue sur les questions qui bloquent le processus électoral: le calendrier électoral, le budget de financement, la sécurisation du scrutin, ou encore le découpage territorial. L’objectif ne serait pas de retarder les scrutins, comme l’accusent certains, a assuré le président, mais – après des élections mouvementées de 2006 et de 2011 -, d’aller aux urnes dans un climat apaisé et consensuel.

«C’est la preuve d’une certaine ouverture et d’une volonté de rassurer », analysent certains diplomates. Et ce, même si le président a répété que pour lui « tous les scrutins sont importants, les élections locales comme la présidentielle».

Pas un mot sur la possibilité que la communauté internationale joue un rôle de médiateur dans ce dialogue, comme le réclame le premier parti d’opposition l’UDPS. Les ambassadeurs occidentaux de leur côté ont rappelé leurs priorités: respecter la Constitution et la limite des mandats, mais aussi soutenir de façon prioritaire le scrutin législatif et présidentiel. Car au dire de plusieurs observateurs les retards sont déjà trop nombreux pour organiser les locales en octobre prochain. Pas un centime n’a encore été décaissé pour acheter des urnes, ni de budget débloqué. Une question cruciale, que les ambassadeurs comptent aborder lors d’une réunion avec la Commission électorale nationale indépendante.

Martin Kobler dit avoir assuré le président Kabila sur «le rôle positif que devront jouer la Mission onusienne et la communauté internationale, en ce qui concerne les sujets qui doivent être résolus rapidement», dont: le fichier électoral, la question de nouveaux majeurs, la question du calendrier électoral et les questions budgétaires. L’ambassadeur de l’Union européenne en RDC, Jean-Michel Dumond a assuré que son organisation est «prête en principe à apporter son appui au processus électoral». Tous ont dit soutenir l’initiative de dialogue que prône le chef de l’Etat congolais, mais ils mettent un accent particulier sur le respect des échéances électorales dans les délais constitutionnels.[13]

Le 11 juin, le chef de l’Etat Joseph Kabila a consulté au Palais de la Nation les Gouverneurs de province sur l’éventuelle nécessité d’un dialogue politique au niveau national. Il les a chargés de partager avec leurs administrés des questions relatives au facteur temps, moyens et sécurisation du processus électoral. Le gouverneur de la province du Nord-Kivu, Julien Paluku, a indiqué que les gouverneurs des provinces ont salué l’esprit de dialogue et d’écoute que le chef de l’Etat a toujours développé.[14]

Après avoir été obligé à renoncer à modifier la Constitution et la loi électorale, le président congolais est en quête d’un consensus politique pour se maintenir au pouvoir après 2016. Mais la convocation d’un « dialogue national » pour apaiser le climat politique et discuter du calendrier électoral ne trouve pas preneurs. Pour un observateur de la vie politique congolaise, le dialogue national de Joseph Kabila «risque de se limiter au parti présidentiel et à ses alliés».

Joseph Kabila continue ses consultations en vue du dialogue national mais, pour l’instant, les principaux partis d’opposition ont décliné l’offre et veulent discuter du calendrier électoral, un des motifs de la crise politique, seulement avec la Commission électorale et non avec le président Kabila. Seuls quelques petits partis d’opposition et des alliés de la majorité présidentielle ont accepté d’être « consultés » par Joseph Kabila. Causes de ce manque d’enthousiasme pour le dialogue national: un grand flou sur le contenu du rendez-vous. L’objectif du dialogue et ses contours restent jusqu’à aujourd’hui inconnus.

Arrivé au pouvoir en 2001, au début d’une période de 5 ans de transition politique, élu une première fois en 2006 et réélu une deuxième fois en occasion des élections très contestées de 2011, Joseph Kabila doit normalement quitter le pouvoir fin 2016, la Constitution lui interdisant de briguer un troisième mandat consécutif. Seulement voilà, à seulement 43 ans, on peut difficilement imaginer que Joseph Kabila veuille quitter le pouvoir. C’est en tout cas ce que pense l’opposition. Après avoir échoué à modifier la Constitution et la loi électorale, le président Kabila peut encore « rallonger » son mandat en faisant traîner la mise en place des futures élections. Dans cette stratégie du «glissement», Joseph Kabila cherche donc rapidement un consensus politique autour de sa personne, afin de pouvoir se maintenir au pouvoir, en dehors de tout cadre constitutionnel. Et dans cette stratégie du «glissement» du calendrier électoral, Joseph Kabila est plutôt bien parti. La Commission électorale (CENI) doit en effet organiser sept scrutins en moins de deux ans, sans fichier électoral fiable, sans moyens financiers suffisants et dans un flou institutionnel causé par un redécoupage inattendu des provinces. Des prétextes qui amèneraient le président Kabila à repousser le calendrier électoral et ouvrirait la porte à une période de transition politique. Ce « glissement » conduirait alors Joseph Kabila « hors-mandat », et lui permettrait alors de se représenter à la prochaine élection présidentielle, la période de transition «remettant les compteurs à zéro».[15]

