Congo Actualité n.218

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: «C’est chaque fois la même chose»

1. ÉCHANGES DE TIRS ENTRE SOLDATS CONGOLAIS ET RWANDAIS À LA FRONTIÈRE ENTRE LA RDC ET LE RWANDA

a. La chronique de deux jours d’affrontements

b. La version congolaise

c. La version rwandaise

2. REDDITION DE 200 FDLR

a. Transférés dans un « centre de regroupement »

b. Pour être envoyés dans un « centre de relocalisation provisoire »

c. Mais la population demande leur rapatriement immédiat et direct au Rwanda

d. Il est trop tôt pour crier victoire

3. MASSACRE À MUTARULE

a. L’horreur

b. Vol de bétail, intrigues de pouvoir et connexions internationales

 

1. ÉCHANGES DE TIRS ENTRE SOLDATS CONGOLAIS ET RWANDAIS À LA FRONTIÈRE ENTRE LA RDC ET LE RWANDA

a. La chronique de deux jours d’affrontements

Le 11 juin, des militaires congolais et rwandais se sont affrontés sur la colline de Kanyesheja, dans la localité de Kabagana II, en territoire de Nyiragongo, à une trentaine de kilomètres au Nord de Goma (Nord-Kivu). Des sources concordantes rapportent que les Forces armées de la RDC ont riposté à une provocation des Forces pour la défense du Rwanda (FDR) qui auraient tenté de s’installer sur une colline de Kanyesheja, sur le territoire congolais.

Selon le porte-parole des FARDC au Nord-Kivu, le colonel Olivier Hamuli, un caporal de l’armée congolaise a ensuite été enlevé par les éléments de l’armée rwandaise.

La ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo, porte-parole du gouvernement rwandais, a accusé les soldats de RDCongo voisine d’avoir franchi la frontière commune et d’avoir tiré sur une patrouille rwandaise.

Le commandant des forces de la Monusco, le général Dos Santos Cruz, a confirmé l’accrochage: «Nous avons sur la frontière entre la RDC et le Rwanda des endroits où la frontière n’est pas clairement définie. A ces endroits, les troupes de deux pays sont très proches, ce qui pourrait provoquer un incident à tout moment. Nous allons mener des investigations pour savoir la nature de cet incident». Il a dit espérer qu’il s’agit d’un incident mineur qui «ne sera pas exploité pour d’autres problèmes ultérieurs».[1]

D’après le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, un caporal des FARDC avait  été capturé le matin, puis tué dans l’après-midi par l’armée rwandaise. Et c’est l’annonce de cette mort qui aurait provoqué une reprise des tirs et la traversée de soldats congolais – côté rwandais – pour récupérer le corps. Du côté rwandais, on a affirmé que ce caporal congolais aurait traversé la frontière à l’aube pour chercher de la nourriture; qu’il aurait ouvert le feu sur une position de l’armée rwandaise et qu’elle n’aurait fait que répliquer.

Pour Kinshasa, cette attaque du Rwanda viserait à faire capoter le processus de désarmement des rebelles hutus rwandais des les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR).

Kigali affirme de son côté subir des incursions répétées de soldats congolais sur son territoire pour voler de la nourriture ou provoquer son armée. Selon certains officiels rwandais, le caporal congolais tué mercredi était un rebelle des FDLR déguisé en soldat congolais.[2]

Cette zone frontalière, et en particulier cette position militaire de Kanyésheja où ont eu lieu les échanges de tirs, a été a plusieurs reprises l’objet de tension entre les deux Pays. En janvier déjà, il y avait eu un conflit de démarcation de la frontière qui s’était arrangé par le dialogue. Que ce soit sur l’appartenance d’un pâturage, au Rwanda ou au Congo, ou du bétail qui traverse, à cet endroit, la frontière est particulièrement mal délimitée. Elle sillonne entre les collines, est il n’est donc pas toujours facile de savoir si l’on est au Rwanda ou au Congo. Résultat : une hypothèse est de dire qu’une banale traversé de soldat du mauvais côté a dégénéré. Mais les deux côtés s’accusent mutuellement. Kinshasa affirme qu’il y a eu une incursion de l’armée rwandaise sur son territoire. Opération au cours de laquelle un soldat aurait été capturé, puis exécuté par l’armée rwandaise. Le Rwanda affirme l’inverse. Des soldats congolais seraient venus au Rwanda et ouvert le feu. Les forces rwandaises auraient choisi de riposter.[3]

