Congo Actualté n. 171 – Editorial par Reseau Paix pour le Congo
Reprise du dialogue entre le Gouvernement et le M23 à Kampala.
Commencé à Kampala (Ouganda) le 9 décembre et suspendu le 21 décembre, officiellement à cause des festivités de fin année, le dialogue entre le Mouvement du 23 Mars (M23) et le gouvernement congolais devait reprendre le 4 janvier. Il s’agit d’un dialogue qui n’a aucun sens car, malgré le bilan négatif de la gestion de l’État par le gouvernement, rien ne justifie le recours à la force comme moyen pour imposer ses revendications. Ce dialogue risque de tomber, encore une fois, dans les erreurs du passé: une redistribution du pouvoir entre les deux parties et une nouvelle réintégration des criminels de guerre dans l’armée congolaise.
Invitée en qualité d’observatrice et de témoin, l’opposition politique n’a pas accepté d’y participer et, comme alternative, elle propose un dialogue inter-congolais au niveau national, avec la participation du gouvernement, de l’opposition, de la société civile et du même M23, afin de répondre aux questions fondamentales de la crise: la crise de légitimité au sommet des institutions de l’État, suite aux élections bâclées de novembre 2011 et l’insécurité dans l’est du Pays, suite à la guerre du M23. À propos de ce dialogue, il faut éviter le risque de renforcer la thèse selon laquelle la guerre du M23 est une affaire purement interne au Congo, en oubliant que l’on est en présence d’une véritable guerre d’invasion et d’agression menée par les régimes du Rwanda et de l’Ouganda qui , au service des multinationales et des grandes puissances occidentales (les États-Unis et le Royaume-Uni, en particulier), soutiennent le M23 en armes, munitions, soldats et logistique.
Les questions clés.
- Après les élections présidentielles et législatives de novembre 2011, marquée par de nombreuses irrégularités et la fraude électorale, le Pays connaît une profonde crise de légitimité de ses Institutions.
- La principale cause des différentes rébellions et de l’existence de nombreux groupes armés dans l’est du Pays est liée à l’exploitation illégale et à la contrebande des minéraux. L’objectif de la guerre est le contrôle sur les sites miniers.
- Une des principales causes de l’instabilité dans l’est du Pays est l’ingérence politique, économique et militaire de certains pays voisins, en particulier le Rwanda et l’Ouganda, qui sont devenus des Pays exportateurs de minerais produits en RDCongo.
- L’armée congolaise, mal payées et mal équipées, est un conglomérat d’ex-combattants issus de groupes armés et incapable d’assurer la sécurité de la population et de défendre la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale du Pays. La Police nationale aussi se trouve dans les mêmes conditions.
- À quelques exceptions près, la classe politique et les dirigeants du Pays pratiquent la corruption et poursuivent leurs intérêts personnels. La justice du pays est corrompue, elle est au service du pouvoir et du plus fort et, par conséquent, elle est incapable de lutter contre l’impunité et de garantir le droit.
Quelques propositions.
a. Pour surmonter la crise de légitimité des actuelles Institutions de l’État, la voie la plus efficace et la plus durable est celle d’élections véritablement libres et transparentes sur la base d’un recensement général de la population congolaise. Une loi sur la restructuration de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a déjà été approuvée par le Parlement et devrait être promulguée, dès que possible, par le Président de la République. La nouvelle Ceni pourra redonner au Peuple ce qui lui appartient: le droit de choisir ses représentants pour diriger le Pays.
b. Pour assurer la sécurité de la population, la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale, il est extrêmement urgent de procéder à la réforme des services de sécurité (l’armée nationale, la police et les services des renseignements). À cet égard, le Parlement a déjà approuvé plusieurs lois, dont beaucoup ont été déjà promulguées par le Chef de l’Etat. Il faut passer vite à l’étape de leur application, afin d’avoir une armée purgée des éléments infiltrés, impliqués dans la contrebande de minéraux ou au service d’un seul groupe ethnique et de pays tiers. Il s’agit de nommer de nouveaux officiers aux différents postes de commandement, capable de mettre fin aux chaînes de commandement parallèles et au détournement des salaires des militaires et de fournir une logistique adéquate pour éliminer les différents groupes armés, nationaux et étrangers, opérant dans l’est du Pays et pour prévenir des agressions du territoire congolais par des armées étrangères.
c. Afin d’assurer le respect de la loi et des droits de l’homme et le bon fonctionnement des Institutions de l’État, il faut procéder à la réforme de la justice, y compris celle militaire. De cette manière, l’on pourra mettre fin à la culture de l’impunité qui permet la perpétuation de la corruption et de la criminalité.
d. Un engagement sérieux de la part du gouvernement congolais vis-à-vis de la démocratie, de la sécurité et de la justice, le fera plus crédible aux yeux de la communauté internationale et, par conséquent, plus fiable sur le plan diplomatique. Cela lui permettra d’être mieux compris sur la scène internationale, d’influencer plus efficacement les institutions internationales telles que l’ONU, l’UE et l’UA et de se montrer plus sûr et fort vis-à-vis des pays voisins, le Rwanda et l’Ouganda en particulier, qui continuent à menacer la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale du Pays.
Personne ne rend libres les autres, l’on se libère ensemble.
Paulo Freire, éducateur brésilien, disait que personne ne peut libérer les autres: nous nous libérons ensemble. Il y a un chemin que le peuple congolais doit parcourir lui-même s’il veut changer sa situation. Face à l’inefficacité des acteurs internationaux, nous ne pouvons que le soutenir et nous demander quels sont les obstacles que nous avons mis sur son chemin. Et ces obstacles sont nombreux: le commerce des armes, l’exploitation illégale des minerais et les visées géopolitiques qui nous emmènent encore à décider du sort des peuples avec une arrogance coloniale qui n’est jamais disparue. Nous pouvons nous mettre au travail pour les supprimer.