Congo Actualité n. 163

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: Après le sommet de la Francophonie

1. LE XIV° SOMMET DE LA FRANCOPHONIE À KINSHASA

a. Avant le sommet

b. Pendant le sommet

c. Les conclusions du sommet

d. Premières évaluations

e. L’UDPS et le sommet

2. UN PROJET DE LOI SUR LA REFORME DE LA COMMISSION ELECTORALE

 

EDITORIAL: Après le sommet de la Francophonie 

1. LE XIV° SOMMET DE LA FRANCOPHONIE À KINSHASA

a. Avant le sommet

Le 9 octobre, lors d’une conférence de presse à Paris avec le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, le président français François Hollande a déclaré que «la situation dans la RDCongo est tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie et de la reconnaissance de l’opposition». François Hollande a aussi condamné l’agression dont le pays est victime dans sa partie Est: «L’autre préoccupation est l’agression dont ce pays est l’objet, venant de l’extérieur, sur ses frontières, et notamment au Kivu».

Ce durcissement des positions de la France intervient alors que, durant l’été, une grande partie de l’opposition congolaise et plusieurs associations avaient demandé à François Hollande de ne pas se rendre à Kinshasa, pour ne pas cautionner un «régime illégitime en matière de démocratie et de respect des droits de l’homme». Le président français a finalement décidé d’y aller, mais en promettant d’y rencontrer «l’opposition politique, les militants associatifs, la société civile» et de «tout dire, partout». A travers le sommet de la Francophonie qui se tient à Kinshasa, François Hollande déclare qu’il y voit aussi l’occasion de dire aux Africains que la langue française leur appartient mais qu’elle suppose aussi des valeurs, des principes parmi lesquels il y a la démocratie, (…) la bonne gouvernance et la lutte contre toutes les corruptions.[1]

Le 11 octobre, lors d’un entretien exclusif accordé à FRANCE 24, RFI, et TV5, le président François Hollande a déclaré: «Je vais à Kinshasa parce que d’abord c’est l’Afrique. Je vais à Kinshasa parce que c’est un grand pays, la RDCongo, et c’est un pays qui est agressé à ses frontières. Je vais comme président de la République aussi, pour dire ce que j’ai déjà prononcé à l’Assemblée générale des Nations Unies: je n’accepte pas que les frontières de ce grand pays puissent être mises en cause par des agressions venant de l’extérieur. Ensuite, je vais à Kinshasa pour tenir le discours de la franchise, de la transparence et du respect».

Au sujet des élections présidentielles et législatives organisées en RDCongo en novembre 2011, François Hollande a reconnu que «elles n’ont pas été regardées comme étant complètement satisfaisantes. Mais il y a aussi des progrès qui viennent d’être accomplis; je les souligne: une commission pour les élections, une commission pour les droits de l’Homme. Je veux donc qu’il y ait des progrès en matière de démocratie».

Le président français a confirmé son entrevue avec Etienne Tshisekedi, le président du principal parti de l’opposition congolaise: «J’ai souhaité aussi avoir un entretien avec l’opposition, le principal parti, j’allais dire le principal opposant historique. Je le verrai, j’en verrai d’autres, les organisations non gouvernementales, non pas pour m’ingérer, je ne suis pas là pour être l’arbitre, le juge, ce n’est pas ce que l’on demande à la France et ce n’est pas ce que la France veut faire. C’est un message envoyé à tous les chefs d’Etat africains. Je suis conscient, lorsqu’ils ont été élus par un processus démocratique, qu’ils représentent pleinement leur pays. Quand ils n’ont pas été élus par cette procédure, je fais en sorte d’avoir de bonnes relations d’Etat à Etat, mais je reconnais aussi les opposants dès lors qu’ils s’inscrivent dans la démocratie, qu’ils veulent concourir, sans violence, à ce que ce soit les urnes qui décident en Afrique comme partout ailleurs».

François Hollande a également promis de s’entretenir avec le président congolais Joseph Kabila au sujet du procès de l’assassinat du défenseur des droits de l’homme Floribert Chebeya: «Je sais qu’il y a ce procès qui est attendu parce que c’est un militant des droits de l’homme qui a été assassiné et que sa famille, ses proches, ses amis demandent justice».[2]

b. Pendant le sommet

Le 13 octobre, le président français François Hollande est arrivé à Kinshasa pour participer au 14e sommet de la Francophonie. Il a été accueilli à l’aéroport par le Premier ministre congolais, Augustin Matata Mponyo.

Le président français François Hollande a eu d’abord un entretien « franc et direct » d’une trentaine de minutes, comme rapporté de source française,  avec le président congolais Joseph Kabila qui, lui a donné «des arguments pour dire que la situation congolaise évoluait». Dans la perspective des futures élections provinciales et locales, François Hollande a estimé que la réforme attendue de la Commission électorale (Céni) tout comme la création d’une commission des droits de l’homme adresseraient des « signaux positifs » au peule congolais et à la communauté internationale. Après l’entretient, il a déclaré à la presse qu’il est «conscient qu’il y a une agression qui aujourd’hui frappe la RDCongo et qu’elle ne peut pas être acceptée par la communauté internationale». Il a enfin souligné que «pour ce qui est de la démocratie, la France porte des valeurs et des principes. S’il y a eu des progrès ces derniers jours, encore trop timides, il y a un processus et je souhaite qu’il soit conduit jusqu’à son terme».[3]

