Congo Actualité n.226

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: Groupes armés – Entre massacres et intérêts économiques et politiques

KIVU

Les Forces Démocratiques Alliées (ADF)

Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR)

Le Mouvement du 23 Mars (M23)

Le procès contre les présumés impliqués dans l’assassinat du Colonel Mamadou Ndala

KIVU

 Les Forces Démocratiques Alliées (ADF)

Le 21 octobre, le Centre pour la Gouvernance (CEGO) a déclaré, dans un communiqué, que les tueries perpétrées depuis début octobre dans le territoire de Beni sont la preuve de l’extrême et persistante fragilité des forces de sécurité congolaises.

Le CEGO note avec préoccupation que cette brusque dégradation de la situation sécuritaire contrarie profondément les déclarations officielles faisant état de la reprise, de la maitrise et du contrôle des bastions de la prétendue rébellion ougandaise de Allied Democratic Forces/National Army for Liberation of Uganda, ADF-Nalu, a l’issue des opérations «SOKOLA 1» lancées et menées avec pompe par les Forces Armées de la RDCongo (FARDC) et accompagnée par une campagne médiatique systématique.

En réalité, les opérations «Sokola» étaient minées depuis plus longtemps par d’autres facteurs bien plus inquiétants, y compris la mort brutale et plus ou moins mystérieuse des officiers Mamadou Ndala et Lucien BAUMA, le non-paiement régulier de la solde des militaires engagés au front et surtout l’implication des officiers dans le commerce illégal des ressources naturelles, notamment le bois, l’or et le coltan, ainsi que dans diverses opérations de fraude douanière.. Tous ces facteurs ont contribué à une détérioration générale du climat de confiance au sein des troupes engagées dans l’opération «Sokola».

D’après des sources locales, en effet, les officiers généraux déployés dans la région se livrent régulièrement à des querelles intestines liées à la pratique du commerce des ressources naturelles dans la région, lequel commerce est financé par les fonds qui devraient servir au paiement de la solde du militaire. Parmi les causes de la détérioration du climat au sein des FARDC on cite également la décision du Gouvernement congolais de relever les éléments de l’Unité de Réaction Rapide (UPR) commandée anciennement par le Colonel Mamadou Ndala et de les remplacer par des éléments moins aguerris et dépourvus de moyens de subsistance.

Devant des actes d’une telle cruauté et d’une terreur extrême, les populations civiles ont besoin de protection et d’assistance de la part des autorités locales et nationales. Par contre, ces dernières exigent qu’elles soient plus vigilantes et qu’elles apportent une plus grande collaboration aux FARDC, surtout dans le domaine de l’information sur l’adversaire, ce qui est contraire à l’obligation de l’Etat de leur procurer la sécurité.

Le CEGO craint que l’insécurité grandissante et les appels des communautés à l’autodéfense n’ouvrent la voie à la prolifération et à la persistance des groupes armés avec pour risque majeur les atteintes aux droits de l’homme.

C’est pourquoi, le CEGO recommande:

  • Au Gouvernement Congolais:

– Prendre des dispositions pour mettre fin à l’insécurité grandissante dans le territoire de Beni;
– Enquêter sur l’origine réelle des attaques et massacres contre les populations civiles de Beni et engager les poursuites contre les auteurs et complices de ces massacres;

-Enquêter sur les présumés détournements de la solde de militaire par des Officiers ainsi que la pratique du commerce auquel les officiers militaires se livrent;

– Revoir la décision tendant à déployer les troupes moins aguerries au détriment des Unités de Réaction Rapide qui ont montre d’un professionnalisme et d’une capacité incontestables;
– Repenser la chaîne de commandement du secteur opérationnel de Beni, aux fins de doter les unités combattantes de commandement exempt de tout soupçon.

  • Aux partenaires financiers et techniques de la RDC:

– Conditionner l’appui à l’obligation pour le Gouvernement Congolais de respecter les droits de l’homme et de lutter contre l’impunité au sein des forces de sécurité.

  • A la Monusco, particulièrement la Brigade d’Intervention:

 – Se déployer toute affaire cessante dans les zones en proie à l’activisme des groupes armés, particulièrement en Territoire de Beni.[1]

Le 29 octobre, pendant la nuit, des présumés rebelles ougandais des ADF auraient tué 14 personnes dans les localités de Bango et de Kampi ya Chui, des sites miniers fréquentés par des creuseurs artisanaux, à une vingtaine de km de Eringeti dans le territoire de Bunia (Nord-Kivu) et à 70 kilomètres au nord de la ville de Beni. Les rescapés arrivé à Eringeti en provenance de cette contrée affirment avoir découvert les corps des victimes, le 30 octobre dans matinée. Ayant remarqué l’absence de certains de leurs collègues de travail sur les sites de recherche d’or, ils sont allés les chercher dans leurs cabanes et c’est à ce moment là qu’ils ont découvert des corps sans vie, tués pour la plupart à l’arme blanche. Les autorités locales expliquent que dans ce milieu, il n’y a vraiment des villages organisés mais des personnes viennent, certaines pour chercher de l’or et d’autres pour cultiver. Les cultivateurs construisent des cabanes, chacun dans son vaste champ alors que les orpailleurs vivent chacun dans son coin. Ce qui laisse aux assaillants le temps d’opérer sans que les voisins ne s’en rendent compte.[2]

