SOMMAIRE
ÉDITORIAL: Pour un « dialogue national inclusif » plus transparent et participatif
1. NON A LA REVISION DE L’ARTICLE 220 DE LA CONSTITUTION
2. NOUVELLES RÉACTIONS À LA CONVOCATION DE CONCERTATIONS NATIONALES
3. UN «CONCLAVE» DE L’OPPOSITION
ÉDITORIAL: Pour un « dialogue national inclusif » plus transparent et participatif
1. NON A LA REVISION DE L’ARTICLE 220 DE LA CONSTITUTION
La révision constitutionnelle n’est pas encore annoncée officiellement. Mais, le débat est relancé sur la scène publique depuis que le professeur Evariste Boshab, ancien président de l’Assemblée nationale et secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, le parti présidentiel) a publié son ouvrage «Entre révision de la constitution et l’inanition de la nation» présenté à Kinshasa le 19 juin. Selon la description qu’en fait l’auteur sur le site internet de l’éditeur, ce livre est une «porte ouverte sur l’avenir afin que la Constitution ne puisse se scléroser». Evariste Boshab anticipe même ce qu’il qualifie de « passions et réactions inexplicables » que suscite, selon lui, toute évocation de la révision constitutionnelle en Afrique subsaharienne. En Afrique, estime-t-il «la Constitution acquiert le statut d’une citadelle imprenable et pourtant les fortifications ne sont pas éternelles. Elles sont toujours à refaire pour tenir compte de l’effet corrosif du temps sur tous les monuments». Dans la même note de description du livre, l’auteur ajoute aussi que «cet ouvrage est un outil critique des théories sur le pouvoir constituant et le pouvoir de révision… S’invitent ainsi plusieurs interrogations qui, sans avoir trouvé des réponses définitives, ont néanmoins l’avantage d’inciter à la réflexion face au fétichisme et aux incantations magiques qui meublent les Constitutions africaines, particulièrement celle de la République démocratique du Congo». Dans cet ouvrage, l’auteur pose ainsi des questions sensibles, notamment celle qui remet en cause les principes de verrouillage de certaines dispositions constitutionnelles.
Ce débat fait susciter des craintes sur une éventuelle tentative de révision de l’article 220 de la constitution qui stipule que: “la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical, ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. Est formellement interdite toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet de réduire les droits et libertés de la personne ou de réduire les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées”.
Dans une déclaration rendue publique le 5 juillet, l’Association des professeurs de l’Université de Kinshasa (Apukin) se dit fermement opposée à toute tentative de révision constitutionnelle. «Etant donné les tensions et suspicions provoquées par la dernière révision constitutionnelle (de janvier 2011, en ramenant les élections présidentielles à un seul tour au lieu des deux tours prévus), [nous] recommandons de mettre fin aux révisions intempestives et sur mesure pour les besoins de certaines causes», a déclaré le professeur Mbadu, rapporteur de l’Apukin.
