SOMMAIRE
ÉDITORIAL: Occupation, résistance et espoir
1. LA REINTEGRATION DE 450 COMBATTANTS, AILE BOSCO NTAGANDA, DANS LE M23 DE SULTANI MAKENGA
2. LE M23 ET LE PROCHAIN DÉPLOIEMENT DE LA NOUVELLE BRIGADE DE LA MONUSCO
3. LES POURPARLERS DE KAMPALA
4. LA RDC REFUSE DE SIGNER UN ACCORD SUR LE STATUT DES REFUGIÉS RWANDAIS
ÉDITORIAL: Occupation, résistance et espoir
1. LA REINTEGRATION DE 450 COMBATTANTS, AILE BOSCO NTAGANDA, DANS LE M23 DE SULTANI MAKENGA
Le 17 avril, la faction du Mouvement du 23 mars (M23) dirigée par Sultani Makenga a annoncé la réintégration d’environ 450 combattants appartenant à la faction proche de Bosco Ntaganda qu’elle avait défaite en mars dernier et qui s’était réfugiée au Rwanda. «Nous avons 150 hommes qui se sont rendus et environ 300 qui ont été capturés au niveau de Kibumba [à la frontière avec le Rwanda]. Nous les avons réintégrés dans nos brigades», a déclaré Vianney Kazarama, porte-parole militaire de la faction de Sultani Makenga. «Environ 500 éléments (du M23 qui avaient fui au Rwanda) sont rentrés en RDC le 3 avril et il y a eu une cérémonie de retour/réconciliation», a expliqué, de son côté, le directeur de l’International Crisis Group (ICG) pour l’Afrique centrale, Thierry Vircoulon. La réintégration de 450 de ces combattants intervient alors que le M23 multiplie les menaces contre la brigade d’intervention de la Monusco.[1]
Le retour brusque et presqu’officiel des 450 combattants du M23 de l’aile Bosco Ntaganda intrigue la classe politique congolaise. «Comment ces combattants, qui étaient censés être désarmés et cantonnés au Rwanda, à plus de 100 Km de la frontière avec notre pays, ont pu franchir à nouveau celle-ci sans que les services de sécurité (armée, police, renseignements) ne puissent s’en rendre compte et donner l’alarme? D’où ont-ils trouvé les nouvelles armes qu’ils ont ramenées à Bunagana?», s’est interrogé un député de la Majorité présidentielle à Kinshasa, sous couvert de l’anonymat. «Je me demande, une fois de plus, du rôle joué par le Rwanda qui n’a ni signalé la fuite de ces combattants qui étaient sous sa garde, ni informé les dirigeants congolais de leur disparition et encore moins des dirigeants de onze pays, dont le Rwanda, signataires des Accords d’Addis-Abeba interdisant à ces pays de soutenir les groupes armés actifs à l’est de la RDC et parmi lesquels le M23?», s’est écrié ce député congolais, pour qui «ce retour cache bien des choses pour lesquelles le gouvernement congolais et la Monusco devraient ouvrir l’œil». Surtout que la réintégration de ces 450 combattants intervient alors que le M23 a multiplié les menaces contre la brigade d’intervention de la Monusco dont le déploiement a été décidé par le Conseil de sécurité de l’Onu pour lutter contre les groupes armés actifs dans l’Est de la RDC.[2]
Le 18 avril, dans un communiqué, la direction du Mouvement du 23 mars (M23) nie avoir réintégré 450 combattants de sa faction dissidente réfugiée au Rwanda après la scission de la rébellion en mars dernier. Une dépêche de l’AFP avait fait état de cette réintégration, citant le porte-parole militaire du M23, Vianney Kazarama, et Thierry Vircoulon, chercheur à l’International Crisis Group (ICG) pour l’Afrique centrale. Mais pour le M23, les propos de son porte-parole ont été «sortis délibérément de leur contexte de temps». «Il y avait eu bel et bien capture et reddition dans les rangs de notre armée de plus de 450 militaires ayant combattu aux côtés du trio Bosco Ntaganda, Baudouin Ngaruye et Jean-Marie Runiga», indique le Communiqué du M23, précisant: «Mais les faits ont eu lieu lors des affrontements avec ce groupe, c’est-a-dire entre le 1er et le 15 mars 2013. Il ne peut donc s’agir des retournés du Rwanda, étant donné que ce groupe d’indisciplinés ne s’est refugié au Rwanda que le 16 mars 2013». La rébellion nie également avoir organisé une «cérémonie retour/réconciliation » dont parle Thierry Vircoulon à l’AFP, en précisant que «les rendus avaient été respectivement redéployés dans leurs unités d’origine et les capturés mis aux arrêts».[3]