2. ÉLECTIONS LOCALES: RECALÉ LE PROJET DE LOI SUR LA RÉPARTITION DES SIÈGES SELON LES CIRCONSCRIPTIONS

Le 3 juin, le projet de loi sur la répartition des sièges par circonscription pour les élections municipales et locales a été déposé au Parlement. C’est le ministre chargé des relations avec le Parlement, Kinkiey Mulumba, qui l’a remis au président de l’Assemblée nationale. Il revient maintenant aux parlementaires de l’examiner et de le voter, en vue de sa transmission à la Ceni.[16]

Le 4 juin, le président du Groupe parlementaire UDPS et Alliés, Samy Badibanga, a fait remarquer que le projet de loi présenté a 63 groupements sans électeurs et d’autres avec un seul électeur! Alors même que la loi n° 10/011 du 18 mai 2010 portant fixation des subdivisions territoriales à l’intérieur des provinces dispose qu’un groupement est composé de plusieurs villages. Il a également souligné des cas des communes à très peu d’électeurs, à l’instar de Ndu dans la future province du Bas-Uele, avec seulement 16 électeurs, alors que la loi précitée ne confère le statut de commune qu’à une agglomération ou une entité disposant d’au moins 20.000 habitants.[17]

Le 5 juin, le vice-premier ministre en charge de l’intérieur, Evariste Boshab, a présenté le projet de loi du gouvernement portant la répartition des sièges pour les élections municipales, locales, et urbaines à la plénière de l’Assemblée nationale, sur fond des critiques très sévères des députés aussi bien de la Majorité que l’Opposition. Parmi les députés qui ont exigé son rejet, figure celui de l’Union pour la Nation Congolaise, Jean-Baudouin Mayo, qui a affirmé qu’à 8 jours de la fin de. la session, les deux chambres du parlement ne pourraient examiner froidement ce projet de loi, pourtant très sensible pour un processus électoral voulu apaisé. Mayo a aussi relevé le caractère inconstitutionnel de la loi sur la répartition des sièges qui, en violation de l’article 5 de la Constitution, exclut d’office presque 8 millions de nouveaux électeurs, à savoir tous les Congolais devenus majeurs entre 2011 et 2015. Mayo a qualifié ce projet de loi de faux document avec des statistiques qui ressortent des officines du ministère de l’intérieur et non du terrain. Il s’est demandé d’où viennent les chiffres de ces nouveaux groupements, nouvelles villes et nouveaux villages qui n’ont pas connu d’enrôlement, avant de répertorier, dans le projet de loi, plusieurs groupements comprenant plusieurs villages avec zéro électeur, donc sans siège. Il a ajouté que le nombre des sièges dans cette loi ne tient pas compte du poids démographique de chaque entité.[18]

Le 13 juin, l’Assemblée Nationale a recalé le projet de loi portant répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections municipales et locales. «Ce projet comporte des problèmes qui doivent nécessairement être réglés», a justifié Aubin Minaku, le président de l’Assemblée nationale. Une décision qui a mis d’accord les députés tant de l’opposition que de la majorité.

Les députés qui examinaient le projet de loi en question ont estimé que ce document n’est pas recevable car il contient des erreurs. «Vous avez des circonscriptions où il n’y a pas d’électeur mais on y retrouve un siège [à pourvoir]. C’est extrêmement grave. Vous avez aussi dans ce projet des localités ou des groupements inexistants. C’est pourquoi le président de l’Assemblée a tiré les conséquences et on a recalé cette loi», explique le député Toussaint Alonga.