Par deux fois, en mai et en juin 2013, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) est revenue sur le sujet, en rejetant l’idée d’une éventuelle révision constitutionnelle et en appelant au respect de l’ordre constitutionnel, gage selon elle, de la cohésion et de l’unité nationale.[1]
Selon l’Association Africaine de défense des Droits de l’Homme, ASADHO, la disposition constitutionnelle relative au nombre de mandat du Président de la République était motivée par la volonté expresse du Peuple congolais de préserver les principes démocratiques contenus dans la Constitution contre les aléas de la vie politique et les révisions intempestives. C’est ainsi que, dans un communiqué du 26 juin, l’ASADHO appelle:
– Le Président Joseph KABILA à ne pas appuyer les initiatives de certains cadres de la Majorité Présidentielle qui visent la révision de l’article 220 de la Constitution;
– La Majorité Présidentielle à commencer à réfléchir sur un autre candidat qu’elle doit présenter aux élections de 2016 que d’envisager la violation de la Constitution;
– Tous les partis politiques, les organisations de la société civile, les confessions religieuses à veiller à la protection des acquis démocratiques quant à la limitation du mandat du Président de la République;
– Le peuple congolais à s’opposer, par tous les moyens démocratiques (manifestations pacifiques ; pétitions, sit-in …) à toute révision de l’article 220 de la Constitution;
– La Communauté internationale à exercer des pressions sur les autorités de Kinshasa pour qu’elles ne révisent pas l’article 220 de la constitution.[2]
Dans son discours d’ouverture du conclave de l’opposition, le 6 juillet, Vital Kamerhe se pose la question de savoir pourquoi un tel débat est suscité en ce moment précis. Pour lui, il s’agit d’un ballon d’essai. Ballon que l’on doit trouer et essai que l’on doit faire échouer à tout prix. Tout en reconnaissant que la procédure de révision constitutionnelle est consacrée dans toutes les lois fondamentales à travers le monde, Vital Kamerhe soutient qu’un tel acte, conforme soit-il, ne laisse aucune marge de manœuvre à la modification de l’article 220, car la Constitution elle même prévoit la procédure de sa révision. Pour Vital Kamerhe, pour que la révision de l’article 220 passe, il faudra marcher sur les cadavres des Congolais. «Touche pas à ma Constitution!».[3]
2. NOUVELLES RÉACTIONS À LA CONVOCATION DE CONCERTATIONS NATIONALES
Le 3 juillet, la Coalition des Patriotes pour la République (CPR) a rappelé, dans une déclaration politique relative à l’ordonnance loi du 26 juin 2013, portant création, organisation et fonctionnement des concertations Nationales, d’avoir toujours affirmé que «la crise multiforme que connaît le pays ne peut être conjurée que par l’organisation des concertations – dialogue de toutes les couches sociopolitiques de la nation, sans exclusive». Toutefois, la CPR constate avec regret que:
1° L’importance excessive donnée aux institutions par l’ordonnance dilue le rôle des forces politiques, amplifie la suspicion entre les institutions, les forces vives et les forces politiques et va à l’encontre de la recherche de la cohésion nationale.
2° La facilitation et la direction des concertations-dialogue ne peuvent pas être juges et parties. Dans le contexte actuel, elles sont elles-mêmes au centre des controverses les plus virulentes au sein de la nation.
3° la facilitation et la direction des concertations – dialogue devraient être laissées à une structure et aux animateurs politiquement moins marqués. Cela aurait été un signal fort en faveur de l’apaisement et aurait ébranlé le mur de suspicion et des préjugés qui plombent le comportement et le jugement des uns et des autres.
Enfin, la CPR en appelle à l’ensemble de la classe politique, en général, et au pouvoir, en particulier, à se dépasser réellement, pour l’intérêt général et à ne privilégier, cette fois-ci, que l’intérêt du peuple et de la nation, en vue de l’organisation de concertations – dialogue qui débouchent, réellement, sur la cohésion nationale et le retour de la confiance entre les institutions et le peuple, les dirigeants et la population.[4]
Le 8 juillet, la société civile du Sud-Kivu a réagi à la convocation des concertations nationales par le président Joseph Kabila. La société civile du Sud-Kivu assure vouloir participer à ces concertations nationales, mais prévient qu’elle s’insurgera contre toutes les propositions qui tendraient à violer la constitution et les lois du pays, à accorder l’amnistie aux criminels et aux personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes et à obtenir un gouvernement d’union nationale non prévue d’ailleurs dans la constitution. Selon Descartes Mponge, président de la société civile du Sud-Kivu, son organisation préconise que le règlement intérieur des concertations nationales soit adoptée par la plénière et non par le présidium. La société civile du Sud-Kivu invite enfin toute la population à s’approprier la campagne «ne touchez pas à ma constitution» qu’elle a lancée en mars dernier.[5]
3. UN «CONCLAVE» DE L’OPPOSITION
Le 6 juillet, une partie de l’opposition politique s’est réunie en conclave, à Kinshasa, pour réfléchir sur les prochaines concertations nationales. Dans son discours d’ouverture, Vital Kamerhe, président national de la UNC (Union pour la Nation Congolaise), a affirmé que son parti et ses alliés politiques n’allaient pas prendre part à des concertations qui pourraient se transformer en un Congrès de la Majorité Présidentielle.