2. LE M23 ET LE PROCHAIN DÉPLOIEMENT DE LA NOUVELLE BRIGADE DE LA MONUSCO
Le 12 avril, le porte-parole militaire du Mouvement du 23 mars (M23), Vianney Kazarama, a déclaré que son mouvement s’accorde un «droit de se défendre et de riposter» si la future brigade d’intervention de la Monusco l’attaquait. «Tous les déplacés, toutes les catastrophes qui surviendront en raison du déploiement de la brigade seront de la responsabilité du gouvernement de Kinshasa et du Conseil de sécurité des Nations Unies», a-t-il déclaré.[4]
Le 15 avril, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, a déclaré que la brigade d’intervention que l’ONU va déployer dans l’est de la RDCongo pourra avoir un rôle de “dissuasion”, mais le plus important est le processus politique. «Nous ne pensons pas qu’une action militaire soit la solution aux problèmes dans l’est de la RDC, donc nous considérons cette brigade comme pouvant être un moyen de dissuasion, une présence nécessaire mais elle doit être complétée par d’autres aspects, et en premier lieu sur le volet politique du conflit“, a expliqué à la presse Louise Mushikiwabo qui venait de présider une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU consacrée à la prévention des conflits en Afrique.[5]
Le 17 avril, au cours de la conférence hebdomadaire des Nations Unies, le porte-parole militaire de la Monusco, le lieutenant-colonel Prosper Félix Basse, a déclaré que «les menaces proférées [par le Mouvement du 23 mars (M23)], je ne dis pas que nous n’en sommes pas sensibles, mais ne perturbent pas notre dynamique de déploiement de la force de la Brigade d’intervention en RDC». Il a aussi estimé que les rebelles continuent de sensibiliser sans succès les populations civiles des territoires qu’ils occupent. Le jour précédent, le général Babacar Gaye, conseiller militaire du secrétaire général de l’ONU, avait affirmé que «le déploiement de la brigade d’intervention de la Monusco est imminent», sans préciser de date. «Cette brigade aura son état-major déployé à Goma. Elle aura également ses bataillons centrés autour de Goma dans la mesure où elle doit mener des actions de nature coercitive. Les bataillons sont en général dans la proximité de Goma et à partir de là ils seront mis en œuvre pour leurs différentes opérations», avait indiqué Babacar Gaye. [6]
Le 25 avril, le vice-président de la Société Civile du Nord Kivu, Omar Kavota, a accusé le M23 de se redéployer depuis quelques jours, dans plusieurs villages, cités et villes des territoires de Rutshuru et Beni au Nord-Kivu. Il a aussi appelé les Nations Unies à la célérité dans le déploiement de la Brigade d’Intervention, pour éviter toute surprise désagréable de la part du M23.[7]
La mise en place de la brigade spéciale d’intervention dans l’est de la RDCongo serait « imminente« , selon l’ONU. Sur les 3.000 hommes attendus dans les Kivus, environ 800 seraient déjà sur place et son commandant, le tanzanien James Mwakibolwa se trouve dans la ville de Goma depuis le 23 avril dernier. L’ONU annonce l’arrivée des autres contingents, venant du Malawi et de Tanzanie, « d’ici le mois de juillet« .
Sur l’efficacité de la brigade d’intervention de l’ONU, les Congolais en attendent beaucoup. Peut-être même, un peu trop. Selon le porte-parole du gouvernement, le déploiement de ces « super casques bleus » doit tout simplement « mettre un terme à la guerre dans l’Est du pays« .
Dans l’opposition, si on accueille avec soulagement l’arrivée de la brigade spéciale, sur son efficacité, il y a par contre quelques bémols. « C’est une solution, certes, mais à court terme« , estime Juvénal Munubo Mubi, député de l’UNC. Si la brigade de l’ONU doit « inspirer la peur aux groupes armés« , « la solution à long terme passe par une réforme profonde du secteur de la sécurité, c’est à dire la reconstruction de l’armée nationale« , affirme ce député du mouvement de Vital Kamerhe. Et la tâche est titanesque. Mal payées, complètement désorganisées, transformées en armée fantôme, les FARDC ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes.