Le 13 juin, après deux jours marqués par des affrontements entre soldats de la République démocratique du Congo et le Rwanda, la situation était calme à la frontière entre ces deux pays.[4]

Le 14 juin, les habitants des localités Kabagana, Kabuhanga, Kabuye et Kitotoma, dans le groupement Buhumba, à la frontière avec le Rwanda, ont commencé à rentrer chez elles. Ce sont d’abord les chefs qui rentrent pour évaluer la situation sécuritaire avant de ramener les femmes et les enfants. Et ce qu’ils observent est loin de les rassurer comme l’affirme un habitant joint au téléphone: «Il se pose un problème d’insécurité et de panique, causé par la présence massive de militaires du côté rwandais. Il y a renforcement des armes lourdes au niveau de la frontière et ceci entretient une grande panique au sein de la population».[5]

b. La version congolaise

A Buhumba, un village congolais tout près de la frontière avec le Rwanda, les habitants ont une idée assez claire sur les récents incidents. «Les Rwandais veulent la colline de Kanyesheza, car ils affirment qu’elle leur appartient», dit un ancien du village, Jean Bizoza.

En effet, cette colline était contrôlée par le Mouvement du 23 Mars (M23), un groupe armé appuyé par le Rwanda. Depuis novembre 2013, lors de la défaite de ce groupe armé, pour la première fois l’armée congolaise s’est déployée le long de la frontière dans le groupement de Buhumba, dont dépend Kanyesheza. «Les Rwandais ne sont pas habitués à ce que cette colline ne soit plus sous leur contrôle par le M23 interposé», dit Augustin Tahurugiye, directeur d’école et secrétaire de la société civile locale. «Depuis novembre», dit-il, «les FARDC occupent les positions abandonnées par le M23». Mais «Kanyesheza est au Congo», rappelle Déo Makombe, le chef du groupement de Buhumba, précisant que les bornes sont toujours là, même si souvent cachées sous la végétation ou enterrées. Selon la population congolaise, les troupes rwandaises sont donc à l’origine de ces derniers affrontements.[6]

Selon le GPS du capitaine congolais à la tête des commandos qui se sont affrontés avec l’armée rwandaise les 11 et 12 juin, il n’y a pas doute: la colline de Kanyesheza se trouve bien en République démocratique du Congo. Le système de localisation indique que la frontière internationale entre la RDC et le Rwanda est à un kilomètre environ de sa position. On aperçoit pourtant des soldats rwandais à l’orée du bois d’eucalyptus à cinq cents mètres et plus près encore, sur la colline voisine, même s’ils tentent de se cacher. Ils sont revenus à la faveur des derniers combats, explique le lieutenant Barabas (un surnom), du 391e bataillon commando, formé par les Etats-Unis. Kanyesheza n’est qu’une butte au bout du plateau de savane herbeuse de Kibaya, qui s’étend à environ 2.000 m d’altitude au pied du volcan Nyiragongo. Le village congolais le plus proche est à une petite heure de marche. A vol d’oiseau, la ville de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu se trouve à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest. Le 10 juin à l’aube, « le chef de section a vu une compagnie rwandaise qui avançait là », à quelques dizaines de mètres, indique le lieutenant Barabas, « ils disaient que la colline leur appartient ». Mais le petit effectif congolais ne se démonte pas et les soldats rwandais finissent par partir. Echaudés par l’incident, les militaires congolais décident de placer deux hommes en poste d’observation avancé, mais toujours en territoire congolais. Le lendemain à l’aube, l’un des deux éclaireurs est « capturé ». L’autre parvient à s’enfuir et c’est alors qu’éclatent les premiers combats, à l’arme automatique.

Après une trêve, la situation dégénère en affrontements à l’arme lourde dans l’après-midi. L’armée congolaise et des témoins accusent les Rwandais d’avoir alors ouvert le feu sur une délégation de soldats et de civils venus parlementer. Après un nouvel et bref échange de tirs d’armes lourdes le jeudi 12 au matin, le calme est revenu et un corps, celui du soldat en poste d’observation avancé qui n’avait pas pu se replier, a été rendu à l’armée congolaise. « On se parle de nouveau » de part et d’autre de la frontière, dit le lieutenant Barabas. Ironie de l’histoire, les hommes qui viennent de croiser le feu, sont de vieux compagnons d’armes pour certains. En face, il y a un adjudant rwandais, John. « Il est entré au Congo avec l’AFDL. On le connaît. On a vécu avec lui à Kinshasa, il a même épousé une Kinoise », dit le capitaine. L’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) est le mouvement rebelle de Laurent-Désiré Kabila (père de l’actuel président de la RDC, Joseph Kabila), qui, avec l’aide du Rwanda, a chassé du pouvoir, en 1997, le dictateur Mobutu Sese Seko. Joint au téléphone par l’AFP, l’adjudant John confirme avoir participé à la campagne de l’AFDL et vécu à Kinshasa, mais refuse de parler des derniers incidents à la frontière entre Rwanda et RDCongo.[7]