D’autres députés ont estimé que le projet de loi tel que déposé par le gouvernement ne reflète pas la réalité de terrain. De plus, expliquent les mêmes sources, le projet du gouvernement manque de cohérence interne. Certaines circonscriptions qui comptent beaucoup d’électeurs ont moins de sièges comparés à des circonscriptions qui ont peu d’électeurs. «Il est indispensable de résoudre ces problèmes en amont», tranche le député Toussaint Alonga.

Les députés nationaux ont reproché à cette loi plusieurs incohérences dans les chiffres. Des incohérences qui faussent, selon eux, la répartition des sièges dans les circonscriptions.

La plupart des députés nationaux ont crié à la fraude dans la répartition des sièges. Selon eux, plusieurs groupements et secteurs prévus dans le projet du gouvernement sont inexistants ou entachés des contentieux majeurs. Faisant allusion au recensement électoral de 2004 et à l’actualisation qui en a été faite en 2011, les députés ont déploré le manque de cohérence entre les chiffres contenus dans la loi et la réalité sur le terrain. Pour illustrer ce déséquilibre, les élus ont évoqué le cas du territoire d’Oshwe dans le Bandundu, qui compte plus de 500 000 habitants mais qui n’a eu que 57 000 enrôlés suite à l’éloignement des centres d’enrôlement. Toujours selon ces députés, dans certaines chefferies de petite taille, les chiffres sont apparus gonflés par rapport à d’autres. «Comment vous pouvez comprendre que vous ayez des secteurs ou vous n’avez pas groupements et des groupements ou vous n’avez pas de village. Et par dessus tout, il y avait dans cette loi des groupements où il y avait zéro électeur à qui on avait attribué un sièges», a expliqué le député Delly Sessanga, en ajoutant qu’accepter de traiter cette loi serait consacrer le faux et polluer l’environnement électoral, surtout à l’intérieur du pays.​

La loi sur la répartition des sièges pour les élections municipales et locales est un préalable pour que la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) puisse lancer l’appel à candidatures à ces scrutins prévus le 25 octobre de cette année. La Ceni a reporté le début du dépôt de candidatures aux élections communales et locales, prévu le 26 mai, faute d’avoir la loi sur la répartition des sièges. Le projet de loi attendu à l’Assemblée nationale le 4 avril 2015 a été déposé le 3 juin, soit avec un retard de deux mois. Et à moins de convoquer une session extraordinaire du parlement, les députés sont supposés aller en vacances dès ce lundi 15 juin jusqu’au 15 septembre.

Face à ces contraintes du calendrier, Henri-Thomas Lokondo, député de la majorité, ne croit plus en l’organisation des élections communales, locales et municipales le 25 octobre 2015 comme le prévoit la Ceni. «Nous allons en vacances pendant trois mois. Il serait techniquement impossible qu’elles soient organisées. C’est une manière de faire voir aux gens aussi que la volonté politique n’y était pas. On ne peut pas nous présenter une loi aussi importante en retard comme ça. Ajouter à cela, l’épineux problème financier, il est évident que les élections seront reportées pour 2017», a-t-il analysé.

La Ceni, elle, affiche sa sérénité et tente l’apaisement: «La Ceni avait conditionné le lancement d’inscription des candidats aux élections municipales et locales à l’adoption et la promulgation de cette loi. Si c’est une décision remise, la Ceni attend, il n’y a pas de problèmes. Comme moi, tout le monde a suivi que le président de l’Assemblée préconisait une session extraordinaire. Il peut avoir 30 jours ou 15 jours. Une affaire de 30 jours tout au plus, la Ceni attend, il n’y a pas mort d’homme pour ça», a affirmé Jean-Pierre Kalamba, rapporteur de la Commission électorale.[19]

La décision des députés nationaux de renvoyer au gouvernement son projet de loi portant répartition des sièges des circonscriptions électorales, au terme de la plénière du samedi 13 juin 2014, va être lourde de conséquences.

La première est qu’il est pratiquement impossible d’organiser, le 25 octobre 2015, les élections des conseillers municipaux et de secteurs/chefferies.

La deuxième est que les conseillers urbains, les bourgmestres et chefs de secteurs ne pourraient être votés le 20 janvier 2016, faute d’électorat à constituer par les conseillers municipaux pour les deux premières catégories et par les conseillers de secteurs pour la troisième.

La troisième conséquence est que les maires et maires adjoints des villes ne pourraient être élus le 7 mars 2016, car devant attendre les élections des conseillers urbains et l’installation des conseils urbains.

