Africanews Redaction – 2012
La diplomatie belge se mobilise pour maintenir le dialogue entre le Rwanda et la RDC. Mais cet affairement pose beaucoup de questions et semble manifestement révéler un agenda caché.
Les congolais doivent être très vigilants. Il n’y a qu’une seule solution au règlement des conflits en RDC et ils doivent éviter de s’en laisser distraire au risque de voir s’envenimer davantage l’insécurité internationale.
Les pressions diplomatiques auxquelles doit faire face Paul Kagame pour son rôle avéré dans les sanglants conflits à l’Est de la RDC se multiplient chaque jour. Pourtant rien ne semble entamer son arrogance. Avec aplomb et contre tout évidence, l’homme persiste à nier toute ingérence dans les affaires intérieures de la RDC. Il conteste avec une maîtrise consommée de l’art du mensonge tout soutien de sa part au groupe armé rebelle du M23. Son audace n’est pas un trait de caractère naturel, cette qualité n’appartient qu’aux érudits. En vérité, son audace n’a d’égale que l’extrême atonie de son complice congolais, Joseph Kabila, qui depuis dix ans s’abstient de lui apporter la moindre contradiction. Il faut dire qu’à ce petit jeu inique, Joseph Kabila, même peu convainquant, a parfaitement respecté sa partition. Cette fois pourtant la situation de Paul Kagame est plus inconfortable qu’il n’y paraît. Il n’en ignore rien. L’image du héros est sérieusement écornée. Au sein de la communauté internationale, la contradiction se dessine très nettement.
Déjà les grandes rédactions internationales ne cachent plus leur profond ressentiment à son égard. Nos confrères de la presse anglo-saxonne plus remarquablement ont depuis un certain temps délibérément brisé l’enchantement et disqualifient désormais sévèrement celui en qui Tony Blair jurait avoir trouvé plus de qualité que d’armes de destruction massive dans les sous sol de l’Irak. Même dans le staff du célèbre magazine Foreign Affairs, un confrère nous confira que « Pour Washington, Kagame n’est déjà plus qu’une option stratégique ».
Les accusations accablantes de l’annexe du rapport exfiltré des Nations unies contraignent sensiblement les membres du Conseil de sécurité à converger vers une série de résolutions qui, à terme, finira bien par donner corps à un règlement définitif des conflits dans la région des Grands lacs. Sans doute est-ce dans cette perspective que certains officiels américains ont récemment averti Paul Kagame qu’il y a déjà un prétoire prêt pour le juger. Dans de telles conditions, flirter avec Paul Kagame devient un exercice hautement compromettant.
Ce risque ne rebute cependant pas la diplomatie belge. Elle n’avait déjà pas hésité à se marginaliser pour soutenir l’élection frauduleuse de Joseph Kabila. Elle déploie donc à nouveau ses artifices, avec force rhétorique. Pour le ministère belge des Affaires étrangères, il importe coûte que coûte de sauvegarder le dialogue et d’éviter que l’isolement du Rwanda puisse être plus dommageable qu’autre chose dans la recherche de la stabilisation de la région. Le député européen Louis Michel, en bon gardien de l’orthodoxie diplomatique du royaume et membre actifs du groupe parlementaire européen des « amis du Rwanda », saisit donc l’initiative et, débordant la communauté internationale, impose sa médiation entre Kigali et Kinshasa. Une médiation de complaisance.