«C’est chaque fois la même chose. Les Rwandais se déploient comme s’ils allaient attaquer. Ils avancent jusqu’à quelques mètres de nos positions, nous disent que cet arbre leur appartient et que nous devons le couper de gré ou de force», assure un lieutenant de l’armée congolaise déployé depuis quatre mois à la frontière entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda. L’eucalyptus est toujours là, mais l’incident se reproduit deux ou trois fois par semaine. L’affaire se dénoue par un dialogue plus ou moins courtois, dit l’officier qui déplore des « provocations » et « menaces » permanentes des soldats rwandais. «Ils nous accusent de ne pas être des Congolais, mais des FDLR», les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda, une milice hutu rwandaise installée au Congo et accusée d’avoir participé en 1994 au génocide des Tutsi de leur pays, ajoute l’officier natif de Kinshasa.

A Nakabumbi, à une trentaine de kilomètres au nord-est de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, les hommes du 391e bataillon commando ont creusé une tranchée derrière une rangée d’eucalyptus qui marque, disent-ils, la frontière. Tous les 30 mètres environ, une sentinelle, armée d’une mitrailleuse ou d’une kalachnikov, surveille ce qui se passe de l’autre côté. Chaque poste de garde est doté d’une petit abri de branchages où le soldat peut passer la nuit. Un champ de maïs les sépare du bâtiment abritant des soldats rwandais et des habitations du village d’en face, à environ 300 mètres.

D’après le lieutenant, les Rwandais revendiquent également trois autres arbres un peu plus jeunes, situés à quelque distance le long de la ligne arborée. «Une fois, ils ont même envoyé un général», s’amuse-t-il. À propos de ces trois arbres, «des Rwandais sont venus les planter au Congo à l’époque du RCD, et maintenant ils disent vouloir les couper», dit Deo Makombe, chef du groupement de Buhumba, dont dépend Nakabumbi. Contrôlée en sous-main par Kigali, la milice du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) a administré la zone pendant la deuxième guerre du Congo.

Pendant des années, les habitants du village rwandais voisin ont pris de mauvaises habitudes, «ils venaient couper des arbres comme ils le voulaient et ils se moquaient de nous», ou alors ils venaient avec leurs troupeaux et « massacraient nos cultures », dit Moïse Rame, agriculteur veuf de 53 ans.

Intrigué par le rassemblement de curieux provoqué par la présence de trois journalistes, un petit groupe de soldats rwandais s’approche des lignes congolaises mais reste à distance. «Comment ça va aujourd’hui?», leur lance en swahili (langue comprise largement en Afrique de l’Est) le capitaine escortant la presse. On répond par un pouce levé. Mais pas question d’autoriser les journalistes à traverser pour écouter ce que ceux d’en face auraient à dire.[8]

c. La version rwandaise

À propos de la raison de cette soudaine montée de tension entre les militaires rwandais et congolais, il se pourrait qu’il s’agisse d’un simple différend sur un vol de bétail.

Deux vaches sur le point d’être volées. Voilà ce qui pourrait être à l’origine de la soudaine crispation entre le Rwanda et la République démocratique du Congo. C’est en tout cas ce que raconte un éleveur rwandais du village frontalier de Kyamabuye, dans le district de Rubavu, situé à la frontière avec la RDC.

Cet éleveur a été interrogé par un journaliste congolais de l’Anadolu Agency. «Hier matin (mercredi) alors que je m’occupais de mes vaches, des militaires congolais sont arrivés. Je les ai immédiatement reconnus à leur tenue et à leur langue. Ils ont essayé de prendre deux de mes vaches restantes, après en avoir déjà volé 14 il y a quelques mois. Je me suis alors mis à crier et mes voisins aussi», a témoigné Byumvure Seth, un éleveur âgé de 36 ans et père de 7 enfants. «J’ai alors alerté une patrouille de l’armée rwandaise. Quand celle-ci est arrivée, les militaires qui étaient venus pour voler mes vaches ont paniqué et ont commencé à tirer dans tous les sens», poursuit Seth avant d’expliquer que «c’est comme ça que les militaires rwandais ont répliqué contre les voleurs de vaches», tuant un caporal congolais. Ses camarades se seraient alors retirés, avant de revenir l’après-midi chercher le corps. Un retour qui sera à l’origine d’une seconde vague d’affrontements, se soldant par la mort de quatre militaires congolais.