Si l’on considère que, si la Ceni maintient sa décision de coupler l’organisation des élections provinciales à celle des élections locales, comme prévu par le calendrier électoral, la quatrième conséquence est qu’il sera pratiquement impossible d’organiser, le 25 octobre 2015, les élections des Députés provinciaux.

La cinquième est que le vote des sénateurs ne pourrait avoir lieu le 17 janvier 2016, car ceux-ci ont pour électeurs les députés provinciaux, eux-mêmes non élus à la date du 25 octobre 2015.

Enfin, les élections des gouverneurs et vice-gouverneurs de provinces ne pourraient se tenir le 31 janvier 2016, faute d’électeurs qui devraient être les députés provinciaux.

Comme on peut le constater, le renvoi à la session de septembre du projet de loi portant répartition des sièges des circonscriptions électorales va entraîner l’implosion pure et simple du calendrier électoral de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante), dans son volet réservé aux élections urbaines, municipales et locales et, peut-être, aussi des législatives provinciales, sénatoriales et des gouverneurs et vice-gouverneurs de province.

Même si le Parlement (Sénat et Assemblée Nationale) était convoqué en session extraordinaire, en vue d’examiner en urgence la loi sur la répartition des sièges dans les circonscriptions électorales, le retard est largement consommé. Le temps perdu ne peut plus être rattrapé.

Le chambardement quasi inévitable du calendrier électoral, avec des retards qui pourraient s’échelonnaient sur deux et trois mois, sinon plus, pourrait provoquer, si l’on n’y prend garde, le glissement automatique des élections présidentielle et législatives nationales. L’unique alternative qui s’offre à la CENI pour ne pas bousculer ces deux élections verrouillées par le législateur et les maintenir à la date du 27 novembre 2016, c’est de renvoyer à 2017 ou 2018 les élections urbaines, municipales, locales et, peut-être, le législatives provinciales aussi, non contraignantes constitutionnellement.

Bref, la thèse défendue par nombre d’acteurs de l’Opposition et de plusieurs sensibilités de la Société civile, à savoir le report de ce paquet de scrutins au-delà de 2016 pourrait tenir la route. C’est du reste le vœu des partenaires de la RDC, qui ne cessent d’insister sur le respect strict de la Constitution en ce qui concerne l’organisation des élections présidentielle et législatives nationales.

A leurs yeux, les scrutins non prioritaires (députés provinciaux, conseillers de secteurs, des communes et des villes, sénateurs, gouverneurs et vice-gouverneurs de provinces, maires et maires adjoints) pourraient attendre. Ce qui n’est pas de l’avis du gouvernement congolais, qui pense qu’aucun scrutin n’est plus important qu’un autre. On retient, au vu de l’impasse que vient de créer l’ajournement de l’examen de la loi portant répartition des sièges dans les circonscriptions électorales, que le temps joue terriblement contre la CENI, obligée de lever une option claire au sujet de ces scrutins, à condition de ne pas franchir «la ligne rouge», entendez la date du 27 novembre 2016 pour la tenue de la présidentielle et des législatives nationales.[20]

3. LA QUESTION DU FINANCEMENT DU PROCESSUS ÉLECTORAL 2015-2016

Le 12 juin, les ambassadeurs accrédités à Kinshasa ainsi que des représentants d’ONG et les bailleurs de fonds de la communauté internationale ont tenu une réunion avec la Céni, pour parler des élections à venir et des retards pris.

Il a d’abord fallu parler du budget, et de l’absence de données, à ce jour, sur ce que le gouvernement va financer et sur le milliard de dollars que vont coûter les sept scrutins à venir. Le ministre des Finances était bien là mais pas le ministre de l’Intérieur, ni celui du Budget.

Aucun chiffre sur le financement des élections prévues cette année n’est sorti de cette réunion.

Le financement du processus électoral 2015-2016 est un préalable qui garde encore tous ses secrets. Aucune Institution de la République ne communique ouvertement sur cette question. Pour un calendrier global présenté le 12 février 2015, la Ceni a prévu un budget total de 1,145 milliard USD.

Des nouvelles recueillies dans les couloirs de la Ceni, ce budget aurait été ramené à 889 millions USD.