Le 30 octobre, la fédération des ONG locales a annoncé que neuf nouveaux corps de civils assassinés ont été découverts dans plusieurs localités du territoire de Beni, au Nord Kivu, théâtre de plusieurs massacres courant octobre. «On a maintenant un bilan de 93 tués, il y a eu d’autres découvertes. On a retrouvé ce matin le corps d’une femme brûlée dans sa case et plus loin son mari et un paysan ont été tués à la machette», a déclaré Teddy Kataliko, président de la Société civile du territoire de Beni. Selon lui, ces corps ont été découverts à Mavivi, à 15 kilomètres au nord de la ville de Beni. Les autres cadavres ont été retrouvés les jours précédents plus au nord, à Kokola et sur l’axe Oicha-Eringeti-Kaynama. Kataliko a aussi expliqué que l’opération militaire Sokola n’a pas encore touché toutes les zones de l’ADF, qu’elle a connu un « relâchement » depuis le décès brutal, en août dernier, du général Jean-Lucien Bahuma, qui menait les opérations et que l’option militaire a ignoré que les ADF disposent d’un réseau de renseignement et d’un réseau économique très fort, qui fait qu’il s’est dispersé lors des attaques mais se reconstitue. D’après des sources proches de l’administration locale, quelques changements pourront intervenir dans les chaînes locales de commandement de l’armée congolaise et de la police nationale, vue les complicités observées entre quelques militaires et les rebelles ADF.[3]

Le 1er novembre, dans la nuit, des hommes armés ont abattu onze personnes, dans la ville de Beni, située à plus de 350 km au Nord de Goma (Nord-Kivu). La société civile, elle, parle de 14 morts dont deux militaires. Ce nouveau massacre a été perpétré quelques heures après le départ du chef de l’Etat de la ville de Beni, où il a séjourné pendant quatre jours. Dans son adresse vendredi 31 octobre à la population de Beni, Joseph Kabila a souhaité voir la Monusco renforcer sa présence dans cette zone pour faire face aux problèmes d’insécurité. Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en RDC, Martin Kobler, a «accueilli favorablement» cette demande.[4]

Selon plusieurs témoins, les assaillants de samedi étaient plus d’une quinzaine, en uniforme militaire de l’armée congolaise et s’exprimaient en langue swahili, avec un accent rwandais.

Ces deux indices sèment un grand doute parmi les autochtones qui pensent que des ex-rebelles du M23 sont en train de revenir progressivement au Nord-Kivu, en provenance du Rwanda et de l’Ouganda, sous couvert d’ADF/Nalu, voire d’éléments égarés des FARDC moulés dans des uniformes de l’armée régulière. Pour le maire de Béni, Bwanakawa Nyonyi, il est trop tôt pour tirer des conclusions: «Un accent rwandophone peut être pris par n’importe quoi». Reste que les autorités avouent explorer de nouvelles pistes sur ces dernières attaques, par exemple de possibles collaborations entre des rebelles ougandais ADF et des ex membres du M23, ou un autre groupe armé.[5]

Le 3 novembre, le maire de Beni, Nyonyi Bwanakawa, a annoncé un couvre-feu dans cette ville, pour faire face à la résurgence des massacres des civils dans ce territoire. Nyonyi Bwanakawa a recommandé la cessation de toute activité à partir de 18 h 30. Les habitants de Beni doivent rester chez eux jusqu’au matin à 6 heures locales. «Ça permet aux services spécialisés notamment l’armée et à la police, quand ils trouvent quelqu’un dehors, de comprendre qu’ils sont en face d’un ennemi. Cette mesure va durer le temps que ça va prendre», a-t-il poursuivi.

Pour sa part, la société civile du Nord-Kivu appelle le chef de l’Etat, Joseph Kabila, à décréter un État d’urgence dans le territoire de Beni.[6]

Le 3 novembre, des affrontements ont opposé dans l’après-midi l’armée congolaise et de présumés rebelles ougandais de l’ADF près de Beni, à l’intérieur du parc national des Virunga. Les combats se sont poursuivis le 4 novembre à Munzambay, Mayangose et Tubameme. Selon des sources proches des FARDC, le bilan fait état de 3 morts, dont un officier, et deux morts parmi les assaillants.[7]

Le 5 novembre, le directeur de l’information à la Monusco, Charles Bambara, a annoncé que «la police de la Monusco a mis en place conjointement avec la police nationale congolaise une stratégie opérationnelle de lutte contre l’insécurité à Beni qui a permis l’arrestation de 200 suspects, dont des membres du groupe armé ADF». M. Bambara a précisé que «ces arrestations ont permis la saisie d’armes et munitions de guerre, de bombes, de radios et de nombreux effets militaires». La Monusco a fourni un « soutien logistique » pour ces opérations. Le 1er novembre, les autorités provinciales avaient présenté à la population quelques suspects, expliquant qu’ils se préparaient à faire sauter le marché de Beni à l’aide de « bombes » artisanales montrées au public avec un lot de machettes, l’arme utilisée dans les récents massacres.[8]

Le 12 novembre, au cours d’une conférence de presse à Goma, le gouverneur de la province du Nord-Kivu, Julien Paluku a dénoncé l’existence d’un projet macabre d’une nouvelle rébellion en gestation à partir du territoire de Beni. Mbusa Nyamwisi, leader du Rcd-Kml est cité comme étant le principal responsable de cette nouvelle rébellion dénommée  Forces œcuméniques pour la libération du Congo (Forc). Julien Paluku a accusé certains notables de Beni et de Butembo, notamment Mbusa Nyamwisi, comme étant auteurs intellectuels des massacres perpétrés dans le territoire de Beni. Julien Paluku a fondé son argumentation sur des déclarations accablantes de quelques capturés ADF, combattants de l’ancienne rébellion RDC-KML et actuel parti de Mbusa Nyamwisi. Deux jours auparavant, à Beni, on a capturé deux hommes armés se réclamant du Rcd-Kml. Après interrogatoire, ils ont avoué, affirme Paluku, qu’ils ont été recrutés par Mbusa. Ils ont reconnu, toujours selon lui, que leur groupe Forc avait attaqué la localité de Ngadi avant de faire exploser la citerne de Sep-Congo à Beni.[9]