Vital Kamerhe a d’abord rappelé que «la Nation est en péril. La guerre au Nord-Kivu avec des viols et violence faite à la femme, des tueries massives et des déplacements des populations. Le pays connait des violences ignobles dans le Nord-Katanga, dans le Sud-Kivu, au Maniema et dans l’Ituri. La Nation est à l’agonie avec un congolais vivant avec moins d’un dollar par jour avec une population dépourvue de tout, nourriture, soins de santé, moyens de transport, accès à l’éducation, logement décent. Nous sommes, malgré nos ressources naturelles incommensurables, le dernier de la planète selon l’indice du développement humain, le 3ième pays le plus dangereux pour la femme après l’Afghanistan et le Soudan ; le dernier du monde en ce qui concerne le climat des affaires (plus de 600 taxes légales et illégales), les opérateurs économiques nationaux et étrangers sont devenus des gibiers à traquer; la Capitale mondiale du viol, de la corruption. Notre système de gouvernance repose sur l’économie de prédation (pillage et bradage des ressources minières). Selon le rapport Annan, notre pays a perdu par des voies illicites 37 milliards des dollars en deux ans. Et d’autres sources indiquent que de 2002 à ce jour, la RDC a bénéficié de 27 milliards des dollars américains en termes d’aide extérieure. Mais, où est passé tout cet argent?»
Vital Kamerhe a dit haut et fort que tout devrait être fait pour barrer la route à tout projet visant une nouvelle transition et toute révision constitutionnelle de nature à bloquer toute possibilité d’alternance démocratique en 2016.
Selon Vital Kamerhe, les corrections suivantes doivent être apportées à l’ordonnance présidentielle convoquant les concertations:
– en ce qui concerne la forme: la mise en place d’une commission paritaire en vue de la claire identification des composantes habilitées à y participer (à savoir la mouvance au pouvoir, l’opposition politique, l’opposition armée, la société-civile et la diaspora);
– s’agissant du fond: le rendre conforme à l’esprit et à la lettre de l’Accord d’Addis-Abeba, de la Résolution 2098 du Conseil de Sécurité et du rapport du Secrétaire général de l’Onu sur la RDC;
– concernant les résolutions, décisions et recommandations, elles doivent être adoptées par consensus et opposables à tous;
– pour ce qui est de l’organisation, le Dialogue inclusif devra se tenir sous les auspices de l’Envoyée Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies pour la Région des Grands Lacs et du Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour la RDCongo, avec une facilitation neutre, africaine de préférence;
– enfin, le suivi devra être fait au travers d’un mécanisme mixte incluant toutes les composantes parties prenantes et la communauté internationale.[6]
Le conclave de l’Opposition a démarré à l’initiative de Léon Kengo wa Dondo, président de l’Union des Forces de Changement (UFC), soutenu par Vital Kamerhe, président de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC) et José Makila, président de l’Alliance des travaillistes congolais pour le développement (ATD). Mais ni l’UDPS et Alliés, ni le MLC et Alliés n’ont été aperçus dans la salle. Désormais, à l’opposition chacun regarde dans sa direction. Chaque camp commence à avoir son entendement du Dialogue national. Les réunions politiques se succèdent mais les rangs se fissurent.
Jean-Claude Vuemba, membre du MPCR et 2ème vice-président du groupe UDPS et Alliés, a déclaré: «Ça ne nous intéresse pas, parce que nous n‘avons pas l’idée d’aller aux concertations nationales pour participer à la gestion ou au gouvernement. Nous évitons de cautionner certains agendas cachés». Le député MPCR a indiqué que son groupe, UDPS et Alliés, est favorable aux Dialogue national qu’il conditionne cependant à quatre principaux préalables: l’amnistie des prisonniers politiques et d’opinion, la levée des barrières aux alentours de la résidence d’Etienne Tshisekedi, le ralliement à l’idée de participation des facilitateurs ou témoins étrangers et la mise en place d’un comité préparatoire mixte Majorité- Opposition.