Avant d’assister à la cérémonie d’ouverture du sommet de la francophonie, le président français, François Hollande a reçu des activistes de droits de l’homme. Il s’agit de:

· Fernandez Murhola du Réseau national des droits de l’Homme au Congo (Renadhoc)

· Tshivis Tshivuadi de Journaliste en danger (Jed)

· Doly Ibefo de la Voix des Sans Voix (VSV)

· Liévin Ngonji de l’Ong contre la peine de mort

· Jérôme Bonso de la Ligue nationale des élections libres et transparentes (Linelit)

Ces activistes des droits de l’homme ont évoqué la détention irrégulière des journalistes, le regain de l’insécurité dans l’Est du pays, la nécessité de la réforme de la commission électorale nationale indépendante (Ceni) ainsi que le manque de transparence dans le procès Chebeya.

«On a parlé de l’agression dont notre pays est victime de la part du Rwanda. Nous avons demandé au président français de condamner sans ambages cette agression par ce qu’elle est devenue chronique et inacceptable. Nous avons parlé des violences faites aux femmes, des violations de la liberté de la presse et du déficit démocratique», affirme le secrétaire exécutif du Renadhoc, Fernandez Murhola.

A l’issue de cet entretien, François Hollande a déclaré que «La francophonie, ce n’est pas seulement la langue française: parler le français, c’est aussi parler les droits de l’homme, parce que les droits de l’homme ont été écrits en français». François Hollande a demandé la libération des journalistes emprisonnés et que tout soit fait pour retrouver les responsables de la mort de Floribert Chebeya.[4]

François Hollande s’est ensuite entretenu avec des membres de l’opposition dont:

· Vital Kamerhe de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC)

· Jean-Lucien Busa du Mouvement pour la Libération du Congo (MLC)

· Anatole Matusila de l’Alliance des Batisseurs du Congo (Abaco)

· Eve Bazaiba du Mouvement pour la Libération du Congo (MLC)

· Samy Badibanga de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) ;

· Martin Fayulu de l’Engagement Citoyen pour le Développement (Ecide).

Ces derniers ont à leur tour plaidé pour l’implication de François Hollande afin que cesse la guerre dans l’est de la RDCongo.

«Nous lui avons dit qu’il y a la déliquescence de l’Etat dans notre pays. Il y a un leadership irresponsable à la tête de l’Etat. L’Est du Congo est livré à une guerre meurtrière avec 8 000 000 de morts, 2 200 000 déplacés internes et externes et 45 000 femmes violées. La France, en tant que membre permanent du conseil de sécurité, doit peser de tout son poids pour faire arrêter cette guerre», a expliqué Vital Kamhere.

Les opposants ont également fait état de la crise de légitimité qui caractérise le pouvoir en place, évoquant notamment le manque de dialogue entre le pouvoir et eux et les détentions illégales de certains de leurs collègues.

«Il y a la crise de légitimité née des élections mal organisées, ça a laissé des dégâts collatéraux que nous devons résoudre autour d’une table pour la suite du processus électoral parce que nous n’entendons plus nous faire dribler pour la deuxième fois», a déclaré Vital Kamerhe.

«La démocratie, ce n’est pas une leçon. La démocratie, c’est un droit et, pour ceux qui sont à la tête des Etats, un devoir», a déclaré François Hollande.[5]

Parmi les préoccupations posées au président français, l’Opposition congolaise relève ce qu’elle considère comme «faillite de l’Etat et déficit de la démocratie», et «la crise de légitimité après les élections présidentielle et législatives du 28 novembre 2011». Les opposants congolais demandent l’aide du président français pour obtenir un dialogue franc et inclusif, en vue de résoudre les problèmes majeurs touchant à la vie de la nation, d’une part. Et d’autre part, le soutien de la France en sa qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité, pour que toutes les solutions préconisées au niveau des Nations Unies et les autres instances internationales soient appliquées rapidement pour le rétablissement de la paix dans l’Est de la RDCongo.[6]

Dans le discours d’ouverture du sommet, le président de la RDCongo, Joseph Kabila, a présenté le conflit dans l’Est de son pays comme «une guerre injuste imposée par des forces négatives à la solde d’intérêts extérieurs». «Pendant que notre peuple se dépense sans compter pour l’amélioration de ses conditions de vie, des forces négatives à la solde d’intérêts extérieurs ont depuis quelques mois entrepris de destabiliser notre pays dans la province du Nord-Kivu (est)», a-t-il affirmé, sans toutefois citer le Rwanda, accusé par l’ONU et Kinshasa de soutenir une rébellion dans l’Est. «Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants perdent leurs vies ou sont en errance dans les montagnes du Kivu. Bien d’autres sont forcés de vivre dans des conditions qui ne peuvent qu’interpeller la conscience humaine», a affirmé Joseph Kabila qui a assuré que des initiatives et actions sont en cours pour mettre fin à la guerre dans l’Est de la RDCongo et que toutes les options, politique, diplomatique, et militaire, sont mises sur la table dans ce but.[7]

Dans son allocution au sommet, le président français François Hollande a fait de la démocratie et des droits de l’Homme deux « priorités » de la francophonie.

Le président français a affirmé, dès le début de son allocution, que son désir de se rendre personnellement à Kinshasa avait été motivé par son souhait de «témoigner du soutien de la France au peuple congolais qui aspire, comme chaque peuple, à la paix, à la sécurité et à la démocratie».