Un récit qui expliquerait le tweet de la ministre des Affaires étrangères rwandaise, Louise Mushikiwabo, appelant le Congo à empêcher ses soldats de traverser la frontière pour voler de la nourriture. Mais Kinshasa réfute toujours cette version des faits. Ce sont des justifications après coup, affirme le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, maintenant la version d’un rapt d’un soldat congolais par les forces rwandaises.[9]

2. REDDITION DE 200 FDLR

a. Transférés dans un « centre de regroupement »

Le 30 mai, 105 rebelles hutu rwandais des FDLR se sont rendus avec leurs armes, dont 12 armes lourdes, à Kateku, à la limite entre les territoires de Walikale et Lubero, à environ 220 kilomètres au nord de Goma. des représentants de l’Union africaine (UA), de l’UE, de la SADC, des États-Unis et du gouvernement congolais ont participé à la cérémonie de reddition. Officiellement « non invitée », la Monusco a dépêché tout de même ses experts sur place pour « constater l’effectivité de cette démobilisation ». En contrepartie de leur reddition, les FDLR souhaitent que la communauté internationale obtienne de Kigali la tenue d’un dialogue inter rwandais inclusif et sincère, pour favoriser leur retour au Rwanda. Ils demandent aussi que soit levé l’embargo qui pèse sur plusieurs de leurs dirigeants. «Nous allons continuer à nous rendre au fur et à mesure que nous aurons les garanties sécuritaires de la SADC. Notre objectif, c’est désormais de transformer notre groupe armé en mouvement politique», a déclaré Victor Byiringiro, président intérimaire d’un groupe des FDLR, basé à Walikale. Pas sûr que Kigali l’entende de cette oreille. Pour les autorités rwandaises, en effet, les FDLR constituent une « organisation terroriste ».[10]

Sur les 105 rebelles rwandais qui se sont rendus, seuls 97 ont finalement été transférés par la Monusco à Kanyabahonga. «Certains sont retournés de là où ils venaient, parmi lesquels le « colonel » Wilson Irategeka, secrétaire exécutif ad intérim des FDLR a expliqué le général Delphin Kahimbi, superviseur de la reddition pour l’armée congolaise, en ajoutant que, pour le moment, ceux qui se sont rendus sont des « officiers subalternes » et pas de grands chefs recherchés par Kinshasa ou la Cour pénale internationale. Suite à leur requête, ils doivent y être rejoints par leurs familles « dans les 48 heures », a déclaré le général.

La Monusco doit commencer le processus de triage et d’identification des ex-combattants.

La population du Sud-Lubero a, pour sa part, salué ce geste des FDLR, espérant une réduction des exactions contre la population de la région.

Mais la Société Civile de Lubero, elle, attend voir cette annonce se matérialiser; car, dit-elle, les FDLR n’en sont pas à leur première annonce du genre.

Le général Abdallah Wafi, numéro deux de la mission de l’ONU (Monusco), a déclaré:  «Nous encourageons le processus, nous avons mobilisé toutes nos ressources (militaires et logistiques), mais (…) seuls les jours à venir vont déterminer la crédibilité et le sérieux du processus. Pour l’instant, il est trop tôt pour crier victoire».[11]

Le 1er juin, l’envoyée spéciale des Nations Unies pour la Région des Grands Lacs Mary Robinson, l’envoyé spécial américain pour la région des Grands Lacs et de la RDCongo Russ Feingold, le Représentant spécial de l’Union Africaine Boubacar Diarra, le Coordonnateur principal pour la Région des Grands Lacs de l’Union Européenne Koen Vervaeke et le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU en RDC Martin Kobler, ont appelé à la reddition « complète » des rebelles hutu rwandais des FDLR. «Les membres des FDLR qui choisissent de ne pas se rendre, de ne pas renoncer à la violence, et de ne pas se soumettre à un processus de désarmement, démobilisation et réinsertion continueront d’être passibles de l’action militaire des FARDC (armée congolaise) et de la Monusco», ont-ils insisté. Ils ont ajouté que «les FDLR qui se rendent et qui souhaitent retourner au Rwanda pourront être rapatriés dans le cadre du processus DDR/RR (désarmement, démobilisation, rapatriement, réintégration et réinstallation) existant dans leur pays». Les envoyés spéciaux et le chef de la Monusco invitent le gouvernement de la RDC à «veiller à ce que tous les auteurs de crimes de guerre et crimes contre l’humanité soient tenus responsables et répondent de leurs actes devant la justice».[12]