Du côté des experts internationaux, le scepticisme est plus affirmé. Pour Thierry Vircoulon, le directeur pour l’Afrique centrale d’International Crisis Group (ICG), le mandat de cette brigade est « beaucoup trop large« . « Le mandat de l’ONU prévoit que cette brigade s’occupe de tous les groupes armés« , explique le chercheur, « ce qui ne sera pas possible vu leur grand nombre« . Selon lui, l’ONU va devoir « séquencer ses actions« . Et de poser cette question : « quelle sera la première cible de la brigade? Le M23 ou les FDLR?« .
Thierry Vircoulon doute également de l’efficacité d’une telle brigade d’intervention sur le terrain, face à des troupes bien organisées et connaisseuses du milieu, comme le M23 ou face à des groupes peu structurés, comme les Maï-Maï et les FDLR qui ont adopté une stratégie de guérilla.
Autre risque pointé par le chercheur: le scénario trop connu de la « vrai-fausse réintégration des rebelles dans l’armée régulière« . « En mettant la pression sur les groupes armés, certains risquent fort d’être tentés de déposer les armes en demandant à être rapidement réintégrés dans l’armée« , sans aucun processus d’identification et de formation, ouvrant ainsi la voie à de futures désertions.
Dernier risque soulevé par le responsable d’International Crisis Group : « les dommages collatéraux sur les populations civiles« . Un ancien expert militaire, connaisseur de la situation en RDC, confirme le risque pour les Kivus de passer d’une guerre « froide » de « basse intensité » à une guerre plus « chaude » et donc plus meurtrière que le conflit actuel. « Les civils seraient les première victimes de la reprise des combats, qui seraient plus violents« , conclut cet expert.
Enfin, le M23 présente l’arrivée de la brigade d’intervention comme « une déclaration de guerre de l’ONU » et annonce: « nous sommes convaincus que la confrontation militaire risque de provoquer une guerre régionale » et d’entraîner « dans une guerre inutile, l’Ouganda, le Rwanda, la Tanzanie et l’Afrique du Sud« .
Selon plusieurs observateurs, la solution définitive est donc politique et se trouve en partie à Kinshasa, qui doit changer de mode de gouvernance pour enfin asseoir son autorité, et à Kigali, qui est accusé de soutenir les rebelles du M23 et qui est encore en mesure de siffler la fin du match dans les Kivus.[8]
La stratégie belliciste du M23
D’une manière générale, le M23 (créé en juin 2012) n’a d’autre recours que la stratégie belliciste – appliquée depuis l’AFDL (1996) qui a donné naissance respectivement au RCD/Goma (1998), au CNDP avec le colonel Mutebusi en 2004 à Bukavu (Sud-Kivu) et avec le général Laurent Nkunda au Nord-Kivu à partir de fin 2006 – pour faire valoir ses revendications. Ainsi, chaque fois qu’il se sent en danger ou menacé, il s’exprime par la voie militaire comme moyen pour faire la politique et consolider son assise politico-militaire et financière à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Il s’agit d’une stratégie dictée par ses parrains rwandais.
On se souvient du vote le 15 novembre 1996 au Conseil de sécurité des Nations Unies de la résolution 1080 autorisant la mise sur pied d’une force multinationale temporaire de quelques 12.000 hommes sous le commandement canadien, pour assurer la protection des réfugiés dans l’Est du Zaïre et éviter la tension polarisante d’attaque des réfugiés Hutu par le FPR rwandais. Le Rwanda, sentant que cela allait déjouer ses plans d’attaque du Congo, avait devancé tout le monde en mettant au point un plan destiné à faire avorter l’intervention des forces de l’ONU. Le jour même du vote de cette résolution, l’APR et l’AFDL soumettaient à des bombardements intensifs l’immense camp des réfugiés de Mugunga – noyau de la capacité militaire des Ex-FAR et des interhamwe – dans l’intention de court-circuiter le plan de l’ONU. Cette intervention mit à mal la mise en application de la résolution 1080 en mettant l’ONU devant un fait accompli, en la mettant dans l’incapacité d’envoyer la force d’interposition. Ce fut la phase décisive de la guerre de 1996-1997 au Congo.