Il a ensuite proposé que les Etats francophones contribuent au règlement des crises «chaque fois qu’ils sont concernés et notamment ici en Afrique, ici à Kinshasa». Il s’est exprimé dans ces termes:

«Je pense aux populations des Kivus victimes des conflits à répétitions. Je pense à ces populations civiles massacrées. A ces femmes violentées. A ces enfants enrôlés. Oui, nous devons réaffirmer que les frontières de la RDCongo sont intangibles et qu’elles doivent être respectées. Je souhaite que les Francophones appuient tous les efforts de l’ONU pour qu’elle soit davantage présente ici en RDCongo pour la sécurité de l’est. Je suis favorable pour que le mandat de la Monusco puisse être précisé et élargit si possible».

Selon le président François Hollande, une autre priorité, c’est la démocratie et le respect des droits de l’homme: «La Francophonie doit porter la démocratie, les droits de l’homme, le pluralisme, le respect de la liberté d’expression. L’affirmation que tout être humain doit choisir ses dirigeants. Voilà le principe que les Francophones doivent porter».

Le président français propose de multiplier les échanges dans l’espace francophone entre les jeunes, les étudiants, les artistes et les chercheurs. «Il y a trop d’obstacles sur la route de ceux qui veulent montrer leurs talents, apporter leurs contributions, venir étudier, chercher. La France a fait des efforts pour améliorer cette situation à travers des visas de circulation désormais valables sur plusieurs années. Mais il y a encore trop de freins », a-t-il affirmé. Pour lui, les étudiants francophones devraient circuler plus facilement et les artistes francophones se rendre partout.

Autre priorité pour François Hollande: faire de la Francophonie un outil au service du développement, dont, en primauté, la préservation de la planète. «Le développement c’est aussi la lutte contre le réchauffement climatique dont vous n’êtes pas responsables, mais qui vous touche à travers un certain nombre de catastrophes qui vous touchent sur votre continent », a-t-il déclaré. Il a promis de plaider pour la création d’une organisation mondiale de l’environnement dont le siège se trouverait en Afrique. François Hollande a encouragé la promotion des femmes qui, selon lui, sont les premières victimes des violences et des guerres et il a affirmé que «La France est prête à accueillir un premier forum des femmes francophones pour que nous puissions porter ce message au monde du rôle irremplaçable des femmes pour le développement».[8]

Dans l’après midi, à l’Institut français de Kinshasa, en inaugurant une médiathèque baptisée du nom de Floribert Chebeya, un congolais militant des droits de l’Homme assassiné en 2010, le président François Hollande a critiqué très directement la situation des droits de l’Homme en RDCongo qui revêt encore des « réalités inacceptables » et il a déclaré: «Dans ce Pays, nous sommes dans une démocratie où le processus n’a pas été encore complet, c’est le moins que l’on puisse dire. La bataille pour les droits de l’homme demeure encore ouverte».[9]

Au cours d’une conférence de presse, le président François Hollande a plaidé pour que la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) soit composée de façon «équilibrée». Il s’est aussi engagé à rester vigilant et exigeant sur la situation de droits de l’homme en RDCongo et sur la reforme de la CENI, même après le sommet de la francophonie. «Nous avons fait un certain nombre de demandes aux autorités pour que la Ceni soit composée de manière équilibrée et qu’elle aboutisse à un mode de scrutin qui soit accepté par tous. La Commission des droits de l’Homme doit aussi être réunie», a déclaré François Hollande.

Le président français s’est aussi dit préoccupé par des violences qui se produisent à l’Est de la RDCongo, des attaques graves à son intégrité territoriale et des viols sur les femmes et il a affirmé: «Nous devons tous soutenir le peuple congolais. D’où la position que j’ai prise au nom de la France de renforcer la mission de l’ONU en RDC et de la mobiliser. Dix-sept mille hommes sont aujourd’hui sur place mais la mission doit être précisée et élargie si nécessaire pour que la population civile soit sécurisée».[10]

Dans la soirée, François Hollande s’est entretenu avec Etienne Tshisekedi, le principal opposant au régime de Joseph Kabila. À la sortie de cet entretien, Etienne Tshisekedi, s’est déclaré « très satisfait« . «Nous avons tous les deux mis la croix sur le passé et nous avons envisagé l’avenir», a-t-il déclaré. Encore une fois, il a indiqué qu’il se considérait comme le président élu de la RDCongo et qu’il n’était pas allé chercher la légitimité auprès du président Français. Toutefois, M. Tshisekedi n’a pas évoqué ce dossier avec M. Hollande: «Il n’y a que les Congolais qui ont élu Tshisekedi et qui savent qu’ils ont élu Tshisekedi, les autres n’ont pas de preuves, par conséquent il ne faut pas les embêter». Le chef de l’UDPS espère toujours que le président Joseph Kabila sera renversé. Mais «je ne veux pas donner de date, je vous dis sous peu», a insisté l’opposant historique de 79 ans. Sur un autre chapitre, le leader de l’UDPS a évoqué la nécessité de «créer» une armée qui, selon lui, n’a jamais existé depuis l’indépendance de la RDCongo.[11]

c. Les conclusions du sommet

Le 14 octobre, le XIVe sommet de la Francophonie s’est clôturé à Kinshasa. Dans une résolution – non contraignante – sur la situation en RDCongo, les chefs d’Etat et de gouvernement des pays francophones ont «condamné les violations massives des droits de l’homme et du droit humanitaire commises dans l’Est de la RDCongo: meurtres de civils, déplacement de populations, recrutement d’enfants soldats et violences sexuelles». Ils affirment tenir les dirigeants des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), du Mouvement du 23 mars (M23) et de tous les autres groupes armés pour responsables de ces violations massives des droits de l’homme, exigeant de ces mouvements qu’ils «déposent les armes et mettent fin immédiatement à ces exactions et à toute forme de violence».