Le 1er juin, dans un communiqué, la Société civile du Nord-Kivu a fait part de ses doutes quant à une volonté réelle des FDLR de se rendre, soulignant qu’environ 1.500 combattants hutu continuent à sévir dans différentes localités du Nord-Kivu. Le porte-parole de la société civile du Nord-Kivu, Omar Kavota, craint une reconstitution des FDLR dans de nouvelles milices. Le risque est que le groupe des FDLR puisse annoncer qu’il n’existe plus, alors qu’il s’est mué en milices locales.

La Société civile du Nord-Kivu a appelé ainsi le gouvernement et la Monusco à «déclencher, comme prévu, les opérations de traque contre ces rebelles, en envisageant au besoin un couloir humanitaire pouvant servir de sortie à ceux qui se seraient véritablement décidés à se rendre en même temps que les opérations seront en cours».[13]

Le 4 juin, le chef de la Monusco, Martin Kobler, a lancé un dernier appel aux FDLR pour déposer les armes au risque d’y être contraint par les forces de la Monusco et l’armée congolaise.[14]

Le 8 juin, 84 rebelles des FDLR et 225 de leurs dépendants ont fait leur acte de reddition à Kitogo, territoire de Mwenga, au Sud-Kivu. Ils seront orientés vers le site de regroupement ouvert à Walungu centre.[15]

Les FDLR, très affaiblies, comptent environ 1.500 rebelles selon l’ONU, Kigali avançant le chiffe de 4.000. Elles sont surtout disséminées dans les Nord- et Sud-Kivu, où elles sont accusées de graves exactions contre les civils (viols, meurtres, pillages, enrôlements d’enfants…).

A noter que les FDLR (combattants et civiles) sont estimés au nombre de 5.600 éléments, soit 800 individus au Nord-Kivu et 600 au Sud-Kivu, auxquels s’ajouteraient près des 4.200 personnes dépendantes. Leur chef, Sylvestre Mudacumura, recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre, est toujours latitant.

Fin 2013, les FDLR avaient annoncé qu’elles déposeraient les armes après l’ouverture de négociations avec le Rwanda. Mais Kigali a refusé de dialoguer avec eux.

Le 18 avril, les FDLR ont finalement annoncé vouloir rendre des armes et remettre des « ex-combattants importants » à la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), afin de « se consacrer à la lutte politique ».[16]

Les rebelles hutu rwandais des FDLR sont sous pression internationale depuis un certain moment.

Entre temps, la même communauté internationale épargne, dans un mutisme incompréhensible,  Kigali, à qui les FDLR demandent instamment d’ouvrir des négociations inter rwandaises. Une condition à laquelle les autorités rwandaises n’ont jamais voulu accéder. Les autorités rwandaises ne sont soumises à aucune pression pour les pousser à accéder à la demande des FDLR, celle d’ouvrir un dialogue inter rwandais. C’est pourquoi les FDLR rechignent à rentrer au Rwanda. Qui peut accepter de se rendre dans un pays, le sien propre soit-il, où les conditions d’accueil ne sont pas sûres? Personne n’est pas prêt à aller dans un pays où ses jours sont en danger. Pour résoudre définitivement la question des Fdlr, les alliés traditionnels du Rwanda, les Etats-Unis d’Amérique et l’Angleterre en tête, ont le devoir de le pousser à accepter le dialogue avec ce groupe, pour permettre à ses membres de rentrer au Pays.[17]

b. Pour être envoyés dans un « centre de relocalisation provisoire »

Selon le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, l’objectif est d’obtenir la reddition de 1.400 membres des FDLR, 800 au Nord-Kivu et 600 au Sud-Kivu, accompagnés par leurs dépendants (environs 5.000 personnes), de les regrouper à Walikale, à l’ouest de Goma, pour poursuivre le processus de démobilisation et de désarmement, puis de les transférer dans un site de « relocalisation provisoire » à Irebu, dans la province de l’Equateur (ouest de la RDC), où ils pourront choisir de « retourner au Rwanda ou demander asile ». À la question de savoir pourquoi les éloigner de l’est de la RDC, Julien Paluku a répondu qu’il faut éviter de donner un « prétexte » à Kigali qui pourrait, s’ils restaient dans cette zone, accuser la RDC d’ »entraîner » ces éléments FDLR, pour « mener une éventuelle attaque contre le Rwanda ».[18]