Alors que la Ceni a prévu une bagatelle de 397 millions USD pour la seule année 2015 et que le budget national n’a prévu que 247 millions USD, on ne sait encore de quel ciel tomberait le gap de 150 millions USD que la Ceni devrait couvrir.

C’est devant toutes ces incertitudes qu’il était attendu de la réunion du Comité de partenariat – entre le gouvernement, la Ceni et les partenaires extérieurs – des assurances quant à la disponibilité des fonds et surtout un engagement du gouvernement à débloquer les montants exigés.

Rien de tel n’est sorti de cette réunion, surtout que la communauté internationale ne s’est jamais engagée à financer les élections provinciales, urbaines, municipales et locales prévues en octobre 2015.

A en croire la Ceni, le gouvernement congolais n’a financé jusqu’ici que l’élaboration de la cartographie du fichier électoral (29 millions USD) et était en voie de libérer un autre financement de l’ordre de 26 millions USD, soit moins de 5% du budget total.

Sans un budget débloqué, il est illusoire que la Ceni puisse assurer les opérations électorales selon son planning et en toute indépendance. C’est pour cela que le financement des élections doit être débattu de manière claire dans les Institutions de la République: Gouvernement, Parlement et Ceni.[21]

4. LE PRÉSIDENT KABILA CONTINUE LES CONSULTATIONS

Le 16 juin, dans le cadre de ses consultations, le président de la République a reçu les députés. Mais les élus de l’opposition pour la plupart ont décliné l’invitation.

Le chef de l’Etat Joseph Kabila qui tient absolument à l’organisation, en premier lieu, des élections locales et municipales en a fait part aux députés qui venaient de boucler la session ordinaire.

Joseph Kabila leur a aussi suggéré de s’apprêter à une session extraordinaire qui devra principalement examiner et adopter le projet de loi sur la répartition des sièges par circonscription électorale, sans lequel les élections locales et les municipales ne peuvent se tenir.

En effet, au sortir de la rencontre, le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, a annoncé la tenue d’une session extraordinaire du Parlement destinée à l’examen de la loi sur la répartition des sièges. Selon Aubin Minaku, toutes les élections auront bien lieu. «Il faut mettre tout en œuvre pour que les élections se déroulent comme prévu. Nous allons organiser les élections, quelles que soient les contraintes financières. Il faut d’abord vider les arriérés électoraux avant de poursuivre avec le reste», a-t-il déclaré, en ajoutant que le calendrier électoral global sera respecté. Toutes les élections, y compris les provinciales et locales, devraient donc avoir lieu suivant l’ordre chronologique déjà établi.

A propos des finances, Aubin Minaku a affirmé que «il n’y a pas d’inquiétudes, mais d’interrogations responsables», ajoutant que «les difficultés financières – s’il y en avait – ne doivent pas empêcher la RDC de tenir ces élections capitales». Selon Aubin Minaku, après la session de mars qui a clôturé ces travaux lundi, une session extraordinaire du Parlement sera convoquée pour traiter essentiellement de la loi sur la répartition des sièges. Et bien qu’ayant été rejeté par l’Assemblée nationale, ce texte est donc désormais destiné à être adopté coûte que coûte par cette même chambre.

Par ailleurs, interrogé sur l’installation de nouvelles provinces, Aubin Minaku a répondu: «le processus de mise en place des nouvelles provinces doit continuer (parce que), quelles que soient les contraintes d’ordre financier et logistique, il doit arriver à terme. Il ne sert à rien de tout recaler», tout en reconnaissant que «la seule préoccupation c’est de savoir comment tout mettre en œuvre sur le plan financier».

L’audience du président Kabila aux députés nationaux s’est déroulée en l’absence des partis phares de l’opposition, l’UDPS, l’UNC et le MLC, qui maintiennent leur refus d’être consultés par Joseph Kabila en vue de l’organisation d’un dialogue national. Une autre plate-forme de l’opposition parlementaire, la Dynamique pour l’unité d’actions de l’opposition, a elle aussi refusé de se rendre aux consultations du président qui visent, selon elle, à lui donner une prolongation de son mandat au-delà de 2016.[22]

Au nom des «Inscrits», Henri Thomas Lokondo a réitéré son attachement au dialogue qui est un principe républicain pour régler pacifiquement les différends en politique. Parlant des problèmes posés généralement par les groupes consultés, en l’occurrence le calendrier électoral et le découpage territorial, il a indique qu’il s’agit de questions constitutionnelles qui n’appellent pas de débat. Leur matérialisation suit la droite ligne de la Constitution. Mais, a-t-il soulevé, il faut voir clair en ce qui concerne le budget. C’est pourquoi il a suggéré au chef de l’Etat de s’informer également auprès du gouvernement pour qu’il dise aux Congolais s’il dispose des ressources suffisantes pour ce faire. Sinon, rien ne se fera sans budget.