Ainsi, mutatis mutandis, il n’est pas exclu (ce n’est qu’une hypothèse et non une conviction) que le M23 n’use du même mode opératoire, lorsqu’il se sentira de plus en plus en danger ou aura la confirmation que la brigade d’intervention de la Monusco viendra l’éradiquer. Alors, il n’aura pas d’autre choix que celui de se renforcer militairement, en occupant éventuellement la ville de Goma (capitale du Nord-Kivu), pour placer les enchères très haut et ré-exiger le déploiement de la Brigade ou la révision de la mission de cette dernière. Ce serait une brigade internationale dont la mission ne serait plus de neutraliser ou de traquer le M23 présenté comme un groupe négatif, mais celle d’attaquer d’autres groupes et de s’interposer entre le M23 et le reste des FARDC et autres groupes. C’est une hypothèse plausible, d’autant que les pourparlers entre le gouvernement congolais et la rébellion du M23 à Kampala (Ouganda) tendent à accoucher d’une souris ou vers l’impasse. Or, dans la stratégie rwandaise de «Fighting and talking» clonée aussi par le M23, lorsque la négociation échoue, ce sont les armes qui reprennent le droit pour faire avancer autrement les choses.
En effet, une nouvelle alliance de dupes entre Kinshasa et le M23 n’est pas non plus à exclure, comme en mars 2009 avec le CNDP. C’est une hypothèse à ne pas écarter, compte tenu de la proximité du M23 avec le CNDP, qui reste encore un allié politique (jusqu’à preuve du contraire) de Kinshasa. Dans cette logique, la stratégie du M23 serait celle de laver le linge sale en famille, plutôt que par l’intervention des Nations Unies, parvenant à un accord avec le gouvernement qui rendrait caduque, ou présenterait moins opportune, la présence d’une brigade internationale.
D’autre part, la présence de la brigade d’intervention va provoquer à coup sûr un effet dissuasif qui aura tendance à réduire temporairement l’intensité de la violence. Elle va également provoquer un effet de déplacement des milices armées vers des zones qui ne se retrouvent pas dans le rayon d’action de la Brigade d’intervention comme en 2003 avec Artemis à Bunia. Mais à long terme, les milices pourront se reconstituer et réoccuper le terrain si rien n’est fait au niveau congolais, c’est-à-dire «former et équiper correctement les FARDC qui ne font pas l’objet d’embargo». En effet, l’embargo sur les armes en RDC ne touche uniquement que les groupes armées auxquels des officiers généraux FARDC – cités dans des rapports d’experts onusiens – vendent des armes et munitions destinées aux FARDC.[9]
Ce qu’il faut craindre est que le Rwanda et l’Ouganda, les principaux soutiens du M23, n’entrent dans la danse. Ce qui pourrait compliquer la donne aussi bien pour l’ONU que pour la RDC. La question qui reste pendante est celle de savoir si le Rwanda irait jusqu’au bout de sa logique, en apportant son soutien au M23 pour lutter contre la brigade onusienne.
En son temps, la Chine s’était interposée (pourtant membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies) face aux troupes des Nations Unies pendant la guerre de Corée des années 1950. Un analyste du site agoravox.fr présente un scenario qu’il faudrait craindre pour le cas de la RDC.
Il s’exprime en ces termes: «La déroute qui s’en est suivie (Ndlr: après l’intervention des troupes chinoises) obligea les forces sous mandat de l’ONU à rester «cantonnées» à hauteur du 38ème parallèle, devenu, depuis, la frontière des deux Corées, ce qui consacra la partition du pays». Et de poursuivre: «Un scénario comparable au Congo n’est pas à exclure. Si le M23, renforcé par les troupes rwandaises, parvient à mettre en déroute la brigade de l’ONU, la balkanisation du Congo deviendrait un fait. En effet, le Congo de Joseph Kabila n’a pas la capacité militaire de reprendre les territoires passés sous contrôle de combattants rwandais, encore moins si ces territoires sont arrachés aux mains des forces de l’ONU». La communauté internationale, qui n’a pas encore digéré l’humiliation de la prise de Goma, se laissera-t-elle faire?[10]
3. LES POURPARLERS DE KAMPALA
Le 16 avril, le ministre ougandais de la Défense et facilitateur des pourparlers entre le M23 et le gouvernement congolais, Crispus Kiyonga, devait exposer une synthèse débouchant sur sa proposition d’accord à signer entre les deux parties, mais rien n’a été fait. Cette hésitation illustre la difficulté de trouver un terrain commun entre Kinshasa et le M23. Chacun des deux protagonistes a fait ses propositions d’accord. Elles sont aux antipodes l’une de l’autre. Le gouvernement propose une dissolution immédiate du M23. Le M23 voudrait, au contraire, garder son contrôle sur les territoires occupés pendant cinq autres années, qui seraient consacrées à la lutte contre les autres groupes armés. C’est ainsi que le M23 se propose de faire le travail confié à la brigade spéciale d’intervention de la Monusco.[11]
Le M23 a proposé au gouvernement congolais un Projet d’accord en 25 articles.