Depuis quelques semaines, la Mission de l’ONU au Congo (Monusco) est accusée de tous les maux. La population des environs de Béni rapporte des accusations abracadabrantes selon lesquelles les casques bleus transporteraient des rebelles ADF-Nalu, de nuit, par hélicoptère. Ils leur amèneraient des vivres, voire même du ravitaillement en armes. Certains habitants vont jusqu’à rapporter que la Monusco distribuerait des machettes. A chaque fois, personne n’a jamais rien vu de ses propres yeux mais ce sont des commerçants qui colporteraient ces histoires. Qui lance ces rumeurs? Et dans quel but? Pour le numéro 2 de la mission de l’ONU au Congo, Abdallah Wafy, il s’agit d’une campagne de désinformation organisée. Il explique que «l’ADF a une longue présence dans Béni. Ils ont donc recruté des jeunes de ce territoire. Aujourd’hui, selon certaines estimations, près de 40 % des combattants d’ADF sont originaires du territoire de Béni. On essaye donc d’intoxiquer la population pour la remonter contre les FARDC et la force de la Monusco, en vue de paralyser les opérations militaires en cours». En effet, la conséquence de ces rumeurs est que la population empêche les casques bleus de circuler et de mener leurs patrouilles ordinaires,  alors que la situation sécuritaire est toujours extrêmement volatile.[10]

Selon Caroline Hellyer, journaliste et analyste politique, spécialiste du Grand Nord du Nord-Kivu, il est possible que les derniers massacres commis dans le territoire de Beni soient l’œuvre des ADF, mais ça pourrait être aussi l’œuvre de certains miliciens maï-maï qui ont des liens avec les ADF.

Caroline Hellyer a rappelé qu’il y a eu cette importante opération militaire dénommée Sokola, suite à laquelle les principales bases des ADF ont été détruites. Ça a poussé les ADF à se replier dans la forêt et à se répartir en petits groupes. Mais il faut aussi se souvenir que les ADF vivent là depuis plus de 25 ans. Ils ont des connexions locales très fortes. Les ADF ne sont pas un groupe aux contours clairement définis. Les ADF sont mélangés avec la population. Certains peuvent être votre voisin de maison. D’autres ne sont actifs qu’une partie du temps.

En fait, c’est un réseau. Quand ils ont des intérêts communs, les ADF et les groupes maï-maï peuvent travaillent ensemble, mais il peuvent se dissocier ensuite. Les ADF, ce sont comme des poupées russes. Il y a une poupée centrale, le noyau dur, qui est impossible à atteindre, mais plus on s’éloigne de ce centre, ça devient difficile à les dissocier de ces groupes maï-maï. Et tout ce réseau s’est fait beaucoup d’argent ces dernières années, en travaillant comme des supplétifs pour des politiciens locaux, des hommes forts locaux et des groupes d’intérêts économiques. C’est une erreur de séparer les ADF de cet environnement. Ce serait une lecture dangereuse de la situation. Ces réseaux criminels ont la main mise sur certaines parties du commerce, de la société civile, de l’armée… Ce sont des réseaux transfrontaliers qui sont extrêmement forts. Les ADF en font partie, c’est ce qui leur a permis de rester aussi longtemps.

Il y a aussi des officiers de l’armée très corrompus qui travaillent en complicité avec des groupes armés, dont les ADF. D’autres ont des relations purement commerciales. Ca va de Kisangani, en passant par Beni et Butembo jusqu’à l’autre côté de la frontière, en Ouganda. On parle de véritables relations d’affaires. Le Grand Nord du Nord Kivu, c’est la frontière avec l’Ouganda, une frontière commerciale très importante. Il y a toute sorte de trafics et ça ne se voit pas forcément de l’extérieur, ce sont des réseaux informels, secrets… Mais avec des dizaines de millions de dollars qui circulent. Le Grand Nord du Nord Kivu est une région de mines d’or et le trafic va de l’Ouganda jusqu’à Burundi. Et l’insécurité sert comme un « outil politique », ça empêche les choses de changer. Là-bas, ils appellent ça « la politique ».

Ça arrange tout le monde de tout labelliser ADF. C’est le meilleur moyen de nuire au Président Joseph Kabila, à l’armée congolaise et à la Monusco. Attribuer l’accomplissement de ces massacres à l’ADF permet d’envoyer toutes sortes de messages, tels que « le président Kabila ne contrôle pas le territoire », « les FARDC sont incapables de anéantir les groupes armés », « la Monusco et les Nations unies sont incapables de protéger les civils ». La désinformation est utilisée comme outil politique. C’est pourquoi une solution purement militaire ne réglera rien. Il faut trouver des solutions politiques locales, développer cette région et créer de l’emploi.[11]

Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR)

Le 3 novembre, dans une correspondance adressée à Joseph Kabila, président de la RDC, à Martin Kobler, le chef de la Monusco ainsi qu’aux autorités de la Communauté pour le développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL), les rebelles rwandais des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) ont informé Kinshasa et la Monusco de leur « disponibilité » à effectuer une visite de reconnaissance sur le site prévu pour leur cantonnement à Kisangani, dans le nord-est de la RDC.