Le 11 juin, le Représentant spécial adjoint du secrétaire général de l’Onu chargé des opérations dans l’Est de la RDC, le général Abdallah Wafy, a déclaré que les rebelles rwandais des FDLR qui ne veulent pas rentrer dans leur pays seront regroupés temporairement dans un camp militaire à Irebu en Equateur en attendant d’être envoyés dans un pays d’accueil. «Pour ceux qui ne veulent pas rentrer au Rwanda, pour des raisons évidentes de sécurité, on va les éloigner de la frontière avec le Rwanda , en attendant qu’on puisse trouver une destination finale à ces FDLR pour qu’ils puissent quitter la RDC», a expliqué le général Wafy qui a aussi indiqué que la Monusco allait apporter son appui aux FDLR qui veulent rentrer dans leur pays. Il a expliqué que des contacts ont été établis avec les autorités rwandaises au sujet de leur rapatriement volontaire.[19]

c. Mais la population demande leur rapatriement immédiat et direct au Rwanda

Le 6 juin, dans un communiqué de presse, la Société Civile de Walikale s’est dite opposée au cantonnement des FDLR au centre de regroupement de Walikale, car ces derniers se sont rendus coupables de plusieurs cas de violation des droits humains, parmi lesquels: viols des femmes, pillage des biens de la population et des ressources naturelles, incendies de villages, occupation militaire du territoire et monopole de tout le pouvoir (coutumier, judiciaire …).

Pour ces raisons, la société civile de Walikale plaide pour le rapatriement immédiat et direct de ces éléments au Rwanda, sans passer par un quelconque centre transitoire, moins encore le centre de regroupement de Walikale.[20]

Le 10 juin, dans une déclaration faite à Kinshasa, les députés nationaux de l’Equateur se sont opposés à la relocalisation dans leur province des rebelles des FDLR qui ont volontairement déposé les armes dans les Kivus. Ces élus redoutent que la présence de ces derniers accentue l’insécurité à l’Equateur.[21]

Le 14 juin, la coordination provinciale de la société civile de l’Equateur a organisée une marche pour protester contre la relocalisation des rebelles rwandais FDLR qui déposent les armes au Nord-Kivu et qui ne désirent pas rentrer dans leurs pays. Pour le coordonnateur provincial de la société civile, Torro Mbangi, ces rebelles devraient être rapatriés dans leur pays d’origine ou aller en prison, «au regard des crimes, viols des femmes, pillages et autres atrocités qu’ils ont commis contre les compatriotes de l’Est du pays».[22]

d. Il est trop tôt pour crier victoire

Le 17 juin, la Mission des Nations Unies en RDC (Monusco) s’est dite préoccupée par les violations des droits de l’homme commises par les rebelles hutus rwandais des FDLR/Foca sur les populations civiles dans certaines parties des territoires de Walikale, Lubero et Rutshuru au Nord-Kivu. Parmi les violations des droits de l’homme enregistrés, la Monusco parle notamment des arrestations arbitraires, vols des récoltes, menaces de mort, incendie des villages et des tortures physiques. Les responsables de ces actes identifiées comme des FDLR/Foca se sont pourtant déclarés  favorables au processus de paix, a déploré le chef de bureau de la mission onusienne, Ray Virigilio, qui a appelé ces rebelles hutus rwandais à mettre fin à ces exactions: «Si les FDLR déclarent s’engager dans un processus de paix, il faut qu’elles arrêtent toutes ces exactions».[23]

Le 17 juin, dans la nuit, au moins neuf maisons ont été incendiées et plusieurs autres cambriolées dans trois villages de la localité de Buramba, à environ 40 kilomètres au Nord-Est du chef lieu du territoire de Rutshuru (Nord-Kivu). Ces bandits armés ont d’abord obligé les habitants à quitter leurs maisons qu’ils ont ensuite pillées et incendiés dans les villages de Kisharu, Kiseguru et Buramba.