Le M23 demande au gouvernement congolais:
– la création d’une structure spéciale chargée de la réconciliation nationale,
– la retenue à la source de 40% des recettes du trésor public et la création de 25 provinces, plus la ville de Kinshasa, dans le cadre de la mise en œuvre de la décentralisation,
– l’organisation, sans délai, des élections provinciales, urbaines, municipales et locales sur toute l’étendue de la République,
– la ratification, par le Parlement, du Pacte sur la Sécurité, la Stabilité et le Développement dans la Région des Grands Lacs signé à Nairobi le 15 Décembre 2006 et de l’Accord-cadre pour la Paix, la Sécurité et la Coopération pour la RDC et la Région des Grands Lacs, signé à Addis-Abeba le 24 février 2013,
– le renforcement de la coopération régionale et de l’intégration économique à travers l’adhésion du pays à la Communauté des pays d’Afrique de l’Est (East African Community).
– la gratuité de l’enseignement primaire, en vue de faciliter l’accès à l’éducation pour tous
– l’éclatement de l’actuelle Cour Suprême de Justice en trois ordres juridictionnels: la Cour Constitutionnelle, la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat, en vue de renforcer le système judiciaire congolais et de garantir l’indépendance de la magistrature
– la promulgation de la loi votée à l’Assemblée Nationale portant création d’une Commission Nationale des Droits de l’Homme, en vue de la promotion de la liberté et des droits fondamentaux.
Il pourrait s’agir-là d’un projet idéal de bonne gouvernance. En réalité, il s’agit d’une simple stratégie du M23 pour atteindre ses vrais objectifs.
À son profit, le M23 exige:
– la promulgation d’une loi d’amnistie pour faits de guerre et faits insurrectionnels couvrant la période allant du 07 Mai 2009 jusqu’à la fin de la mise en œuvre de l’Accord,
– l’intégration et la participation des cadres politiques du M23 à la gestion des institutions nationales: Gouvernement central, Diplomatie – Chancelleries, Entreprises publiques, Gouvernements provinciaux, Etat-Major Général, etc.
– la reconnaissance formelle des grades des militaires et policiers du M23 sur base d’un OB (Ordre de Bataille) présenté par le M23.
– la reconnaissance de tous les actes politiques et administratifs posés dans les entités sous administration du M23.
– la pénalisation des actes, paroles, attitudes et expressions, quelle qu’en soit la forme, qui véhiculent des pensées xénophobes, racistes, tribalistes et discriminatoires.
De sa part, le M23 s’engage à:
– se transformer en parti politique. Toutefois, il se réserve le droit de changer de dénomination,
– mener des opérations conjointes avec le Gouvernement de la RDC, afin de participer aux opérations de pacification et de stabilisation de la partie Est. Ces opérations devraient se dérouler sur une durée de cinq ans renouvelables et auront pour objectifs l’éradication définitive de toutes les forces négatives étrangères opérant à partir du territoire congolais (LRA, ADF-NALU, FNL, FDLR…). De ce fait, il y aura la composition et l’articulation des forces conjointes (FARDC-ARC) pour mener à bien lesdites opérations,
– déposer définitivement les armes et à démobiliser les membres de l’ARC qui ne souhaiteront pas intégrer les FARDC, dès lors que la partie Est de la RDC sera sécurisée, débarrassée de toutes les forces négatives étrangères et de tous les groupes armés nationaux et que, les déplacés internes et les réfugiés seront retournés, réinstallés et réinsérés dans leurs lieux d’origine,
– ne jamais recourir aux armes pour faire entendre les revendications de la population congolaise.