Après l’avoir longtemps refusé, les FDRL semblent désormais accepter l’idée d’envoyer leurs combattants dans un centre de regroupement aménagé par la Monusco dans un camp militaire de l’armée congolaise à Kisangani.

Le « général major » Victor Byiringiro, chef du groupe armé rwandais, a précisé que «les résultats de cette reconnaissance par l’équipe technique quadripartite SADC-gouvernement congolais-Monusco-FDLR (…) contribueront à la sensibilisation des cantonnés [les quelque 200 éléments FDLR regroupés dans les camps de transit de Kanyabayonga, dans le Nord-Kivu, et de Walungu, dans le Sud-Kivu, NDRL] pour leur déplacement [à partir] du 17 novembre vers Kisangani».

La Forge Fils Bazeye, un des porte-paroles des FDLR, confirme la décision du groupe armé. «C’est un nouveau geste de bonne foi», explique-t-il, rappelant leur engagement à transformer leur insurrection en lutte politique au Rwanda.

Les pays de la région avaient accordé à ces rebelles rwandais un dernier ultimatum de six mois – lequel expire le 2 janvier 2015 – pour qu’ils déposent volontairement les armes. Reste à savoir si l’annonce des FDLR va, cette fois-ci, s’accompagner réellement d’une action de regroupement à Kisangani.

En principe, cette nouvelle volte face des rebelles Hutus rwandais, jugée positive cette fois par nombre d’observateurs, devrait constituer une avancée notable dans la voie de la normalisation de la situation sécuritaire dans les provinces du Nord et Sud-Kivu. La grande inconnue du moment, c’est la date effective du début des opérations de leur transfert des sites qu’ils occupent depuis 20 ans dans les deux provinces pour le centre de cantonnement de Kisangani. Il est à espérer que d’ici là, ils ne vont pas sortir un prétexte de leurs manches pour brandir de nouveaux préalables.

Une autre inconnue se trouve du côté du Rwanda, qui ne semble pas du tout disposé à accueillir ses rebelles en pleine démobilisation, même ceux qui ne sont pas impliqués dans le génocide de 1994. La fermeture hermétique des frontières rwandaises aux FDLR pourrait bloquer le processus de leur retour dans leur pays d’origine, lequel devrait constituer le point de chute des opérations de reddition volontaire et de cantonnement. Si la communauté internationale n’arrive pas à convaincre, voire contraindre le Rwanda à s’impliquer positivement dans le dossier de rapatriement des FDLR dans leur mère patrie ou à leur trouver un pays d’accueil autre que la RDC, on ne sera pas sorti de l’auberge.[12]

Le 5 novembre, dans une déclaration rendue publique à New York, le Conseil de Sécurité des Nations Unies s’est dit profondément préoccupé par le manque d’avancées dans le processus de désarmement volontaire des rebelles rwandais des FDLR dans l’Est de la RDC. Il souligne que l’échéance du 2 janvier 2015, fixé par les chefs d’Etat de la région des Grands Lacs pour ce désarmement, ne doit plus être repoussée. Le président du Conseil a demandé au gouvernement congolais et à la Monusco de s’apprêter à lancer, dès janvier 2015, des opérations militaires contre les dirigeants ou membres des FDLR qui ne participent pas au processus de démobilisation ou qui continuent de porter atteinte aux droits de l’homme.

Les chefs d’Etats et des gouvernements de la CIRGL et de la SADC avaient lancé en août dernier à Luanda un nouvel ultimatum jusqu’au 31 décembre 2014 aux FDLR pour qu’ils déposent volontairement les armes et acceptent d’intégrer le processus de Démobilisation, désarmement, rapatriement, réinstallation et réinsertion (DDRRR). Réunies lundi 20 octobre à Luanda, ces deux organisations régionales ont réitéré leur décision de neutraliser les rebelles rwandais qui ne déposeront pas les armes d’ici le 2 janvier 2015.[13]

Des présumés rebelles des FDLR sont accusés d’avoir tué, du 3 au 5 novembre, 13 personnes et violé une dizaine de femmes dans les localités de Misau et Misoke, en territoire de Walikale (Nord-Kivu). Le chef d’antenne locale de l’ONG Creddho, Aise Kanendu, souhaite que l’opération de traque contre les FDLR soit anticipée pour limiter la souffrance des populations civiles dans cette contrée et il plaide pour la protection de la population avant, pendant et après les opérations de traque contre ces rebelles rwandais.[14]

Le Mouvement du 23 Mars (M23)

Selon certains analystes, la non satisfaction des revendications du Mouvement du 23 mars (M23)  fournit un terreau fertile pour la naissance d’un nouveau groupe armé dans l’est de la RDC.

Selon Thierry Vircoulon, du cercle de réflexion l’International Crisis Group (ICG), «le M23 n’a pas été démobilisé. Il a été tout simplement repoussé. Par conséquent, il reste une force qui peut faire son retour avec l’assentiment des voisins ougandais et rwandais quand bon leur semblera».

Un analyste politique congolais estime, sous couvert d’anonymat, que «l’échec éventuel du désarmement des FDLR pourrait être un argument de plus pour une autre guerre».