L’organisation a «demandé au Conseil de Sécurité des Nations Unies d’adopter des sanctions ciblées contre tous les responsables des exactions commises à l’Est de la RDCongo», en pointant aussi bien la responsabilité des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) que du Mouvement du 23 Mars (M23).

Cette résolution a été adoptée à l’unanimité, malgré la « réserve » exprimée sur ce point par le Rwanda, représenté au sommet par la ministre des Affaires Etrangères Louise Mushikiwabo, qui a également rejeté l’appel à «poursuivre en justice les auteurs des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis à l’Est de la RDCongo». Nombre d’observateurs ont interprété la réserve du Rwanda comme un aveu implicite de culpabilité.

Dans leur résolution, les chefs d’Etat et de gouvernement ont également affirmé leur «soutien à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et à l’indépendance politique de la RDCongo et des tous les Etats de la région».

Les chefs d’Etat et de gouvernement de la Francophonie soutiennent par ailleurs «les actions que mènent les pays de la région des Grands Lacs dans le cadre des rencontres successives de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs visant à trouver une issue à la situation sécuritaire dans la région».

Le gouvernement rwandais a toujours nié apporter son soutien au M23, estimant que la crise actuelle dans le Kivu est une affaire interne à la RDCongo, mais un rapport de l’ONU a récemment confirmé le soutien accordé par des responsables militaires rwandais aux rebelles du M23.[12]

d. Premières évaluations

Le sommet de la Francophonie en RDCongo appartient désormais au passé. Il est temps maintenant de faire un premier bilan.

Selon Isidore Kwandja Ngembo, analyste des politiques publiques et ancien conseiller à la direction Afrique centrale au ministère des affaires étrangères et commerce international du Canada, il y a eu certainement des retombées aussi bien positives que négatives pour le gouvernement en place, pour l’opposition politique et pour la société civile congolaise.

En dépit de toutes les critiques qui ont émaillées sa tenue en RDCongo, le XIVe sommet de la Francophonie à Kinshasa a permis au peuple congolais, aux peuples francophones et au monde entier d’en savoir un peu plus sur la santé démocratique en RDCongo, notamment sur les questions liées aux droits de la personne, à la bonne gouvernance, à l’État de droit et au conflit qui sévit à l’Est du Pays.

Le gouvernement congolais peut maintenant faire un ouf de soulagement que tout ce soit passé sans qu’il y ait eu un incident majeur qui vienne perturber ce sommet.

Le gouvernement congolais peut également se dire satisfait, car le sommet a bel et bien eu lieu à Kinshasa, malgré les critiques acerbes dont il a fait l’objet pour son déficit démocratique, pour son non-respect des droits de la personne et les pressions faites par la diaspora congolaise contre la tenue du sommet en RDCongo, à cause de la fraude électorale perpétrée en novembre 2011

Si l’objectif du gouvernement pour la tenue du sommet de la Francophonie en RDCongo, était pour obtenir le soutien de la communauté francophone contre les agresseurs qui endeuillent le pays depuis une dizaine d’années, il aurait atteint son objectif. En effet, les dirigeants francophones ont adopté une résolution appelant le Conseil de Sécurité des Nations-Unies à adopter des sanctions ciblées contre tous les responsables des exactions commises dans l’est de la RDCongo.

Si, par ce sommet, le gouvernement voulait chercher à l’extérieur une légitimation politique et redorer l’image de son pays ternie après les élections chaotiques et frauduleuses de novembre 2011, le pouvoir en place a non seulement raté sa cible, mais il a été vivement critiqué par plusieurs participants pour son sombre bilan sur les questions des droits de la personne, de la liberté d’expression et de manifestation, du déficit démocratique, de la bonne gouvernance et de la fraude électorale.

L’opposition politique congolaise, qui s’était montrée réticente à la tenue de ce sommet à Kinshasa, car il risquait de légitimer le pouvoir en place, à qui elle conteste la légitimité, suite à une élection mal organisée par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) dirigée par le pasteur Ngoyi Mulunda, malgré son échec de n’avoir pas réussi à convaincre l’Organisation Internationale de la Francophonie à délocaliser le sommet, a quand même obtenu des dividendes politiques majeurs. Le fait que certains chefs États et de gouvernements aient critiqué ouvertement le gouvernement pour son sombre bilan sur le respect des droits de la personne, le respect de la liberté d’expression et le déficit démocratique et que les médias du monde entier en aient parlé, cela est à l’avantage de l’opposition politique.