Selon la société civile, quelques paysans ont reconnu des bandits transportant leurs biens pillés au retour des champs dans le secteur de Nyamitwitwi. Ils disent avoir notamment identifié des rebelles rwandais des FDLR. L’administrateur de Rutshuru confirme ces informations. Il estime que ces attaques seraient dues aux représailles après le démantèlement, il y a une semaine, par les FARDC, des bases des FDLR dans les villages Nyabanira, Makoka et Kasave.[24]

3. MASSACRE À MUTARULE

a. L’horreur

Dans la nuit du 6 au 7 juin, à Mutarule, une localité située dans le groupement de Luberizi, dans la plaine de la Ruzizi, au Sud-Kivu, tout près de la frontière avec le Burundi, 38 personnes ont été tuées par des hommes armés non identifiés. 24 autres personnes ont également été blessées. Des hommes armés ont assiégé la chambre de prière de l’Eglise locale de la 8e CEPAC (Communauté des Églises de Pentecôte en Afrique Centrale) et ils ont tiré à bout portant sur les fidèles qui étaient sur place. Parmi ces hommes armés, d’autres ont attaqué des maisons d’habitation et le centre de santé de cette localité. En août 2013 aussi, 8 personnes de cette localité avaient été tuées par des hommes armés inconnus.[25]

Selon plusieurs sources, il s’agirait d’une vengeance après un vol de bétail et terminée en massacre.

Tout a commencé lorsqu’un chef local maï-maï a volé six vaches à une communauté vivant à Mutarulé. Pour se venger, celle-ci a fait appel à des miliciens venus du Burundi, pour s’emparer de 80 têtes de bétail appartenant à l’ethnie du chef maï-maï. Dès lors, une fusillade a éclaté entre miliciens et Maï-Maï. Puis la violence se déchaîne. En soirée, des hommes armés sont pénétrés dans Mutarulé. Ils ont tué des fidèles installés dans l’église protestante, des habitants dans leurs maisons, et même des patients du centre de santé. Les victimes, dont 9 enfants et 14 femmes, toutes appartenant à l’ethnie autochtone des Bafuliru, ont été abattues, mais aussi tuées à l’arme blanche, parfois égorgées, et même brûlées.[26]

Un conflit existe entre les Bafuliru d’un côté et les Barundi et une partie des Banyamulenge de l’autre, pour des questions foncières et de pouvoir coutumier. Les Bafuliro sont des autochtones, originaire du milieu. Les Barundi et les Banyamulenge se sont installés depuis plusieurs générations au Sud-Kivu et sont originaires respectivement du Burundi et du Rwanda. Les Bafuliro vivent dans la plaine de la Ruzizi et les Barundi et les Banyamulenge sur les hauts plateaux. Les Bafuliro leur reprochent de ne pas être de véritables Congolais et d’accaparer leurs terres.[27]

b. Vol de bétail, intrigues de pouvoir et connexions internationales

Selon l’Association Contre le Mal et pour l’Encadrement de la Jeunesse (ACMEJ), une organisation pour la défense des droits de l’homme, dans la chefferie de la Plaine de la Ruzizi, le vrai problème un conflit de pouvoir que des politiciens de mauvaise foi attisent pour leurs propres intérêts. Dans un communiqué, ACMEJ s’étonne du fait que certains ont attribué le massacre à la vengeance d’une communauté contre l’autre, suite à un vol de bétail. ACMEJ rappelle que le vendredi 6 juin, à 14h00, à 5 km du village de Mutarule, des hommes armés inconnus ont attaqué des Maï-Maï et il y a eu des échanges de tirs. Par après ces assaillants inconnus se sont accaparés des vaches des membres de la communauté Bafuliru, non de celles de la communauté des Barundi.

Les Maï-Maï ont eu du mal à identifier leurs agresseurs. D’où venaient-ils?

Dans cette zone de la Plaine de la Ruzizi, il y a des rebelles burundais du FNL.

Avant le massacre, des jeunes armés appelés «IMBONERAKURE» ont été observés dans les parages de MUABA et NDUNDA.

Parmi les «Imbonerakure», qui s’entrainent dans la Plaine de la Ruzizi, il y a des anciens démobilisés des FDD, d’autres qui étaient à l’époque des militaires alliés du RCD-Goma en RDCongo. Certains parmi eux maitrisent la plaine de la Ruzizi et ses environs. Ils sont visibles dans le côté congolais de la forêt de RUKOKO, difficile à atteindre, où ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent. La majorité des «Imbonerakure» sont des Burundais hutus et d’autres ont vécu dans la chefferie de la plaine de la Ruzizi comme des Barundi de cette chefferie. Il y a raison de se demander s’il s’agit d’une force réserviste du pouvoir du Burundi.