La lutte contre les FDLR et le retour des réfugiés tutsi congolais résident à l’étranger – ayant fui l’hostilité de la population locale qui, malgré leur présence dans la région depuis des générations, les considère souvent comme des Rwandais ou les accuse d’être à la solde du régime de Paul Kagame – comptent parmi les principales revendications du M23. Mais les FDLR ont un nouveau sursis – jusqu’au 31 décembre – pour se rendre et le retour de réfugiés tutsi piétine encore.

«Les raisons ayant « officiellement » motivé la création du M23 – les FDLR, le retour des réfugiés Tutsi congolais, la mauvaise gouvernance, le non respect des accords par le gouvernement – sont intactes à ce jour et pourraient motiver sa réorganisation», observe l’analyste congolais.

«A long-terme, une réorganisation du M23 est possible en cas d’échec de la ré-intégration sociale, économique et politique de ses membres», commente pour sa part l’analyste Christoph Vogel.

Afin de prévenir tout risque, le député Juvénal Munubo Mubi, membre de la Commission défense et sécurité à l’Assemblée nationale, préconise entre autres de «accélérer le DDRRR (désarmement, démobilisation, rapatriement, réintégration et réinstallation) et renforcer la présence de l’armée à l’Est de la RDCongo».[15]

Le 7 novembre, des membres du gouvernement congolais et de l’ex-rébellion du M23 devaient se réunir à Kinshasa, pour évaluer l’application des engagements pris il y a près d’un an à Nairobi. Une fois de plus, le M23 n’est pas venu. Les ex-rebelles ont expliqué leur absence par des « risques sécuritaires ».

Depuis Kampala, le président du M23, Bertrand Bisimwa, a affirmé que «les causes du conflit […] restent entières, en particulier la question de la sécurité à l’Est du Pays, où de nombreuses milices continuent à tuer», reprochant à l’armée congolaise soit d’être « en intelligence avec ces forces-là », soit de les laisser faire, soit d’être « incapables de [les] neutraliser ». «Si le gouvernement ne respecte pas ses engagements […] personne ne nous forcera à respecter les nôtres», a-t-il dit.

Selon François Muamba, coordonnateur du Mécanisme national de suivi (MNS) plus de 2.100 d’entre eux ont signé individuellement un acte de renonciation à la violence devant leur permettre de bénéficier de la loi d’amnistie promulguée en février. M. Bisimwa, lui, avance le chiffre de 4.500 signataires.

Selon la délégation du Gouvernement, 549 membres de l’ex-rébellion du M23 ont bénéficié de la loi d’amnistie promulguée par le président de la république. En revanche, aucun progrès a été constaté concernant le retour en RDC des ex-combattants du M23 qui ont fui en Ouganda ou au Rwanda. Les responsables du M23 se plaignent, en effet, que seule l’amnistie ait avancé. Ils réclament la libération d’un certain nombre de leurs prisonniers, ainsi que la mise en place de certaines commissions, par exemple une commission de réconciliation nationale, qui doit permettre de lutter contre la discrimination ethnique et résoudre les conflits fonciers – autant de raisons pour lesquelles le M23 avait pris les armes. Kinshasa a promis de mettre en place ces commissions rapidement, et de remplir l’ensemble de ses engagements d’ici la fin de l’année.

Le vice-Premier ministre et ministre de la Défense nationale, Alexandre Luba Ntambo, déplore l’attitude des ex-combattants M23 qui émettent de réserve à répondre à l’appel du gouvernent pour leur regroupement au centre de transit et d’orientation de la base militaire de Kamina (Katanga).

Il a aussi indiqué que ces anciens rebelles posent le problème de leur sécurité avant de rejoindre ce centre. Le ministre a aussi affirmé que «une réunion était programmée le 7 novembre pour qu’ils voient les modalités pratiques de leur réinsertion sociale, dans le cadre de l’opération de démobilisation, désarmement et réinsertion (DDR). Mais, ils sont en train de poser d’autres problèmes de sécurité. Ils croient que s’ils viennent, ils seront arrêtés. Alors qu’on les voit de temps en temps traverser la frontière, aller s’amuser à Goma. Là ils n’ont pas peur de se faire arrêter. Mais aller à Kinshasa pour rendre effectif les conditions de leur retour, là ils estiment que les conditions ne sont pas réunies».[16]

Le procès contre les présumés impliqués dans l’assassinat du Colonel Mamadou Ndala

Le 1er octobre, à Beni, s’est ouvert le procès des présumés assassins du colonel Mamadou Ndala, tué dans un attentat à Beni le 2 janvier 2014.

Le premier jour d’audience, dans sa déposition devant la cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu, le premier témoin, le sergent Arsène Ndabu Mangudji, qui conduisait le véhicule 4X4 transportant Mamadou Ndala au moment de l’attentat, est revenu sur la version des faits qu’il avait donnée au procureur général au moment de l’enquête. Il avait dit au procureur que la jeep du colonel Ndala avait pris feu au moment de l’attaque, juste après l’impact de la roquette. Une déclaration qu’il a rejetée à la barre, indiquant avoir fait cette déposition sous pression et en l’absence de son avocat.

Pendant près de 4 heures, le chauffeur du général Ndala a donné une toute autre version de l’assassinat de Mamadou Ndala. Après le tir de roquette sur le véhicule du général, Ndabu affirme avoir «couru immédiatement à bord d’un taxi pour aller chercher du secours dans la ville de Beni». C’est d’ailleurs pour « non-assistance » que le chauffeur s’est retrouvé devant les juges. A son retour, le chauffeur s’est étonné de voir la jeep de Ndala « en feu« . Le chauffeur affirme également que, en revenant sur le lieu de l’attentat, il a vu des officiers du renseignement militaire qui se trouvaient sur place, devant le véhicule de Mamadou Ndala.