Le représentant du Groupe Parlementaire du Renouveau (GPR), Konde Vila Kikanda, a aussi réaffirmé son attachement au dialogue. Parlant des élections, il a indiqué qu’il revient à la Ceni de fixer le calendrier des élections. Mais, en cas de blocage qui serait dû au budget, elle est censée le déclarer. Pour le moment, constate-t-il, la Ceni n’a jusqu’ici rien dit. Parlant du découpage, il a conseiller la prudence car, à son avis, le pays n’a pas encore les moyens de soutenir pareille réforme.

Favorable au dialogue, le président du Groupe parlementaire PPRD, Ramazani Shadari, a dévoilé l’objectif du dialogue ou ce que cette rencontre devrait avoir comme contenu. Pour lui, le dialogue devra aider à prévenir les tensions, les conflits, éviter la violence avant, pendant et après les élections. Le dialogue devra également aider à créer un climat apaisé au pays en cette période électorale. Concernant les élections, le président du groupe PPRD qui est en même temps Secrétaire général adjoint du parti présidentiel n’est pas d’accord avec ceux qui veulent qu’on commence par la présidentielle et les législatives nationales, et reporter à plus tard les élections primaires. Pour Ramazani Shadari, on doit d’abord vider tous les arriérés qui remontent à 2006 et 2011, puis organiser la présidentielle et les législatives pour la suite. À propos de l’enregistrement de nouveaux majeurs, il a indiqué qu’ils ne doivent pas être pris en compte pour les locales et provinciales, parce qu’il s’agit d’arriérés. Mais, ils le seront seulement pour la présidentielle et les législatives nationales à venir. Revenant sur le dialogue, particulièrement sur la question du facilitateur, Ramazani Shadari s’oppose farouchement à un facilitateur étranger, car les élections sont une question de souveraineté nationale. S’il y a des problèmes, il revient aux Congolais eux-mêmes de s’asseoir autour d’une table, en vue de trouver de solutions. Selon lui, faire appel à un étranger serait brader la souveraineté nationale.[23]

Pendant que Joseph Kabila échangeait avec les députés nationaux à la Cité de l’Union Africaine, plus d’une vingtaine de leaders politiques évoluant au sein de la « Dynamique pour l’Unité d’action de l’Opposition » se sont donné rendez-vous à la « Galerie 5 à Sec » dans soirée, à Gombe. A l’issue de leur réunion suivie d’un point de presse, les partis politiques, groupements politiques et groupes parlementaires de l’Opposition persistent et signent : « refus catégorique de participer à un quelconque dialogue politique initié par le président Kabila dans le seul but, selon eux, de se maintenir au pouvoir par le biais du glissement.

Vital Kamerhe, Jean-Claude Vuemba, Martin Fayulu, Delly Sessanga, Eve Bazaiba, Gilbert Kiakwama, Jean-Lucien Bussa, Samy Badibanga, Joseph Olenga Nkoy, Ingele Ifoto et autres ont, par la bouche de José Makila, leur porte-parole et modérateur, réaffirmé leur ferme volonté et détermination d’aller aux élections dans les délais constitutionnels.

C’est uniquement dans ce cadre que la « Dynamique pour l’Unité d’Action de l’Opposition » exige de la Commission Electorale Nationale Indépendante la réanimation de la commission tripartite annoncée le 25 mai 2015 (CENI, Majorité et Opposition) en vue d’examiner les questions soulevées par elle dans son mémorandum déposé sur les tables d’Apollinaire Malumalu et Martin Köbler.

Ce mémorandum comporte trois exigences, notamment le calendrier électoral consensuel, l’enrôlement de tous les électeurs, la neutralité de la CENI.