La société civile congolaise a eu l’occasion de rencontrer les dirigeants francophones et de leur faire connaître la souffrance qu’endure son peuple depuis des années. Cette société civile qui travaille dans des conditions très difficiles, avec des maigres moyens, au risque de leur propre vie pour protéger celle des autres, pourra certainement obtenir des dividendes, ne serait-ce que par le soutien moral, matériel voir même financier à l’issu de ce sommet et ses cris de détresse seront entendus chaque fois qu’elle sera malmenée par le gouvernement.[13]

Pour Thierry Vircoulon, responsable du département pour l’Afrique centrale d’International Crisis Group (ICG), outre la libération « surprise » de Diomi Ndongala, un opposant détenu au secret depuis 4 mois et « mystérieusement » relâché 24 heures avec le Sommet, la visite de François Hollande a été porteuse de 3 bonnes nouvelles. La première est que le président français « a brisé le consensus du silence des Occidentaux sur le régime congolais« . Selon ce chercheur, François Hollande a été «clair et sans ambiguïté, contrairement à d’autres diplomates européens qui, jusqu’à présent, se contentaient de dire tout bas ce que les Congolais de la rue disent tout haut». Deuxième bon point pour le président français: l’accent mis sur « la nécessité du soutien à la société civile qui est fondamentale pour la démocratisation de la RDC« . Et enfin, toujours d’après Thierry Vircoulon, François Hollande « a été moteur pour l’adoption de la recommandation de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) concernant l’adoption de sanctions par l’ONU à l’encontre de tous ceux qui soutiennent des groupes armés dans l’Est de la RDCongo« .[14]

Selon Thierry Vircoulon, le sommet n’aura « pas conforté » le régime congolais, comme le craignait l’opposition. Le président français a donné le ton en faisant ce qu’il avait dit qu’il ferait: mettre l’accent sur le déficit de démocratie et des droits de l’homme. En effet, «la question de la démocratie et des droits de l’homme s’est retrouvée au centre du sommet».

Pour Jean-Claude Katende, président de l’Association africaine des droits de l’homme (Asadho), «le président Joseph Kabila ne sort pas renforcé de ce sommet, au contraire celui qui sort renforcé c’est le peuple congolais, parce que ses problèmes ont été posés, et que tous les intervenants ont évoqué le conflit dans l’Est en condamnant l’agression extérieure de la RDCongo par le Rwanda, même si ce pays n’a pas été nommé».

Au sein de l’ONG La voix des sans voix, fondée par le militant assassiné Floribert Chebeya, Rostin Manketa adoptait un ton mesuré: «C’est vrai qu’il y a eu une bonne organisation du sommet. Mais nous attendons toujours du gouvernement congolais des réponses concrètes sur le respect des droits de l’homme, et notamment la vérité sur l’assassinat de Floribert», le procès en appel de l’affaire ayant été renvoyé au 23 octobre.

Pour M. Manketa, cependant, «le gouvernement congolais a tiré des dividendes de ce sommet par le soutien que les Etats ont promis à la RDCongo, par rapport au conflit à l’Est. Mais aussi par la position du président français en faveur d’un élargissement du mandat de la Monusco (mission des Nations Unies pour la Stabilisation de la RDCongo) qui, jusqu’à présent, n’a pu agir efficacement pour mettre hors d’état de nuire les groupes armés».[15]

Selon plusieurs observateurs, la présence des décideurs de l’espace francophone dans la capitale congolaise suscitait beaucoup d’espoirs de clarification des dossiers tels que ceux de la guerre de l’Est, de la recherche de la vérité des urnes, du procès des assassins de Floribert Chebeya et Bazana, de la cohabitation Pouvoir-Opposition, du respect des droits de l’homme, etc. Toutefois, quant aux problèmes sécuritaires, politiques, économiques et autres qui préoccupent les Congolais au quotidien, ils demeurent en l’état.

Guerre de l’Est: agression de l’exterieur ou contentieux congolo-congolais?

S’agissant de la guerre de l’Est, pour laquelle nos compatriotes attendaient un signal fort de la part des Francophones du monde entier, elle a été, comme à Addis-Abeba, Kampala et New York, couverte d’un nouveau chapelet de bonnes intentions.

La résolution condamnant les groupes armés a été recalée, à la suite du veto du Rwanda. Bref, le régime de Kigali s’en est tiré sans la moindre condamnation ni mise en garde. Pourtant les discours officiels entendus au Palais du Peuple au sujet du retour de la paix et du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDCongo donnaient à croire que la Francophonie allait franchir la barrière des résolutions et recommandations pour s’attaquer à la racine du mal, à savoir l’agresseur rwandais caché derrière le masque du M23.

Comme l’ont souligné nombre de politiciens et d’observateurs, la Francophonie semble avoir rejoint les Nations Unies et l’Union Africaine, qui font croire aux Congolais qu’une riposte serait en préparation contre les perturbateurs de la paix au Nord Kivu, alors qu’en réalité c’est la thèse rwandaise du conflit congolo-congolais qui tient la route. La ministre rwandaise des Affaires Etrangères, Louise Mushikwabo, présente à Kinshasa, n’a pas mâché ses mots: le Rwanda

n’est pour rien dans une crise entre Congolais et dont la solution est à chercher dans le dialogue entre le M23 et le gouvernement de Kinshasa. Elle a réitéré la conviction de son pays que l’option militaire (Force Internationale Neutre, Monusco, FARDC) ne réglerait rien. Aucun chef d’Etat ni de gouvernement ne s’est engagé pour mettre fin à la guerre de l’Est. Il appartient aux officiels congolais de tirer les leçons de la «Déclaration » et des «Résolutions» de Kinshasa, complètement muettes sur l’appui du Rwanda au M 23, FDLR et d’autres groupes armés présents au Nord et Sud-Kivu, tels que soulignés dans les rapports des experts des Nations Unies en juin dernier.