Le témoignage d’Arsène Ndabu apporte des éléments troublants sur l’attentat du 2 janvier 2014. Car pour les autorités congolaises, ce sont les rebelles ougandais des ADF-Nalu qui seraient à l’origine de l’attaque du convoi de Mamadou Ndala. Mais pour d’autres, il faut plutôt chercher du côté de l’armée congolaise (FARDC). Selon la section de Beni de l’Association africaine des défenses de droits de l’homme (ASADHO), la cause de la mort du général Ndala pourrait être un conflit interne au sein de l’armée.[17]

Le 2 octobre, le sergent-major Ndabu, chauffeur du colonel Mamadou Ndala, est mort vers 5 heures locales, à Beni. Il était inculpé pour non assistance à personne en danger. La mort inopinée, et donc suspecte, de ce témoin clef de l’attaque de la jeep de Mamadou Ndala a compromis fortement la suite du procès. Plusieurs habitants de Beni qui assistaient au procès ont estimé que le décès du sergent-major Ngabu irait en changer la donne. Pour eux, cette disparition aurait pu compliquer le travail de la cour et du ministère public dans l’instruction de cette affaire.

Le procès s’est poursuivi avec l’audition de Ndongala et Safari Banga, deux adjudants de l’armée congolaise et gardes du corps du colonel Mamadou Ndala.

Le premier est arrivé aux premières minutes après l’attaque du véhicule du colonel Mamadou. Il a déclaré devant la cour qu’il a trouvé la Jeep en flamme, le corps du colonel Mamadou penché en avant, en train de se consumer à l’intérieur de la cabine. Il a indiqué qu’il a essayé de retirer le corps de son commandant du véhicule. Il n’y serait pas parvenu à cause de l’ardeur des flammes.

Le deuxième, l’adjudant Safari Banga, était à bord de la Jeep pendant l’attaque. Le ministère public le considère comme l’un des principaux suspects de l’assassinat de Mamadou Ndala.[18]

Le 7 octobre, l’actuel commandant de l’opération “Sokola”, le général Muhindo Akili Mundos, a comparu au procès des assassins présumés du colonel Mamadou Ndala en qualité de renseignant. Selon sa version, Mamadou Ndala aurait été tué par les rebelles ougandais des ADF.

Le deuxième officier à comparaître est le colonel Tito Bizuri, considéré par les enquêteurs comme le suspect numéro un dans l’assassinat de Mamadou Ndala. Devant la cour militaire opérationnelle, le colonel Tito Bizuri a plaidé non coupable. Il a affirmé s’être rendu sur le lieu de l’attaque pour y assurer la sécurité sur ordre et appel du commandant du 81e secteur des FARDC qui était déjà sur place. Deux autres officiers supérieurs des FARDC ont comparu devant la cour. Il s’agit du colonel Yav Avulu, en qualité de renseignant, et du colonel Ildefonse Ngabo, comme prévenu. Le premier est le chargé de la logistique de l’opération Sokola et le second s’occupe des renseignements des FARDC à Beni-Ville.[19]

Le 21 octobre, la Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu a auditionné à Beni deux nouveaux officiers de l’armée dans le procès de l’assassinat, le 2 janvier 2014, du colonel Mamadou Ndala, alors commandant de l’opération Sokola menée contre les rebelles ougandais de l’ADF. Les colonels Kamuleta Joker et Birotso Nzanzu Kosi ont comparu respectivement en qualité de prévenu et de témoin. Le second a été arrêté après la déposition du premier. Il est accusé de complicité dans l’assassinat de l’ancien commandant du 42e Bataillon des commandos FARDC.

Dans sa déposition, le colonel Kamuleta Joker a déclaré à la Cour que l’épouse du colonel Birotso Nzanzu travaillait depuis plusieurs jours pour le compte des rebelles ougandais de l’ADF dans la brousse du territoire de Beni quand Mamadou Ndala a été assassiné. Il a indiqué que c’est le véhicule du colonel Birotso Nzanzu Kosi qui avait facilité le transport de son épouse vers l’une des bases des rebelles ougandais. Après cette déclaration, le ministère public a ordonné l’arrestation et la prévention du colonel Birotso.[20]

Le 3 novembre, devant la cour militaire de Beni, un ancien officier rebelle ADF dont le visage a été masqué et l’identité non révélée, a accusé un haut officier FARDC, le lieutenant colonel Nzanzu Birosho, d’avoir reçu, d’après lui, du haut commandement des rebelles ADF, une somme de 27.000 dollars américains, pour planifier un coup meurtrier contre le colonel Mamadou Ndala, responsable de l’opération militaire Sokola 1 menée depuis début janvier contre l’ADF. Le colonel Mamadou Ndala a été assassiné le 2 janvier dernier. Une récompense avait été promise au colonel Nzanzu après l’exécution de sa mission, a souligné sans autres précisions l’ancien chef rebelle ougandais, selon qui c’est le colonel Nzanzu Birosho des Fardc qui aurait organisé l’embuscade dans laquelle est tombé le colonel Mamadou Ndala. C’est le lieutenant colonel Nzanzu Birosho qui aurait donné la trajectoire du convoi du colonel Mamadou et l’heure à laquelle il avait quitté Beni pour se mettre sur la route de Mavivi en partance pour Eringeti. L’ancien officier rebelle ADF a expliqué aussi comment c’était le colonel Nzanzu Birosho qui, au sein des FARDC, avait la charge de contacter les Adf pour des opérations diverses. C’est lui qui leur livrait des armes, des munitions, des tenues militaires, des renseignements sur les opérations et d’autres moyens nécessaires à leurs activités criminelles. Le chef rebelle a aussi précisé que l’épouse du colonel Nzanzu collaborait aussi avec les rebelles dans des transactions commerciales et rapportait des informations cruciales concernant les mouvements du colonel Mamadou. L’officier Nzanzu a, quant à lui, clamé son innocence devant la cour, parlant d’un «pur montage» contre sa personne.