De son côté, Jean-Lucien Bussa, président de MLC et Alliés, trouve que le Conclave est prématuré, dès lors que Kabila n’a pas encore donné une suite aux récentes déclarations de rejet de son ordonnance par l’Opposition: «Nous avons dit non aux concertations nationales pour exiger un véritable dialogue. Nous considérons que l’Opposition a fait d’importantes déclarations sur cette question d’actualité et nous espérons que la Majorité en tirera les conséquences en donnant des réponses appropriées à nos préoccupations. Comment alors se réunir en conclave?».[7]
Le 10 juillet, le porte-parole de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (Udps), Joseph Kapika, s’est prononcé sur les deux questions des concertations nationales convoquées par Joseph Kabila et de la tenue du conclave de l’opposition. S’agissant de concertations nationales, l’Udps, fidèle à sa ligne sur la ‘‘légitimité’’ et ‘‘l’impérium’’, dénie au Raïs la qualité de les convoquer.
Au sujet du conclave de l’Opposition, l’Udps dit ne pas être concerné et ce, pour plusieurs raisons. Entre autres, lit-on dans cette prise de position, «l’Udps n’est plus un parti de l’Opposition depuis l’élection de M. Etienne Tshisekedi à la Magistrature suprême du 28 novembre 2011».
Les partis politiques réunis présentement au conclave, souligne l’Udps, ont reconnu, du fait qu’ils siègent à l’Assemblée nationale, les résultats de l’élection présidentielle tels que publiés par la CENI. Lesdits partis, martèle-t-on à la 10ème rue Limete, ont rejeté «la décision portant dissolution de l’Assemblée nationale prise par M. Etienne Tshisekedi qu’ils disent, pourtant, reconnaître comme vainqueur de la dernière élection présidentielle». Ce n’est pas tout, car l’on précise: «Les dits partis sont prêts à participer aux élections provinciales et locales du fait d’avoir désigné leurs délégués à la CENI. Ce qui n’est pas dans l’agenda de l’Udps. Bien plus, lesdits partis politiques reconnaissent M. Joseph Kabila comme président élu, en courant derrière le poste de porte-parole de l’opposition».[8]
Le 11 juillet, le conclave de l’opposition politique s’est terminé à Kinshasa par la publication d’un rapport final.
1. LES POINTS INSCRITS A L’ORDRE DU JOUR SONT LES SUIVANTS:
• L’analyse de l’Ordonnance Présidentielle N° 013/078 du 26 Juin 2013;
• Le Cahier de charges de l’Opposition Politique Congolaise au Dialogue Politique;
• La problématique de la Révision Constitutionnelle et des Questions Electorales.
2. L’ANALYSE DE L’ORDONNANCE PRESIDENTIELLE:
Concernant l’analyse de l’Ordonnance Présidentielle N° 013/078 du 26 Juin 2013 en vue d’un Dialogue Politique, les participant au conclave ont rappelé que les élections présidentielle et législatives, chaotiques et non crédibles, de novembre 2011 ont été à la base d’une crise politique,
aggravée par une déliquescence de l’Etat, caractérisée par:
– l’impuissance à défendre l’intégrité du territoire national, à assurer l’effectivité de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du pays, à répondre aux préoccupations sociales des populations et à garantir la paix et la sécurité des personnes ainsi que des biens;
– la mégestion, la corruption et l’impunité, le bradage et le pillage des ressources naturelles.
Face à cette situation, le Chef de l’Etat a signé, le 26 juin 2013, une Ordonnance portant création, organisation et fonctionnement des Concertations nationales alors que, dans la Résolution 2098 du Conseil de Sécurité, la Communauté Internationale avait déjà parlé de l’organisation d’un dialogue politique transparent et sans exclusive entre toutes les parties prenantes dans la crise congolaise.
En effet, dans le point 5 de la Résolution 2098 du Conseil de Sécurité, il est demandé au Représentant Spécial du Secrétaire Général pour la RDC, en collaboration avec l’Envoyée Spéciale pour la Région des Grands-Lacs, de soutenir, coordonner et évaluer l’application en RDC, des engagements souscrits dans l’Accord-cadre.
Dans le point 14 b) de la Résolution 2098, il est demandé au Représentant spécial pour la République démocratique du Congo de s’employer, au moyen de ses bons offices, de promouvoir un
dialogue politique transparent et sans exclusive entre toutes les parties prenantes congolaises en vue de favoriser la réconciliation et la démocratisation et encourager l’organisation d’élections provinciales et locales crédibles et transparentes.