Vérité des urnes, Chebeya: une page tournée ?

L’une des principales revendications formulées par l’Opposition congolaise à François Hollande s’articulait autour du retour à la vérité des urnes. Tout en soulignant le déficit de démocratie en RDCongo, le président français a donné l’impression de ne pas vouloir remettre en cause l’ordre institutionnel en place. Dans son entendement, les Africains doivent pouvoir se choisir leurs

dirigeants en toute liberté. Son vœu le plus cher est que cela se passe dans le respect des règles démocratiques. En tout cas, il va s’en tenir aux relations d’Etat à Etat.

Pour ce qui est du procès des assassins de Chebeya, la transparence tant réclamée parait difficile à obtenir, dès lors que celui que les parties civiles considèrent comme le principal suspect est maintenu hors cause par la Haute Cour Militaire.

Un humoriste a eu raison d’affirmer que malgré les flèches empoisonnées décochées par François Hollande en direction du pouvoir en place à Kinshasa à la veille du 14ème Sommet de la Francophonie, le ciel n’est pas tombé sur les gouvernants de la RDCongo. Ainsi, la page de la vérité des urnes et de l’affaire Chebeya peut être tournée, sans dégâts majeurs.[16]

e. L’UDPS et le sommet

Le 29 septembre, lors d’un point de presse au siège de son parti à Limeté, le secrétaire général a.i. de l’UDPS, Me Bruno Mavungu Puati, a fourni un calendrier prévoyant une mobilisation générale du peuple congolais, à l’occasion de la tenue à Kinshasa, du 12 au 14 octobre 2012, du XIVème Sommet de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) appelle tous les Congolais en général et Kinois en particulier à observer une «Journée-ville morte» le mardi 09 octobre 2012 pour se mobiliser et marquer leur refus de se laisser gouverner par les autorités non issues des élections et qui veulent «se maintenir au pouvoir en tentant de gouverner le pays par défi dans le but d’assouvir leurs intérêts égoïstes et sordides». En plus de cette journée, l’Udps veut organiser également en date du vendredi 12 octobre 2012, l’opération «occupation des rues» dans la capitale. Les boulevards Lumumba, du 30 Juin, Triomphal et Sendwe sont particulièrement ciblés, sans oublier les avenues Huileries et Victoire. Ces actions connaîtront leur point culminant le 13 octobre 2012, lorsque la population congolaise accompagnera le président Etienne Tshisekedi wa Mulumba à la rencontre avec le président français, François Hollande.[17]

Le 7 octobre, le secrétaire général du parti a.i. Bruno Mavungu Puati annonce, dans un communiqué que, «en communion avec les forces vives de la Nation et à leur demande, dans le souci de recadrer les actions initiées par le parti le 29 septembre 2012, le programme initialement annoncé est modifié et se présente de la manière que voici:

1. La ville morte pour la journée de mardi 09 octobre 2012 est reportée et sera refixée à une date proche.

2. Le programme du 12 au 13 octobre 2012 relatif à l’occupation des rues, avenues, boulevards et à l’accompagnement du Président de la République élu, Son Excellence Etienne Tshisekedi Wa Mulumba à la rencontre avec le Président de la République française, Son Excellence François Hollande, est maintenu et renforcé».[18]

Dans un message adressé à la direction de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), l’ambassade de France déclare qu’il est hors de question pour François Hollande de rencontrer Etienne Tshisekedi si des manifestations font courir des risques d’affrontements violents. Affrontements dont le président français pourrait être tenu pour indirectement responsable.

Le message est passé. Pas complètement, mais un peu.

Le 11 octobre, dans un communiqué de presse signé par Bruno Mavungu Puati, l’UDPS n’appelle plus à accompagner Tshisekedi depuis chez lui jusqu’à la résidence de France. Elle demande à ses «combattants» d’aller au boulevard du 30 Juin, en plein centre de la capitale, et de ne surtout pas dépasser ce boulevard; ce qui les maintiendrait assez loin du lieu de la rencontre.[19]

Le 12 octobre, dans l’après-midi, 200 militants de l’UDPS sont sortis du siège du parti. Empêchés de marcher par un barrage policier, ils ont effectué un bref sit-in au milieu du boulevard Lumumba. « Tshisekedi, le choix du peuple », indiquaient des pancartes. D’autres appelaient au départ du président réélu, accusé d’avoir fraudé pour remporter les scrutins.[20]

Le 13 octobre, dans la matinée, la police congolaise a dispersé quelques dizaines de manifestants qui s’étaient rassemblés dans le quartier de Limete (Kinshasa) où se trouve le siège de l’UDPS, peu avant l’ouverture du sommet. La police qui a interdit toute manifestation a lancé trois grenades lacrymogènes après avoir été visée par des jets de pierres.