L’ingérence rwandaise en RDC constitue incontestablement un acte d’agression contre le Congo et une rupture flagrante de la paix internationale. Mais la diplomatie belge se garde bien de le dire. En réalité, dans son empressement, Louis Michel a trahi l’agenda caché de la diplomatie belge. Il en a exposé plus ouvertement que jamais tous les ressorts primordiaux. L’objectif apparaît claire. La diplomatie belge joue la montre et cherche à maintenir entre la RDC et le Rwanda un statu quo sur le terrain qui lui soit favorable. La Belgique a en effet fait du processus de balkanisation de la RDC l’axe principal de sa politique africaine. Paul Kagame et Joseph Kabila en sont les deux piliers. C’est pourquoi l’affaiblissement de l’allié rwandais, à qui l’on passe tous les caprices, est une perspective insupportable pour l’ancienne métropole. Sous le masque de sa bienveillance se cache non seulement des appétits féroces mais surtout une peur instinctive des responsabilités politiques qu’impliquerait l’échec définitif du processus. Un diplomate suisse ne manquera d’ailleurs pas de nous confier avec une pertinente ironie « qu’entre le déshonneur et la guerre, la Belgique sait elle-même pourquoi elle choisit le déshonneur ! »
Mais la guerre a montré ses limites et déjà une nouvelle doctrine d’action s’ordonne progressivement au sein de la communauté internationale. Elle est soutenue par un nouveau courant diplomatique et est clairement exposée dans le dernier ouvrage de notre jeune frère congolais, Frédéric Boyenga Bofala : « Au nom du Congo Zaïre ». Elle s’appuie sur le droit international pour poser comme fondement préalable à toute négociation pour le rétablissement de la paix, le respect du principe de l’uti possidetis juris et de l’intangibilité des frontières de la RDC. La clef de voûte de ce remarquable édifice stratégique porte sur l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité redéfinissant le mandat et la mission de la MONUSCO afin de la doter des moyens qui devraient lui permettre de procéder à la démilitarisation de l’Est congolais et au désarmement des groupes armés opérant sur le territoire congolais afin de rétablir la paix et non plus simplement d’en maintenir l’illusion. C’est donc dans l’ultime dépression d’une crise sanglante dont les fébriles rouages opèrent désormais à nu, que s’ordonne progressivement cette nouvelle vision pour la paix en RDC. Une vision qui prélude enfin à la mise en place d’un nouvel ordre politique international en RDC et en Afrique centrale.
La diplomatie belge n’ignore rien de l’influence de ce courant diplomatique et de l’intérêt que suscite sa stratégie de rétablissement de la paix dans certaines chancelleries occidentales. Aussi à défaut de pouvoir rivaliser sur la pertinence des projets, les diplomaties belge et rwandaise ont opté pour une autre tactique. Elles ont décidé de canaliser le réveil du Conseil de sécurité que le Chapitre VII de la Charte des Nations unies somme en cas d’agression et de rupture de la paix internationale, d’intervenir pour cesser l’agression et rétablir l’effectivité de la paix. Ainsi, lorsque l’ancien premier ministre belge, Guy Verhofstadt, et Louis Michel proposent « la constitution immédiate d’une force internationale sous l’égide des Nations Unies avec un mandat renforcé fondé sur le chapitre VII » s’offusquant au préalable – mieux vaux tard que jamais ! – de « l’insuffisance » du mandat de la MONUSCO, et exigeant désormais que cette dernière soit mise en mesure de « désarmer les groupes rebelles » et de rétablir la paix, ils feignent tous deux de s’aligner sur la nouvelle vision soutenue par ce nouveau courant diplomatique, tout en espérant la déborder sur ses flans.
La proposition belge n’est donc qu’un ersatz, une pâle copie des mesures de paix contenues dans le plan quinquennale stratégique pour le rétablissement de la paix et la stabilisation du Congo Zaïre que notre jeune frère, Frédéric Boyenga Bofala a soumis à l’attention de la communauté internationale. On est en effet loin des propositions originales et de la logique structurelle qui en ordonne la cohérence. De sorte qu’en la forme, cette proposition édulcorée, extraite de son contexte global, n’est d’aucune aptitude à rétablir une paix durable qui soit conforme aux exigences du droit internationale.