Les spécialistes, qui ont analysé ce document, arguent que le M23 a bétonné sa position pour la balkanisation du pays en l’article 5 de son projet qui stipule que, du fait des guerres récurrentes ayant entraîné la destruction des infrastructures et du tissu socio-économique, le Gouvernement s’engage à décréter la partie Est de la RDC (Nord-Kivu, Sud-Kivu, Ituri, Haut-Uele, Maniema et Tanganyika) comme étant une «Zone Sinistrée». A ce titre, la zone déclarée sinistrée devra jouir d’un statut administratif particulier, d’un plan de développement spécial, d’une large autonomie fiscale et financière, d’un concept opérationnel particulier pour sa sécurisation et d’un programme spécifique de sécurisation pour la concrétisation des différents accords régionaux, notamment le pacte de Nairobi et l’accord cadre de Addis Abeba. Le retour des réfugiés et des déplacés internes dans cette «Zone sinistrée» se fera conjointement et selon un calendrier établi par les parties signataires du présent Accord.[12]
Le 25 avril, le M23 a retiré sa délégation, présente aux pourparlers de Kampala. Les représentants du M23 laissent cependant la porte ouverte à une reprise éventuelle des négociations.
Une dizaine de responsables du mouvement rentrent à Bunagana, la ville frontalière entre la RDC et l’Ouganda qui sert de capitale politique au M23. Le plus urgent, au sein du M23, est de se mettre d’accord à l’intérieur du mouvement entre ceux qui veulent affronter la Brigade d’intervention des Nations unies qui se met en place à Goma, et ceux qui cherchent encore des solutions pour éviter cet affrontement. L’une de ces solutions serait justement un accord à Kampala. C’est la raison pour laquelle le M23 ne parle pas de rupture des négociations, mais simplement du «départ» de sa délégation. Pour preuve: deux personnes seulement resteront dans la capitale ougandaise, en tant qu’observateurs.[13]
4. LA RDC REFUSE DE SIGNER UN ACCORD SUR LE STATUT DES REFUGIÉS RWANDAIS
Le 18 avril, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) a organisé à Pretoria, une réunion ministérielle sur la stratégie globale relative aux solutions durables à la situation des réfugiés rwandais. Douze pays qui ont accueilli les réfugiés rwandais depuis 1959 jusqu’au 31 décembre 1998 étaient représentés par leurs ministres de l’intérieur ou leurs délégués. Il s’agit du Burundi, de la RDC, de la République du Congo, du Kenya, du Malawi, du Mozambique, du Rwanda, de la République sud-africaine, de l’Ouganda, de la Zambie et du Zimbabwe.
La question principale débattue dans cette réunion était de demander aux pays d’asile des réfugiés rwandais d’adhérer à la clause de cessation du statut des réfugiés rwandais.
Pour rappel, les clauses de cessation sont dictées dans la Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés et dans la Convention de l’Organisation de l’Unité Africaine de 1969 sur les réfugiés. Ces conventions prévoient la fin du statut de réfugié une fois que des changements fondamentaux et durables ont eu lieu dans le pays d’origine et les circonstances qui ont conduit à la fuite ont cessé d’exister.
Au cours de la première réunion ministérielle tenue à Genève le 09 décembre 2011, il avait été recommandé aux états de mettre en application ces clauses avant le 30 juin 2013.
Mme Séraphine Mukantabana, Ministre rwandaise en charge des catastrophes et des réfugiés, a tenté de démontrer que le Rwanda est un pays de paix totale, classé selon l’indice de développement humain parmi les meilleurs Etats d’Afrique et que, pour cela, ses compatriotes se trouvant encore comme réfugiés à l’étranger n’ont plus de raisons valables de continuer à jouir du statut de réfugiés.
Les réactions ne se sont pas fait attendre, quand les participants se sont interrogés sur les conditions réelles que rencontrent les populations rapatriées au Rwanda. Et les participants de se poser la question suivante: si le Rwanda constitue déjà un paradis et que ses réfugiés vivent en enfer, pourquoi ne veulent-ils pas quitter l’enfer pour rejoindre le paradis?
Selon le HCR, les gouvernements ont «réaffirmé unanimement leur engagement à résoudre cette situation prolongée des réfugiés rwandais, à travers principalement l’intensification des efforts à promouvoir le rapatriement» qui, jusqu’ici, est resté très restreint. Ils ont également convenu de suivre les opportunités d’intégration locale, notamment «en facilitant les réfugiés avec la possibilité d’obtenir des statuts alternatifs dans leurs pays d’asile comme la citoyenneté par naturalisation».