En fin de matinée les manifestants ont repris leurs jets de pierres et ont été de nouveau dispersés, selon la police. C’est à cette occasion, précise-t-on, qu’un homme a été blessé à l’oeil. Les manifestants qui étaient alors au nombre d’environ 200 sont partis vers un autre lieu, le quartier de Mombele.[21]

L’UDPS a finalement renoncé à accompagner, comme elle l’avait prévu, son chef Etienne Tshisekedi à son rendez-vous avec le chef de l’Etat français, François Hollande, en raison de l’importance du dispositif policier mis en place. Accompagné de son directeur de cabinet Albert Moleka, M. Tshisekedi est sorti peu après 18h00 locales de sa résidence pour se rendre seul à cet entretien.[22]

2. UN PROJET DE LOI SUR LA REFORME DE LA COMMISSION ELECTORALE

Le 5 juin, un député de l’opposition du Kasaï Oriental, Emery Okundji, avait déposé à l’Assemblée  Nationale une proposition de réforme de l’actuelle loi sur la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). Emery Okundji propose une CENI « plus représentative » et « plus redevable« . La nouvelle Commission électorale passerait de 7 à 22 membres (et non 11 comme le souhaite le gouvernement), avec une égalité entre majorité et opposition (ce qui n’est pas le cas actuellement) et verrait le retour de la société civile, écartée de l’institution depuis 2010.

Selon Emery Okundji, la modification de la loi organique de la CENI devra se baser sur «deux piliers fondamentaux qui sous-tendent toute élection démocratique: le consensus national et la transparence». À propos de la composition, Emery Okundji propose deux niveaux: une plénière et un bureau, accordant au niveau de la plénière 10 membres de la société civile, 6 membres à chaque composante politique (majorité et opposition) et au niveau du bureau, 5 membres à la société civile et 2 membres pour chaque composante politique, avec un total de 9 membres. Le Bureau sera chargé de suivre et coordonner le travail des différentes commissions techniques. Enfin, les partis politiques, la société civile et les bailleurs de fonds doivent être en mesure de superviser l’ensemble du  travail de la même CENI.[23]

Le 21 septembre, le Conseil des ministres présidé par le chef de l’État, Joseph Kabila Kabange, a levé une série d’options en rapport avec la restructuration de la CENI. Quinze articles de l’ancienne loi organique régissant l’institution électorale, parmi lesquels ceux touchant à la composition du bureau, devraient être révisés pour garantir la sérénité et la transparence dans la suite du processus électoral. Le bureau de la CENI, dans sa forme revue et corrigée, passe de 7 à 11 membres: Cinq pour la majorité, quatre pour l’opposition et deux pour la société civile. Pour le moment, la Céni est composée de sept personnalités politiques. Quatre membres du pouvoir, trois de l’opposition.

Selon l’option levée par le gouvernement, ce bureau sera constitué proportionnellement aux forces politiques en présence à l’Assemblée Nationale, en prenant également en compte la dimension Genre.[24]

Deux textes de loi ont ainsi été présentés à l’Assemblée Nationale concernant la réforme de la CENI. Il s’agit de la proposition du député nationale Emery Ukundji et du projet du ministre de l’Intérieur, Richard Muyej.

Le 26 septembre, après débat, les députés ont déclaré recevable le projet de loi du gouvernement rejetant la proposition de loi du député Emery Ukundji. Aux objections de ce dernier, qui a même évoqué un « coup de force », a répondu le président de la chambre basse, Aubin Minaku, pour qui seul le texte du gouvernement était en état d’être traité par la plénière, conformément à l’article 125 de la constitution qui stipule: «Si un projet ou une proposition de loi est déclaré urgent par le gouvernement, il est examiné par priorité dans chaque chambre par la commission compétente suivant la procédure prévue par le règlement intérieur de chacune d’elles». Aubin Minaku a expliqué que le gouvernement a déposé son projet dans l’urgence. Dans ce cas, a-t-il rappelé, la constitution autorise les députés à l’examiner sans l’envoyer au bureau d’études de l’Assemblée. C’est ce qui justifie que ce texte soit retenu alors que celui du député Okundji se trouve encore au bureau d’études.[25]

L’initiative du gouvernement soulève des critiques aussi bien au sein de la Majorité que de l’Opposition. Selon certains députés, la répartition des membres du bureau doit être équitable. C’est pourquoi ils ont émis le vœu de voir le bureau constitué de 12 membres, à raison de 4 pour chacune des composantes, à savoir la Majorité, l’Opposition et la Société civile.

À propos de la mise sur pied ou non d’un organe délibérant, à savoir la plénière, si d’un côté on y trouve un avantage, celui de la limitation du plein pouvoir accordé au bureau de la CENI, de l’autre côté, on remarque le risque d’une excessive lenteur lors des opérations électorales.[26]

Le 30 septembre, l’opposition a claqué la porte de la commission de l’Assemblée Nationale qui travaille sur la réforme de la Céni et a suspendu sa participation jusqu’à nouvel ordre, à cause des divergences sur les organes de la nouvelle Céni. Pour l’opposition, la Céni doit avoir deux organes: le bureau et la plénière qui doit favoriser la transparence et permettre l’introduction d’un débat démocratique au sein de la Céni, afin de réduire toute possibilité de tricherie. Mais la majorité n’est pas de cet avis et refuse la proposition de l’opposition. Jusqu’ici, la Céni fonctionnait avec un bureau au-dessus du secrétariat exécutif national et de secrétariats exécutifs provinciaux.[27]

La plate-forme Agir pour des Elections Transparentes et Apaisées (AETA), en synergie avec le Comité du suivi du symposium national de Société civile, fait remarquer que les objectifs des innovations introduites dans le nouveau projet de loi organique exigent des modifications qui porteront notamment sur:

– les organes de la CENI, qui passe d’un organe (Bureau) à deux organes (Plénière et Bureau), avec des commissions;

– l’introduction de la Société civile comme troisième composante, à tous les niveaux (Plénière, Bureau, Commissions), distincte des deux autres à savoir: la Majorité et l’Opposition politique;

– la restitution à la CENI de son caractère d’institution citoyenne d’appui à la démocratie, selon l’esprit et la lettre de la Constitution;

– l’équilibre des pouvoirs du Président de la CENI qui ne pourra plus engager l’institution que dans les limites lui fixées par les décisions de la plénière;

– la composition et la désignation des membres de la CENI, suivant le principe égalitaire entre les trois composantes.

