Congo Actualité n. 156 – Editorial par la Réseau « Paix pour le Congo »
Face à la nouvelle guerre au Nord-Kivu, à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC), imposée par le nouveau groupe terroriste appelé Mouvement du 23 Mars (M23) et par son allié, l’actuel régime rwandais au pouvoir à Kigali, on a remarqué un nouvel élan patriotique au sein de la population congolaise.
Des manifestations de protestation ont eu lieu à Goma, Butembo, Bukavu, Kindu. La société civile, les confessions religieuses et certaines personnalités politiques ont exprimé leurs préoccupations, leurs plaintes et leurs propositions à travers des communiqués de presse et des mémorandums. La population a enfin surmonté la peur et a pris la parole.
Quelque chose de nouveau s’est passé. Peut-être que le cri désespéré d’une population unie et solidaire qui a déjà trop souffert peut faire taire les armes et mettre un terme à la guerre. Toutefois, ce nouveau climat et ce nouvel élan peuvent être étouffés par des décisions qui, à long terme, pourraient se révéler inappropriées ou même erronées.
Le Comité Interministériel régional (RIMC) de la Conférence Internationale pour la Région des Grands Lacs (CIRGL) a proposé la création d’une «force internationale neutre» pour «éradiquer le M23, les FDLR et les autres forces négatives opérant dans l’Est de la RDCongo et pour assurer le contrôle et la sécurité des zones frontalières». À première vue, il peut sembler qu’il s’agit d’une bonne proposition. Mais après une lecture plus attentive du texte du communiqué, l’on peut détecter de nombreuses ambiguïtés.
– Tout d’abord, les États membres de CIRGL ont fermement condamné les actions du M23 et des autres forces négatives, y compris les FDLR, mais ils n’ont pas exprimé aucune condamnation à propos du soutien du régime rwandais au M23, bien qu’il soit prouvé par le dernier rapport du groupe des experts de l’ONU.
– Deuxièmement, leur demande pour une action militaire immédiate semble principalement destinée à éliminer la menace des FDLR sans, pour autant, dire que le M23 est une menace tout aussi grave pour la population civile du Kivu.
– Troisièmement, en ce qui concerne le M23, l’on dit simplement que, comme d’autres forces négatives, il doit immédiatement cesser ses activités militaires.
– Quatrièmement, si le communiqué final de la CIRGL parle d’une «force internationale neutre», le président sortant de la Commission de l’UA, Jean Ping, parle d’une «force régionale neutre». D’où la suspicion que la composition de cette nouvelle force pourrait être constituée aussi par des troupes en provenance de certains pays qui sont à la source du conflit congolais. Ce genre de «force régionale» rappelle les guerres précédentes qui ont ensanglanté le Congo, lorsque les armées du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi combattaient aux côtés de ces mouvements soi-disant rebelles connus sous le nom de l’AFDL, du RCD et du MLC ou lorsque l’armée rwandaise combattait aux côtés des troupes du CNDP, soi-disant intégrées dans l’armée congolaise, au cours de l’opération militaire conjointe «Umoja Wetu» menée contre les FDLR. Le peuple congolais ne veut absolument pas répéter les expériences négatives du passé. Si l’UA est disposée à aider la RDCongo à combattre les groupes armés actifs dans l’Est du Pays, devrait créer une force «vraiment internationale et neutre », avec des troupes en provenance de pays non impliqués dans le conflit. On ne comprend pas, en effet, comment l’armée rwandaise pourrait se battre contre les troupes du M23 qu’elle soutient. Comment pourrait-elle lutter contre les FDLR, si c’est précisément le Rwanda qui renvoie au Congo les miliciens des FDLR rapatriés par la MONUSCO et les FARDC?
– Cinquièmement, l’opinion publique s’interroge sur le sens de la création d’une nouvelle « force internationale neutre », car il y en a déjà une autre, la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation du Congo (la MONUSCO). Il est vrai que cette dernière a montré ses limites et son inefficacité. Peut-être parce qu’elle a été instituée d’abord comme une mission d’observation et ensuite mutée en une mission de stabilisation, avec un mandat sans doute inadapté à la situation concrète. Au lieu de créer une nouvelle force, on pourrait peut-être essayer de confier à la MONUSCO un mandat temporaire de « force d’imposition de la paix» en vertu de l’article sept de la Charte des Nations Unies qui autorise un recours approprié à la force. Les troupes, le commandement, la logistique et le financement seraient, dans ce cas, déjà disponibles sur place pour de nouvelles opérations plus appropriées à l’actuelle situation.
Certains observateurs de la situation congolaise commencent à s’interroger s’il s’agit d’une manœuvre de l’ONU même qui, consciente de ses insuffisances, commence à préparer le retrait de sa mission en RDCongo, pour laisser la place à une nouvelle mission de l’UA ou s’il s’agit plutôt d’une manœuvre orchestrée par Paul Kagame, Président du Rwanda, qui veut se débarrasser de la présence des Nations Unies au Congo, dont la mission est devenue un témoin gênant, suite au dernier rapport du Groupe des experts sur le soutien apporté par le Rwanda au M23.