Pour sa part, dans sa déclaration du 1er juillet 2013, l’Opposition Politique a affirmé ne pas être concernée par des concertations nationales qui ne s’accorderaient pas avec les engagements pris par notre Gouvernement dans le cadre de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et qui ne se conformeraient pas à la Résolution 2098 du Conseil de Sécurité.
– Sur le plan de la forme, l’Opposition Politique a relevé que la convocation du dialogue devrait être précédée par la mise en place d’un comité préparatoire incluant toutes les parties prenantes, dans le but d’en définir le format, l’ordre du jour, le projet de règlement intérieur, les mécanismes de suivi et d’exécution des décisions.
– Sur le plan du fond, l’Opposition Politique a relevé que la situation des congolais n’a pas été prise en compte, notamment: les violations massives des droits de l’homme, les viols et violences faits
à la femme, l’enrôlement des enfants soldats, le pillage et le bradage des ressources naturelles, l’absence d’une armée nationale républicaine et moderne, la question de la légitimité des institutions, l’enrichissement sans cause…
3. LE CAHIER DE CHARGES:
Concernant le Cahier de charges de l’Opposition politique congolaise au Dialogue politique, elle rappelle que la RDCongo a tenu, au mois de novembre 2011, des élections présidentielle et législatives entachées de violences meurtrières, d’irrégularités et de fraudes avérées. Il en a résulté un conflit postélectoral qualifié de «Crise de légitimité» dont l’impact est réel sur la vie politique nationale, aujourd’hui polarisée entre d’une part, les vainqueurs proclamés par la CENI et d’autre part le camp de ceux qui veulent connaitre la vérité des urnes.
Cette bipolarisation de la vie politique continue à affaiblir toutes les institutions de la République.
Le bilan de cette crise de légitimité comprend notamment:
•L’aggravation de l’intolérance, de la méfiance réciproque, et des accusations mutuelles entre les forces politiques;
•La régression de la démocratie manifestée par un climat de répression, de violence et de brutalité du pouvoir, de violation des droits humains, des exécutions extrajudiciaires;
•Le déficit du consensus national;
•L’enlisement de la situation sociale, politique et économique du pays.
Pour remédier à cette situation devenue intolérable pour notre peuple, l’Opposition politique congolaise préconise, dans la perspective du Dialogue politique, les solutions suivantes:
A. S’agissant de la réforme du secteur de sécurité:
– Maitriser l’effectif de l’armée et assurer une formation qui privilégie la qualité par rapport à la quantité;
– Assurer l’équilibre régional dans le recrutement, l’affectation, l’avancement en grade;
– Changer la chaine de commandement militaire mono-ethnique des FARDC particulièrement à l’est du pays;
– Démobiliser les éléments n’ayant pas le cursus requis et financer leur reclassement social ;
– Procéder au recensement de tous les éléments ex FAZ encore aptes au service, en vue de leur réintégration au sein de l’Armée nationale;
– Améliorer les conditions de vie et de travail de toutes les forces de défense et de sécurité.
B. S’agissant de la consolidation de l’autorité de l’Etat:
– Faire de la corruption, de l’impunité, de la criminalité économique et du trafic d’influence l’ennemi n°1 de la RDC;
– Soumettre préalablement au Parlement tous les accords à signer avec les groupes armés;
– Mettre en place une politique salariale capable d’inciter tout le personnel de l’Etat à imposer l’autorité de ce dernier à tous les niveaux et à travers tout le pays.
C. S’agissant de la décentralisation:
– Accélérer la mise en place des nouvelles provinces conformément à la Constitution;
– Appliquer le droit des provinces de retenir à la source les 40% des recettes à caractère national;
– Elaborer la loi sur la péréquation.
D. S’agissant du développement économique:
– Faire de l’agriculture le moteur du développement national;
– Mettre un terme à l’importation et à la circulation des produits pirates et périmés.