Pour cette plate forme politique, les élections présidentielle et législatives nationales sont considérées comme la priorité des priorités dans le processus électoral en cours et devraient avoir impérativement lieu le 27 novembre 2016.[24]

Le 17 juin, Joseph Kabila s’est entretenu avec les membres de la chambre haute du Parlement. Selon Léon Kengo wa Dondo, président du Sénat, Joseph Kabila et les Sénateurs ont échangé sur quatre points essentiels, à savoir: le financement des élections, le calendrier électoral, la problématique de l’enrôlement de nouveaux majeurs et la sécurisation des opérations électorales sur l’ensemble du territoire national. A l’issue de la rencontre, qui a duré environ deux heures, le président du Sénat a dit avoir exprimé à son interlocuteur son vœu d’aller aux élections sans envisager deux types de calendriers. «Nous ne pouvons pas avoir deux types de calendrier. D’une part, un chronogramme pour les arriérés de 2011 et, de l’autre, un calendrier pour le nouveau processus», a-t-il déclaré, en précisant que «il convient de privilégier un seul volet du cycle électoral entre les arriérés de 2006-2011 et les élections constitutionnelles de 2016».

On a compris que Léon Kengo a voulu parler de deux tendances qui s’affrontent à propos des élections. La première, soutenue par les membres de la majorité présidentielle, s’en tient au respect strict du calendrier de la Ceni (Commission Electorale Nationale Indépendante). Pour cette dernière, il faut commencer par les élections primaires pour clôturer par la présidentielle et les législatives nationales. Cette tendance tient, par ailleurs, à vider d’abord les arriérés électoraux de 2006 et 2011.

La deuxième, soutenue par l’opposition et la communauté internationale, veut qu’on privilégie la tenue de la présidentielle et des législatives nationales vu le temps qui reste pour atteindre 2016. Cette tendance milite pour le report de tous les autres scrutins à plus tard.

Concernant les nouveaux majeurs, Léon Kengo souhaite les voir participer à tous les scrutins, contrairement à ceux qui pensent qu’ils ne sont pas concernés par les provinciales et les locales au motif qu’il s’agit d’arriérés électoraux remontant à une période où ils n’avaient pas droit au vote.

Quant au financement, il a laissé entendre que le budget initial des élections s’élevait à 1 milliard 200 millions de dollars américains. Après rabattement, il a été arrêté à 900 millions de dollars. «C’est toujours trop», s’est-il exclamé, avant de lâcher qu’on verra avec la communauté internationale ce qu’on pourra faire.

Enfin, le président au Sénat a aussi affirmé qu’une session extraordinaire du parlement sera convoquée pour notamment voter la loi portant répartition des sièges électoraux pour les élections locales.[25]

[1] Cf RFI, 30.05.’15

[2] Cf AFP – Jeune Afrique, 02.06.’15

[3] Cf Radio Okapi, 02.06.’15

[4] Cf Laurel Kankole – Forum des As – Kinshasa, 05.06.’15

[5] Cf Didier Kebongo – Forum des As – Kinshasa, 05.06.’15

[6] Cf Radio Okapi, 06.06.’15; Dom – Le Phare – Kinshasa, 08.06.’15

[7] Cf RFI, 06.06.’15

[8] Cf Radio Okapi, 07.06.’16

[9] Cf RFI, 09.06.’15

[10] Cf Angelo Mobateli – Le Potentiel – Kinshasa, 08.06.’15; RFI, 09.06.’15

[11] Cf RFI, 10.06.’15

[12] Cf Radio Okapi, 11.06.’15

[13] Cf Radio Okapi, 11.06.’15; RFI, 11.06.’15

[14] Cf Radio Okapi, 12.06.’15

[15] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 07.06.’15

[16] Cf Radio Okapi, 04.06.’15

[17] Cf BM – Le Phare – Kinshasa, 08.06.’15 (via mediacongo.net)

[18] Cf Eric Wemba – Le Phare – Kinshasa, 09.06.’15

[19] Cf Radio Okapi, 15 et 16.06.’15

[20] Cf Kimp – Le Phare – Kinshasa, 16.06.’15

[21] Cf Amédée Mwarabu Kiboko – Le Potentiel – Kinshasa. 15.06.’15

[22] Cf RFI, 17.06.’15; Radio Okapi, 17.06.’15; Laurel Kankole – Forum des As – Kinshasa, 17.06.’15

[23] Cf Dom – Le Phare – Kinshasa, 17.06.’15

[24] Cf Eric Wemba – Le Phare – Kinshasa, 17.06.’15

[25] Cf Don – Le Phare – Kinshasa, 18.06.’15