Certains Etats ont indiqué qu’ils étaient en mesure de mettre en application les clauses de cessation d’ici la fin du mois de juin 2013. D’autres, par contre, ont souligné que, pour diverses raisons, «ils ne sont pas en mesure de le faire ou ils ne pourront pas le faire».
La Ministre Mukantabana a soutenu que le gouvernement rwandais est prêt à accorder des passeports nationaux pour les Rwandais qui auront opté pour rester dans leur pays d’accueil actuel et qu’il respecterait le choix de ceux qui voudraient acquérir la nationalité du pays d’asile. Elle a, par ailleurs, poursuivi que l’invocation de la clause de cessation du statut de réfugié d’ici le 30 juin 2013, sera une occasion pour le Rwanda de considérer que, à partir de cette date, il n’y aura plus de réfugiés à l’extérieur du pays.
De sa part, le gouvernement Congolais a refusé de signer cet accord sur la clause de cessation de statut des réfugiés rwandais vivant sur son sol.
Le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, a affirmé: «Si on accède à cette clause de cessation, à un moment donné, le Rwanda peut à tout moment cesser de considérer comme ses ressortissants tous ces réfugiés rwandais qui se trouveraient encore sur le territoire congolais. Le Rwanda peut donc dire qu’ il n’y aurait plus de réfugiés rwandais en RDCongo et que tous ceux qui s’y retrouveraient seraient globalement pris d’office comme des Congolais, alors que la nationalité congolaise ne peut pas s’acquérir de manière collective».
La RDC a donc dit non à cette disposition du droit international, pour ne donner lieu à la présence sur son sol des apatrides ou des gens qui se considéreraient comme ayant acquis une nationalité congolaise de fait.
Le Ministre de l’intérieur, Richard Muyej a donc proposé trois étapes pour y arriver à savoir:
– organiser en urgence une réunion tripartite RDC-RWANDA-HCR en vue de l’évaluation et de la mise en oeuvre effective de l’accord tripartite signé à Kigali, le 17 février 2010 et ses modalités pratiques, signées à Goma le 30 juillet 2010;
– procéder, avec l’appui de la communauté internationale, à l’enregistrement de tous les réfugiés rwandais vivant en RDC;
– prononcer la clause de cessation après la mise en oeuvre de l’accord tripartite et de ses modalités pratiques en vue de permettre à tous les réfugiés de rentrer dans la dignité et la sécurité dans leur pays d’origine.
Pour le Ministre congolais de l’intérieur, il y a encore une forte présence des réfugiés sur le territoire congolais. Les statistiques provisoires du gouvernement congolais démontrent qu’à Kinshasa, il y a 67 réfugiés rwandais, au Katanga, 598 réfugiés, au Kasaï Oriental, 1584 réfugiés, à l’Equateur, 287 réfugiés, au Nord Kivu, 106.013 réfugiés et au Sud Kivu, 18.988 réfugiés rwandais; soit un total de 127.537 réfugiés rwandais encore présents en RDC. Selon le HCR, les réfugiés rwandais en RDCongo seraient seulement 49.181, mais il faut souligner que le HCR comptabilise, généralement, ceux qui sont enregistrés dans les listes des camps des réfugiés, mais qu’il y en a beaucoup d’autres qui se sont intégrés parmi la population autochtone. De sa part, le HCR dit avoir rapatrié en 2012 sept mille neuf cent refugiés rwandais et plus de mille depuis janvier 2013.[14]
[1] Cf Radio Okapi, 17.04.’13
[2] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 18.04.’13
[3] Cf Radio Okapi, 19.04.’13
[4] Cf Radio Okapi, 12.04.’13
[5] Cf Radio Okapi, 16.04.’13
[6] Cf Radio Okapi, 17.04.’13
[7] Cf Radio Okapi, 25.04.’13
[8] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 29.04.’13
[9] Cf Jean-Jacques Wondo – Le Potentiel – Kinshasa, 16.04.’13 http://www.lepotentielonline.com/110-online-depeches/7034-le-m23-n-a-d-autre-recours-que-la-strategie-belliciste
[10] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 18.04.’13
[11] Cf RFI, 17.04.’13
[12] Cf Willy Kilapi – L’Observateur – Kinshasa, 22.04.’13 (via mediacongo.net):
[13] Cf RFI, 25.04.’13
[14] Cf Stanislas Ntambwe – Le Potentiel – Kinshasa, 24.04.’13; Le Phare – Kinshasa, 22.04.’13; Radio Okapi, 22.04.’13