Selon AETA, l’article 10 du projet de la loi organique présenté par le gouvernement ne répond nullement au souci d’une plus grande implication de la Société civile dans la gestion électorale et d’une plus vaste collégialité dans le processus décisionnel. L’article ne prévoit, en effet, que deux représentants de la Société civile sur les onze membres, ce qui favorise une bipolarisation anticonstitutionnelle de cette institution. Ainsi, la Société civile propose que l’article 10 soit ainsi modifié: «La CENI est composée de vingt-deux membres à raison de deux membres par province en tenant compte de la représentation des femmes. Les membres de la CENI sont désignés de façon autonome de la manière ci-après, par les forces politiques et sociales en tenant compte du genre: six pour la majorité; six pour l’opposition et dix pour la Société civile». Cette formulation pourra garantir le caractère citoyen de la Ceni.

L’article 10 du Projet de loi organique du gouvernement consacre l’existence d’un seul organe. Toujours selon AETA, pour une meilleure cohésion et collégialité dans le processus décisionnel de la CENI, pour une répartition plus claire des tâches et des responsabilités administratives et opérationnelles au sein de la CENI, pour une plus grande rigueur et transparence dans la gestion des ressources humaines, matérielles et financières au sein de la CENI, il s’avère nécessaire de décentraliser la CENI, en l’organisant en deux organes, notamment l’Assemblée Plénière et le Bureau, ce dernier coordonnant les Commissions techniques. Fort de ce qui précède, l’article 10 devrait être ainsi modifié: «Les organes de la CENI sont: l’Assemblée Plénière et le Bureau qui supervise les Commissions techniques». Cette disposition devrait être complétée par d’autres, en l’occurrence: l’article 11: «L’Assemblée Plénière est l’organe de conception, d’orientation, de décision, d’évaluation et de contrôle de la CENI. Elle comprend tous les membres de la CENI. Ses résolutions se prennent par consensus, à défaut par vote à la majorité absolue».[28]

Le 7 octobre, les députés de l’opposition ont suspendu leur participation aux travaux  de la plénière de l’Assemblée Nationale qui se penchait sur le projet de loi portant modification de la Ceni. Ils exigent au préalable que soient vidées au niveau de la Commission politique, administrative et juridique (PAJ) les divergences apparues sur le projet final à présenter à la plénière. Parmi les points qui achoppent, il y a notamment: les organes de la Ceni, la composition du bureau, le nombre des membres du bureau, la représentation de trois composantes (majorité, opposition et société civile) et les modalités de recrutement des cadres et agents de la Ceni. L’Assemblée plénière a alors décidé de la mise en place d’une commission spéciale en raison d’un membre par groupe parlementaire devant aplanir les divergences entre l’opposition et la majorité.[29]


[1] Cf Ursula Soares – RFI, 09.10.’12; Radio Okapi, 09.10.’12

[3] Cf Elizabeth Pineau – Reuters – Kinshasa, 13.10.’12; Radio Okapi, 13.10.’12

[4] Cf Elizabeth Pineau – Reuters – Kinshasa, 13.10.’12; Radio Okapi, 13.10.’12

[5] Cf Elizabeth Pineau – Reuters – Kinshasa, 13.10.’12; Radio Okapi, 13.10.’12

[6] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 14.10.’12

[7] Cf AFP – Kinshasa, 13.10.’12

[9] Cf AFP – Kinshasa, 13.10.’12

[10] Cf Radio Okapi, 14.10.’12

[11] Cf AFP – Kinshasa, 13.10.’12; Radio Okapi, 14.10.’12

[12] Cf AFP – Kinshasa, 14.10.’12

[13] Cf Isidore Kwandja Ngembo – Congo Indépendant, 15.10.’12

http://www.congoindependant.com/article.php?articleid=7597

[14] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 16.10.’12

[15] Cf AFP – Kinshasa, 15.10.’12

[17] Cf Le Phare – Kinshasa, 01.10.’12

[18] Cf Kongo Times, 09.10.’12

[19] Cf RFI, 11.10.’12; Le Phare – Kinshasa, 11.10.’12

[20] Cf AFP – Kinshasa, 12.10.’12

[21] Cf AFP – Kinshasa, 13.10.’12

[22] Cf AFP – Kinshasa, 13.10.’12

[23] Cf Christophe Rigaud – Afrikarabia, 24.09.’12; Angelo Mobateli – Le Potentiel – Kinshasa, 24.09.’12

[24] Cf Alain Diasso – Les Dépêches de Brazzaville – Kinshasa, 24.09.’12 ; RFI, 24.09.’12

[25] Cf Radio Okapi, 27.09.’12

[26] Cf Le Potentiel – Kinshasa, 27.09.’12

[27] Cf RFI, 01.10.’12

[29] Cf Radio Okapi, 07.10.’12