Editorial Congo Actualité n. 208– Par la Réseau Paix pour le Congo
Le 2 janvier, le colonel Mamadou Ndala, commandant de la Brigade Commando URR (Unité de réaction rapide), a été tué dans une embuscade dans le village appelé Ngadi (Matembo), près l’aéroport de Mavivi, à cinq km de la ville de Beni (Nord-Kivu). Il était en route vers Eringeti, à 54 km de Beni pour le déploiement d’un bataillon de commandos, en vue des prochaines opérations militaires contre les rebelles ougandais de l’ADF/Nalu.
Premières analyses de l’attentat sur base de photos et vidéos
Pour le moment, les circonstances de la mort du colonel Mamadou restent encore floues.
Selon le porte-parole du gouvernement, il pourrait s’agir d’une embuscade tendue par les rebelles ougandais de l’ADF-Nalu, mais plusieurs raisons remettent en cause cette hypothèse.
Il y a d’abord les circonstances de l’embuscade: un tir de roquette en plein jour à quelques kilomètres du centre-ville de Béni, sur une route goudronnée et dégagée, contrôlée par l’armée congolaise, ce qui rendrait difficile une infiltration.
Une autre incohérence est que le véhicule est resté en ligne droite, comme s’il se dirigeait pour s’arrêter ou se garer au bord de la route. Mais, selon les observateur, avec l’impact de la roquette, le véhicule aurait dû se renverser ou chavirer. En outre, même si le véhicule a pris feu, il n’y a aucun signe d’explosion (dégâts importants au véhicule, éparpillement des débris, présence d’un cratère au sol, …). On ne voit que l’aile avant droite déformée et enfoncée, alors qu’elle devait se désintégrer totalement.
Selon certains experts, après analyse de photos et vidéos, l’attaque se serait déroulé comme suit:
une personne que le Colonel Ndala connaissait aurait fait signe (de détresse ou de stop?) pour que le véhicule s’arrête, les personnes ont surgi, l’ont identifié et l’ont abattu, ensuite ils ont mis le feu au véhicule, pour en effacer les traces.
Un « assassinat » perpétré par des « frères d’armes »
La plupart des observateurs se sont donc orientés vers la piste d’un « assassinat » commis par des « frères d’armes ». En effet, le caporal Paul Safari, un garde du corps du colonel Ndala, a tout de suite affirmé: «J’ai vu deux des assaillants, et ils portaient l’ancienne tenue verte des FARDC. Je ne crois pas que ce soit les ADF-Nalu». Près de la jeep, des commandos accusent des frères d’armes de « régiment » d’avoir tué leur chef. «Ils sont jaloux à cause de notre succès dans le Rutshuru! Ils vont nous sentir!», a lancé l’un d’eux, dont l’avis est partagé par certains. Pour un officier de l’armée à Beni, qui a requis l’anonymat, «l’assassinat de Mamadou Ndala est un règlement de comptes des ex-CNDP, pour la plupart rwandophones, contre celui qui a vaincu le M23 qui bénéficiait du soutien du Rwanda». A Beni aussi, la population est convaincue que Mamadou a été tué pour ses dernières victoires sur le M23 et que, donc, c’était prémédité. Un élu local estime que les officiers militaires de Beni n’ont pas vu d’un bon oeil l’arrivée sur leur territoire du colonel Mamadou Ndala et de ses hommes. «Pour eux, Mamadou Ndala venait faire un job qu’ils n’ont pas pu faire: neutraliser l’ADF. Depuis 2009 (date de leur affectation), ils ont transformé la zone d’opération de Ruwenzori – où se cachent les rebelles ougandais – en zone de commerce», affirme-t-il, dénonçant des « arrangements » entre le commandement militaire de Beni et les chefs rebelles de l’ADF.
Les premières arrestations
L’assassinat de Mamadou Ndala serait l’oeuvre d’un règlement de compte à l’intérieur de l’armée congolaise. Une piste accréditée par les premières arrestations, toutes effectuées au sein des FARDC: le lieutenant-colonel Tito Bizuru Ogabo, commandant de la ville de Beni, le général Muhindo, alias Mundos, commandant du secteur opérationnel à Beni et ancien commandant de la garde républicaine à Goma et un certain Lieutenant Kelvin, chef des services de renseignements militaires à Beni.
Deux premières piste d’enquête
Les premières pistes suivies dans l’enquête semblent donc être deux: celle de militaires ex-CNDP et delle de la Garde Républicaine.
– Bien qu’ils soient restés dans les rangs de l’armée régulière, il est fort probable qu’un certain nombre de soldats ex-CNDP aient maintenu des liens de sympathie avec le M23 et que, par conséquent, ils n’aient pas digéré sa défaite. Cette situation pourrait être très dangereuse, car le régime rwandais pourrait les utiliser pour créer une nouvelle « pseudo rébellion congolaise », via une énième mutinerie. Pour éviter ce risque, il sera nécessaire d’intervenir, avec des mesures disciplinaires ou judiciaires, contre une quelconque infraction du code militaire. Il sera également nécessaire d’exclure, avec fermeté, la réintégration de tout membre de l’ex-M23 dans l’armée régulière.
– En ce qui concerne la Garde Républicaine présidentielle, l’on sait qu’elle échappe au contrôle du chef de l’état-major général de l’armée. Il s’agit-là d’un autre facteur de risque. La GR est souvent accusée d’être impliquée dans des meurtres de journalistes et de membres d’associations pour la défense des droits de l’homme. Elle est aussi citée dans les cas de nombreux massacres, surtout à l’occasion de manifestations organisées par les partis politiques de l’opposition. Pour remédier à cela, il faudra la supprimer (il y a déjà l’armée et la police ), ou réformer son statut, en l’intégrant dans l’armée régulière comme un corps spécial dépendant de l’état-major général.
Une petite réflexion
Si Mamadou Ndala, considéré par le peuple comme le héros qui a libéré le Nord-Kivu de l’occupation rwandaise via le M23, a été un patriote qui a pu démontrer que la RDCongo peut aspirer à la création d’une armée véritablement républicaine, s’il y a la volonté politique de le faire, son assassinat, si l’on confirme les soupçons d’une responsabilité interne au sein de l’armée, montre cependant que le temps de la résurrection des FARDC est encore bien loin et que les problèmes internes de l’armée restent tout à fait entiers.
Pour surmonter les nombreuses incohérences, complicités et trahisons, il sera nécessaire d’abandonner définitivement le chemin de l’intégration collective des membres démobilisés des groupes armés, quels qu’ils soient, dans l’armée régulière et d’opter pour un recrutement de nouveaux militaires, sur base volontaire et professionnelle et selon les critères établis par la loi. Cela nécessitera l’amélioration des centres de formation militaire, la garantie d’un salaire digne, la logistique nécessaire et le renouveau du commandement militaire.
Enfin, l’assassinat du colonel Mamadou Ndala exige que justice lui soit rendue, en instruisant une enquête transparente et sans complaisance sur tout ce qui s’est passé, pour identifier les auteurs et les commanditaires de l’attaque. La vérité rendra aussi justice aux nombreuses victimes, au nom desquelles le « Général de Brigade » Mamadou Ndala a remporté la victoire sur le M23 et ses complices.