E. S’agissant de la réforme institutionnelle:
a) Repenser le système électoral congolais par:
1. le recensement général de la population, afin de déterminer, entre autres, le calcul du quotient électoral, non pas en fonction du nombre des citoyens enrôlés mais plutôt de celui recensé;
2. la modification de la loi relative à la CENI, de manière à affirmer le strict respect du principe constitutionnel de l’indépendance de la CENI dans la désignation de ses membres par la seule
société civile.
3. le rétablissement de la pyramide électorale, en commençant par les élections à la base ;
b) Promulguer la loi portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle ;
c) Dépolitiser la Justice, en favorisant le recrutement et l’avancement en grade selon la compétence et la moralité et non plus selon des critères subjectifs, tels que le régionalisme, le tribalisme, le
clientélisme, le népotisme.
4. REVISION CONSTITUTIONNELLE ET QUESTIONS ELECTORALES:
A. S’agissant de la révision constitutionnelle:
Le conclave de l’Opposition politique note la détermination du pouvoir en place de procéder à la révision constitutionnelle spécialement de l’article 70, verrouillé, en vue de se pérenniser en augmentant le nombre de mandats du Président de la République.
Pour contrer cette intention de violer la Constitution, l’Opposition politique a décidé de mener une série d’actions:
– Sensibiliser et mobiliser la population en vertu de l’article 64 de la Constitution qui dispose: «Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution. Toute tentative de renversement du régime constitutionnel constitue une infraction imprescriptible contre la Nation et l’Etat. Elle est punie conformément à la loi». Le mot d’ordre « touche pas à ma Constitution» doit être instamment donné au peuple Congolais.
– Responsabiliser les parlementaires pour faire en sorte que le point sur la révision constitutionnelle ne soit retenu à aucun ordre du jour de la présente législature.
B. S’agissant des questions électorales:
Le conclave propose que la loi électorale future et le calendrier électoral puissent inverser l’ordre des élections en commençant par les élections à la base, avant les élections nationales.
Par ailleurs, le conclave de l’Opposition politique préconise une CENI véritablement neutre et indépendante dirigée par la Société civile ou, à défaut, par une représentation égalitaire entre les trois composantes à savoir: la majorité présidentielle, l’opposition et la société civile.
La désignation des membres doit se faire par leurs organisations de base respectives en dehors de toute immixtion des autres Institutions de l’Etat.
RÉSOLUTION N° 1:
En rapport avec l’analyse de l’ordonnance n° 13/078 portant création, organisation et fonctionnement des concertations nationales, les membres de l’Opposition Politique réunis en Conclave à Kinshasa du 6 au 11 juillet 2013,
+ se disent
– Convaincus que la paix ne peut être ramenée en République Démocratique du Congo qu’avec la mise en œuvre par toutes les parties prenantes, y compris le Chef de l’Etat congolais, des engagements découlant de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba du 24 février 2013 et de la Résolution 2098 du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 27 mars 2013 ;
– Vivement préoccupés de ce que le Président de la République s’est écarté de l’esprit et de la lettre de l’Accord-cadre et de la Résolution en créant les « Concertations Nationales » en lieu et place d’un Dialogue politique transparent et sans exclusive entre toutes les parties prenantes congolaises, en vue de favoriser la réconciliation et la démocratisation comme le recommande la Résolution 2098 en son point14 b);
– Persuadés que seul le Dialogue politique pré-rappelé peut créer un consensus entre acteurs politiques et sociaux, afin de faciliter la mise en œuvre de tous les engagements pris et de mettre fin à la crise sociale et politique qui ébranle notre pays et de restaurer la cohésion nationale ;
+ Exigent que:
1. Les parties prenantes devraient être invitées à discuter lors d’un «Dialogue Politique» transparent et sans exclusive que le Président de la République aura à convoquer le plus diligemment possible «et non pas à créer». Ce forum se réunira à Kinshasa, siège des institutions de l’Etat.
2. Le Dialogue Politique devrait se tenir sous l’égide des Nations Unies. A cette fin, l’Envoyée spéciale du Secrétaire Général pour la Région des Grands Lacs, Madame Mary Robinson aura à accompagner les travaux à titre de témoin pour leur aboutissement heureux. Le Président de la République du Congo, M. Denis Sassou N’Guesso, cosignataire de l’Accord-cadre et Président en exercice de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), devrait jouer l’indispensable rôle de facilitateur.
