Présentation du projet de loi au Sénat
Le 7 et 9 janvier, la ministre de la Justice, Wivine Mumba Matipa, a présenté au Sénat un projet de loi sur l’amnistie pour faits de guerre, actes insurrectionnels et infractions politiques.
Selon deux autres lois d’amnistie précédentes, « les faits de guerre sont les actes inhérents aux opérations militaires autorises par les lois et coutumes de guerre, qui, à l’occasion de la guerre, ont cause un dommage à autrui; les faits insurrectionnels sont les actes de violence collective de nature à mettre en péril les institutions de la République ou à porter atteinte à l’intégrité du territoire national; les infractions politiques sont les agissements qui portent atteinte a l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics, les actes d’administration et de gestion ou dont le mobile de son auteur ou les circonstances qui les inspirent revêtent un caractère politique« .
Toutefois, la loi exclut du champ d’application de l’amnistie les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, y compris le recrutement d’enfants soldats, la torture, les traitements cruels, inhumains ou dégradants, les viols et d’autres violences sexuelles.
La ministre de la Justice a défini l’amnistie comme un acte législatif selon lequel certaines fautes du passé doivent être oubliées et a déclare que c’est à la loi d’établir les infractions qui seront objet d’amnistie. Selon la ministre, l’amnistie exclut la possibilité d’entamer des poursuites judiciaires contre les faits amnistiés, arrête celles qui sont en cours et annule les condamnations déjà prononcées, dans l’intérêt de la cohésion nationale, de la paix et de la démocratie.
Selon Wivine Mumba, le gouvernement n’a pas voulu traiter le cas des récidivistes car, dans ce cas, de nombreux membres d’anciens groupes rebelles n’auraient pas pu profiter de l’amnistie. Toutefois, selon la ministre, à l’avenir l’on ne saura plus tolérer le cas des récidivistes. En effet, le projet de loi prévoit que les auteurs, co-auteurs et complices des infractions visées par l’amnistie doivent s’engager formellement et par écrit à ne plus tomber dans les mêmes infractions.
Les limites d’une loi
Selon certains observateurs, une loi d’amnistie n’est pas possible, en principe, que lorsque « la guerre est finie ». Toutefois, dans le cas du M23, on en est encore très loin. Le dernier rapport des experts de l’ONU indique clairement que le M23 a continué à se renforcer militairement, à partir du Rwanda et de l’Ouganda, même après sa défaite par l’armée congolaise. Par conséquent, le projet de loi approuvé par le Sénat semble être une promesse d’amnistie déjà accordée à l’avance quoi qu’il en soit.
Selon de nombreux citoyens, la loi d’amnistie adoptée par le Sénat est un texte fait sur mesure en faveur des rebelles du M23, maintenant protégés par une loi qui absout leurs crimes, en les intégrant dans le fameux paquet des «faits de guerre», «faits d’insurrection» et «infractions politiques», termes trop génériques qui sèment seulement la confusion.
Il n’est pas normal de parler de simples « actes de guerre » quand, durant dix-huit mois, les membres du M23 ont commis de vrais crimes de guerre et crimes contre l’humanité, y compris les meurtres de civils, les viols, les violences sexuelles, le recrutement des enfants soldats, le vol, la torture, la destruction des infrastructures de base, l’incendie de villages. Il n’est pas normal de parler d’ »actes insurrectionnels » quand on a commis des infractions aussi graves que la désertion de l’armée, l’utilisation illégale des armes et l’occupation militaire du territoire. Il n’est pas normal de qualifier comme de simples « infractions politiques » l’établissement d’une administration locale parallèle à celle de l’État, l’imposition de taxes illégales et le pillage des minéraux. L’octroi d’une amnistie à des individus qui, en prenant les armes contre la République et contre le Peuple, ont violé la souveraineté nationale, l’intégrité territoriale du Pays et la sécurité de la population civile est une insulte à la mémoire des victimes.
Quelques propositions
Ce sera à la Ministre de la Justice de veiller à ce que la loi soit appliquée. Mais les limites observées montrent que l’application de la loi dans sa formulation actuelle est non seulement insuffisante, mais aussi contre-productive, car elle risque d’accorder une amnistie « générale et collective » et de renforcer, dès lors, l’impunité.
Pour éviter ce risque, le ministère de la Justice devra s’assurer de la coopération des institutions judiciaires nationales et, surtout, d’une commission nationale neutre « Vérité, Justice et Réconciliation », afin de définir avec précision la ligne de démarcation entre les «faits de guerre, les faits insurrectionnels et les infractions politiques» et les «crimes de guerre, les crimes de génocide et les crimes contre l’humanité» et d’éviter, ainsi, d’assimiler les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, exclus de l’amnistie, aux fait de guerre, aux faits insurrectionnels aux infractions politiques, inclus dans l’amnistie.
Enfin, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité devront être objet de procédures judiciaires menées par un Tribunal Pénal International pour la RDCongo ou, le cas échéant, par des Tribunaux Spéciaux Mixtes (avec personnel congolais et international) établis au sein du système judiciaire congolais, en collaboration avec la Cour Pénale Internationale.