A la lumière des déclarations de cet ancien chef rebelle, on comprend ce qui se passe dans les derniers attaques à répétition des ADF dans la zone de Beni, qui ont fait plus de 120 morts presque tous tués à la machette. Ceux qui, parlent de trahison et de complicité dans les rangs des Fardc n’ont peut-être pas tort.[21]

Le 7 novembre, le ministère public de la Cour militaire de Beni a requis une peine à perpétuité contre le colonel des FARDC, Birocho Nzanzu, poursuivi pour trahison, participation au mouvement insurrectionnel dénommé «ADF-Nalu», en lui fournissant munitions, uniformes et insignes de grade. Pour le ministère public, ce lieutenant-colonel a directement participé à l’assassinat du colonel Mamadou. Le témoignage d’un ex-rebelle ADF qui l’a identifié constitue sa principale preuve. Le colonel Birocho Nzanzu est accusé pour avoir fourni une aide indispensable au commando qui a tué le colonel Mamadou Ndala. Selon le ministère public, c’est grâce aux uniformes fournis aux rebelles de l’ADF, que ces derniers ont pu, avec autant de facilité, rapidité et sécurité, tendre l’embuscade au colonel Mamadou. L’officier des FARDC aurait également perçu une somme de 27 000 dollars américains, pour planifier le coup meurtrier contre le colonel Mamadou.

La peine à perpétuité a été aussi requise contre le chef rebelle de l’ADF, Djamil Mukulu, en fuite.

Pour d’autres prévenus poursuivis dans cette affaire, le ministère public a proposé de peines allant de 2 à 15 ans de prison pour différentes charges. C’est pour, entre autres, vol simple, dissipation des munitions et autres. Le ministère public a par ailleurs demandé l’acquittement pour le colonel Tito Bizulu, alors commandant militaire de la ville de Beni et 3 de ses gardes du corps. Environ 23 prévenus comparaissent, depuis début octobre dernier, dans le procès public Mamadou Ndala, à Beni. Le verdict du procès est attendu samedi 15 novembre.[22]

Le 10 novembre, Augustin Tshisambo, avocat de la défense, a indiqué que son client, le colonel Birocho Nzanzu, n’est pas un insurgé et n’a participé ni de loin, ni de près dans l’assassinat de feu le colonel Mamadou Ndala. Il a demandé au ministère public de présenter à la cour militaire du Nord-Kivu les preuves matérielles de ses accusations, notamment des tenues et matériels militaires des FARDC que le prévenu Birocho aurait fournis aux rebelles ougandais des ADF. [23]

Le 11 novembre a marqué la fin des plaidoiries avec au moins 4 dossiers notamment ceux des prévenus colonel Kamulete, Yusufu Mandefu et Ndale Assan Yusia.

La défense du colonel des FARDC Kamulete estime que son client devrait bénéficier des circonstances atténuantes pour avoir collaboré avec la cour en apportant plusieurs éléments d’éclairage pendant le procès. Le prévenu Kamuleta a, devant la cour, chargé le colonel Birocho Nzanzu, l’accusant d’avoir planifié l’assassinat du colonel Mamadou Ndala, en janvier dernier.

Par conséquent, l’avocat de Kamuleta sollicite que son client soit acquitté au lieu de 15 ans de prison tels que requis par le ministère public. La défense du prévenu Yusufu Mandefu, un rebelle des ADF utilisé pour le transport des biens entre les ADF et le colonel Birocho, a demandé l’acquittement de son client qui, selon elle, n’a pas participé directement ou indirectement à l’assassinat de Mamadou Ndala. La défense demande également que le prévenu Ndale Yusia Assan soit acquitté pour avoir dit la vérité sur son implication dans l’assassinat de Mamadou Ndala.

Selon des sources judiciaires, une vingtaine des prévenus sont poursuivis parmi eux 8 civils, 4 officiers supérieurs des FARDC et deux anciens gardes du corps du colonel Mamadou Ndala.​[24]

Le 17 novembre, la cour militaire a condamné le colonel Birocho Nzanzu Kosi à la peine capitale pour participation à un mouvement insurrectionnel et terrorisme. Il est aussi renvoyé des FARDC et soumis au paiement de dommages et intérêts équivalent à 2,9 millions américains à la partie civile et à la succession du colonel Mamadou Ndala. La cour a également condamné par contumace quelques rebelles des ADF en fuite. Parmi eux, figure Jamili Mukulu, condamné à la peine de mort. Alors que l’officier ADF Yusufu Mandefu est condamné à 15 ans de servitude pénale principale, son acolyte Yosia, lui, écope de 5 ans pour participation à l’assassinat de Mamadou Ndala. Du coté des FARDC, le lieutenant colonel Kamulete Jocker, quant à lui, écope de 20 ans de prison ferme pour participation au mouvement insurrectionnel. Les majors Ngabo et Viviane Masika, reconnus coupables de dissipation d’effets militaires et vol simple, sont condamnés chacun à 12 mois de prison. Cependant, la cour militaire a acquitté trois prévenus, dont le capitaine Moïse Banza et le lieutenant colonel Tito Bizuru. La peine capitale n’est pas applicable en RDC, en raison d’un moratoire depuis plus d’une décennie. Ces peines vont se muer à la peine à perpétuité.