3. Le Dialogue Politique aura pour mission de débattre:
– les problèmes sociaux des Congolais;
– le problème des violations massives de droits de l’homme, de la violence fait à la femme, de l’enrôlement des enfants soldats, du pillage et du bradage des ressources naturelles, de la désorganisation de l’armée nationale, de la légitimité des Institutions, de l’enrichissement sans cause, des biens mal acquis;
– les matières faisant l’objet des engagements auxquels le Président de la République Démocratique du Congo a librement souscrits en signant l’Accord-cadre d’Addis-Abeba.
4. Les principes suivants devront s’appliquer dans la désignation des participants au Dialogue Politique:
– la représentation égale des 26 provinces constitutionnelles du pays ;
– la représentation paritaire de la Mouvance présidentielle, de l’Opposition Politique parlementaire et extraparlementaire, et de la Société civile;
– la représentation de la femme dont le quota est fixé à 30 %;
– la non exclusion pour permettre la participation des anciens candidats à la dernière élection présidentielle, des chefs de corps constitué, des congolais de la diaspora et des représentants des
groupes armés congolais;
– la décrispation politique à travers l’amnistie et la libération des prisonniers politiques ou d’opinion;
5. La convocation du Dialogue Politique sera consécutive à un Rapport dressé par une Commission préparatoire mixte paritaire composée des délégués de la Mouvance présidentielle, de l’Opposition Politique parlementaire et extraparlementaire, et de la Société civile. Elle aura notamment pour mission l’organisation matérielle et logistique, le format du Dialogue, l’élaboration des projets de budget, de l’ordre du jour et du Règlement intérieur;
6. Les Résolutions du Dialogue Politique seront prises par consensus. Elles seront exécutoires et opposables à tous.
RÉSOLUTION N° 2:
L’Opposition Politique décide :
1. En rapport avec la révision de la Constitution:
– de rejeter et de s’opposer à toute tentative de révision constitutionnelle ;
– d’inviter toutes les parties prenantes à prendre l’engagement solennel, avant le début des travaux du Dialogue politique, à s’abstenir de toute entreprise de révision constitutionnelle;
– de sensibiliser et de mobiliser, dès à présent, le peuple Congolais à défendre sa Constitution autour du mot d’ordre «Touche pas à ma Constitution» et ce, sur base de l’article 64 de la Constitution ;
– de responsabiliser les parlementaires afin que le point sur la révision constitutionnelle ne figure sur aucun ordre du jour de la législature en cours;
– de ne participer à aucune Transition ni Gouvernement d’Union Nationale dont la finalité est de prolonger les mandats des institutions en place.
2. En rapport avec les questions électorales:
– de ne pas reconnaître la CENI et son Bureau actuel, car partiaux et dépendant de la mouvance au pouvoir, d’une part et reflet des rapports de force existants au sein de l’Assemblée Nationale, d’autre part;
– de réorganiser, au cours du Dialogue politique, la CENI et de mettre en place un nouveau Bureau sur base des principes de l’égalité entre composantes et de la neutralité afin de garantir son
indépendance et la sincérité des résultats du vote ;
– de transposer la représentation des composantes au niveau national dans les CLCR ;
-de maintenir le scrutin majoritaire proportionnel à plus fort reste à tous les niveaux;
-de renverser, pour le prochain cycle électoral, la pyramide en commençant par les élections à la base pour terminer par les élections nationales ;
– d’intégrer dans la loi électorale la proclamation des résultats immédiatement après la fin du dépouillement, la publication des résultats de vote, 24 heures après le dépouillement, dans le site de la CENI et l’audit du serveur central par toute partie intéressée.[9]
[1] Cf Radio Okapi, 28.06.’13 et 06.07.’13
[3] Cf La Prospérité – Kinshasa – congoforum, 08.07.’13
[4] Cf La Prospérité – Kinshasa, 05.07.’13
[5] Cf Radio Okapi, 09.07.’13
[7] Cf AKM – Africa news – Kinshasa, 08.07.’13
[8] Cf La Prospérité – Kinshasa, 11.07.’13