Pour s’en convaincre davantage, il suffit de se référer directement à l’original. Dans la logique de Frédéric Boyenga Bofala, l’intervention déterminante d’une Task force internationale à l’Est de la RDC ne saurait être envisagée que dans un cadre très précis et aucun autre. Celui de l’établissement d’une zone démilitarisée courant tout le long de la frontière Est de la RDC et s’étendant sur vingt kilomètres à l’intérieur de chacun des territoires respectifs des protagonistes au conflit, et ce compris en RDC, à partir de leur frontière respective avec cette dernière. Une zone démilitarisée au sein de laquelle seuls des effectifs militaires dûment autorisés par le Conseil de sécurité seraient habilités à opérer pour procéder, à l’exclusion de toutes autres forces militaires, au désarmement total des groupes armés rebelles. Cela impliquerait donc qu’aucune des forces armées des pays dont le territoire serait concerné par la zone démilitarisée ne serait autorisée à s’y trouver sous peine de lourdes sanctions voire de représailles légitimes. Dans l’esprit de son initiateur, cette mesure concrétiserait assurément une garantie de sécurité pour le Congo mais aussi pour le Rwanda et l’Ouganda qui ne cessent de se plaindre des menaces que constituent à leur frontière les rebelles du FDLR et du Lord’s Resistance Army (LRA), les deux principaux groupes armées rebelles. Toutefois, une telle opération de désarmement exige une compétence et un professionnalisme considérables de la part des officiers et des soldats de la MONUSCO. Ce qu’elle ne peut infailliblement garantir. Voilà très précisément pourquoi, Boyenga Bofala invite le Conseil de sécurité à faire appel aux troupes de l’EUFOR, comme ce fut le cas lors de l’opération Artémis en Ituri durant l’été 2003. C’est donc dans un schéma précis d’actions coordonnées pour la restauration et la préservation de la paix que ces deux forces seraient amenées à collaborer, le Conseil de sécurité ayant préalablement pris soin d’inscrire le mandat de la MONUSCO dans un cadre juridique réformé balisant plus distinctement et plus objectivement ses tâches.
Il ne faut donc pas être devin pour saisir tout l’enjeu de la démarche engagée par le diplomatie belge. En l’absence de l’instauration d’une zone démilitarisée, la mesure proposée par Louis Michel et Guy Verhofstadt ne saurait avoir d’autre conséquence que de militariser davantage encore l’Est de la RDC, d’y entretenir la méfiance, d’y pérenniser l’insécurité internationale et ainsi de ne priver ni Paul Kagame des moyens vitaux de sa politique expansionniste au Congo, ni Joseph Kabila des moyens vitaux de sa politique d’affaiblissement de l’Etat congolais.
Nous sommes bel et bien confrontés à un dangereux révisionnisme pour l’Afrique du principe de l’uti possidetis juris !
A l’aube de nos soixante neuf ans, loin de toute passion aveuglante, nous considérons somme toute sereinement cette manœuvre dilatoire comme le reliquat pathétique d’un désordre qui aura été, avec le recul, une étape nécessaire à l’avènement d’un nouvel ordre politique au Congo et en Afrique centrale. Notre grande expérience de l’Afrique nous permet de croire sans naïveté qu’un ordre plein des meilleurs promesses pour l’avenir finira par imposer ses propres règles au Congo. Il faut pour cela franchir une étape qu’il ne revient qu’aux congolais eux-même d’engager : écarter au plus vite Joseph Kabila du pouvoir et confirmer dans la fonction présidentielle, un homme responsable, probe, digne et intelligent qui, fort de sa détermination et de sa capacité de dialogue, saura les acheminer vers un destin plus prometteur. Notre rédaction n’a jamais ménagé et ne ménagera jamais sa peine pour, à son modeste niveau, éclairer les congolais en ce sens, sachant que le choix ultime leur revient évidemment.
Mais la modestie n’empêche pas la fierté. Surtout lorsque les événements nous confirment dans les choix moraux que nous dicte notre soif de connaissance et de justice. Nous sommes donc fiers d’avoir en temps opportun porter notre attention sur la personnalité politique très singulière qu’est notre jeune frère Frédéric Boyenga Bofala et d’avoir déclaré sans craindre la critique de nos confrères que ses propositions de résolution des conflits en RDC incarnaient une nouvelle vision ambitieuse que nous estimions dynamique et parfaitement adaptée à la situation chaotique de la RDC. Nous avons vu juste et nous nous en félicitons. Sa vision politique mérite d’être prise en exemple pour tous les congolais et au-delà par toutes les consciences qui se refusent à renoncer à l’essentiel. Après tout, la lumière ne sert pas qu’à éclairer les portes de l’enfer à ceux qui croient gagner le paradis, elle sert aussi à révéler aux hommes libres la sagesse qui conçoit, la force qui exécute et la beauté qui orne certaines des œuvres les plus utiles en ce bas monde.
Alban Kefler
Lukoji Ilunga
Africanews rédaction – 2012