Pour la société civile congolaise, toute la justice n’a pas encore été rendue. Maître Omar Kavota, Vice-président et porte-parole de la société civile du Nord-Kivu nous a déclaré que «ceux qui ont été condamnés, ont une part de responsabilité. Mais au-delà d’eux, il y en a d’autres. Et ce sont ces autres là qui n’ont pas encore été révélés au grand public. Ils n’ont pas été condamnés et circulent dans le pays ou à l’extérieur. Donc nous pensons que la cour militaire opérationnelle a fait un certain travail, mais c’est un travail partiel». Maître Georges Kapiamba, Président de l’Association Congolaise pour l’accès à la Justice, estime pour sa part, que «le travail réalisé aujourd’hui par la Cour de Justice militaire nous satisfait en partie, même si nous sommes convaincus que tous les auteurs et complices impliqués dans l’assassinat de Mamadou Ndala n’ont pas été tous appelés à comparaître devant la justice».[25]

Les déclarations de la société civile viennent de confirmer certaines hypothèses formulées au lendemain de l’assassinat du colonel Mamadou Ndala.

Si l’hypothèse d’une implication des rebelles ougandais de l’ADF dans l’assassinat de Mamadou Ndala paraissait alors la plus plausible, toutefois certains observateurs n’avaient pas écarté la piste d’un « assassinat » par ses « propres frères d’armes ».

En effet, certains témoins n’avaient pas écarté l’hypothèse d’un règlement de compte interne à l’armée congolaise. Très populaire auprès de la population, cet officier s’était attiré quelques jalousies. Il était vu par la population comme le véritable héros de la victoire contre le M23, au détriment de sa hiérarchie et aussi du pouvoir politique.

En outre, la population de Beni avait attribué cet assassinat à des militaires Ruandophones des Fardc déployés à Beni et complices du M23 qui avait été récemment vaincu par les troupes Fardc guidées par le colonel Mamadou.

Enfin, un élu local avait estimé que les officiers militaires de Beni n’avaient pas vu d’un bon oeil l’arrivée sur leur territoire du colonel Mamadou Ndala et de ses hommes. «Pour eux, Mamadou Ndala venait faire un job qu’ils n’avaient pas su faire: neutraliser l’ADF», avait-il affirmé, en ajoutant que, «depuis 2009 (date de leur affectation), ils avaient transformé la zone d’opération de Ruwenzori – où se cachent les rebelles ougandais – en zone de commerce», dénonçant aussi des « arrangements » entre le commandement militaire de Beni et les chefs rebelles de l’ADF. Il avait souhaité qu’une enquête indépendante puisse apporter toute la lumière sur ces prétendues collusions contre-nature entre certains chefs de l’armée dans l’est de la RDC et les hommes de l’ADF/Nalu.

Selon plusieurs sources, la présence de Mamadou Ndala menaçait donc l’existence des régiments monoethniques à base Tutsi et l’affairisme qui régnait chez certains hauts gradés de l’armée de cette zone.

Malheureusement, il semble que, lors du procès à Beni, la cour militaire opérationnelle du Nord Kivu a complètement évité de prendre en considération ces hypothèses, pour condamner du menu fretin et couvrir les grands poissons, membres du commandement militaire.

[1] Cf Congoindépendant, 22.10.’14

[2] Cf Radio Okapi, 31.10.’14

[3] Cf AFP – Africatime, 30.10.’14

[4] Cf Radio Okapi, 02.11.’14

[5] Cf RFI, 04.11.’14; Kimp – Le Phare – Kinshasa, 05.11.’14

[6] Cf Radio Okapi, 03.11.’14

[7] Cf AFP – Africatime, 03 et 04.11.’14

[8] Cf AFP – Africatime, 05.11.’14

[9] Cf ACP – Goma, 12.11.’14; 7sur7.cd – Goma – 12.11.’14

[10] Cf RFI, 13.11.’14

[11] Cf Sonia Rolley – RFI, 29.10.’14

[12] Cf Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 06.11.’14; Myriam Iragi – Le Phare – Kinshasa, (via mediacongo.net, 06.11.’14)

[13] Cf Radio Okapi, 06.11.’14

[14] Cf Radio Okapi, 10.11.’14

[15] Cf AFP – Africatime, 03.11.’14

[16] Cf RFI, 08.11.’14 ; Radio Okapi, 08.11.’14; AFP – Africatime, 10.11.’14

[17] Cf Radio Okapi, 02.10.’14; Christophe Rigaud – Afrikarabia, 05.10.’14

[18] Cf Radio Okapi, 02.10.’14

[19] Cf Radio Okapi, 08.10.’14

[20] Cf Radio Okapi, 22,10.’14

[21] Cf Radio Okapi, 04.11.’14; Kandolo M. – Forum des As – Kinshasa, 05.11.’14

[22] Cf Radio Okapi, 08.11.’14; RFI, 07.11.’14

[23] Cf Radio Okapi, 10.11.’14

[24] Cf Radio Okapi, 12.11.’14

[25] Cf Radio Okapi, 17.11.’14; Ibrahima Bah – DW, 17.11.’14