Les assaillants des Maï-Maï sont-ils donc membres de ces milices étrangères? A moins que les forces gouvernementales (FARDC, Police d’interventions) ne déclarent que ce sont eux qui ont mené l’attaque contre ces Maï-Maï.

Enfin, ACMEJ demande à tous de ne pas tomber dans le piège d’interprétations hâtives à caractère ethnique en cachant les intérêts de quelqu’un. Avec la population de Mutarule, ACMEJ réitère sa demande d’une enquête nationale et internationale sur ce massacre.

ACMEJ a depuis longtemps montré que la piste de solution pour ce conflit intercommunautaire est de transformer cette chefferie en chefferie secteur, dont les dirigeants seraient donc élus par la population, ce qui pourrait contribuer à désamorcer les tensions.

Selon certaines rumeurs qui circulent parmi la population et pas encore vérifiées, les auteurs du massacre seraient des terroristes barundi (burundais en français) à la solde d’un certain Richard NIYIJIMBERE et qui sont armés par le général Patrick Masunzu, commandant de la Région militaire du Sud Kivu. Ils auraient volé aussi plus de 350 vaches. Ces terroristes vivent depuis un certains temps dans le camp construit par l’Ong ADRA pour les refoulés tutsi de Vyura (Kalemie), à +/- 1 km du lieu du crime.

Selon d’autres sources encore à vérifier, après le vol de 8 vaches appartenant à Patric Masunzu, commandant de la 10e région militaire du Sud/Kivu, celui-ci aurait ordonné à des militaires de la place de poursuivre les présumés voleurs. Arrivés au camp des soi-disant Banavyura, ces militaires auraient attaqué la maison de prière, le centre de santé et certaines maisons des alentours.

Selon la population, les Banyamulenge complotent avec les Burundais, avec la complicité de certaines autorités qui sont à la tête du Pays, pour chasser définitivement les BAFULIRU, qui sont les autochtones, de la plaine de la RUZIZI,  l’occuper totalement et en faire une chefferie à eux seuls car, au Congo, ils n’ont aucune une entité administrative à eux.[28]

[1] Cf Radio Okapi, 11.06.’14; AFP – Africatime, 11.06.’14

[2] Cf RFI, 11-12.06.’14

[3] Cf RFI – Africatime, 13.06.’14

[4] Cf AFP – Africatime, 13.06.’14

[5] Cf Radio Okapi, 16.06.’14

[6] Cf AFP – Africatime, 14.06.’14

[7] Cf Marc Jourdier – AFP – Africatime, 16.06.’14

[8] Cf Albert Kambale – AFP – Africatime, 16.06.’13

[9] Cf RFI, 14.06.’14 ; Gaïus Kowene – Francine Mokoko Anadolu Agency / Kigali – Kinshasa, 12.06.’14 http://www.aa.com.tr/fr/u/344356–rdc-rwanda-des-quot-vaches-quot-au-coeur-des-affrontements

[10] Cf Radio Okapi, 30.05.’14; AFP – Africatime, 30.05.’14; Trésor Kibangula – Jeune Afrique, 30.05.’14

[11] Cf AFP – Africatime, 31.05.’14

[12] Cf AFP – Africatime, 02.06.’14

[13] Cf AFP – Africatime, 02.06.’14

[14] Cf Radio Okapi, 04.06.’14

[15] Cf Radio Okapi, 09.06.’14

[16] Cf AFP – Africatime, 31.05.’14

[17] Cf Kléber Kungu – L’Observateur – Africatime, 03.06.’14

[18] Cf AFP – Africatime, 31.05.’14

[19] Cf Radio Okapi, 11.06.’14

[20] Correspondance particulière

[21] Cf Radio Okapi, 11.06.’14

[22] Cf Radio Okapi, 14.06.’14

[23] Cf Radio Okapi, 17.06.’14

[24] Cf Radio Okapi, 18.06.’14

[25] Cf Radio Okapi, 07.06.’14

[26] Cf Latifa Mouaoued – RFI, 07.06.’14

[27] Cf AFP – Africatime, 10.06.’14

[28] Cf 7sur7.cd – Uvira, 10.06.’14 http://7sur7.cd/index.php/component/content/article/8-infos/5946-massacre-de-mutarule-une-commission-d-enquete-parlementaire-a-pied-d-oeuvre#comment-23062